Utile

De Spinoza et Nous.
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On appelle utile, le moyen de satisfaire une fin : par exemple, une voiture pour aller au travail, ou le travail pour gagner de l'argent, ou l'argent pour pouvoir consommer des biens produits par d'autres hommes etc. L'objet utile paraît ainsi toujours désirable pour autre chose que lui-même. C'est parce que nous désirons obtenir la fin que le moyen qui permet d'y conduire est désiré à son tour. Mais Spinoza montre au contraire que ce n'est pas parce que nous jugeons qu'une chose est bonne que nous la désirons, c'est au contraire parce que nous désirons une chose que nous la jugeons bonne (E3P9S). Ainsi, nous jugeons que l'argent est une bonne chose parce que nous désirons nous procurer ce qu'il permet d'acquérir. Mais en dernière analyse, c'est parce que nous désirons vivre, exister, nous affirmer dans l'être, que nous jugeons que la vie, l'existence, l'affirmation sont bonnes (E4P21).

En ce sens la vie, l'existence, l'affirmation de soi sont utiles à elles-mêmes, de sorte qu'elles constituent les premières vertus, c'est-à-dire pour un homme, la puissance d'agir à partir de sa seule essence (E4D8) - par opposition aux passions qui se fixent sur des objets qui en font des fins extérieures à notre propre utilité : "la vertu doit être désirée pour elle-même, et non pour autre chose, car il n'en est pas de préférable pour nous, ou de plus utile" (E4P18S)

Le bien est ce que nous connaissons comme certainement utile à la conservation et l'augmentation de notre puissance d'exister (E4D1). Cela s'oppose aux valeurs, c'est-à-dire les objets désirables, qui peuvent n'être utiles que de façon incertaine, c'est-à-dire les valeurs des passions. L'utile bien compris, c'est ainsi notre propre existence ou affirmation de notre essence comprise, au moyen de la raison, dans sa nécessité intrinsèque.

Dans son caractère individuel, l'utile est expliqué du scolie de la prop. 18 à la proposition 28 d'Ethique IV. Cf. notamment la prop. 24 : "Agir absolument par vertu, ce n'est autre chose que suivre la raison dans nos actions, dans notre vie, dans la conservation de notre être (trois choses qui n'en font qu'une), et tout cela d'après la règle de l'intérêt propre de chacun."

Mais comme ce qui nous est le plus utile est de nous comprendre nous-mêmes (non comme moyen pour mieux vivre mais comme fin en soi, car se comprendre soi-même, c'est s'affirmer de façon plus complète dans l'être) et que pour cela comprendre Dieu ou la nature et ainsi les autres hommes qui en expriment la puissance de la façon la plus intelligible pour nous (prop. 28 et scolie de la prop. 35), alors l'utile propre bien compris implique nécessairement et sans rupture la recherche de l'utile commun : "Le bien suprême de ceux qui pratiquent la vertu leur est commun à tous, et ainsi tous en peuvent également jouir." et "Le bien que désire pour lui-même tout homme qui pratique la vertu, il le désirera également pour les autres hommes, et avec d'autant plus de force qu'il aura une plus grande connaissance de Dieu." (propositions 36 et 37).

Lorsque, dans l'état de nature (dont nous ne sommes jamais que partiellement sortis), fautes des notions communes que rend possible la vie sociale, les hommes soumis aux passions ne songent qu'à leur utilité propre, ils jugent de ce qui est utile pour eux de façon particulièrement incertaine. Il n'y a donc dans cet état qui ne croit connaître que l'utile propre, et qui en ignore en fait la vraie nature, rien qui n'apparaisse clairement bon ou mauvais.

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