Spinoza et l'expérience

Ce qui touche de façon indissociable à différents domaines de la philosophie spinozienne comme des comparaisons avec d'autres auteurs, ou à des informations d'ordre purement historiques ou biographiques.
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Messagepar alcore » 21 mai 2009, 11:47

J a écrit :sur la vérité de la définition:
Mais supposez que j’aie tracé dans ma pensée le plan d’un temple que je veux construire, et que je calcule d’après ce plan qu’il me faudra tel emplacement, tant de milliers de pierres de taille, en un mot telle quantité de matériaux, sera-t-on reçu raisonnablement à me dire que ma conclusion est fausse, parce qu’elle est fondée sur une fausse définition, ou bien à me demander la preuve de ma définition ? Ce serait me dire que je n’ai pas conçu ce que j’ai conçu en effet ; ce serait me demander de prouver que j’ai conçu ce que je sais bien que j’ai conçu ; ce serait se moquer.


Oui, en effet,puisque la vérité d'une perception ne dépend pas de l'objet perçu qui, de toute façon, n'est jamais cause de la perception et de la réalité de ce qu'elle enveloppe et affirme.

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Messagepar J » 21 mai 2009, 12:02

Si le départ importe peu, et que la vérité se tient dans les déductions,
alors la vérité n'est pas en dehors de l'enchaînement de nos perceptions. dans tout les cas, il s'agit d'un esprit qui enchaine et informe ses perceptions, à partir de ses propres capacités, elles-mêmes déterminées par la structure du corps: de dieu qu'il existe, nécessairement, pour nous, et pour nous nécessairement parce que mon esprit, via mon corps, l'exige.

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Messagepar alcore » 21 mai 2009, 12:16

J a écrit :Si le départ importe peu, et que la vérité se tient dans les déductions,
alors la vérité n'est pas en dehors de l'enchaînement de nos perceptions. dans tout les cas, il s'agit d'un esprit qui enchaine et informe ses perceptions, à partir de ses propres capacités, elles-mêmes déterminées par la structure du corps: de dieu qu'il existe, nécessairement, pour nous, et pour nous nécessairement parce que mon esprit, via mon corps, l'exige.


J avais en vue en disant cela les déductions mathématiques.
La pensée déductive est une pensée libre,librement inventive et en même temps parfaitement nécessitante.
Par contre, les déductions métaphysiques sont peut être différentes: les axiomes ont une portée ontologique.

Je ne crois pas que l'onpuisse dire qu'un esprit enchaîne les perceptions; car l'esprit lui même n'est qu'une affection, cad une conséquence dans une déduction et qu'il consiste en certaines pensées.
J'insiste: il faut éliminer toute trace de volontarisme dans la définition de l'esprit. L'esprit reçoit sa propre essence, ce en quoi il est métaphysiquement doué de passivité. Non pas passif pour autant, car cette passivité qui nous constitue -notre essence- est justement soustraite à l'action des choses extérieures et nous relie directement à l'attribut qui s'exprime en elle. Il y a une passivité fondamentale qui se confond entièrement avec l'activité de l'âme.
C'est pourquoi dans une déduction la pensée est libre, inventive ET EN MEME TEMPS assiste au déploiement des propriétés de l'objet, sans contradiction.
L'idée de volonté c'est justement la croyance que l'activité puisse être conçue sans référence à une affection fondamentale, comme si l'esprit était un Maître. Mais personne n'est un maître, pas même Dieu !
A l'inverse l'idée de passion, c'est l'idée que l'on ne fait que subir, recevoir d'autre chose ce que l'on est.
Voilà pourquoi Spinoza remonte à la racine de la volonté et de la passion: l'affection, et y trouve l'activité.

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Messagepar alcore » 21 mai 2009, 12:34

J a écrit : il s'agit d'un esprit qui enchaine et informe ses perceptions, à partir de ses propres capacités, elles-mêmes déterminées par la structure du corps: de dieu qu'il existe, nécessairement, pour nous, et pour nous nécessairement parce que mon esprit, via mon corps, l'exige.


Il est vrai que la substance ne nous affecte pas. spinoza: Pensées, ch 2.
Nous sommes affectés soit par des modes soit par des attributs. (sans quoi pourrions nous les percevoir ?)

Vous évoquez le problème de la connaissance de la substance etdes attributs. Comment, puisque l'âme est l'idée d'un corps, a t elle les idées de substance et d'attributs ?

A mon sens, nous ne savons qu'une chose sur la substance: qu'elle est.
Ce sont les attributs qui expliquent ce qu'elle est; mais nous percevons les attributs, ce qui implique que nous sommes affectés par eux.
En tant que mode, chacun est affecté par d'autres modes, mais aussi par la substance, via les attributs. toute âme, tout corps enveloppe une essence qui exprime un attribut qui explique la substance. Dès que je pense quelque chose, je suis affecté d'une pensée qui me révèle aussi l'essence de la pensée, à savoir que la Pensée absolue précède ma pensée et la constitue; je me crois sujet de la pensée, en fait je suis pensé. Cette affection que je suis me conduit jusqu'à la substance, mais il ne s'agit pas d'une déduction du genre: il faut supposer X pour expliquer que j'ai l'affection Y etc.
tout ce charabia logico pathologique n'a rien de spinoziste.

L'évidence d'une pensée singulière enveloppe l'évidence de la Pensée comme attribut de quoi ? de la substance qui elle même est hors expérience; mais ce n'est pas grave puisque la substance explique sa nature dans les 2 attributs que nous percevons.

Tel est le sens de EthII,1

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Messagepar J » 21 mai 2009, 12:54

il faut supposer X pour expliquer que j'ai l'affection Y
Ce charabia logico pathologique n'appartient il pas à spinoza:
"tout ce qui existe a une raison du fait qu'il existe comme du fait qu'il n'existe pas."?
Si l'esprit veut reproduire l'ordre de la nature il lui faut poser X pour expliquer que j'ai l'affection Y, parce que Y a une raison d'être.
Or poser X, qu'est donc d'autre qu'une supposition vérifiée (logiquement ou expérimentalement).

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Messagepar J » 21 mai 2009, 13:06

"J avais en vue en disant cela les déductions mathématiques.
La pensée déductive est une pensée libre,librement inventive et en même temps parfaitement nécessitante.
Par contre, les déductions métaphysiques sont peut être différentes: les axiomes ont une portée ontologique."

Je crois justement que le XVIIe siècle peut se résumer, très grossièrement, à cette volonté d'appliquer le modèle mathématique à la métaphysique, qui inévitablement nous invite à penser que Dieu existe parce qu'il est logiquement, mathématiquement démontré, en vertu de sa définition.
Quelle différence y a t-il entre l'invention du concept de triangle et celui de substance. Je perçois aussi bien le triangle que la substance, lorsqu'ils sont définis, mais quant à leur réalité?
Que l'etre ne puisse pas etre en autre chose que lui meme, dois-je en poser l'existence d'une substance?

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Messagepar alcore » 21 mai 2009, 13:18

J a écrit :il faut supposer X pour expliquer que j'ai l'affection Y
Ce charabia logico pathologique n'appartient il pas à spinoza:
"tout ce qui existe a une raison du fait qu'il existe comme du fait qu'il n'existe pas."?
Si l'esprit veut reproduire l'ordre de la nature il lui faut poser X pour expliquer que j'ai l'affection Y, parce que Y a une raison d'être.
Or poser X, qu'est donc d'autre qu'une supposition vérifiée (logiquement ou expérimentalement).


Je veux dire que si vous essayez de parvenir à Dieu en partant du fini et en vous demandant ce qu'il faut supposer pour expliquer ce que vous voyez, vous ne parviendrez jamais à Dieu. Ce n'est pas ainsi que Spinoza pense.
Substance
Attributs
modes
sont donnés dès le départ dans des définitions.
Il ne s'agit pas du tout de démontre que nous devons admettre une substance pour expliquer qu'il y ait des modes, etc.

Où Spinoza raisonne t il ainsi ?

La substance est donnée en même temps que les modes, l'infini en même temps que le fini.
L'infini n'est pas du tout ce que je dois supposer pour epxliquer qu'il y ait du fini, sous entendu: ce qu'il y a de plus évident c'est le fini, alors l'infini n'est qu'une supposition.

Cela s'appelle ratiociner. Le mode de Spinoza est tout autre.
Il ne dit pas: je dois supposer Dieu pour...
Mais: Etant donné qu'il y a des substances, et qu'elles existent, je définis Dieu comme ce qui est constitué de toutes ces substances et donc concentre en lieu le tout de la réalité. Ce qui est en question, c'est la cohérence d'une substance ainsi définie et l'existence est accordée après évacuation de tout ce qui pourrait s'opposer à cette définition.
D'où le tour négatif de la démonstration de Dieu, et le principe que vous évoquez.

Si Dieu n'existe pas c'est que son concept est contradictoire ou alors que quelque chose l'empêche d'exister lui, qui, pourtant, est. Sous entendu: la substance divine ne serait qu'une abstraction postérieure aux substances infinies.
Il y a deux façons de nier Dieu: son concept est contradictoire, incohérent, et son concept est abstrait. Spinoza examine les deux possibilités: il s'agit pour lui de penser Dieu comme l'intégrateur de toutes les substances infinies sans en faire un Etre postérieur ou dépendant d'elles; et aussi sauver Dieu de l'incohérence.
Dieu étant constitué des substances ne leur est pas postérieur
Dieu étant constitué d'une infinité d'attributs n'est cependant pas inconhérent.
Les deux points établis, la substance qui intègre toutes les réalités existe nécessairement.

La difficulté c'est de passer des substances à Dieu. On pourrait peut être s'en passer et en rester à une infinité de substances. Pourquoi pas ?
Spinoza n'en veut pas: son problème c'est celui de l'unicité divine.

En EthII,1. La démonstration part d'un fait empirique: j'ai des pensées déterminées et dévoile que la condition de la singularité de ces pensées, c'est un Etre capable de se singulariser absolument, de produire ce qu'il y a de plus singulier dans chaque pensée. C'est donc au point où nos pensées sont singulières que Spinoza révèle la nature absolue del a pensée. du coup, la pensée ne peut pas être une abstraction, une supposition.
Il n'y a pas de raisonnement du type: je pense ceci, donc je dois supposer un être pensant, etc.
Je pense ceci, veut dire: la pensée est infiniment singularisée en soi meme au point que ce que je pense là,maintenant, c'est elle qui le pense. Ce type de raisonnement est impossible si vous partez d'un fait et cherchez la supposition qui en rend compte.
Ce type de raisonnement vaut bien dans les sciences où l'on ne quitte jamais le terrain du fini, mais pas en philosophie première où le fini est conçu à partir de l'infini.

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Messagepar J » 21 mai 2009, 13:22

"Je ne crois pas que l'on puisse dire qu'un esprit enchaîne les perceptions; car l'esprit lui même n'est qu'une affection, cad une conséquence dans une déduction et qu'il consiste en certaines pensées."

je radote, mais vous allez contre le texte: "aussi longtemps que nous ne sommes pas en proie à des affects qui sont contraires à notre nature, aussi longtemps nous avons le pouvoir d'ordonner et d'enchainer les affections du corps (ordonandi et concatenandi) suivant un ordre pour l'intellect"
Les affections du corps, dont nous avons les idées, qui sont des perceptions?
L'esprit enchaine les perceptions, il faut s'y résoudre, soit il les enchaine selon l'ordre dans lequel elles se présente (imagination) soit il les enchaine selon un ordre pour lui en tant qu'il est intellect (intuition).

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Messagepar alcore » 21 mai 2009, 13:46

J a écrit :"Je ne crois pas que l'on puisse dire qu'un esprit enchaîne les perceptions; car l'esprit lui même n'est qu'une affection, cad une conséquence dans une déduction et qu'il consiste en certaines pensées."

je radote, mais vous allez contre le texte: "aussi longtemps que nous ne sommes pas en proie à des affects qui sont contraires à notre nature, aussi longtemps nous avons le pouvoir d'ordonner et d'enchainer les affections du corps (ordonandi et concatenandi) suivant un ordre pour l'intellect".


dsl, mais dans la citation que vous donnez, Spinoza ne dit nullement que l'esprit enchaîne quoi que ce soit.
Par ailleurs, je ne nie nullement que NOUS ne soyons en mesure d'enchaîner des modes de penser et des modes d'action; les démonstrations mathématiques attestent que c'est possible.

Comme je l'ai dit notre esprit, PARCE QU IL est une affection de la substance, exprime directement le pouvoir de l'attribut, qui est un pouvoir de déduction, d'enchaînement. Donc oui nous pouvons nous meme déduire, enchaîner des pensées dans la mesure où
a) notre corps se compose avec des rapports d'autres corps de sorte que la puissance d'agir du corps est accrue, étendue
b) simultanément, l'affection qui définit notre âme EXPRIME la puissance d'enchaînement de l'attribut

La passivité de l'affection que je suis ne contredit pas l'activité avec laquelle l'attribue, cad la pensée enchaîne mes perceptions.
Mais en aucun cas ce n'est MON esprit qui enchaîne les perceptions.
L'esprit n'est lui même qu'un certain enchaînement de perceptions que nous avons à l'occasion de certaines rencontres, dont certaines peuvent contribuer à fortifier le pouvoir expressif de notre âme (et corps).

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Messagepar alcore » 21 mai 2009, 13:58

J a écrit :"
Les affections du corps, dont nous avons les idées, qui sont des perceptions?
L'esprit enchaine les perceptions, il faut s'y résoudre, soit il les enchaine selon l'ordre dans lequel elles se présente (imagination) soit il les enchaine selon un ordre pour lui en tant qu'il est intellect (intuition).


Des perceptions s'enchaînent soit sans ordre, comme dans l'imagination, où notre corps au contact d'autres corps se contentent de réagir passivemnet à leur présence.
Dans ce cas, notre corps (et âme) ne noue aucun rapport véritable avec les autres corps (et âmes)

Quant à l'esprit, il est un ensemble d'idées qui sont en Dieu, de Dieu:

"lorsque nous disons que l'esprit humain perçoit ceci ou cela, nous seulement que Dieu...en tant qu'il constitue l'essence de l'esprit humain, possède telle ou telle idée" EthII,11

et encore :

"L'idée qui constitue l'être formel de l'esprit humain n'est pas simple, mais composé d'un très grand nombre d'idées" II,15

pour la bonne marche de la discussion, il convient de préciser la question, et d'invoquer des textes précis.


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