Pierre Macherey, introduisant la partie I de l’Ethique, écrit :
« Au point de vue de Spinoza, il y a une intelligibilité intrinsèque du réel, qui est accessible à la raison : la connaissance ne donne pas une image plus ou moins conforme de la réalité mais elle exprime la réalité elle-même telle que celle-ci se produit selon ses propres rapports de nécessité. Tel est l’enjeu fondamental de la proposition 7 du de Mente, selon laquelle « ordre et enchaînement d’idées et ordre et enchaînement de choses, c’est la même chose ». Cette thèse radicale commande la position philosophique de Spinoza qui, en son absence, devient incompréhensible : nul n’est bien sûr obligé d’en admettre le bien-fondé ; mais il est clair qu’en la refusant on se place définitivement à l’extérieur de la perspective où la philosophie de Spinoza revendique la forme d’intelligibilité qui est la sienne. » (Introduction… I p. 19 n. 1)
P. Macherey reprend la même idée à la page suivante :
« Le réseau démonstratif qui parcourt toute l’Ethique, et dont le système est mis en place dans le de Deo, est donc indissociable du contenu spéculatif propre à la philosophie de Spinoza, contenu spéculatif auquel nul sans doute n’est forcé de s’intéresser, mais qui, si l’on prétend le critiquer, requiert un minimum d’attention : pour lire l’Ethique, il faut faire l’effort de rentrer dans le détail de cette construction rationnelle extrêmement complexe dont l’organisation est censée restituer la texture du réel, dans la forme d’un ordre d’idées qui vaut pour l’ordre même des choses. » (op. cit. p. 20)
Il est clair que l’on ne devient spinoziste que si l’on comprend la démonstration d’E II 7 (« L’ordre et l’enchaînement des idées est le même que l’ordre et l’enchaînement des choses »).
Cette démonstration est des plus simples :
« C’est évident à partir de l’Axiome 4 partie I. Car l’idée d’un causé, quel qu’il soit, dépend de la connaissance de la cause dont il est l’effet. »
Rappelons que l’Axiome 4 de la partie I énonce :
« La connaissance de l’effet dépend de la connaissance de la cause et l’enveloppe. »
Comment devient-on spinoziste ?
- Vanleers
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 1485
- Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00
Re: Comment devient-on spinoziste ?
Devenir spinoziste sous-entend qu’on ne l’était pas encore et qu’on le devient, que l’individu change, qu’il se modifie. On n’est plus tout à fait le même après avoir rencontré la philosophie de Spinoza et l’avoir pratiquée.
Frédéric Lordon explique pourquoi et comment, selon Spinoza, s’opèrent les modifications d’un individu (Imperium pp. 257-259 – La fabrique 2015) :
« Faut-il redire l’extraordinaire variété des figures sous lesquelles la nature humaine s’est déjà réalisée dans le temps et dans l’espace ? Et celle que l’avenir réserve nécessairement ? Toute la puissance de l’ontologie des modes finis est là : parce qu’ils ne sont pas des substances, les modes finis n’existent qu’en relation avec d’autres et, pour ce qui est des hommes, principalement avec leurs semblables – rien ne leur est plus utile. Du fait même de leur finitude, l’existence des modes finis est donc nécessairement relationnelle. Et du fait de la complexité du corps humain, dit Spinoza, ces relations et les entr’affections qui s’ensuivent ont le pouvoir de les modifier. De les modifier « simplement » par le seul fait d’éprouver des affects – qui sont des variations (des variations de la puissance d’agir du corps et, corrélativement, de la puissance de penser de l’esprit). De les modifier « profondément » quand ces affects laissent des traces durables et que c’est leur complexion affective même, leur ingenium dit Spinoza, qui se trouve modifié – et la modification « profonde » consiste en une modification de la manière dont se produisent les modifications « simples » : si ma complexion est modifiée, je ne réagis plus de la même façon, je ne suis plus affecté par les mêmes choses comme je l’étais auparavant. L’ingenium, c’est donc la structure récapitulative de mes manières – manières de sentir, de juger, de penser, de voir même, quand je suis face aux choses extérieures. Et ces manières qui, en tant que telles, déterminent mes modifications au sens faible – mes affects – peuvent elles-mêmes être l’objet d’une modification au sens fort – et je suis modifié dans ma manière d’être affecté.
Et voilà l’avantage de considérer la nature humaine à la façon de Spinoza : elle est une matrice sous déterminée d’où s’engendrent des ingenia modifiables, des complexions, dont les plis sont d’abord formés par les effets de la socialisation primaire, mais complétés et confirmés, ou défaits et refaits, au fil des trajectoires socio-biographiques et de leurs affections marquantes (celles qui modifient « au sens fort »), les unes communes au sein d’un groupe, les autres plus idiosyncratiques. Les modes sont modifiables. Toute la puissance de la théorie spinozienne réside dans cet énoncé, vaccine définitive contre toutes les essentialisations et contre tous les fixismes des « natures humaines » mal conçues. Si bien qu’en un sens non derridien, quoique avec une orthographe tout à fait derridienne, on pourrait dire de la théorie spinozienne des modes qu’elle est une philosophie de la différance. Le mode humain ne cesse de différer. Il diffère nécessairement puisque les trajectoires de vie sont ouvertes, c’est-à-dire toujours potentiellement exposées à des rencontres marquantes – des rencontres de personnes, d’images, de situations, d’événements – susceptibles d’entraîner un profond remaniement de l’ingenium. Sans doute l’ordinaire de nos vies rend-il ces rencontres-là peu fréquentes, et la plupart de nos expériences reproduisent des expériences anciennes, confirmant, et même pour ainsi dire indurant, les plis déjà acquis de l’ingenium. Mais rien ne permet d’exclure que vienne un jour une affection puissante, littéralement extra-ordinaire, dont le pouvoir de modification est imprévisible. »
Frédéric Lordon explique pourquoi et comment, selon Spinoza, s’opèrent les modifications d’un individu (Imperium pp. 257-259 – La fabrique 2015) :
« Faut-il redire l’extraordinaire variété des figures sous lesquelles la nature humaine s’est déjà réalisée dans le temps et dans l’espace ? Et celle que l’avenir réserve nécessairement ? Toute la puissance de l’ontologie des modes finis est là : parce qu’ils ne sont pas des substances, les modes finis n’existent qu’en relation avec d’autres et, pour ce qui est des hommes, principalement avec leurs semblables – rien ne leur est plus utile. Du fait même de leur finitude, l’existence des modes finis est donc nécessairement relationnelle. Et du fait de la complexité du corps humain, dit Spinoza, ces relations et les entr’affections qui s’ensuivent ont le pouvoir de les modifier. De les modifier « simplement » par le seul fait d’éprouver des affects – qui sont des variations (des variations de la puissance d’agir du corps et, corrélativement, de la puissance de penser de l’esprit). De les modifier « profondément » quand ces affects laissent des traces durables et que c’est leur complexion affective même, leur ingenium dit Spinoza, qui se trouve modifié – et la modification « profonde » consiste en une modification de la manière dont se produisent les modifications « simples » : si ma complexion est modifiée, je ne réagis plus de la même façon, je ne suis plus affecté par les mêmes choses comme je l’étais auparavant. L’ingenium, c’est donc la structure récapitulative de mes manières – manières de sentir, de juger, de penser, de voir même, quand je suis face aux choses extérieures. Et ces manières qui, en tant que telles, déterminent mes modifications au sens faible – mes affects – peuvent elles-mêmes être l’objet d’une modification au sens fort – et je suis modifié dans ma manière d’être affecté.
Et voilà l’avantage de considérer la nature humaine à la façon de Spinoza : elle est une matrice sous déterminée d’où s’engendrent des ingenia modifiables, des complexions, dont les plis sont d’abord formés par les effets de la socialisation primaire, mais complétés et confirmés, ou défaits et refaits, au fil des trajectoires socio-biographiques et de leurs affections marquantes (celles qui modifient « au sens fort »), les unes communes au sein d’un groupe, les autres plus idiosyncratiques. Les modes sont modifiables. Toute la puissance de la théorie spinozienne réside dans cet énoncé, vaccine définitive contre toutes les essentialisations et contre tous les fixismes des « natures humaines » mal conçues. Si bien qu’en un sens non derridien, quoique avec une orthographe tout à fait derridienne, on pourrait dire de la théorie spinozienne des modes qu’elle est une philosophie de la différance. Le mode humain ne cesse de différer. Il diffère nécessairement puisque les trajectoires de vie sont ouvertes, c’est-à-dire toujours potentiellement exposées à des rencontres marquantes – des rencontres de personnes, d’images, de situations, d’événements – susceptibles d’entraîner un profond remaniement de l’ingenium. Sans doute l’ordinaire de nos vies rend-il ces rencontres-là peu fréquentes, et la plupart de nos expériences reproduisent des expériences anciennes, confirmant, et même pour ainsi dire indurant, les plis déjà acquis de l’ingenium. Mais rien ne permet d’exclure que vienne un jour une affection puissante, littéralement extra-ordinaire, dont le pouvoir de modification est imprévisible. »
- Vanleers
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 1485
- Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00
Re: Comment devient-on spinoziste ?
Frédéric Lordon revient, plus loin, sur le pourquoi et le comment des modifications de l’être humain, selon Spinoza :
« Voyant les hommes tels qu’ils sont aujourd’hui, le réalisme critique de l’anthropologie spinozienne voit également la possibilité de les modifier pour qu’ils soient autres demain. Mais ne pose pas cette altérité comme une ressource immédiatement disponible, ni la possibilité qu’elle advienne comme une certitude. Il en fait un problème – le problème politique par excellence de la révolution. Un problème à l’intersection de l’institutionnel et de l’anthropologique en réalité. Car, posé la modifiabilité des modes, il faut s’interroger sur les conditions à réunir pour les modifier effectivement. La grande force de l’anthropologie des modes, c’est de sortir de l’antagonisme stérile, et doublement fallacieux, de la nature humaine « bonne » ou « mauvaise ». Doublement fallacieux, car c’est une première erreur d’arrêter l’homme dans une nature humaine irrévocablement fixée, et c’en est une deuxième de n’imaginer pour ces fixations que les types purs du bon ou du mauvais, du dieu ou du loup, auquel rien de réel ne correspond ni ne correspondra jamais. La nature humaine de Spinoza, elle, se retient bien, en tant que telle, de dire quoi que ce soit de ce que seront les hommes sociaux-historiques de quelque lieu et en quelque temps. Car les hommes réels sont des ingenia, des complexions passionnelles situées, réalisant particulièrement la nature humaine, et non la nature humaine elle-même, laquelle, sous-déterminée, est vouée à demeurer muette et inobservable. Or, comme toutes choses dans le monde, les ingenia sont des productions. Ce sont des productions de leur lieu et de leur temps, entendre : ce sont les sociétés historiques qui produisent leurs hommes. Le débat sur la nature humaine est donc définitivement inepte. La seule question pertinente est celle de la production des ingenia. » (op. cit. pp. 263-264)
« Voyant les hommes tels qu’ils sont aujourd’hui, le réalisme critique de l’anthropologie spinozienne voit également la possibilité de les modifier pour qu’ils soient autres demain. Mais ne pose pas cette altérité comme une ressource immédiatement disponible, ni la possibilité qu’elle advienne comme une certitude. Il en fait un problème – le problème politique par excellence de la révolution. Un problème à l’intersection de l’institutionnel et de l’anthropologique en réalité. Car, posé la modifiabilité des modes, il faut s’interroger sur les conditions à réunir pour les modifier effectivement. La grande force de l’anthropologie des modes, c’est de sortir de l’antagonisme stérile, et doublement fallacieux, de la nature humaine « bonne » ou « mauvaise ». Doublement fallacieux, car c’est une première erreur d’arrêter l’homme dans une nature humaine irrévocablement fixée, et c’en est une deuxième de n’imaginer pour ces fixations que les types purs du bon ou du mauvais, du dieu ou du loup, auquel rien de réel ne correspond ni ne correspondra jamais. La nature humaine de Spinoza, elle, se retient bien, en tant que telle, de dire quoi que ce soit de ce que seront les hommes sociaux-historiques de quelque lieu et en quelque temps. Car les hommes réels sont des ingenia, des complexions passionnelles situées, réalisant particulièrement la nature humaine, et non la nature humaine elle-même, laquelle, sous-déterminée, est vouée à demeurer muette et inobservable. Or, comme toutes choses dans le monde, les ingenia sont des productions. Ce sont des productions de leur lieu et de leur temps, entendre : ce sont les sociétés historiques qui produisent leurs hommes. Le débat sur la nature humaine est donc définitivement inepte. La seule question pertinente est celle de la production des ingenia. » (op. cit. pp. 263-264)
- Vanleers
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 1485
- Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00
Re: Comment devient-on spinoziste ?
A la réflexion, l’« ingenium » n’est pas une notion essentielle de l’Ethique.
« Complexion passionnelle », selon Frédéric Lordon, « complexe d’affects » selon Chantal Jaquet, le mot est systématiquement traduit par « tempérament » par Bernard Pautrat. D’autres parlent de « personnalité », de « caractère » ou le relient à l’« habitus » selon Bourdieu.
L’ingenium diffère selon les individus et, pour un individu donné, se modifie selon les évènements et les rencontres.
Rencontrer Spinoza modifiera, peu ou prou, l’ingenium du lecteur mais là n’est pas l’essentiel. Car devenir spinoziste, c’est simplement avoir reconnu pour vraie la structure (texture, architecture) ontologique du monde dévoilée par Spinoza et en tirer les conséquences pratiques.
C’est voir Dieu, connaître Dieu.
Mais voir Dieu c’est voir la visibilité, connaître Dieu c’est connaître la « connaissabilité », comme l’explique Pierre Macherey dans son commentaire d’E II 47 (Introduction… II p. 360) :
« […] cette connaissance primordiale [de l’essence éternelle et infinie de Dieu], qui constitue la structure dont dépendent toutes nos connaissances particulières, ne fait elle-même rien connaître en particulier : l’essence éternelle et infinie de Dieu, qui est la condition de toute chose, n’est pas une chose à côté ou au-dessus des autres, mais elle est, si l’on peut dire la “ choséité ” qui est dans toutes les choses et constitue en dernière instance leur cause. Ce qui est premier dans l’ordre de la connaissance, ce n’est pas non plus une première connaissance, à laquelle toutes les autres se rattacheraient suivant un enchaînement du type de celui qui relie entre elles les choses particulières se déterminant réciproquement, mais c’est le fait même de connaître, considéré en lui-même de manière absolue, c’est-à-dire cette “ connaissabilité ” ou cette “ cognoscéité ” qui est au fond de toutes nos connaissances sans exception et constitue en dernière instance leur condition de possibilité. »
On ne voit Dieu qu’avec les yeux de l’esprit (E V 23 sc.), c’est-à-dire avec l’entendement et ce qui nous en empêche, c’est la connaissance du premier genre qui ne voit que l’imaginable. Or Dieu n’est pas imaginable (E II 47 sc.)
C’est ce qu’écrit Spinoza à Hugo Boxel (Lettre 56) :
« A votre question : ai-je de Dieu une idée aussi claire que du triangle ? je réponds oui. Mais si vous demandiez si j’ai de Dieu une image aussi claire du triangle, je répondrais non : nous ne pouvons en effet imaginer Dieu, mais nous pouvons assurément le comprendre. »
« Complexion passionnelle », selon Frédéric Lordon, « complexe d’affects » selon Chantal Jaquet, le mot est systématiquement traduit par « tempérament » par Bernard Pautrat. D’autres parlent de « personnalité », de « caractère » ou le relient à l’« habitus » selon Bourdieu.
L’ingenium diffère selon les individus et, pour un individu donné, se modifie selon les évènements et les rencontres.
Rencontrer Spinoza modifiera, peu ou prou, l’ingenium du lecteur mais là n’est pas l’essentiel. Car devenir spinoziste, c’est simplement avoir reconnu pour vraie la structure (texture, architecture) ontologique du monde dévoilée par Spinoza et en tirer les conséquences pratiques.
C’est voir Dieu, connaître Dieu.
Mais voir Dieu c’est voir la visibilité, connaître Dieu c’est connaître la « connaissabilité », comme l’explique Pierre Macherey dans son commentaire d’E II 47 (Introduction… II p. 360) :
« […] cette connaissance primordiale [de l’essence éternelle et infinie de Dieu], qui constitue la structure dont dépendent toutes nos connaissances particulières, ne fait elle-même rien connaître en particulier : l’essence éternelle et infinie de Dieu, qui est la condition de toute chose, n’est pas une chose à côté ou au-dessus des autres, mais elle est, si l’on peut dire la “ choséité ” qui est dans toutes les choses et constitue en dernière instance leur cause. Ce qui est premier dans l’ordre de la connaissance, ce n’est pas non plus une première connaissance, à laquelle toutes les autres se rattacheraient suivant un enchaînement du type de celui qui relie entre elles les choses particulières se déterminant réciproquement, mais c’est le fait même de connaître, considéré en lui-même de manière absolue, c’est-à-dire cette “ connaissabilité ” ou cette “ cognoscéité ” qui est au fond de toutes nos connaissances sans exception et constitue en dernière instance leur condition de possibilité. »
On ne voit Dieu qu’avec les yeux de l’esprit (E V 23 sc.), c’est-à-dire avec l’entendement et ce qui nous en empêche, c’est la connaissance du premier genre qui ne voit que l’imaginable. Or Dieu n’est pas imaginable (E II 47 sc.)
C’est ce qu’écrit Spinoza à Hugo Boxel (Lettre 56) :
« A votre question : ai-je de Dieu une idée aussi claire que du triangle ? je réponds oui. Mais si vous demandiez si j’ai de Dieu une image aussi claire du triangle, je répondrais non : nous ne pouvons en effet imaginer Dieu, mais nous pouvons assurément le comprendre. »
- Vanleers
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 1485
- Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00
Re: Comment devient-on spinoziste ?
Chantal Jaquet étudie les « transclasses », c’est-à-dire les individus transitant d’une classe à l’autre (Les transclasses – PUF 2014). Elle est amenée à reprendre des concepts et des analyses de Spinoza. Elle écrit :
« L’ingenium [dans la philosophie de Spinoza] renvoie à l’ensemble des traits caractéristiques singuliers d’un individu, qui sont le produit de l’histoire commune, de ses habitudes propres, de ses rencontres avec le monde. L’ingenium pourrait se définir comme un complexe d’affects sédimentés constitutifs d’un individu, de son mode de vie, de ses jugements et de son comportement. Il s’enracine dans les dispositions du corps et comprend des manières d’être aussi bien physiques que mentales. Il se constitue à partir des traces que les choses impriment en nous et que le corps retient, traces à partir desquelles nous formons des images, des représentations ou que nous reconfigurons en les interprétant comme des signes, en les associant entre elles selon la logique propre à notre esprit et ses expériences antérieures de pensée. Ce concept exprime l’individualité reconnaissable d’un être humain aussi bien que d’un peuple. » (p. 99)
Elle écrit aussi :
« L’ingenium a quelque chose d’irréductiblement singulier et n’est pas aisément transposable d’un individu à l’autre. […] L’ingenium permet de penser la diversité des individus sans se référer à une nature commune, ni à une nature individuelle immuable. » (p. 100)
Selon elle, « complexion » est la meilleure traduction d’ingenium :
« Si le terme ingenium est parfois rendu en français par le mot « esprit » ou par celui de « tempérament » ou de « caractère », c’est sans doute le mot de « complexion » qui le traduit le mieux dans le contexte spinoziste, car il restitue bien l’idée d’assemblage complexe et singulier de déterminations physiques et mentales liées entre elles » (p. 101)
La notion de complexion va conduire C. Jaquet à remettre en cause, comme Spinoza l’avait déjà fait, la notion de « moi substantiel » :
« L’identité, qu’elle soit personnelle ou sociale, présuppose l’existence d’individus qui restent les mêmes et qui sont réductibles à un certain nombre de caractères persistants malgré le changement. Quelle que soit la définition qu’on lui donne, elle implique toujours la reconnaissance d’un substrat qui demeure à travers toutes les modifications. Que ce substrat soit pensé sous la forme d’un moi substantiel, de la personne, du sujet, etc., il se présente dans tous les cas de figure comme un noyau immuable résistant au changement. […]
Or, les transclasses nous montrent qu’il n’est pas certain que les êtres humains possèdent une identité, qui serait comme une carte de visite permettant de les reconnaître ou de leur conférer un statut. » (p. 107)
En conséquence :
« C’est pourquoi la pensée de la complexion implique une rupture avec la pensée de l’identité et invite à une déconstruction du moi personnel et social » (p. 109)
C. Jaquet procède d’abord à une déconstruction du moi personnel :
« A cet égard, le transclasse apparaît comme une figure exemplaire de la désubstantialisation de l’ego. Il radicalise l’expérience de l’inconsistance du moi et de l’inconsistance de ses qualités à laquelle Pascal convie tout un chacun dans les Pensées [fragment 688-323 qui s’ouvre sur la question : « qu’est-ce que le moi ? »]
Après avoir analysé le texte de Pascal puis procédé à une déconstruction du moi social, C. Jaquet conclut :
« Le concept de complexion offre donc une alternative à l’idée caduque d’un moi substantiel ou d’un moi sujet, principe d’unité et d’identité des individus, car il permet de penser le tressage des déterminations en lien avec les milieux de départ et d’arrivée. Le fait que bien des individus se figent ou soient figés sous une étiquette ou dans des conditions données, comme des caméléons qui seraient empêchés de bouger, ne doit pas faire oublier que l’existence humaine peut prendre la couleur des lieux où elle s’écoule et qu’elle s’inscrit sous le registre de la variation et de la variété. Dans ces conditions, ce qui différencie le transclasse de ses congénères, ce n’est pas tant l’absence d’un moi substantiel ou d’une identité véritable, car c’est somme toute le lot commun, que l’expérience du changement radical d’état, l’épreuve du passage d’un monde à l’autre que peu d’êtres humains connaissent, en raison de l’immobilisme des sociétés. » (pp. 118-119)
A suivre
« L’ingenium [dans la philosophie de Spinoza] renvoie à l’ensemble des traits caractéristiques singuliers d’un individu, qui sont le produit de l’histoire commune, de ses habitudes propres, de ses rencontres avec le monde. L’ingenium pourrait se définir comme un complexe d’affects sédimentés constitutifs d’un individu, de son mode de vie, de ses jugements et de son comportement. Il s’enracine dans les dispositions du corps et comprend des manières d’être aussi bien physiques que mentales. Il se constitue à partir des traces que les choses impriment en nous et que le corps retient, traces à partir desquelles nous formons des images, des représentations ou que nous reconfigurons en les interprétant comme des signes, en les associant entre elles selon la logique propre à notre esprit et ses expériences antérieures de pensée. Ce concept exprime l’individualité reconnaissable d’un être humain aussi bien que d’un peuple. » (p. 99)
Elle écrit aussi :
« L’ingenium a quelque chose d’irréductiblement singulier et n’est pas aisément transposable d’un individu à l’autre. […] L’ingenium permet de penser la diversité des individus sans se référer à une nature commune, ni à une nature individuelle immuable. » (p. 100)
Selon elle, « complexion » est la meilleure traduction d’ingenium :
« Si le terme ingenium est parfois rendu en français par le mot « esprit » ou par celui de « tempérament » ou de « caractère », c’est sans doute le mot de « complexion » qui le traduit le mieux dans le contexte spinoziste, car il restitue bien l’idée d’assemblage complexe et singulier de déterminations physiques et mentales liées entre elles » (p. 101)
La notion de complexion va conduire C. Jaquet à remettre en cause, comme Spinoza l’avait déjà fait, la notion de « moi substantiel » :
« L’identité, qu’elle soit personnelle ou sociale, présuppose l’existence d’individus qui restent les mêmes et qui sont réductibles à un certain nombre de caractères persistants malgré le changement. Quelle que soit la définition qu’on lui donne, elle implique toujours la reconnaissance d’un substrat qui demeure à travers toutes les modifications. Que ce substrat soit pensé sous la forme d’un moi substantiel, de la personne, du sujet, etc., il se présente dans tous les cas de figure comme un noyau immuable résistant au changement. […]
Or, les transclasses nous montrent qu’il n’est pas certain que les êtres humains possèdent une identité, qui serait comme une carte de visite permettant de les reconnaître ou de leur conférer un statut. » (p. 107)
En conséquence :
« C’est pourquoi la pensée de la complexion implique une rupture avec la pensée de l’identité et invite à une déconstruction du moi personnel et social » (p. 109)
C. Jaquet procède d’abord à une déconstruction du moi personnel :
« A cet égard, le transclasse apparaît comme une figure exemplaire de la désubstantialisation de l’ego. Il radicalise l’expérience de l’inconsistance du moi et de l’inconsistance de ses qualités à laquelle Pascal convie tout un chacun dans les Pensées [fragment 688-323 qui s’ouvre sur la question : « qu’est-ce que le moi ? »]
Après avoir analysé le texte de Pascal puis procédé à une déconstruction du moi social, C. Jaquet conclut :
« Le concept de complexion offre donc une alternative à l’idée caduque d’un moi substantiel ou d’un moi sujet, principe d’unité et d’identité des individus, car il permet de penser le tressage des déterminations en lien avec les milieux de départ et d’arrivée. Le fait que bien des individus se figent ou soient figés sous une étiquette ou dans des conditions données, comme des caméléons qui seraient empêchés de bouger, ne doit pas faire oublier que l’existence humaine peut prendre la couleur des lieux où elle s’écoule et qu’elle s’inscrit sous le registre de la variation et de la variété. Dans ces conditions, ce qui différencie le transclasse de ses congénères, ce n’est pas tant l’absence d’un moi substantiel ou d’une identité véritable, car c’est somme toute le lot commun, que l’expérience du changement radical d’état, l’épreuve du passage d’un monde à l’autre que peu d’êtres humains connaissent, en raison de l’immobilisme des sociétés. » (pp. 118-119)
A suivre
- Vanleers
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 1485
- Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00
Re: Comment devient-on spinoziste ?
Le spinoziste ne se fait plus d’illusion sur son statut ontologique. Il a compris qu’il n’est pas un être mais une manière d’être.
Le moi substantiel est le rêve d’une ombre :
« En un moment s’élève le bonheur de l’homme. Il croule de même dans la poudre ébranlé par une volonté ennemie. Nous vivons un jour. Que sommes-nous ? que ne sommes-nous pas ? le rêve d’une ombre, voilà l’homme. Mais quand survient la gloire, présent de Jupiter, les hommes sont entourés d’une vive lumière et d’une douce existence. »
Spinoza ne dit pas autre chose que Pindare : quand survient la gloire de Dieu, c’est-à-dire l’amour de Dieu envers les hommes (E V 36 sc.), la vie de l’homme s’illumine et lui devient douce.
C’est à cette seule expérience que l’Ethique est ordonnée.
Le moi substantiel est le rêve d’une ombre :
« En un moment s’élève le bonheur de l’homme. Il croule de même dans la poudre ébranlé par une volonté ennemie. Nous vivons un jour. Que sommes-nous ? que ne sommes-nous pas ? le rêve d’une ombre, voilà l’homme. Mais quand survient la gloire, présent de Jupiter, les hommes sont entourés d’une vive lumière et d’une douce existence. »
Spinoza ne dit pas autre chose que Pindare : quand survient la gloire de Dieu, c’est-à-dire l’amour de Dieu envers les hommes (E V 36 sc.), la vie de l’homme s’illumine et lui devient douce.
C’est à cette seule expérience que l’Ethique est ordonnée.
- Vanleers
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 1485
- Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00
Re: Comment devient-on spinoziste ?
Citons le début du scolie d’E V 36 dans lequel Spinoza parle de Gloire :
« Nous comprenons par-là clairement en quoi consiste notre salut, autrement dit béatitude, autrement dit Liberté, à savoir, dans un Amour constant et éternel envers Dieu, autrement dit dans l’Amour de Dieu envers les hommes. Et c’est cet Amour, autrement dit béatitude, qu’on appelle Gloire dans les livres Sacrés, et non sans raison. Car que cet Amour se rapporte à Dieu ou à l’Esprit, c’est à bon droit qu’on peut l’appeler Satisfaction de l’âme, laquelle en vérité ne se distingue pas de la Gloire (par E III déf. aff. 25 et 30). Car, en tant qu’il se rapporte à Dieu, c’est (par E V 35) une Joie, s’il est encore permis d’user de ce vocable, qu’accompagne l’idée de lui-même, et de même aussi en tant qu’il se rapporte à l’Esprit (par E V 27). »
Dans sa traduction de l’Ethique, Robert Misrahi commente ce passage (note 62) :
« La doctrine de la Béatitude est une philosophie. La référence aux Ecritures saintes est l’approche non provocatrice et non agressive du texte biblique, auquel se relient la majorité des contemporains de Spinoza. Cette approche (qui prolonge les analyses critiques du TTP) consiste à dégager la signification philosophique et rationnelle de cela qui est le plus important dans la Bible, à savoir l’accès à la Gloire. Par là, Spinoza reconnaît l’importance existentielle d’un texte auquel tous se rapportent, et il en propose une lecture nouvelle, une réinterprétation philosophique et humaniste, à la lumière de sa propre critique de l’idée de Dieu : la Bible a bien vu que la question fondamentale est celle de la « Gloire », mais il appartient au philosophe de dégager le sens rationnel, concret et moderne de cette intuition empirique, et de ne pas oublier que ce sens rationnel n’est pas explicitement connu ou visé par les auteurs de la Bible.
La « Gloire » est ici introduite par la médiation de l’Amour intellectuel, lui-même identifié à la Béatitude : la Gloire est la plus haute satisfaction de l’âme (animi Acquiescentia) et Spinoza l’a définie en E V 27, comme Mentis Acquiescentia, Satisfaction de l’Esprit, et, dans les Définitions 25 et 30 des Affects, comme joie née de la considération de sa propre puissance d’agir, puissance de l’esprit louée par autrui. La Gloire n’est donc pas ici considérée comme le « rayonnement » de l’être […] mais comme la joie même exprimée par ce rayonnement que la Bible attribuait à Dieu et à Moïse. La Gloire, comme Joie de la Satisfaction intérieure, est donc la qualité de cet Amour intellectuel ou Béatitude qui définit le salut et la délivrance.
Le choix du terme de Joie (Laetitia) est significatif : Spinoza s’excuse de l’employer encore, dans ces questions métaphysiques qui appellent plutôt le terme de Béatitude. Mais il dit Joie, cependant. C’est que telle est la signification philosophique et concrète de la Gloire. De ce concept de Gloire, la Bible donne une signification double : elle la rapporte soit à Dieu (Isaïe 6, 3 : « Toute la terre est pleine de gloire »), soit à l’homme (Psaumes 16, 9 à 11 : « Aussi mon cœur est heureux, et ma gloire se réjouit. Tu me fais connaître la voie de la vie, la plénitude de la joie en ta Présence »). Spinoza, dans notre scolie d’E V 36, semble donc s’appuyer sur cette tradition pour en dégager la signification non religieuse : qu’on rapporte l’Amour de Dieu à Dieu ou à l’Esprit humain, sa signification est la même. Il s’agit de la plus haute joie qu’un esprit puisse éprouver d’une façon continue (continuo) [1] grâce à la connaissance de soi, du monde et de l’être. Pour Dieu ou pour l’homme, la Satisfaction de l’esprit (ou Gloire) est toujours « une joie accompagnée de l’idée de soi-même ». »
[1] Misrahi fait peut-être allusion à un autre passage du scolie d’E V 36 : « […] par là s’éclaire pour nous comment et de quelle façon notre Esprit suit de la nature divine selon l’essence et l’existence et dépend continuellement de Dieu (et continuo a Deo pendeat) »
Dans la note suivante (note 63), il écrit : « Le fondement de la Béatitude (joie et satisfaction de l’esprit) est la connaissance de la dépendance totale et continuelle de l’individu à l’égard de Dieu. »
A noter, sur le forum, des échanges sur la gloire en :
http://www.spinozaetnous.org/ftopict-763.html
« Nous comprenons par-là clairement en quoi consiste notre salut, autrement dit béatitude, autrement dit Liberté, à savoir, dans un Amour constant et éternel envers Dieu, autrement dit dans l’Amour de Dieu envers les hommes. Et c’est cet Amour, autrement dit béatitude, qu’on appelle Gloire dans les livres Sacrés, et non sans raison. Car que cet Amour se rapporte à Dieu ou à l’Esprit, c’est à bon droit qu’on peut l’appeler Satisfaction de l’âme, laquelle en vérité ne se distingue pas de la Gloire (par E III déf. aff. 25 et 30). Car, en tant qu’il se rapporte à Dieu, c’est (par E V 35) une Joie, s’il est encore permis d’user de ce vocable, qu’accompagne l’idée de lui-même, et de même aussi en tant qu’il se rapporte à l’Esprit (par E V 27). »
Dans sa traduction de l’Ethique, Robert Misrahi commente ce passage (note 62) :
« La doctrine de la Béatitude est une philosophie. La référence aux Ecritures saintes est l’approche non provocatrice et non agressive du texte biblique, auquel se relient la majorité des contemporains de Spinoza. Cette approche (qui prolonge les analyses critiques du TTP) consiste à dégager la signification philosophique et rationnelle de cela qui est le plus important dans la Bible, à savoir l’accès à la Gloire. Par là, Spinoza reconnaît l’importance existentielle d’un texte auquel tous se rapportent, et il en propose une lecture nouvelle, une réinterprétation philosophique et humaniste, à la lumière de sa propre critique de l’idée de Dieu : la Bible a bien vu que la question fondamentale est celle de la « Gloire », mais il appartient au philosophe de dégager le sens rationnel, concret et moderne de cette intuition empirique, et de ne pas oublier que ce sens rationnel n’est pas explicitement connu ou visé par les auteurs de la Bible.
La « Gloire » est ici introduite par la médiation de l’Amour intellectuel, lui-même identifié à la Béatitude : la Gloire est la plus haute satisfaction de l’âme (animi Acquiescentia) et Spinoza l’a définie en E V 27, comme Mentis Acquiescentia, Satisfaction de l’Esprit, et, dans les Définitions 25 et 30 des Affects, comme joie née de la considération de sa propre puissance d’agir, puissance de l’esprit louée par autrui. La Gloire n’est donc pas ici considérée comme le « rayonnement » de l’être […] mais comme la joie même exprimée par ce rayonnement que la Bible attribuait à Dieu et à Moïse. La Gloire, comme Joie de la Satisfaction intérieure, est donc la qualité de cet Amour intellectuel ou Béatitude qui définit le salut et la délivrance.
Le choix du terme de Joie (Laetitia) est significatif : Spinoza s’excuse de l’employer encore, dans ces questions métaphysiques qui appellent plutôt le terme de Béatitude. Mais il dit Joie, cependant. C’est que telle est la signification philosophique et concrète de la Gloire. De ce concept de Gloire, la Bible donne une signification double : elle la rapporte soit à Dieu (Isaïe 6, 3 : « Toute la terre est pleine de gloire »), soit à l’homme (Psaumes 16, 9 à 11 : « Aussi mon cœur est heureux, et ma gloire se réjouit. Tu me fais connaître la voie de la vie, la plénitude de la joie en ta Présence »). Spinoza, dans notre scolie d’E V 36, semble donc s’appuyer sur cette tradition pour en dégager la signification non religieuse : qu’on rapporte l’Amour de Dieu à Dieu ou à l’Esprit humain, sa signification est la même. Il s’agit de la plus haute joie qu’un esprit puisse éprouver d’une façon continue (continuo) [1] grâce à la connaissance de soi, du monde et de l’être. Pour Dieu ou pour l’homme, la Satisfaction de l’esprit (ou Gloire) est toujours « une joie accompagnée de l’idée de soi-même ». »
[1] Misrahi fait peut-être allusion à un autre passage du scolie d’E V 36 : « […] par là s’éclaire pour nous comment et de quelle façon notre Esprit suit de la nature divine selon l’essence et l’existence et dépend continuellement de Dieu (et continuo a Deo pendeat) »
Dans la note suivante (note 63), il écrit : « Le fondement de la Béatitude (joie et satisfaction de l’esprit) est la connaissance de la dépendance totale et continuelle de l’individu à l’égard de Dieu. »
A noter, sur le forum, des échanges sur la gloire en :
http://www.spinozaetnous.org/ftopict-763.html
- Vanleers
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 1485
- Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00
Re: Comment devient-on spinoziste ?
Erreur (message précédent posté une deuxième fois)
- Vanleers
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 1485
- Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00
Re: Comment devient-on spinoziste ?
La vie se simplifie considérablement lorsqu’on prend conscience de la dépendance totale et continuelle de chaque être à l’égard de Dieu.
On entre ainsi dans ce que Spinoza appelle la gloire de Dieu et le tout est d’essayer de ne pas en sortir.
Élémentaire.
On entre ainsi dans ce que Spinoza appelle la gloire de Dieu et le tout est d’essayer de ne pas en sortir.
Élémentaire.
- Vanleers
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 1485
- Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00
Re: Comment devient-on spinoziste ?
Le spinozisme est la vérité du christianisme.
Le Christ de la religion sauve les pêcheurs. L’Ethique sauve ceux qui s’attristent de se croire pêcheurs. Ni responsables ni coupables, nous dit Spinoza, quoi que vous fassiez et quoi que vous ayez fait dans votre vie, soyez-en heureux car, de toute façon, vous ne pouviez pas faire autrement.
Cela fit enrager, en son temps, moralistes et théologiens qui comprirent qu’avec ce genre d’éthique ils ne servaient plus à rien.
La satisfaction de soi est inconditionnelle, elle ne dépend pas de ce que nous faisons ou ne faisons pas. Il y a sans doute des degrés dans cette satisfaction et Spinoza démontre que celle qui naît de la raison est la plus haute qu’il puisse y avoir (E IV 52)
Dans la partie V de l’Ethique où le « in se ipso » de l’acquiescentia in se ipso (satisfaction de soi) a disparu, il est alors question d’« animi acquiescentia » (10 sc., 36 sc. et 42 sc) et de « mentis acquiescentia » (27 et 32 dém.).
Il s’agit plus précisément de la « gloire », la forme la plus accomplie de satisfaction, où l’on se réjouit de sa puissance en toute connaissance de cause, cette cause étant Dieu dont toute chose singulière dépend totalement et continuellement.
L’absence de satisfaction de soi rend l’individu hargneux, voire quérulent, car il ne comprend pas que personne (lui compris) ne le fait « exprès » mais que ce que chacun fait résulte logiquement de son essence éternelle et des circonstances extérieures.
Analysant E V 22, Alexandre Matheron conclut, en donnant toute son importance aux causes extérieures :
« Dieu conçoit donc l’essence de notre corps comme une vérité éternelle et, par la seule considération de cette essence, comprend éternellement quels sont les enchaînements logiquement ordonnés d’affections que notre corps est capable par nature de se donner et qu’il se donnera si les causes extérieures ne l’en empêchent pas. » (Etudes sur Spinoza et les philosophies de l’âge classique pp. 699-700 – ENS Editions 2011)
Le Christ de la religion sauve les pêcheurs. L’Ethique sauve ceux qui s’attristent de se croire pêcheurs. Ni responsables ni coupables, nous dit Spinoza, quoi que vous fassiez et quoi que vous ayez fait dans votre vie, soyez-en heureux car, de toute façon, vous ne pouviez pas faire autrement.
Cela fit enrager, en son temps, moralistes et théologiens qui comprirent qu’avec ce genre d’éthique ils ne servaient plus à rien.
La satisfaction de soi est inconditionnelle, elle ne dépend pas de ce que nous faisons ou ne faisons pas. Il y a sans doute des degrés dans cette satisfaction et Spinoza démontre que celle qui naît de la raison est la plus haute qu’il puisse y avoir (E IV 52)
Dans la partie V de l’Ethique où le « in se ipso » de l’acquiescentia in se ipso (satisfaction de soi) a disparu, il est alors question d’« animi acquiescentia » (10 sc., 36 sc. et 42 sc) et de « mentis acquiescentia » (27 et 32 dém.).
Il s’agit plus précisément de la « gloire », la forme la plus accomplie de satisfaction, où l’on se réjouit de sa puissance en toute connaissance de cause, cette cause étant Dieu dont toute chose singulière dépend totalement et continuellement.
L’absence de satisfaction de soi rend l’individu hargneux, voire quérulent, car il ne comprend pas que personne (lui compris) ne le fait « exprès » mais que ce que chacun fait résulte logiquement de son essence éternelle et des circonstances extérieures.
Analysant E V 22, Alexandre Matheron conclut, en donnant toute son importance aux causes extérieures :
« Dieu conçoit donc l’essence de notre corps comme une vérité éternelle et, par la seule considération de cette essence, comprend éternellement quels sont les enchaînements logiquement ordonnés d’affections que notre corps est capable par nature de se donner et qu’il se donnera si les causes extérieures ne l’en empêchent pas. » (Etudes sur Spinoza et les philosophies de l’âge classique pp. 699-700 – ENS Editions 2011)
Retourner vers « Spinozisme pratique »
Qui est en ligne
Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 3 invités