A présent, j'essaie de réfléchir par moi-même et trouver un lien avec l'Ethique qui soit vraiment partie de moi (conforme avec mon essence).
Ce qui me gêne le plus, c'est que le projet éthique repose sur une métaphysique dont les concepts ne me parlent pas et ne semblent plus faire partie du champ de la création philosophique depuis le dix-huitième siècle :
substance, attributs, modes, cause de soi, Dieu.
On dirait que Spinoza est entre deux plaques tectoniques : celle de la scolastique (à laquelle les concepts qui me gênent appartiennent indéniablement) et la modernité qui, à partir de Descartes et Spinoza a rompu avec la scolastique et son enracinement obligatoire (sous peine de torture et bûcher) dans la pensée d'Aristote et la théologie.
Je comprends parfaitement que Spinoza passe d'une plaque tectonique à l'autre et que pour cela, il mette Dieu comme alpha et omega de la sagesse.
Mais pour moi, habitant du 21e siècle, athée de naissance malgré mes attirances vers le bouddhisme et le taoisme, Dieu est un corps étranger.
Et les démonstrations talmudiques de De Deo me gênent parce qu'elles ne me convainquent pas.
J'ai l'impression que Spinoza cherche à me prouver quelque chose que lui-même ne choisirait pas de croire aujourd'hui.
Cela ne remet pas en cause mon admiration pour son oeuvre et pour les parties qui me parlent, même si Dieu, la substance, les attributs, les modes me paraissent appartenir à un monde englouti.
Alors, j'essaie de réfléchir par moi-même et de me poser des questions pour, curieusement, reproduire la démarche de Spinoza, telle que je l'imagine.
Pour Spinoza, il n'est pas question de construire un système sans Dieu (sous peine de bûcher ou d'emprisonnement comme un de ses amis et disciples ou élèves), il part de la scolastique (chrétienne,juive musulmane) et de Descartes et franchit un cap décisif en gardant le pied gauche dans la tradition et en mettant le pied droit dans la modernité.
Après Leibnitz, les philosophes penseront directement dans la modernité en gardant de l'autel de la tradtion les braises et en laissant les cendres refroidir.
En ce qui me concerne mon modeste cas, je sens qu'il y a chez Spinoza quelque chose d'essentiel qui convient à ma nature et qui fait partie de mon essence, c'est-à-dire de ce en quoi je persévère dans mon être.
Mais, malgré mes efforts, je ne parviens pas à traduire Spinoza en langage moderne (et je n'ai pas été séduit par l'approche de Giulani parce qu'il la lie d'emblée à la biodanza et aux vivancias d'une façon qui me parait abusive et raccoleuse, même si c'est sincère).
Alors ma question est : "De quoi Dieu est-il le nom ?".
Peut-on rejoindre Spinoza en pensant par soi-même ?
La lecture complète de l'histoire de la philosophie d'Anthony Kenny m'a donné une perspective plus large.
On sent d'ailleurs que Kenny est impressionné par la popularité de Spinoza auprés de ses collègues et des étudiants d'Oxford, mais qu'il n'est pas convaincu par son système, si élégant soit-il.
D'une certaine façon, je sens que cette remise en question est un temps dialectique d'antithèse et que déjà la synthèse a commencé.
Le problème, c'est qu'on dirait qu'elle a commencé sans moi

Chers amis, pouvez-vous m'aider à être Spinoziste sans Dieu et avec des concepts qui appartiennent à la culture de notre temps (et de celui de demain) ?
Bien entendu, je n'ai rien contre les concepts qui me gênent aujourd'hui quand je les regarde avec l'oeil de l'historien de la philosophie ou que je me met à la place d'un membre du cercle de Spinoza.
Pardonnez la longueur de ce texte qui exprime la confusion dans laquelle je me trouve, ayant terminé la phase antithèse sans être entré dans la phase consciente de l'antithèse avec la libération et la clarté qu'elle produit.
Bien cordialement à vous tous.
Marcello
