Perfection

De Spinoza et Nous.
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La perfection (perfectio) est le caractère de ce qui est complètement achevé : ce qui ne manque de rien. Traditionnellement, Dieu est considéré comme parfait tandis que les choses de ce monde sont dites imparfaites.

Dès la première partie de l'Ethique, Spinoza montre l'inconséquence qu'il y a à poser à la fois la perfection de Dieu et l'imperfection du monde. Dans l'appendice de cette partie, Spinoza étudie le préjugé qui est à la base de cette idée : le finalisme. Seul un être imparfait peut avoir à poursuivre des fins, Dieu étant parfait, rien de ce qui existe dans la nature ne peut être imparfait. En d'autres termes, en raison du déterminisme naturel, rien ne peut être autrement qu'il n'est à un moment donné, rien ne manque réellement de quoique ce soit. On n'éprouve de manque qu'en raison d'une connaissance inadéquate du réel.

Aussi, la sixième définition du De Mens affirme conséquemment : "Par réalité et par perfection, j'entends la même chose". La perfection est ainsi l'absence de négation, l'affirmation d'une essence donnée dans la nature. La perfection revêt ainsi un caractère objectif, elle ne relève pas de l'idéal d'un désir accompli. Alors que le bien se rapporte au désir, ce qui nous est certainement utile[1], la perfection caractérise ce dont l'essence existe nécessairement, soit en raison de soi-même, soit en raison d'une cause extérieure. Le cercle par exemple est parfait en ce son essence découle nécessairement de la totalité de la nature : ne pouvant être autrement qu'il n'est, ni plus ni moins, son essence ne contient aucune négation qui serait constitutive de son être.

L'imperfection n'existe donc pas. En revanche, il y a des degrés de perfection : un cercle est moins parfait qu'une sphère, son essence possède moins de propriétés que la sphère. Mais il n'est pas pour autant imparfait à l'égard de la sphère ; considéré en lui-même, il est une expression de la nature telle qu'il ne peut y en avoir de plus grande ou de meilleure.

Ainsi, un être peut voir sa perfection ou puissance augmentée : il se perfectionne. S'il en a conscience, il en éprouvera de la joie. Il peut aussi voir cette perfection diminuée et en éprouver de la tristesse. Il n'y a pas ici passage du négatif au positif ou inversement, mais passage d'une positivité donnée à une positivité plus grande ou inversement.

La portée éthique essentielle de cette thèse est alors qu'il n'y a pas pour l'homme à s'attrister des limites de sa puissance : "demander pour quelle raison Dieu n'a pas donné [à l'homme] une volonté plus parfaite est aussi absurde que demander pourquoi il n’a pas accordé au cercle toutes les propriétés de la sphère"[2]. La béatitude que vise l'éthique est ainsi la possession ou connaissance de la nécessité de notre perfection[3], c'est-à-dire la puissance même de nous perfectionner et d'être affecté en général (et non une quelconque immobilité ou immuabilité qui ne peut caractériser notre nature). Nous connaissons cette perfection en tant que nous aimons intellectuellement Dieu, c'est-à-dire lorsque nous éprouvons la joie de connaître notre réalité individuelle et finie dans son unité avec la réalité totale et infinie.

La préface de la quatrième partie de l’Éthique examine plus en détail pourquoi les hommes croient que bien des choses sont imparfaites. Le sage n'est donc pas celui qui "réalise" une perfection qui serait une sorte de finalité idéale contenue dans son essence, mais celui qui connaît sa perfection telle qu'elle existe de toute éternité.

Notes


  1. E4D1
  2. Lettre à Guillaume de Blyenbergh
  3. E5P33, scolie
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