Louisa a écrit :(...)Seulement, comme l'explique bien Barbaras, dire d'un mode qu'il est fini (ou infini, j'y ajouterais, puisque l'infini n'est que la négation du fini) c'est le caractériser par un "relatif", c'est-à-dire un terme qui le compare à autre chose, à un autre mode fini, en l'occurrence. (...)
Chère Louisa,
Permets-moi de te contredire sur le point que j'ai mis en gras, car voici ce dit Spinoza dans le De emendatione intellectus (§ 89):
« 89. Adde quod sint constituta ad libitum et ad captum vulgi, adeo ut non sint nisi signa rerum, prout sunt in imaginatione, non autem prout sunt in intellectu ; quod clare patet ex eo, quod omnibus iis, quae tantum sunt in intellectu, et non in imaginatione, nomina imposuerunt saepe negativa, uti sunt, incorporeum, infinitum etc. ; et etiam multa, quae sunt revera affirmativa, negative exprimunt, et contra, uti sunt increatum, independens, infinitum, immortale etc., quia nimirum horum contraria multo facilius imaginamur ; ideoque prius primis hominibus occurrerunt et nomina positiva usurparunt. Multa affirmamus et negamus, quia natura verborum id affirmare et negare patitur, non vero rerum natura ; adeoque hac ignorata facile aliquid falsum pro vero sumeremus. »
« 89. Joignez à cela qu'ils [les mots] sont constitués arbitrairement et accommodés au goût du vulgaire, si bien que ce ne sont que des signes des choses telles qu'elles sont dans l'imagination, et non pas telles qu'elles sont dans l'entendement ; vérité évidente si l'on considère que la plupart des choses qui sont seulement dans l'entendement ont reçu des noms négatifs, comme immatériel, infini, etc., et beaucoup d'autres idées qui, quoique réellement affirmatives, sont exprimées sous une forme négative, telle qu'incréé, indépendant, infini, immortel, et cela parce que nous imaginons beaucoup plus facilement les contraires de ces idées, et que ces contraires, se présentant les premiers aux premiers hommes, ont usurpé les noms affirmatifs. Il y a beaucoup de choses que nous affirmons et que nous nions parce que telle est la nature des mots, et non pas la nature des choses. Or, quand on ignore la nature des choses, rien de plus facile que de prendre le faux pour le vrai. »
(J'ai repris ici la trad., disponible dans le Wiki, de Saisset, donc ancienne, mais le sens est clair : "infini" a un sens uniquement positif, affirmatif. On pourrait ajouter que c'est le "fini" qui est le négatif de l'infini, mais je n'en suis pas si sûr...)
Voir aussi Ethique I, prop. 8, sc. 1 :
« Scholium 1 : Cùm finitum esse reverâ sit ex parte negatio, et infinitum absoluta affirmatio existentiae alicujus naturae, sequitur ergo ex solâ 7. Prop. omnem substantiam debere esse infinitam. »
« Scolie 1 : Comme être fini est en fait [véritablement] en partie négation, et [être] infini absolue affirmation d'existence d'une nature [= essence ?] quelconque, il suit donc de la seule prop. 7 [Ad naturam substantiae pertinet existere] que toute substance doit [= ne peut qu'] être infinie. »
Porte-toi bien, cara.