Puissance

De Spinoza et Nous.
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"Posse existere potentia est - la puissance, c'est de pouvoir exister" (E1P11, troisième démonstration). Ainsi, plus une chose a de pouvoir d'exister, plus elle a de puissance. Un homme a par exemple plus de puissance qu'une moule sous la plupart des rapports, mais pour ce qui est de pouvoir exister dans l'eau froide, la moule est plus puissante.

Mais qu'est-ce que "pouvoir exister" ? C'est posséder une essence qui ne contient pas de contradiction interne ou dans ses propriétés, et, pour les êtres finis, qui n'est pas contraire avec les autres essences (cf. le possible). Ainsi la moule peut exister longtemps dans l'eau froide parce qu'elle possède une essence qui le lui permet (sa coquille, son sang froid etc. ont pour effet une plus grande résistance à l'eau froide que pour l'homme). Par contre, le pouvoir de penser est selon toute vraisemblance très limité chez la moule car elle a beaucoup moins d'aptitudes physiques que l'homme (cf. E2P39), son essence n'est donc pas cohérente avec la propriété que serait par exemple le fait de philosopher. A cet égard, une moule qui philosophe serait une figure à ajouter au bestiaire de l'absurde.

Si cette propriété est l'existence même et toutes ses expressions, la puissance est divine. Si l'effet se réduit à sa manière d'exister et à produire des effets (son agir), la puissance est celle d'une chose singulière. Et s'il s'agit d'actions, en plus de l'agir, il y aura puissance humaine. Par exemple, la puissance du philosophe est de comprendre l'unité de ce qui est divers et opposé : en comprenant le lien entre A et B, il exerce sa puissance propre, autrement dit il affirme son essence par cette compréhension. Cf. aussi la vertu.

Une telle puissance n’a de sens que si elle est pleinement réalisée (voir acte). Admettre un ‘potentiel’, qui préexisterait virtuellement à sa réalisation, c’est imaginer au lieu de raisonner. Dire d’un élève au piano qu’il est un ‘Mozart en puissance’, qui ne sera ‘Mozart en acte’ que s’il travaille bien, ce n’est rien d’autre qu’ignorer ce qui se passera effectivement. Ce que notre jeune élève peut faire actuellement est tout ce qu’il peut faire actuellement. Imaginer ce qu’il pourra ‘peut-être’ devenir ne repose que sur l’abstraction à l’égard des causes externes et internes déterminant effectivement son existence et que nous ignorons. En admettant que nous puissions connaître, par un entendement infini, toutes ces causes, et qu’effectivement nous voyions qu’il deviendra le futur Mozart, alors du point de vue de la raison, c'est-à-dire du point de vue de l’éternité, et non plus du point de vue limité à une connaissance partielle d’un instant T, nous verrions qu’il est déjà et de toute éternité ce qu’il doit devenir. En ce qui concerne Dieu, supposer une puissance qui ne se réaliserait que progressivement est une négation subtile de sa toute-puissance : cf. le scolie de E1P17, en réalité, "la puissance de Dieu, par laquelle toutes choses et lui-même existent et agissent, est son essence même" (E1P34).

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