Simplicité de la substance et multiplicité du monde

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar hokousai » 29 mai 2009, 00:28

à Alcore



A mes yeux le problème est plutôt: d'où vient qu'il y ait une multiplicité infinie d'attributs ?


D 'où ça vient dans la culture ?A partir du moment où il y a un Dieu(ou plusieurs dans le polythéisme) individué on lui a attribué des qualités émérites ou des pouvoirs .
Spinoza tout en se démarquant de la scolastique catholiques( en réduisant à deux connus, en expensant à une infinité ) a continué dans ce fil de pensée .

Ce qui conduit à des problèmes inextricables ..avec comme solution quand même assez osée pour un spinoziste Dieu transcendant à ses attributs;..

et pourquoi pas les lois éternelles de la nature comme transcendantes à Dieu .. après tout il les suit .. non ?

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Messagepar alcore » 29 mai 2009, 10:07

hokousai a écrit :
Ce qui conduit à des problèmes inextricables ..avec comme solution quand même assez osée pour un spinoziste Dieu transcendant à ses attributs;..

et pourquoi pas les lois éternelles de la nature comme transcendantes à Dieu .. après tout il les suit .. non ?


La "transcendance" n'est pas une solution, c'est un pis-aller.
S'il existe un moyen d'expliquer l'origine de la multiplicité des attributs, tout en conservant l'idée d'un Dieu unqiue, dans les concepts immanentistes, très bien.
Il semble bien que l'idée d'un Dieu unique arrive comme un cheveu sur la soupe dans la construction de la substance.
Rien dans le concept de substance n'implique qu'il n'y en ait qu'une, 2 ou une infinité.Rien dans le concept d'un attribut n'implique qu'il y en ait une infinité d'autres.
On peut toujours dire que l'infinité des attributs constituent une substance unique, justement parce qu'elle est seule absolument infinie.
Mais çca ne répond pas à la question.

Quant aux lois de la nature, c'est une question intéressante.
Il semble que Spinoza déduise les lois de la nature des modes infinis immédiat et médiat, et non de l'attribut considéré absolument.
CE qui signifierait que les lois, en fait, n'expriment pas l'ultime vérité de Dieu.
Il faudrait ainsi distinguer entre les lois, telles que les conçoivent la raison,dans le 2e genre de connaissance, avec l'attrbut, comme ESSENCE de la substance qui serait le fondement de ces lois.
Les lois de la nature sont bien les lois de Dieu mais d'un Dieu défini au niveau du 2eme genre et non de la science intuitive.

C'est une remarque à développer bien entendu.

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Messagepar Durtal » 29 mai 2009, 14:01

hokousai a écrit :à Durtal


La difficulté est de comprendre qu’une essence puisse avoir plusieurs types d’expressions (et j’ajoute que ce sera le cas de n’importe quelle essence, pas seulement de celle de la substance.


Je suis d’accord avec vous . C’est par le parallélisme que Spinoza essaie d’expliquer .



le "parallélisme" ne peut pas expliquer pourquoi Dieu exprime son essence sous une infinité d'attributs. C'est plutôt le "parallélisme" qui s'explique par la donnée d'une infinité d'attributs de Dieu.

La raison pour laquelle Dieu exprime son essence sous une infinité d'attributs c'est qu'il existe nécessairement et qu'il est une substance absolument infinie.

Imaginons que son essence consiste seulement en celle de la substance corporelle.

Mais à l’égard d’une puissance d’exister qui peut tout, se faire exister comme substance corporelle seule serait nier d’elle-même tout autre genre d’existence (cf l’explication de la définition de Dieu en E1), donc cela impliquerait que l’infinie puissance d’exister de Dieu nie sa propre infinité ce qui est contradictoire.

Si Dieu existe alors, il affirme son existence sous tous genres d'être et comme il existe nécessairement il affirme aussi son existence nécessairement sous une infinité de genres d'êtres ou "d'attributs".

D.

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Messagepar hokousai » 29 mai 2009, 15:31

à Durtal

je réponds à
La difficulté est de comprendre qu’une essence puisse avoir plusieurs types d’expressions

par le parallélisme explique cela .

le parallélisme n 'explique pas pourquoi il y a une infinité d'attributs .

Un infinité étant posée il faut bien expliquer qu’une essence puisse avoir plusieurs types d’expressions.( par exemple le cercle )

...........................................

autre question soulevé par
La raison pour laquelle Dieu exprime son essence sous une infinité d'attributs c'est qu'il existe nécessairement et qu'il est une substance absolument infinie.


L a raison première est qu'il a des attributs ( chez Spinoza il en a )
Il faut donc expliquer pourquoi Dieu a des attributs .

Ce qui ne tient ni de la nécessité ni de l'infinité ,
Peut -être de la perfection ..

.............................................


De mon point de vue( lequel n ets pas celui de Spinoza sur le sujet des attributs )avoir des attributs peut être compris être moins parfait que ne pas en avoir .
De mon point de vue cette idée d'attribut est une vue de l'esprit .

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Messagepar Louisa » 29 mai 2009, 16:25

Alcore a écrit :S'il existe un moyen d'expliquer l'origine de la multiplicité des attributs, tout en conservant l'idée d'un Dieu unqiue, dans les concepts immanentistes, très bien.
Il semble bien que l'idée d'un Dieu unique arrive comme un cheveu sur la soupe dans la construction de la substance.
Rien dans le concept de substance n'implique qu'il n'y en ait qu'une, 2 ou une infinité.Rien dans le concept d'un attribut n'implique qu'il y en ait une infinité d'autres.
On peut toujours dire que l'infinité des attributs constituent une substance unique, justement parce qu'elle est seule absolument infinie.
Mais çca ne répond pas à la question.


Bonjour Alcore,
je n'oublie pas de répondre à ton dernier message dans l'autre fil (dont je te remercie; je suis peu sur internet ces derniers temps, d'où le retard). En attendant voici juste un petit commentaire sur ce que tu écris ci-dessus (et sans avoir lu tout l'échange des pages précédentes).

A mon avis (à vérifier) c'est tout de même du concept même de la substance que Spinoza déduit l'idée de son unicité, opérant par là le pas essentiel qui l'éloigne du cartésianisme. Autrement dit, on pourrait peut-être se demander si ce n'est justement pas une réflexion plus poussée concernant le concept de la substance qui a donné lieu au moment "inaugural" du spinozisme.

Descartes, dans les Principes de la philosophie, définit la substance comme une chose qui "existe de telle façon qu'elle n'a besoin que de soi-même pour exister". Il y ajoute: "A proprement parler, il n'y a que Dieu qui soit tel." On pourrait y voir un écho de la distinction aristotélicienne entre substance première et substance seconde, celle-ci n'étant pas une substance à proprement parler non plus. Et Descartes en conclut correctement: "C'est pourquoi on a raison dans l'Ecole de dire que le nom de substance n'est pas univoque au regard de Dieu et des créatures."

Hypothèse: Spinoza ayant voulu éliminer un maximum d'ambiguités du cartésianisme (et autres philosophies), il a décidé de trancher, et de ne plus appeler substance que ce qui correspond réellement à cette définition. Cela implique que toutes les choses "créées", tout ce qui est produit par autre chose que soi-même, ne peut plus être une substance, tandis que toutes les substances sont nécessairement causes de soi (E1P7).

L'idée d'une seule substance unique est démontrée, comme on le sait, dans le deuxième scolie de la proposition suivante (E1P8). L'argument principal est que "tout ce dont la nature est telle qu'il peut en exister plusieurs individus doit nécessairement, pour qu'ils existent, avoir une cause extérieure". C'est le cas précisément parce qu'une vraie définition ne donne que la nature d'une chose, indépendamment du nombre d'individus qui existent et qui ont la même nature. Par conséquent la cause de l'existence d'individus qui ont une même nature ne peut pas être cette nature même. Or il appartient à la nature de la substance d'exister, et c'est pourquoi il ne peut y avoir qu'une seule substance.

On a donc:

1a. une substance n'a besoin d'autre chose que soi-même pour exister
1b. elle existe donc nécessairement, autrement dit est cause de soi
2a. l'individu qui a une nature en commun avec d'autres individus a toujours une cause extérieure.
2b. ce qui est cause de soi ne peut donc avoir une nature en commun avec d'autres individus.

Conclusion du syllogisme (1 étant la majeure, 2 la mineure):

3. la substance (cause de soi) ne peut avoir une nature en commun avec d'autres individus. Or à la nature de la substance appartient le fait même d'être une substance. Donc il ne peut y avoir qu'une seule chose qui a la nature d'une substance. Et donc il n'y a qu'une seule substance.

C'est donc bel et bien du concept même de substance que Spinoza déduit qu'il ne peut y en avoir qu'une seule (unicité).

L'idée d'une infinité d'attributs vient à mon sens non pas de l'idée/définition même de l'attribut, mais du fait que la substance d'une part a une nature infinie (E1P8) (sinon elle serait bornée par une autre de même nature, ce qui est absurde), donc a l'être infini, alors que plus une chose a de réalité/être, plus il y a d'attributs qui lui appartiennent (idée que l'on trouve déjà chez Descartes aussi). Une substance infinie doit donc avoir une infinité d'attributs.

Autrement dit, ce n'est pas parce qu'un attribut est donné que logiquement on a immédiatement une infinité d'attributs. On n'a une infinité d'attributs uniquement parce qu'il y a une substance infiniment réelle. Le nombre d'attributs que possède une chose ne dépend jamais du concept d'attribut lui-même, mais toujours du concept de la chose. Si la chose en question est un homme, il n'y a que deux attributs. Si la chose, en revanche, est une substance, alors il y en a nécessairement une infinité, sinon cette chose ne serait pas une substance, une cause de soi. En effet, c'est précisément parce que l'attribut se conçoit par soi qu'on ne peut pas déduire de son concept l'existence d'autres attributs. On doit donc déduire l'existence des attributs de la nature de la chose à laquelle ils sont attribués (de la nature de la substance, donc).

Bref, à mes yeux aussi bien l'unicité de la substance que l'infinité des attributs se déduisent bel et bien du concept de la substance. C'est parce que Descartes et l'Ecole n'avaient pas fait attention à cette déduction qu'ils utilisaient le mot substance de manière équivoque, obtenant à la fois une substance non produite par autre chose que soi (Dieu) et des substances qui peuvent bel et bien être produite par autre chose (les créatures). C'est en effaçant cette ambiguité que la seule option qui nous reste est celle d'une substance unique, me semble-t-il. Mais bon, tout cela est à vérifier, bien sûr.

D'autre part, si ce que je viens d'écrire est correcte, cela signifie que si l'on veut mettre en question l'idée d'une substance unique et infinie telle qu'elle est démontrée dans le spinozisme, il faudra s'attaquer au coeur même de l'argument, qui est la mineure dans le syllogisme ci-dessus. Pourquoi deux choses ou individus ayant la même nature devraient-ils nécessairement avoir une cause extérieure? Réponse de Spinoza: parce que sinon, lorsque l'un est supprimé, l'autre l'est aussi. Dans le cas des substances, qui par définition n'ont besoin d'autre chose que soi, il est impossible qu'elle périssent pour la simple raison qu'une autre substance est supprimée. Toute substance doit pouvoir, par définition (donc par nature) continuer à exister même si une deuxième substance "meurt". Cela signifie que deux substances ne peuvent pas avoir la même nature. Or il appartient à la nature d'une substance d'exister, donc chaque substance existe toujours. Du coup, on comprend mieux pourquoi on ne peut en avoir qu'une seule: il ne peut y avoir qu'une seule chose ayant une nature à laquelle appartient l'existence, car sinon on aboutisserait à l'absurdité qu'une chose pourrait à la fois avoir une existence qui lui appartient et une existence qui ne lui appartient pas (ce qui d'ailleurs était exactement le problème avec l'idée cartésienne d'un homme-substance).

Donc encore une fois, à mes yeux c'est bel et bien de la définition cartésiano-spinoziste du concept de substance même que découle l'idée d'une substance unique. Spinoza n'a fait qu'examiner le concept cartésien de substance en toute rigueur, pour en tirer les conséquences nécessaires, celles que Descartes n'avaient pas encore observées (tout en ayant déjà aperçu le problème, comme le montre la citation ci-dessus).
L.

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Messagepar alcore » 29 mai 2009, 16:47

Louisa a écrit :[
A mon avis (à vérifier) c'est tout de même du concept même de la substance que Spinoza déduit l'idée de son unicité, opérant par là le pas essentiel qui l'éloigne du cartésianisme. Autrement dit, on pourrait peut-être se demander si ce n'est justement pas une réflexion plus poussée concernant le concept de la substance qui a donné lieu au moment "inaugural" du spinozisme.

Descartes, dans les Principes de la philosophie, définit la substance comme une chose qui "existe de telle façon qu'elle n'a besoin que de soi-même pour exister". Il y ajoute: "A proprement parler, il n'y a que Dieu qui soit tel." On pourrait y voir un écho de la distinction aristotélicienne entre substance première et substance seconde, celle-ci n'étant pas une substance à proprement parler non plus. Et Descartes en conclut correctement: "C'est pourquoi on a raison dans l'Ecole de dire que le nom de substance n'est pas univoque au regard de Dieu et des créatures."
L.


Chère louisa

Dans l'article des Principes que vous citez (et auquel Spinoza fait lui meme référence dans les PM) met l'accent sur l'équivocité du concept de substance: seul Dieu à proprement parler est substance, mais on peut conserver, selon Descartes, un sens à l'idée de substance créée, car dans les choses finies, une part relève de la détermination en extériorité et une autre relève du concours général de Dieu; distinction qui se retrouve aussi chez Spinoza, remaniée, entre la causalité extrinsèque et celle qui dérive directement des attributs (en tant qu'essence). En ce sens, Decartes peut conserver aux choses finies le statut de substances: elles ne dépendent pas de causes extérieures en tant qu'elles sont des choses précisément, mais uniquement en tant qu'elles sont déterminées.

En outre, le concept spinoziste de substance enveloppe si peu l'unicité que Spinoza commence par la description d'un univers de substances multiples et passe ensuite à l'idée que chaque substance est constituée de multiples attributs.
J'attire votre attention sur le fait que, même dans les démonstrations de l'existence de Dieu, l'hypothèse d'une pluralité de substances n'est pas levée. Il faudra attendre la démonstration de l'unicité divine pour que les substances soient intégrées à Dieu comme ses attributs.
Rien dans le concept de substance ne peut donc d'en déduire son unicité. C'est au contraire l'IDEE DE DIEU et non de substance qui implique l'unicité nécessaire.
Ma question est alors la suivante: quelle est l'origine de la multiplicité des attributs, sachant que
- chaque attribut ne sait rien des autres, et ne peut en produire un autre.
On devrait en conclure que la source de la multiplicité est fatalement EXTERIEURE aux attributs
- Dieu lui même n'est rien d'autre que l'ensemble de ses attributs.

Je ne demande pas quelle est la source de l'unité des attributs, mais quelle est la raison de leur multiplicité.
Si l'on répond que les attributs sont de soi multiples, je demande: en vertu de quoi ? Puisque chacun est parfait en son genre, éternel, nécessaire etc. Si l'on me dit que cette multiplicité est factuelle, alors elle exigerait une cause EXTERIEURE; si l'on me dit qu'elle dérive du concept de substance, alors on devrait en conclure à l'existence d'une infinité de substances;
Bref, seul le concept d'unicité divine permet de poser à la fois la multiplicité infinie des attributs et leur unicité.
D'où ma question: Spinoza n'est il pas contraint, malgré tout, de concevoir Dieu comme différent des attributs, ne serait-ce que pour en jsutifier la multiplicité (c'est la thèse d'Alquié) ?

Ou bien, on pourrait défendre comme BAdiou qu'il n'existe qu'un multiple pur, absolument infini, sans principe d'unicité, sans Dieu. Ce serait cohérent, mais alors le concept d'attribut tombe de lui même.

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Messagepar hokousai » 29 mai 2009, 16:52

Bref, à mes yeux aussi bien l'unicité de la substance que l'infinité des attributs se déduisent bel et bien du concept de la substance.


chère Louisa
je me demande bien comment de l'idée confuse de substance on déduit celle aussi confuse d'attribut ? l'idée d'attribut ne faisant qu'entetenir et développer la confusion .

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Messagepar alcore » 29 mai 2009, 16:54

Louisa a écrit :[

L'idée d'une seule substance unique est démontrée, comme on le sait, dans le deuxième scolie de la proposition suivante (E1P8). L'argument principal est que "tout ce dont la nature est telle qu'il peut en exister plusieurs individus doit nécessairement, pour qu'ils existent, avoir une cause extérieure". C'est le cas précisément parce qu'une vraie définition ne donne que la nature d'une chose, indépendamment du nombre d'individus qui existent et qui ont la même nature. Par conséquent la cause de l'existence d'individus qui ont une même nature ne peut pas être cette nature même. Or il appartient à la nature de la substance d'exister, et c'est pourquoi il ne peut y avoir qu'une seule substance.
L.


Chère Louisa

Le texte du scolie n'a pas vocation à démontrer qu'il n'existe qu'une unique substance, mais seulement qu'il ne peut exister deux substances DE MEME NATURE.

voici le texte :
"Nous pouvons tirer de là une preuve nouvelle de l'impossibilité de deux substances de même nature, et c'est un point qu'il est bon d'établir ici "

Rien n'interdit de concevoir plusieurs substances de nature diverse, ce qui est effectivement l'hypothèse développée.
Le concept de substance reste suffisamment indéterminé pour laisser place à plusieurs hypothèses:
il n'y a qu'une substance
il y en a plusieurs
il y en a une infinité

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Messagepar alcore » 29 mai 2009, 17:04

[quote="Louisa
L'idée d'une infinité d'attributs vient à mon sens non pas de l'idée/définition même de l'attribut, mais du fait que la substance d'une part a une nature infinie (E1P8) (sinon elle serait bornée par une autre de même nature, ce qui est absurde), donc a l'être infini, alors que plus une chose a de réalité/être, plus il y a d'attributs qui lui appartiennent (idée que l'on trouve déjà chez Descartes aussi). Une substance infinie doit donc avoir une infinité d'attributs.

L.[/quote]

Chère Louisa

L'infinité qualifie: la substance, les attributs, certains modes;
En outre, chaque attribut est infini et parfait en son genre: il ne sait rien des autres, et n'a rien à en savoir pour être ce qu'il est.

Par ailleurs, la règle que vous invoquez (plus une chose a de réalité, etc.) a pour conséquence dans la proposition suivante que toute substance est constituée d'une infinité d'attributs, mais non pas qu'il n'existe qu'une substance.
En ce point de l'argumentation, il est encore parfaitement possible
qu'il existe une infinité de substances
que chaque substance soit constituée d'une infinité d'attributs

Par là Spinoza prépare la démonstration de l'unique substance à une infinité d'attributs.
En effet, si n'importe quelle substance est dotée d'une infinité d'attributs, a fortiori Dieu qui est la substance absolue, ne peut être constitué que d'une infinité d'attributs (à savoir les substances qui par hypothèse sont concommitantes à l'existence de Dieu jusqu'à la preuve de son unicité)

En outre, cette règle porte atteinte à un principe cartésien bien connu: ce que je reconnais vrai d'une chose je peux l'affirmer de cette chose; ouo encore: il ne suffit que d'un attribut pour définir une substance; ou encore: il suffit que cet attribut "principal" soit ôtée, pour que la chose soit supprimée.

Ce principe, Spinoza le rejette, car il aurait pour conséquence que Dieu ne serait constitué que d'UN attribut, chez Descartes: la spiritualité, la pensée.

Or Spinoza pense que seul le concept de perfection absolue, enveloppant une infinité d'attributs, autres que la pensée, permet de poser Dieu comme existant actuellement hors de nous. Sans quoi Dieu se réduirait à une substance à un unique attribut, et ce ne serait pas Dieu (pour Spinoza)

Mais le problème subsiste: s'il existe DE FAIT une multiplicité d'attributs, et si Dieu n'est rien d'"AUTRE que ses attributs, ds'où vient la multiplicité ?

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Messagepar Louisa » 29 mai 2009, 17:14

Hokousai a écrit :De mon point de vue( lequel n ets pas celui de Spinoza sur le sujet des attributs )avoir des attributs peut être compris être moins parfait que ne pas en avoir .
De mon point de vue cette idée d'attribut est une vue de l'esprit .


je crois qu'il s'agit là en effet de choix philosophiques fondamentaux. Ne pourrait-on pas dire qu'on a ici l'un des grands points de divergence entre une certaine philosophie occidentale (Descartes, Spinoza, ...) et certaines pensées orientales? Si oui, celles-ci sont par définition, du point de vue "occidentale", des pensées idéalistes, au sens où toute la diversité ou multiplicité de l'existence empirique concrète est réduite à des pures et simples "vues d'esprit". Dans cette perspective, plus une chose est homogène, plus elle est parfaite et réelle.

Comme je suis de ceux et celles qui pensent que la philosophie in fine a un but éthique, c'est-à-dire cherche à proposer des idées du Bien, comme le disait Platon (ou du moins une idée du Bien), l'idée de lier perfection et absence d'attributs ne me convainc pas trop, précisément parce que d'une part il s'agit bel et bien d'un choix philosophique, jamais de vérités démontrées (donc rien ne nous oblige à penser ainsi), et d'autre part parce que je ne vois pas comment une éthique ou une politique d'"homogénéisation" pourrait améliorer la vie quotidienne des gens (car dans les deux cas, "se plonger" de plus en plus dans le divin semble être l'idéal éthique auquel l'homme devrait aspirer).

C'est d'ailleurs aussi la raison pour laquelle des interprétations du spinozisme qui prétendent qu'au fond la substance spinoziste n'aurait qu'un seul attribut, voire aucun (ce qui permettrait de rapprocher la base ontologique spinoziste et par là le spinozisme même de certaines pensées orientales) ou qui font des attributs non pas l'objet d'une idée de l'esprit, mais eux-mêmes des idées, à mon sens s'opposent à un principe qui est tout à fait fondamental dans le spinozisme (au sens où tout le reste en dépend absolument), celui qui stipule que plus une chose a de la perfection ou de la réalité ou de l'être, plus elle doit avoir d'attributs.
L.


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