Flumigel a écrit :Influence de la bonne pensée ? Stupidité ? Ou simplement mauvaise foi ?
Bien évidemment, d'autres personnes auront compris que ce que j'ai écrit plus haut n'a strictement rien à voir avec la notion de race.
En clair, tu déformes de manière assez honteuse et qui plus est insultante à mon égard, complètement mes propos, pour leur attribuer un sens qu'ils n'ont pas. Il suffit de relire les mots encadrés ci-dessus pour s'en convaincre définitivement. Est-ce que je parle de race à un seul instant ?
Bonjour,
comme dit Spinoza, les mauvaises idées s'enchainent tout aussi bien que les bonnes...
Flumigel a écrit :(...) les gens qui étaient le moins faits pour s'imposer socialement se sont de fait retrouvés dans le bas de l'échelle, et leurs gènes se sont le plus souvent transmis à leurs enfants, qui avaient donc toutes les chances de rester à leur tour dans ce bas niveau de l'échelle sociale.
Pour peu que les gens en bas de l'échelle correspondent à une quelconque population discriminée par racisme/xénophobie/idéologie/etc., où mène ton raisonnement ?
Prenons le cas des noirs américains qui sont depuis 3 siècles au bas de l'échelle.
Prenons la phrase : "leurs gènes se sont le plus souvent transmis à leurs enfants, qui avaient donc toutes les chances de rester à leur tour dans ce bas niveau de l'échelle sociale".
Que conclut-on ?
Le raisonnement qui transforme la reproduction d'un système social en expression d'une réalité génétique a été employé par des eugénistes et racistes de tout poil. Les noirs, les irlandais catholiques, les hispaniques, les africains etc. ont fait les frais de cette idée que les pauvres ont de mauvais gènes (et que donc leur reproduction excessive est dangereuse pour la nation/race/humanité/etc.)
Sans doute est-ce à l'insu de ton plein gré, mais ces idées ont à voir avec le racisme, l'eugénisme, et autres joyeusetés de l'histoire.
De manière générale, tu sembles avoir tendance à figer les êtres dans une identité prédéfinie, ce qui n'est pas bien grave pour les êtres mathématiques mais devient plus gênant quand cela mène à réduire "une infinité de choses infiniment modifiées" (Ethique I, prop. 16) en quelques classes simples. A priori, tu adoptes une pensée scientifique qui se contentera de dire "homo sapiens" pour les hommes en général, "homme" pour un être défini en général par son état civil (né le... mort le...), c'est-à-dire qui travaillera sur des notions de sens commun qui sont difficilement compatibles avec le fond de la pensée de Spinoza.
Spinoza jugeait que ses principes "font voir clairement l'excellence du sage et sa supériorité sur l'ignorant que l'aveugle passion conduit" et ceci se génère plus par des livres et des expériences de vie que par des gènes.
L'essence d'un être n'a pas de lien direct avec sa détermination au sens biologique contemporain : "
notre principal effort dans cette vie, c'est de transformer le corps de l'enfant, autant que sa nature le comporte et y conduit, en un autre corps qui soit propre à un grand nombre de fonctions et corresponde à une âme douée à un haut degré de la conscience de soi et de Dieu et des choses ; de telle sorte qu'en elle ce qui est mémoire ou imagination n'ait, au regard de la partie intelligente, presque aucun prix."Il s'agit de changer de corps, de nature, et le corps de l'embryon ou de l'enfant ne définit pas le même être que celui de l'adulte : "
Un homme d'un âge avancé n'a-t-il pas une nature si différente de celle de l'enfant qu'il ne pourrait se persuader qu'il a été enfant, si l'expérience et l'induction ne lui en donnaient l'assurance ?"
L'essence d'un homme est moins liée à son patrimoine génétique qu'à son mode de vie, sa perception du monde, son comportement.
Les conditions de ces métamorphoses éthiques (
ethos, comportement) sont pleines d'aléa, dépendent de rares moments de liberté d'esprit (E5 prop. 10) et, pour reprendre ton message initial, la lucidité sur soi-même, se savoir phobique, schizophrène etc. est déjà un premier pas libérateur : "
En tant que l'esprit conçoit toutes choses comme nécessaires, elle a sur ses passions une plus grande puissance : en d'autres termes, elle est moins sujette a pâtir."
Il n'y a pas vraiment de sens à établir une échelle des essences par un critère social. La réussite essentielle dépend d'une liberté à acquérir. Si le cadre "supérieur" n'est qu'un être creux ne sachant qu'habiter son costume et que le "simple" ouvrier est un sage silencieux, c'est ce dernier le supérieur. Le trisomique qui a compris son handicap ne souffre pas de ne pas être champion d'échec, alors qu'un ingénieur qui se voudrait Einstein risque de passer sa vie dans la frustration (d'où le nombre de théories physiques bizarres engendrées par des ingénieurs...).
La volonté, l'effort, sont moins à comprendre comme des forces de combat, comme des volontés de vaincre un adversaire, que comme celles de comprendre le monde et soi-même pour faire le bon choix d'orientation. "
La volonté et l'entendement sont une seule et même chose" dit Spinoza. Vouloir, c'est avoir une idée sur le futur. Vouloir correctement, c'est avoir la bonne idée sur le futur qui nous convient.
L'effort à perséverer dans son être c'est d'abord aller dans la direction qui nous convient le mieux, qui nous permettra la plus libre expression, telles ou telles conditions étant données. Se vouloir cadre "supérieur" parce que l'opinion publique nous dit que c'est enviable alors qu'on sait pertinemment que cela ne correspond à notre caractère, c'est faire preuve de faiblesse, c'est se soumettre à l'opinion et se préparer une vie douloureuse.
La sagesse n'est donc pas directement dépendante d'une performance intellectuelle extraordinaire, elle dépend plutôt de l'intégration de quelques réalités concrètes sur soi et le monde.
Quelques conseils pratiques de Spinoza :
Ethique, prop. 5, scolie a écrit :Si, par exemple, une personne reconnaît qu'elle poursuit la gloire avec excès, elle devra penser à l'usage légitime de la gloire, à la fin pour laquelle on la poursuit, aux moyens qu'on a de l'acquérir ; mais elle ne devra pas arrêter sa pensée sur l'abus de la gloire, sur sa vanité, sur l'inconstance des hommes, et autres réflexions qu'il est impossible de faire
sans une certaine tristesse. Ce sont là les pensées dont se tourmentent les ambitieux quand ils désespèrent d'arriver aux honneurs dont leur âme est éprise ; et ils ont la prétention de montrer par là leur sagesse, tandis qu'ils n'exhalent que leur colère. Aussi c'est une chose certaine que les hommes les plus passionnés pour la gloire sont justement ceux qui déclament le plus sur ses abus et sur la vanité des choses de ce monde.
Et ce n'est point là un caractère particulier aux ambitieux, il est commun à tous ceux qui sont maltraités de la fortune et dont l'âme a perdu sa puissance. Un homme pauvre et avare tout ensemble ne cesse de parler de l'abus de la richesse et des vices de ceux qui les possèdent ; ce qui n'aboutit du reste qu'à l'affliger lui-même et à montrer qu'il ne peut supporter avec égalité ni sa pauvreté ni la fortune des autres. De même encore celui qui a été mal reçu par sa maîtresse n'a plus l'âme remplie que de l'inconstance des femmes, de leurs trahisons et de tous les défauts qu'on ne cesse de leur imputer ; mais revient-il chez sa maîtresse et en est-il bien reçu, tout cela est oublié.
Ainsi donc celui qui veut régler ses passions et ses appétits par le seul amour de la liberté, s'efforcera, autant qu'il est en lui, de connaître les vertus et les causes qui les produisent, et de remplir son âme de la joie que cette connaissance y fait naître ; il évitera au contraire de se donner le spectacle des vices des hommes, de médire de l'humanité et de se réjouir d'une fausse apparence de liberté. Et quiconque observera avec soin cette règle (ce qui du reste n'est point difficile) et s'exercera à la pratiquer, parviendra en très peu de temps à diriger la plupart de ses actions suivant les lois de la raison.