Traité théologico-politique/Chapitre XV

De Spinoza et Nous.
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==Le sens de l'Écriture doit-il se plier à la raison ou inversement ? ==
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Ceux qui ne savent pas séparer la philosophie de la théologie discutent pour savoir si l’Écriture doit relever de la raison ou la raison de l’Écriture, c’est-à-dire si le sens de l’écriture doit être approprié à la raison, ou la raison pliée à l’Écriture : de ces deux prétentions, celle-là est soutenue par les dogmatiques, celle-ci par les sceptiques, qui nient la certitude de la raison. Mais il résulte de ce que nous avons déjà dit que les uns tout aussi bien que les autres sont dans une erreur absolue. Car, quelque opinion que nous adoptions, il nous faut corrompre l’une de ces choses, ou la raison ou l’Écriture. N’avons-nous pas fait voir, en effet, que l’Écriture ne s’occupe point de matières philosophiques, qu’elle n’enseigne que la piété, et que tout ce qu’elle renferme a été accommodé à l’intelligence et aux préjugés du peuple ? Celui donc qui veut la plier aux lois de la philosophie prêtera certainement aux prophètes des opinions qu’ils n’ont pas eues même en songe, et interprétera mal leur pensée ; d’un autre coté, celui qui subordonne la raison et la philosophie à la théologie est conduit à admettre les préjugés d’un ancien peuple comme des choses divines et à en remplir aveuglément son esprit ; et ainsi tous les deux, celui qui repousse la raison et celui qui l’admet, tombent également dans l’erreur.
 
Ceux qui ne savent pas séparer la philosophie de la théologie discutent pour savoir si l’Écriture doit relever de la raison ou la raison de l’Écriture, c’est-à-dire si le sens de l’écriture doit être approprié à la raison, ou la raison pliée à l’Écriture : de ces deux prétentions, celle-là est soutenue par les dogmatiques, celle-ci par les sceptiques, qui nient la certitude de la raison. Mais il résulte de ce que nous avons déjà dit que les uns tout aussi bien que les autres sont dans une erreur absolue. Car, quelque opinion que nous adoptions, il nous faut corrompre l’une de ces choses, ou la raison ou l’Écriture. N’avons-nous pas fait voir, en effet, que l’Écriture ne s’occupe point de matières philosophiques, qu’elle n’enseigne que la piété, et que tout ce qu’elle renferme a été accommodé à l’intelligence et aux préjugés du peuple ? Celui donc qui veut la plier aux lois de la philosophie prêtera certainement aux prophètes des opinions qu’ils n’ont pas eues même en songe, et interprétera mal leur pensée ; d’un autre coté, celui qui subordonne la raison et la philosophie à la théologie est conduit à admettre les préjugés d’un ancien peuple comme des choses divines et à en remplir aveuglément son esprit ; et ainsi tous les deux, celui qui repousse la raison et celui qui l’admet, tombent également dans l’erreur.
  
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Le premier qui, chez les pharisiens, déclara ouvertement que l’Écriture devait être pliée aux exigences de la raison fut Maimonide (nous avons au [[Traité théologico-politique/Chapitre VII|chapitre VII]] rapporté son opinion, et nous l’avons réfutée par plusieurs arguments) ; et, bien que cet auteur ait été chez eux en grand crédit, la plupart néanmoins l’abandonnent sur ce point pour se ranger à l’avis d’un certain R. Judas Alpakhar, qui, voulant éviter l’erreur de Maimonide, s’est jeté dans une erreur opposée. Il soutient que la raison doit relever de l’Écriture, et lui être entièrement soumise ; il pense que, s’il faut en quelques endroits expliquer métaphoriquement l’Écriture, ce n’est pas parce que le sens littéral répugne à la raison, mais parce qu’il répugne à l’Écriture, c’est-à-dire à ses principes bien connus ; et de là il tire cette règle universelle, savoir que tout ce que l’Écriture enseigne dogmatiquement et affirme d’une manière expresse doit, sur sa seule autorité, être admis comme absolument vrai ; que l’on ne trouve dans la Bible aucun principe qui répugne directement à la doctrine générale qu’elle enseigne, mais seulement d’une façon indirecte, parce que les locutions de l’Écriture semblent souvent supposer quelque chose de contraire à ce qu’elle a enseigné expressément ; et que c’est la seule raison pour laquelle il faille user, en ces rencontres, de l’interprétation métaphorique<ref>Je me souviens d'avoir lu autrefois cette opinion dans une lettre contre Maimonide qui se trouve avec les autres lettres attribuées à cet auteur. (''Note de Spinoza''.)</ref>. Par exemple, l’Écriture enseigne clairement qu’il n’y a qu’un Dieu (voyez ''Deutéron''., chap. VI, vers. 4), et l’on n’y trouve aucun passage où il soit affirmé directement qu’il y ait plusieurs dieux ; quoiqu’en beaucoup d’endroits Dieu en parlant de lui-même, et les prophètes en parlant de Dieu, se servent du nombre pluriel ; ici cette façon de parler, faisant supposer qu’il existe plusieurs dieux, est loin d’indiquer le vrai sens du discours ; et c’est pour cela qu’il faut expliquer ces endroits métaphoriquement, non parce que la pluralité des dieux est en opposition avec la raison, mais parce que l’Écriture elle-même affirme directement qu’il n’y a qu’un Dieu. De même, parce que l’Écriture (''Deutéron''., chap. IV, vers. 15) affirme directement (à ce qu’il pense) que Dieu est incorporel, sur la seule autorité de ce passage, et non sur l’autorité de la raison, nous sommes obligés de croire que Dieu n’a pas de corps ; et conséquemment, d’après la seule autorité de l’Écriture, nous devons donner un sens métaphorique à tous les passages où Dieu est représenté avec des mains, des pieds, etc., la forme seule du langage pouvant ici faire supposer que Dieu est corporel.
 
Le premier qui, chez les pharisiens, déclara ouvertement que l’Écriture devait être pliée aux exigences de la raison fut Maimonide (nous avons au [[Traité théologico-politique/Chapitre VII|chapitre VII]] rapporté son opinion, et nous l’avons réfutée par plusieurs arguments) ; et, bien que cet auteur ait été chez eux en grand crédit, la plupart néanmoins l’abandonnent sur ce point pour se ranger à l’avis d’un certain R. Judas Alpakhar, qui, voulant éviter l’erreur de Maimonide, s’est jeté dans une erreur opposée. Il soutient que la raison doit relever de l’Écriture, et lui être entièrement soumise ; il pense que, s’il faut en quelques endroits expliquer métaphoriquement l’Écriture, ce n’est pas parce que le sens littéral répugne à la raison, mais parce qu’il répugne à l’Écriture, c’est-à-dire à ses principes bien connus ; et de là il tire cette règle universelle, savoir que tout ce que l’Écriture enseigne dogmatiquement et affirme d’une manière expresse doit, sur sa seule autorité, être admis comme absolument vrai ; que l’on ne trouve dans la Bible aucun principe qui répugne directement à la doctrine générale qu’elle enseigne, mais seulement d’une façon indirecte, parce que les locutions de l’Écriture semblent souvent supposer quelque chose de contraire à ce qu’elle a enseigné expressément ; et que c’est la seule raison pour laquelle il faille user, en ces rencontres, de l’interprétation métaphorique<ref>Je me souviens d'avoir lu autrefois cette opinion dans une lettre contre Maimonide qui se trouve avec les autres lettres attribuées à cet auteur. (''Note de Spinoza''.)</ref>. Par exemple, l’Écriture enseigne clairement qu’il n’y a qu’un Dieu (voyez ''Deutéron''., chap. VI, vers. 4), et l’on n’y trouve aucun passage où il soit affirmé directement qu’il y ait plusieurs dieux ; quoiqu’en beaucoup d’endroits Dieu en parlant de lui-même, et les prophètes en parlant de Dieu, se servent du nombre pluriel ; ici cette façon de parler, faisant supposer qu’il existe plusieurs dieux, est loin d’indiquer le vrai sens du discours ; et c’est pour cela qu’il faut expliquer ces endroits métaphoriquement, non parce que la pluralité des dieux est en opposition avec la raison, mais parce que l’Écriture elle-même affirme directement qu’il n’y a qu’un Dieu. De même, parce que l’Écriture (''Deutéron''., chap. IV, vers. 15) affirme directement (à ce qu’il pense) que Dieu est incorporel, sur la seule autorité de ce passage, et non sur l’autorité de la raison, nous sommes obligés de croire que Dieu n’a pas de corps ; et conséquemment, d’après la seule autorité de l’Écriture, nous devons donner un sens métaphorique à tous les passages où Dieu est représenté avec des mains, des pieds, etc., la forme seule du langage pouvant ici faire supposer que Dieu est corporel.
  
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Voilà l’opinion de cet auteur, à laquelle j’applaudis, en ce sens qu’il veut expliquer l’Écriture par l’Écriture ; mais je ne puis comprendre qu’un homme si raisonnable s’applique à détruire l’Écriture elle-même. Il est vrai que l’Écriture doit être expliquée par l’Écriture tant qu’il s’agit de déterminer le sens des passages et l’intention des prophètes ; mais quand nous avons découvert le vrai sens, il faut nécessairement recourir au jugement et à la raison pour y donner notre assentiment. Que si la raison, malgré ses réclamations contre l’Écriture, doit cependant s’y soumettre sans réserve, je demande si cette soumission se fera d’une manière raisonnable ou sans raison et aveuglément. Dans ce dernier cas, nous agissons en stupides, privés de jugement ; dans le premier, c’est par l’ordre seul de la raison que nous acceptons l’Écriture, et nous ne l’accepterions par conséquent pas, si elle était contraire à la raison. Je demanderai encore qui peut accepter quelque principe par la pensée, si la raison s’y oppose. Car ce que refuse la pensée est-il autre chose que ce que la raison repousse ? Et certes, je ne puis assez m’étonner que l’on veuille soumettre la raison, ce don sublime, cette lumière divine, à une lettre morte qui a pu être corrompue par la malice des hommes, et qu’on ne regarde nullement comme un crime de parler indignement contre la raison, véritable original de la parole de Dieu, de l’accuser de corruption, d’aveuglement et d’impiété, tandis qu’on tiendrait pour un très-grand sacrilège celui qui aurait de pareils sentiments sur la lettre de l’Écriture qui n’est, après tout, que l’image et le simulacre de la parole de Dieu. On pense que c’est une chose sainte que de n’avoir aucune confiance dans la raison et dans son propre jugement, et qu’il y a de l’impiété à douter de la fidélité de ceux qui nous ont transmis les livres sacrés ; mais ce n’est pas là de la piété, c’est de la folie. Car enfin qu’est-ce qui les inquiète ? de quoi ont-ils peur ? Est-ce que la religion et la foi ne sauraient être défendues, si les hommes ne prenaient soin de tout ignorer et d’abdiquer la raison ? Certes, avec de pareils sentiments, ils marquent pour l’Écriture plus de défiance que de foi. Mais il s’en faut beaucoup que la religion et la piété exigent l’esclavage de la raison, ou que la raison veuille celui de la religion et que l’une et l’autre ne puissent régner en paix chacune dans son domaine ; c’est un point que nous allons bientôt établir ; mais il faut d’abord examiner la règle proposée par le rabbin dont nous avons parlé plus haut.
 
Voilà l’opinion de cet auteur, à laquelle j’applaudis, en ce sens qu’il veut expliquer l’Écriture par l’Écriture ; mais je ne puis comprendre qu’un homme si raisonnable s’applique à détruire l’Écriture elle-même. Il est vrai que l’Écriture doit être expliquée par l’Écriture tant qu’il s’agit de déterminer le sens des passages et l’intention des prophètes ; mais quand nous avons découvert le vrai sens, il faut nécessairement recourir au jugement et à la raison pour y donner notre assentiment. Que si la raison, malgré ses réclamations contre l’Écriture, doit cependant s’y soumettre sans réserve, je demande si cette soumission se fera d’une manière raisonnable ou sans raison et aveuglément. Dans ce dernier cas, nous agissons en stupides, privés de jugement ; dans le premier, c’est par l’ordre seul de la raison que nous acceptons l’Écriture, et nous ne l’accepterions par conséquent pas, si elle était contraire à la raison. Je demanderai encore qui peut accepter quelque principe par la pensée, si la raison s’y oppose. Car ce que refuse la pensée est-il autre chose que ce que la raison repousse ? Et certes, je ne puis assez m’étonner que l’on veuille soumettre la raison, ce don sublime, cette lumière divine, à une lettre morte qui a pu être corrompue par la malice des hommes, et qu’on ne regarde nullement comme un crime de parler indignement contre la raison, véritable original de la parole de Dieu, de l’accuser de corruption, d’aveuglement et d’impiété, tandis qu’on tiendrait pour un très-grand sacrilège celui qui aurait de pareils sentiments sur la lettre de l’Écriture qui n’est, après tout, que l’image et le simulacre de la parole de Dieu. On pense que c’est une chose sainte que de n’avoir aucune confiance dans la raison et dans son propre jugement, et qu’il y a de l’impiété à douter de la fidélité de ceux qui nous ont transmis les livres sacrés ; mais ce n’est pas là de la piété, c’est de la folie. Car enfin qu’est-ce qui les inquiète ? de quoi ont-ils peur ? Est-ce que la religion et la foi ne sauraient être défendues, si les hommes ne prenaient soin de tout ignorer et d’abdiquer la raison ? Certes, avec de pareils sentiments, ils marquent pour l’Écriture plus de défiance que de foi. Mais il s’en faut beaucoup que la religion et la piété exigent l’esclavage de la raison, ou que la raison veuille celui de la religion et que l’une et l’autre ne puissent régner en paix chacune dans son domaine ; c’est un point que nous allons bientôt établir ; mais il faut d’abord examiner la règle proposée par le rabbin dont nous avons parlé plus haut.
  
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Il veut, comme nous l’avons dit, nous faire admettre comme vrai tout ce que l’Écriture affirme, et rejeter comme faux ce qu’elle nie ; il prétend ensuite qu’il n’arrive jamais à l’Écriture d’affirmer ou de nier expressément quelque chose de contraire à ce qu’elle a affirmé ou nié dans un autre passage. La témérité de ces deux propositions frappera tous les esprits. Je ne rappellerai pas qu’il n’a point remarqué que l’Écriture est composée de livres divers, qu’elle a été écrite en divers temps pour des hommes divers, et enfin par divers auteurs ; outre cela, que cet auteur fonde toute sa doctrine sur sa propre autorité, la raison et l’Écriture ne disant rien de semblable ; car il aurait dû nous prouver que tous les passages qui, à son avis, ne sont en contradiction avec d’autres qu’indirectement, peuvent facilement s’expliquer par des métaphores d’après la nature de la langue et en raison de la place même de ces passages, ensuite que l’Écriture est arrivée sans altération jusque dans nos mains. Mais examinons la chose avec ordre : et d’abord, sur le premier point, je demande si, en cas d’opposition de la part de la raison, nous sommes tenus néanmoins d’admettre comme vrai ce qu’affirme l’Écriture ou de rejeter comme faux ce qu’elle rejette. On répondra peut-être qu’on ne trouve rien dans l’Écriture de contraire à la raison. Pour moi, je soutiens qu’elle affirme expressément et qu’elle enseigne (par exemple, dans le ''Décalogue'', dans l’''Exode'', chap. IV, vers. 14 ; dans le ''Deutéronome'', chap. IV, vers. 24, et dans un grand nombre d’autres passages) que Dieu est jaloux ; or cela répugne à la raison ; il faudra donc néanmoins l’admettre comme chose indubitable.
 
Il veut, comme nous l’avons dit, nous faire admettre comme vrai tout ce que l’Écriture affirme, et rejeter comme faux ce qu’elle nie ; il prétend ensuite qu’il n’arrive jamais à l’Écriture d’affirmer ou de nier expressément quelque chose de contraire à ce qu’elle a affirmé ou nié dans un autre passage. La témérité de ces deux propositions frappera tous les esprits. Je ne rappellerai pas qu’il n’a point remarqué que l’Écriture est composée de livres divers, qu’elle a été écrite en divers temps pour des hommes divers, et enfin par divers auteurs ; outre cela, que cet auteur fonde toute sa doctrine sur sa propre autorité, la raison et l’Écriture ne disant rien de semblable ; car il aurait dû nous prouver que tous les passages qui, à son avis, ne sont en contradiction avec d’autres qu’indirectement, peuvent facilement s’expliquer par des métaphores d’après la nature de la langue et en raison de la place même de ces passages, ensuite que l’Écriture est arrivée sans altération jusque dans nos mains. Mais examinons la chose avec ordre : et d’abord, sur le premier point, je demande si, en cas d’opposition de la part de la raison, nous sommes tenus néanmoins d’admettre comme vrai ce qu’affirme l’Écriture ou de rejeter comme faux ce qu’elle rejette. On répondra peut-être qu’on ne trouve rien dans l’Écriture de contraire à la raison. Pour moi, je soutiens qu’elle affirme expressément et qu’elle enseigne (par exemple, dans le ''Décalogue'', dans l’''Exode'', chap. IV, vers. 14 ; dans le ''Deutéronome'', chap. IV, vers. 24, et dans un grand nombre d’autres passages) que Dieu est jaloux ; or cela répugne à la raison ; il faudra donc néanmoins l’admettre comme chose indubitable.
  
 
Il y a plus : c’est que, si l’on trouvait dans l’Écriture quelques endroits qui fissent supposer que Dieu n’est pas jaloux, il faudrait nécessairement leur donner un sens métaphorique pour qu’ils ne semblassent pas renfermer une erreur. L’Écriture dit encore expressément que Dieu est descendu sur le mont Sinaï (voyez ''Exode'', chap. XIX, vers. 20) : elle lui attribue d’autres mouvements locaux, et n’enseigne nulle part expressément que Dieu ne se meut pas ; donc tout le monde doit admettre ce fait comme une chose véritable. Ailleurs Salomon dit que Dieu n’est compris en aucun endroit (voyez ''Rois'', livre I, chap. VIII, vers. 27) ; or ce passage n’établit pas sans doute expressément, mais c’en est pourtant une conséquence, que Dieu ne se meut pas ; il faut donc nécessairement l’expliquer de manière à ce qu’il ne semble pas enlever à Dieu le mouvement local. De même, il faudrait prendre les cieux pour la demeure et le trône de Dieu, parce que l’Écriture l’affirme expressément. Il y a une foule de passages semblables écrits selon les opinions du peuple et des prophètes, et qui, au témoignage de la raison et de la philosophie, mais non pas de l’Écriture, renferment évidemment des erreurs ; et cependant, à en croire cet auteur, tout cela devrait être supposé véritable, parce qu’il ne veut pas qu’en ces matières on prenne aucun conseil de la raison.
 
Il y a plus : c’est que, si l’on trouvait dans l’Écriture quelques endroits qui fissent supposer que Dieu n’est pas jaloux, il faudrait nécessairement leur donner un sens métaphorique pour qu’ils ne semblassent pas renfermer une erreur. L’Écriture dit encore expressément que Dieu est descendu sur le mont Sinaï (voyez ''Exode'', chap. XIX, vers. 20) : elle lui attribue d’autres mouvements locaux, et n’enseigne nulle part expressément que Dieu ne se meut pas ; donc tout le monde doit admettre ce fait comme une chose véritable. Ailleurs Salomon dit que Dieu n’est compris en aucun endroit (voyez ''Rois'', livre I, chap. VIII, vers. 27) ; or ce passage n’établit pas sans doute expressément, mais c’en est pourtant une conséquence, que Dieu ne se meut pas ; il faut donc nécessairement l’expliquer de manière à ce qu’il ne semble pas enlever à Dieu le mouvement local. De même, il faudrait prendre les cieux pour la demeure et le trône de Dieu, parce que l’Écriture l’affirme expressément. Il y a une foule de passages semblables écrits selon les opinions du peuple et des prophètes, et qui, au témoignage de la raison et de la philosophie, mais non pas de l’Écriture, renferment évidemment des erreurs ; et cependant, à en croire cet auteur, tout cela devrait être supposé véritable, parce qu’il ne veut pas qu’en ces matières on prenne aucun conseil de la raison.
  
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Ensuite, il a tort d’affirmer qu’entre deux passages on peut bien trouver une opposition indirecte, mais non pas expresse. Car Moïse assure directement que Dieu est un feu (voyez ''Deutéron''., chap. IV, vers. 24), et il nie aussi directement que Dieu ait aucune ressemblance avec les choses visibles (voyez ''Deutéron''., chap. IV, vers. 12). Que si notre auteur réplique que ce passage ne nie pas directement, mais seulement par voie de conséquence, que Dieu soit un feu, et conséquemment qu’il faut l’approprier à ce sens pour qu’il ne semble pas le nier, accordons alors que Dieu est un feu ; ou plutôt, pour ne pas partager sa folie, laissons cela de coté et produisons un autre exemple. Shamuel nie directement que Dieu se repente de ses décrets (voyez ''Shamuel'', chap. XV, vers 29), tandis que Jérémie affirme, au contraire, que Dieu se repentit du bien et du mal qu’il avait décrétés (voyez ''Jérémie'', chap. XVIII, vers. 10). Quoi ! ces passages ne sont-ils pas directement opposés l’un à l’autre ? Quel est donc celui des deux qu’on veut expliquer métaphoriquement ? Ils sont l’un et l’autre universels et de plus contradictoires ; ce que l’un affirme directement, l’autre le nie directement. Donc, en se conformant à sa propre règle, notre rabbin est obligé d’adopter un fait comme vrai, en même temps qu’il le rejette comme faux. Ensuite, qu’importe qu’un passage ne répugne pas directement à un autre, mais seulement par conséquence, si la conséquence en est claire, et si la place et la nature du passage ne permettent pas d’explications métaphoriques ? On trouve un grand nombre de ces passages dans la Bible ; et l’on peut consulter à ce sujet notre second chapitre, où nous avons fait voir que les prophètes ont eu des opinions diverses et contraires, et surtout nos chapitres [[Traité théologico-politique/Chapitre IX|IX]] et [[Traité théologico-politique/Chapitre X|X]], où nous avons fait ressortir toutes ces contradictions dont fourmillent les livres historiques de l’Écriture.
 
Ensuite, il a tort d’affirmer qu’entre deux passages on peut bien trouver une opposition indirecte, mais non pas expresse. Car Moïse assure directement que Dieu est un feu (voyez ''Deutéron''., chap. IV, vers. 24), et il nie aussi directement que Dieu ait aucune ressemblance avec les choses visibles (voyez ''Deutéron''., chap. IV, vers. 12). Que si notre auteur réplique que ce passage ne nie pas directement, mais seulement par voie de conséquence, que Dieu soit un feu, et conséquemment qu’il faut l’approprier à ce sens pour qu’il ne semble pas le nier, accordons alors que Dieu est un feu ; ou plutôt, pour ne pas partager sa folie, laissons cela de coté et produisons un autre exemple. Shamuel nie directement que Dieu se repente de ses décrets (voyez ''Shamuel'', chap. XV, vers 29), tandis que Jérémie affirme, au contraire, que Dieu se repentit du bien et du mal qu’il avait décrétés (voyez ''Jérémie'', chap. XVIII, vers. 10). Quoi ! ces passages ne sont-ils pas directement opposés l’un à l’autre ? Quel est donc celui des deux qu’on veut expliquer métaphoriquement ? Ils sont l’un et l’autre universels et de plus contradictoires ; ce que l’un affirme directement, l’autre le nie directement. Donc, en se conformant à sa propre règle, notre rabbin est obligé d’adopter un fait comme vrai, en même temps qu’il le rejette comme faux. Ensuite, qu’importe qu’un passage ne répugne pas directement à un autre, mais seulement par conséquence, si la conséquence en est claire, et si la place et la nature du passage ne permettent pas d’explications métaphoriques ? On trouve un grand nombre de ces passages dans la Bible ; et l’on peut consulter à ce sujet notre second chapitre, où nous avons fait voir que les prophètes ont eu des opinions diverses et contraires, et surtout nos chapitres [[Traité théologico-politique/Chapitre IX|IX]] et [[Traité théologico-politique/Chapitre X|X]], où nous avons fait ressortir toutes ces contradictions dont fourmillent les livres historiques de l’Écriture.
  
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==Indépendance de la théologie et de la philosophie ==
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Je n’ai pas besoin de récapituler ici tous ces exemples ; ce que j’ai dit suffit pour montrer les absurdités qui résultent de cette règle et de cette opinion, pour en établir la fausseté et convaincre cet auteur de précipitation. Ainsi donc, nous rejetons son sentiment tout aussi bien que celui de Maimonide, et nous tenons pour une vérité inébranlable que la théologie ne doit pas relever de la raison, ni la raison de la théologie, mais que chacune est souveraine dans son domaine. Car, ainsi que nous l’avons dit, la raison a en partage le domaine de la vérité et de la sagesse, comme la théologie celui de la piété et de l’obéissance : aussi bien la puissance de la raison, nous l’avons déjà démontré, ne s’étend pas jusqu’à pouvoir déterminer si, en vertu de la seule obéissance et sans l’intelligence des choses, les hommes peuvent être heureux. Mais la théologie ne nous donne pas d’autre enseignement ; elle ne prescrit que l’obéissance ; elle ne veut rien, elle ne peut rien contre la raison. Pour les dogmes de la foi, comme nous l’avons prouvé dans le [[Traité théologico-politique/Chapitre XIV|précédent chapitre]], elle ne les détermine qu’autant qu’il est nécessaire pour inspirer l’obéissance ; quant à préciser le sens et la vérité qu’ils renferment, elle laisse ce soin à la raison, qui est réellement la lumière de l’esprit et hors de laquelle il n’y a que songes et que chimères. Or ici, par théologie j’entends précisément la révélation, en tant qu’elle indique l’objet que nous avons reconnu à l’Écriture (savoir d’enseigner l’obéissance ou les dogmes de la vraie piété et de la foi) ; or c’est là ce qu’on appelle, à proprement parler, la parole de Dieu, laquelle ne consiste pas en un certain nombre de livres (voyez sur ce point notre [[Traité théologico-politique/Chapitre XII|chapitre XII]]). La théologie étant ainsi considérée, si vous avez égard à ses préceptes ou à ses leçons pour la vie, vous trouverez qu’elle est d’accord avec la raison ; et si vous avez égard à son but et à sa fin, vous estimerez qu’elle ne lui répugne aucunement : et de là lui vient son caractère d’universalité.
 
Je n’ai pas besoin de récapituler ici tous ces exemples ; ce que j’ai dit suffit pour montrer les absurdités qui résultent de cette règle et de cette opinion, pour en établir la fausseté et convaincre cet auteur de précipitation. Ainsi donc, nous rejetons son sentiment tout aussi bien que celui de Maimonide, et nous tenons pour une vérité inébranlable que la théologie ne doit pas relever de la raison, ni la raison de la théologie, mais que chacune est souveraine dans son domaine. Car, ainsi que nous l’avons dit, la raison a en partage le domaine de la vérité et de la sagesse, comme la théologie celui de la piété et de l’obéissance : aussi bien la puissance de la raison, nous l’avons déjà démontré, ne s’étend pas jusqu’à pouvoir déterminer si, en vertu de la seule obéissance et sans l’intelligence des choses, les hommes peuvent être heureux. Mais la théologie ne nous donne pas d’autre enseignement ; elle ne prescrit que l’obéissance ; elle ne veut rien, elle ne peut rien contre la raison. Pour les dogmes de la foi, comme nous l’avons prouvé dans le [[Traité théologico-politique/Chapitre XIV|précédent chapitre]], elle ne les détermine qu’autant qu’il est nécessaire pour inspirer l’obéissance ; quant à préciser le sens et la vérité qu’ils renferment, elle laisse ce soin à la raison, qui est réellement la lumière de l’esprit et hors de laquelle il n’y a que songes et que chimères. Or ici, par théologie j’entends précisément la révélation, en tant qu’elle indique l’objet que nous avons reconnu à l’Écriture (savoir d’enseigner l’obéissance ou les dogmes de la vraie piété et de la foi) ; or c’est là ce qu’on appelle, à proprement parler, la parole de Dieu, laquelle ne consiste pas en un certain nombre de livres (voyez sur ce point notre [[Traité théologico-politique/Chapitre XII|chapitre XII]]). La théologie étant ainsi considérée, si vous avez égard à ses préceptes ou à ses leçons pour la vie, vous trouverez qu’elle est d’accord avec la raison ; et si vous avez égard à son but et à sa fin, vous estimerez qu’elle ne lui répugne aucunement : et de là lui vient son caractère d’universalité.
  
 
Pour ce qui regarde toute l’Écriture en général, nous avons déjà montré au [[Traité théologico-politique/Chapitre VII|chapitre VII]] que le sens doit en être déterminé par sa seule histoire, et non par l’histoire universelle de la nature, qui ne sert de fondement qu’à la Philosophie. Si, après avoir découvert laborieusement le vrai sens de la Bible, nous trouvons çà et là qu’elle répugne à la raison, cette considération ne doit pas nous arrêter ; car tous les passages de ce genre qui se trouvent dans la Bible, ou que les hommes peuvent ignorer sans préjudice pour la charité, nous savons positivement qu’ils ne touchent nullement la théologie ou la parole de Dieu, et conséquemment que chacun peut sans crainte en penser tout ce qu’il veut. Nous concluons donc d’une manière absolue que l’Écriture ne doit pas être subordonnée à la raison, ni la raison à l’Écriture.
 
Pour ce qui regarde toute l’Écriture en général, nous avons déjà montré au [[Traité théologico-politique/Chapitre VII|chapitre VII]] que le sens doit en être déterminé par sa seule histoire, et non par l’histoire universelle de la nature, qui ne sert de fondement qu’à la Philosophie. Si, après avoir découvert laborieusement le vrai sens de la Bible, nous trouvons çà et là qu’elle répugne à la raison, cette considération ne doit pas nous arrêter ; car tous les passages de ce genre qui se trouvent dans la Bible, ou que les hommes peuvent ignorer sans préjudice pour la charité, nous savons positivement qu’ils ne touchent nullement la théologie ou la parole de Dieu, et conséquemment que chacun peut sans crainte en penser tout ce qu’il veut. Nous concluons donc d’une manière absolue que l’Écriture ne doit pas être subordonnée à la raison, ni la raison à l’Écriture.
  
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Mais prenons-y garde, puisque ce principe de la théologie, savoir, que l’obéissance, à elle seule, peut sauver les hommes, est indémontrable, et que la raison ne peut en préciser la vérité ou la fausseté, on est en droit de nous demander pourquoi nous le croyons : si c’est sans raison et comme des aveugles que nous l’embrassons, nous agissons donc aussi avec folie et sans jugement ; que si, au contraire, nous voulons établir que la raison peut démontrer ce principe, la théologie sera donc une partie de la philosophie, et une partie inséparable. Mais à ces difficultés je réponds que je soutiens d’une manière absolue que la lumière naturelle ne peut découvrir ce dogme fondamental de la théologie, ou du moins qu’il n’y a personne qui l’ait démontré, et conséquemment que la révélation était d’une indispensable nécessité, mais cependant que nous pouvons nous servir du jugement pour embrasser au moins avec une certitude morale ce qui a été révélé. Je dis avec une certitude morale ; car nous n’en sommes pas à espérer que nous puissions en être plus certains que les prophètes eux-mêmes, à qui ont été faites les premières révélations, et dont pourtant la certitude n’était que morale, comme nous l’avons déjà prouvé dans le [[Traité théologico-politique/Chapitre II|chapitre II]] de ce Traité. Ils se trompent donc étrangement ceux qui veulent établir l’autorité de l’Écriture sur des démonstrations mathématiques ; car l’autorité de la Bible dépend de l’autorité des prophètes, et on ne saurait conséquemment la démontrer par des arguments plus forts que ceux dont se servaient ordinairement les prophètes pour la persuader à leur peuple ; et nous ne saurions nous-mêmes asseoir notre certitude à cet égard sur aucune autre base que celle sur laquelle les prophètes faisaient reposer leur certitude et leur autorité. Nous avons en effet démontré que la certitude des prophètes consiste en ces trois choses, savoir : 1° une vive et distincte imagination ; 2° des signes ; 3° enfin et surtout, une âme inclinée au bien et à l’équité. N’ayant point d’autres raisons pour appuyer leur propre croyance, ils ne pouvaient en employer d’autres pour démontrer leur autorité, et au peuple à qui ils parlaient alors de vive voix, et à nous à qui ils parlent maintenant par écrit.
 
Mais prenons-y garde, puisque ce principe de la théologie, savoir, que l’obéissance, à elle seule, peut sauver les hommes, est indémontrable, et que la raison ne peut en préciser la vérité ou la fausseté, on est en droit de nous demander pourquoi nous le croyons : si c’est sans raison et comme des aveugles que nous l’embrassons, nous agissons donc aussi avec folie et sans jugement ; que si, au contraire, nous voulons établir que la raison peut démontrer ce principe, la théologie sera donc une partie de la philosophie, et une partie inséparable. Mais à ces difficultés je réponds que je soutiens d’une manière absolue que la lumière naturelle ne peut découvrir ce dogme fondamental de la théologie, ou du moins qu’il n’y a personne qui l’ait démontré, et conséquemment que la révélation était d’une indispensable nécessité, mais cependant que nous pouvons nous servir du jugement pour embrasser au moins avec une certitude morale ce qui a été révélé. Je dis avec une certitude morale ; car nous n’en sommes pas à espérer que nous puissions en être plus certains que les prophètes eux-mêmes, à qui ont été faites les premières révélations, et dont pourtant la certitude n’était que morale, comme nous l’avons déjà prouvé dans le [[Traité théologico-politique/Chapitre II|chapitre II]] de ce Traité. Ils se trompent donc étrangement ceux qui veulent établir l’autorité de l’Écriture sur des démonstrations mathématiques ; car l’autorité de la Bible dépend de l’autorité des prophètes, et on ne saurait conséquemment la démontrer par des arguments plus forts que ceux dont se servaient ordinairement les prophètes pour la persuader à leur peuple ; et nous ne saurions nous-mêmes asseoir notre certitude à cet égard sur aucune autre base que celle sur laquelle les prophètes faisaient reposer leur certitude et leur autorité. Nous avons en effet démontré que la certitude des prophètes consiste en ces trois choses, savoir : 1° une vive et distincte imagination ; 2° des signes ; 3° enfin et surtout, une âme inclinée au bien et à l’équité. N’ayant point d’autres raisons pour appuyer leur propre croyance, ils ne pouvaient en employer d’autres pour démontrer leur autorité, et au peuple à qui ils parlaient alors de vive voix, et à nous à qui ils parlent maintenant par écrit.
  
Quant à ce premier fait, savoir, que les prophètes imaginaient vivement les choses, eux seuls pouvaient le constater, de manière que toute notre certitude sur la révélation ne peut et ne doit être fondée que sur ces deux circonstances, les signes et la doctrine. C’est aussi ce que Moïse enseigne expressément : car, dans le ''Deutéronome'', chapitre XXVIII, il ordonne que le peuple obéisse au prophète qui a fait paraître un véritable signe au nom de Dieu, mais pour ceux qui ont fait de fausses prédictions, les eussent-ils faites au nom de Dieu, il veut qu’on les punisse de mort tout aussi bien que le séducteur qui aura voulu détourner le peuple de la vraie religion ; on en usera ainsi à son égard, eût-il confirmé son autorité par des signes et des prodiges : voyez à ce sujet le ''Deutéronome'', chapitre XIII ; d’où il résulte que le vrai prophète se distingue du faux à la fois par la doctrine et par les miracles. Celui-là, en effet, est pour Moïse le vrai prophète, à qui on peut croire sans aucune crainte d’être trompé. Quant à ceux qui ont fait de fausses prédictions, bien qu’ils les aient faites au nom de Dieu, ou qui ont prêché les faux dieux, eussent-ils accompli de vrais miracles, Moïse déclare qu’ils sont de faux prophètes et dignes de mort. Donc la seule raison qui nous oblige, nous aussi, de croire à l’Écriture, c’est-à-dire aux prophètes eux-mêmes, c’est la confirmation de leur doctrine par des signes. En effet, voyant les prophètes recommander par-dessus tout la charité et la justice et n’avoir pas d’autre but, nous en concluons que ce n’a pas été dans une pensée de fourberie, mais d’un esprit sincère, qu’ils ont enseigné que l’obéissance et la foi rendent les hommes heureux ; et comme ils ont, de plus, confirmé cette doctrine par des signes, nous en inférons qu’ils ne l’ont pas prêchée témérairement, et qu’ils ne déliraient pas pendant leurs prophéties ; et ce qui nous confirme encore plus en cette opinion, c’est de voir qu’ils n’ont enseigné aucune maxime morale qui ne soit en parfait accord avec la raison ; car ce n’est pas un effet du hasard que la parole de Dieu, dans les prophètes, s’accorde parfaitement avec cette même parole qui se fait entendre en nous. Et ces vérités, je le soutiens, nous pouvons les déduire avec autant de certitude de la Bible que les Juifs les recueillaient autrefois de la bouche même des prophètes ; car nous avons déjà démontré à la fin du [[Traité théologico-politique/Chapitre XII|chapitre XII]] que, sous le rapport de la doctrine et des principaux récits historiques, l’Écriture est arrivée sans altération jusque dans nos mains. Ainsi ce fondement de toute la théologie et de l’Écriture, bien qu’il ne puisse être établi par raisons mathématiques, peut être néanmoins accepté par un esprit bien fait. Car ce qui a été confirmé par le témoignage de tant de prophètes, ce qui est une source de consolations pour les simples d’esprit, ce qui procure de grands avantages à l’État, ce que nous pouvons croire absolument sans risque ni péril, il y aurait folie à le rejeter par ce seul prétexte que cela ne peut être démontré mathématiquement ; comme si, pour régler sagement la vie, nous n’admettions comme vraies que des propositions qu’aucun doute ne peut atteindre, ou comme si la plupart de nos actions n’étaient pas très-incertaines et pleines de hasard.
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Quant à ce premier fait, savoir, que les prophètes imaginaient vivement les choses, eux seuls pouvaient le constater, de manière que toute notre certitude sur la révélation ne peut et ne doit être fondée que sur ces deux circonstances, les signes et la doctrine. C’est aussi ce que Moïse enseigne expressément : car, dans le ''Deutéronome'', chapitre XXVIII, il ordonne que le peuple obéisse au prophète qui a fait paraître un véritable signe au nom de Dieu, mais pour ceux qui ont fait de fausses prédictions, les eussent-ils faites au nom de Dieu, il veut qu’on les punisse de mort tout aussi bien que le séducteur qui aura voulu détourner le peuple de la vraie religion ; on en usera ainsi à son égard, eût-il confirmé son autorité par des signes et des prodiges : voyez à ce sujet le ''Deutéronome'', chapitre XIII ; d’où il résulte que le vrai prophète se distingue du faux à la fois par la doctrine et par les miracles. Celui-là, en effet, est pour Moïse le vrai prophète, à qui on peut croire sans aucune crainte d’être trompé. Quant à ceux qui ont fait de fausses prédictions, bien qu’ils les aient faites au nom de Dieu, ou qui ont prêché les faux dieux, eussent-ils accompli de vrais miracles, Moïse déclare qu’ils sont de faux prophètes et dignes de mort. Donc la seule raison qui nous oblige, nous aussi, de croire à l’Écriture, c’est-à-dire aux prophètes eux-mêmes, c’est la confirmation de leur doctrine par des signes. En effet, voyant les prophètes recommander par-dessus tout la charité et la justice et n’avoir pas d’autre but, nous en concluons que ce n’a pas été dans une pensée de fourberie, mais d’un esprit sincère, qu’ils ont enseigné que l’obéissance et la foi rendent les hommes heureux ; et comme ils ont, de plus, confirmé cette doctrine par des signes, nous en inférons qu’ils ne l’ont pas prêchée témérairement, et qu’ils ne déliraient pas pendant leurs prophéties ; et ce qui nous confirme encore plus en cette opinion, c’est de voir qu’ils n’ont enseigné aucune maxime morale qui ne soit en parfait accord avec la raison ; car ce n’est pas un effet du hasard que la parole de Dieu, dans les prophètes, s’accorde parfaitement avec cette même parole qui se fait entendre en nous.  
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Et ces vérités, je le soutiens, nous pouvons les déduire avec autant de certitude de la Bible que les Juifs les recueillaient autrefois de la bouche même des prophètes ; car nous avons déjà démontré à la fin du [[Traité théologico-politique/Chapitre XII|chapitre XII]] que, sous le rapport de la doctrine et des principaux récits historiques, l’Écriture est arrivée sans altération jusque dans nos mains. Ainsi ce fondement de toute la théologie et de l’Écriture, bien qu’il ne puisse être établi par raisons mathématiques, peut être néanmoins accepté par un esprit bien fait. Car ce qui a été confirmé par le témoignage de tant de prophètes, ce qui est une source de consolations pour les simples d’esprit, ce qui procure de grands avantages à l’État, ce que nous pouvons croire absolument sans risque ni péril, il y aurait folie à le rejeter par ce seul prétexte que cela ne peut être démontré mathématiquement ; comme si, pour régler sagement la vie, nous n’admettions comme vraies que des propositions qu’aucun doute ne peut atteindre, ou comme si la plupart de nos actions n’étaient pas très-incertaines et pleines de hasard.
  
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Je reconnais, il est vrai, que ceux qui pensent que la philosophie et la théologie sont opposées l’une à l’autre, et que, pour cette raison, l’une des deux doit être exclue, qu’il faut renoncer à celle-ci ou à celle-là, ont raison de chercher à donner à la théologie des fondements solides, et à la démontrer mathématiquement ; car qui voudrait, à moins de désespoir et de folie, dire adieu témérairement à la raison, mépriser les arts et les sciences, et nier la certitude rationnelle ? Mais cependant nous ne pouvons tout à fait les excuser, puisque, pour repousser la raison, ils l’appellent elle-même à leur secours, et prétendent, par des raisons certaines, convaincre la raison d’incertitude. Il y a plus : c’est que, pendant qu’ils cherchent, par des démonstrations mathématiques, à mettre en un beau jour la vérité et l’autorité de la théologie, tout en ruinant l’autorité de la raison et de la lumière naturelle, ils ne font autre chose que mettre la théologie dans la dépendance de la raison et la soumettre pleinement à son joug, en sorte que toute son autorité est empruntée, et qu’elle n’est éclairée que des rayons que réfléchit sur elle la lumière naturelle de la raison. Que si, au contraire, ils se vantent d’avoir en eux l’Esprit-Saint, d’acquiescer à son témoignage intérieur, et de n’avoir de la raison que pour convaincre les infidèles, il ne faut pas ajouter foi à leurs paroles ; car nous pouvons, dès à présent, prouver facilement que c’est par pure passion ou par vaine gloire qu’ils tiennent ce langage. Ne résulte-t-il pas en effet très-évidemment du [[Traité théologico-politique/Chapitre XIV|précédent chapitre]] que l’Esprit-Saint ne donne son témoignage qu’aux bonnes œuvres, que Paul appelle par cette raison, dans son ''Épître aux Galates'' (chap. V, vers. 22), fruits de l’Esprit-Saint ; et l’Esprit-Saint lui-même n’est autre chose que cette paix parfaite qui naît dans l’âme à la suite des bonnes œuvres. Pour ce qui est de la vérité et de la certitude des choses purement spéculatives, aucun autre esprit n’en donne témoignage que la raison, qui seule, comme nous l’avons déjà prouvé, s’est réservé le domaine de la vérité. Si donc ils prétendent avoir un autre esprit pour les instruire de la vérité, c’est de leur part une présomption téméraire ; en tenant ce langage, ils ne consultent que leurs préjugés et leurs passions ; ou, dans la crainte d’être vaincus par les philosophes et exposés à la raillerie publique, ils se réfugient dans les choses saintes. Vain recours ! Car où trouver un autel tutélaire, après avoir outragé la majesté de la raison ?
 
Je reconnais, il est vrai, que ceux qui pensent que la philosophie et la théologie sont opposées l’une à l’autre, et que, pour cette raison, l’une des deux doit être exclue, qu’il faut renoncer à celle-ci ou à celle-là, ont raison de chercher à donner à la théologie des fondements solides, et à la démontrer mathématiquement ; car qui voudrait, à moins de désespoir et de folie, dire adieu témérairement à la raison, mépriser les arts et les sciences, et nier la certitude rationnelle ? Mais cependant nous ne pouvons tout à fait les excuser, puisque, pour repousser la raison, ils l’appellent elle-même à leur secours, et prétendent, par des raisons certaines, convaincre la raison d’incertitude. Il y a plus : c’est que, pendant qu’ils cherchent, par des démonstrations mathématiques, à mettre en un beau jour la vérité et l’autorité de la théologie, tout en ruinant l’autorité de la raison et de la lumière naturelle, ils ne font autre chose que mettre la théologie dans la dépendance de la raison et la soumettre pleinement à son joug, en sorte que toute son autorité est empruntée, et qu’elle n’est éclairée que des rayons que réfléchit sur elle la lumière naturelle de la raison. Que si, au contraire, ils se vantent d’avoir en eux l’Esprit-Saint, d’acquiescer à son témoignage intérieur, et de n’avoir de la raison que pour convaincre les infidèles, il ne faut pas ajouter foi à leurs paroles ; car nous pouvons, dès à présent, prouver facilement que c’est par pure passion ou par vaine gloire qu’ils tiennent ce langage. Ne résulte-t-il pas en effet très-évidemment du [[Traité théologico-politique/Chapitre XIV|précédent chapitre]] que l’Esprit-Saint ne donne son témoignage qu’aux bonnes œuvres, que Paul appelle par cette raison, dans son ''Épître aux Galates'' (chap. V, vers. 22), fruits de l’Esprit-Saint ; et l’Esprit-Saint lui-même n’est autre chose que cette paix parfaite qui naît dans l’âme à la suite des bonnes œuvres. Pour ce qui est de la vérité et de la certitude des choses purement spéculatives, aucun autre esprit n’en donne témoignage que la raison, qui seule, comme nous l’avons déjà prouvé, s’est réservé le domaine de la vérité. Si donc ils prétendent avoir un autre esprit pour les instruire de la vérité, c’est de leur part une présomption téméraire ; en tenant ce langage, ils ne consultent que leurs préjugés et leurs passions ; ou, dans la crainte d’être vaincus par les philosophes et exposés à la raillerie publique, ils se réfugient dans les choses saintes. Vain recours ! Car où trouver un autel tutélaire, après avoir outragé la majesté de la raison ?
  
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Mais je ne les tourmenterai pas davantage ; je pense avoir satisfait à l’intérêt de ma cause, puisque j’ai fait voir par quelle raison la philosophie et la théologie doivent être séparées l’une de l’autre, en quoi elles consistent principalement toutes deux, qu’elles ne relèvent point l’une de l’autre, mais que chacune est maîtresse paisible dans sa sphère, puisqu’enfin j’ai montré, lorsque l’occasion s’en est présentée, les absurdités, les inconvénients et les malheurs qui ont résulté de ce que les hommes ont confondu étrangement ces deux puissances, n’ont pas su les séparer et les distinguer avec précision l’une de l’autre.
 
Mais je ne les tourmenterai pas davantage ; je pense avoir satisfait à l’intérêt de ma cause, puisque j’ai fait voir par quelle raison la philosophie et la théologie doivent être séparées l’une de l’autre, en quoi elles consistent principalement toutes deux, qu’elles ne relèvent point l’une de l’autre, mais que chacune est maîtresse paisible dans sa sphère, puisqu’enfin j’ai montré, lorsque l’occasion s’en est présentée, les absurdités, les inconvénients et les malheurs qui ont résulté de ce que les hommes ont confondu étrangement ces deux puissances, n’ont pas su les séparer et les distinguer avec précision l’une de l’autre.
  
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==Utilité de la révélation==
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===10===
 
Mais, avant d’aller plus loin, je veux marquer ici expressément (quoique je l’aie déjà fait) l’utilité et la nécessité de la sainte Écriture, ou de la révélation, que j’estime très-grandes. Car, puisque nous ne pouvons, par le seul secours de la lumière naturelle, comprendre que la simple obéissance soit la voie du salut<ref>''Que la simple obéissance soit la voie du salut''.<br />
 
Mais, avant d’aller plus loin, je veux marquer ici expressément (quoique je l’aie déjà fait) l’utilité et la nécessité de la sainte Écriture, ou de la révélation, que j’estime très-grandes. Car, puisque nous ne pouvons, par le seul secours de la lumière naturelle, comprendre que la simple obéissance soit la voie du salut<ref>''Que la simple obéissance soit la voie du salut''.<br />
 
Par où j’entends que ce n’est point la raison, mais la révélation seule, qui peut démontrer qu’il suffit pour le salut ou la béatitude d’embrasser les décrets divins à titre de lois et de commandements, sans qu’il soit nécessaire de les concevoir à titre de vérités éternelles. C’est ce qui résulte des démonstrations données au [[Traité théologico-politique/Chapitre IV|chapitre IV]]. ''Note marginale 27 de Spinoza''
 
Par où j’entends que ce n’est point la raison, mais la révélation seule, qui peut démontrer qu’il suffit pour le salut ou la béatitude d’embrasser les décrets divins à titre de lois et de commandements, sans qu’il soit nécessaire de les concevoir à titre de vérités éternelles. C’est ce qui résulte des démonstrations données au [[Traité théologico-politique/Chapitre IV|chapitre IV]]. ''Note marginale 27 de Spinoza''

Version actuelle en date du 13 février 2017 à 18:12



Baruch Spinoza

Chapitre XV


Que la théologie n'est point la servante de la raison,
ni la raison celle de la théologie.
- Pourquoi nous sommes persuadés

de l'autorité de la Sainte Écriture.



Tractatus theologico-politicus

PraefatioCaput IIIIIIIVV
VIVIIVIIIIXX
XIXIIXIIIXIVXV
XVIXVIIXVIIIXIXXX

Autres œuvres


Le sens de l'Écriture doit-il se plier à la raison ou inversement ?

1

Ceux qui ne savent pas séparer la philosophie de la théologie discutent pour savoir si l’Écriture doit relever de la raison ou la raison de l’Écriture, c’est-à-dire si le sens de l’écriture doit être approprié à la raison, ou la raison pliée à l’Écriture : de ces deux prétentions, celle-là est soutenue par les dogmatiques, celle-ci par les sceptiques, qui nient la certitude de la raison. Mais il résulte de ce que nous avons déjà dit que les uns tout aussi bien que les autres sont dans une erreur absolue. Car, quelque opinion que nous adoptions, il nous faut corrompre l’une de ces choses, ou la raison ou l’Écriture. N’avons-nous pas fait voir, en effet, que l’Écriture ne s’occupe point de matières philosophiques, qu’elle n’enseigne que la piété, et que tout ce qu’elle renferme a été accommodé à l’intelligence et aux préjugés du peuple ? Celui donc qui veut la plier aux lois de la philosophie prêtera certainement aux prophètes des opinions qu’ils n’ont pas eues même en songe, et interprétera mal leur pensée ; d’un autre coté, celui qui subordonne la raison et la philosophie à la théologie est conduit à admettre les préjugés d’un ancien peuple comme des choses divines et à en remplir aveuglément son esprit ; et ainsi tous les deux, celui qui repousse la raison et celui qui l’admet, tombent également dans l’erreur.

2

Le premier qui, chez les pharisiens, déclara ouvertement que l’Écriture devait être pliée aux exigences de la raison fut Maimonide (nous avons au chapitre VII rapporté son opinion, et nous l’avons réfutée par plusieurs arguments) ; et, bien que cet auteur ait été chez eux en grand crédit, la plupart néanmoins l’abandonnent sur ce point pour se ranger à l’avis d’un certain R. Judas Alpakhar, qui, voulant éviter l’erreur de Maimonide, s’est jeté dans une erreur opposée. Il soutient que la raison doit relever de l’Écriture, et lui être entièrement soumise ; il pense que, s’il faut en quelques endroits expliquer métaphoriquement l’Écriture, ce n’est pas parce que le sens littéral répugne à la raison, mais parce qu’il répugne à l’Écriture, c’est-à-dire à ses principes bien connus ; et de là il tire cette règle universelle, savoir que tout ce que l’Écriture enseigne dogmatiquement et affirme d’une manière expresse doit, sur sa seule autorité, être admis comme absolument vrai ; que l’on ne trouve dans la Bible aucun principe qui répugne directement à la doctrine générale qu’elle enseigne, mais seulement d’une façon indirecte, parce que les locutions de l’Écriture semblent souvent supposer quelque chose de contraire à ce qu’elle a enseigné expressément ; et que c’est la seule raison pour laquelle il faille user, en ces rencontres, de l’interprétation métaphorique[1]. Par exemple, l’Écriture enseigne clairement qu’il n’y a qu’un Dieu (voyez Deutéron., chap. VI, vers. 4), et l’on n’y trouve aucun passage où il soit affirmé directement qu’il y ait plusieurs dieux ; quoiqu’en beaucoup d’endroits Dieu en parlant de lui-même, et les prophètes en parlant de Dieu, se servent du nombre pluriel ; ici cette façon de parler, faisant supposer qu’il existe plusieurs dieux, est loin d’indiquer le vrai sens du discours ; et c’est pour cela qu’il faut expliquer ces endroits métaphoriquement, non parce que la pluralité des dieux est en opposition avec la raison, mais parce que l’Écriture elle-même affirme directement qu’il n’y a qu’un Dieu. De même, parce que l’Écriture (Deutéron., chap. IV, vers. 15) affirme directement (à ce qu’il pense) que Dieu est incorporel, sur la seule autorité de ce passage, et non sur l’autorité de la raison, nous sommes obligés de croire que Dieu n’a pas de corps ; et conséquemment, d’après la seule autorité de l’Écriture, nous devons donner un sens métaphorique à tous les passages où Dieu est représenté avec des mains, des pieds, etc., la forme seule du langage pouvant ici faire supposer que Dieu est corporel.

3

Voilà l’opinion de cet auteur, à laquelle j’applaudis, en ce sens qu’il veut expliquer l’Écriture par l’Écriture ; mais je ne puis comprendre qu’un homme si raisonnable s’applique à détruire l’Écriture elle-même. Il est vrai que l’Écriture doit être expliquée par l’Écriture tant qu’il s’agit de déterminer le sens des passages et l’intention des prophètes ; mais quand nous avons découvert le vrai sens, il faut nécessairement recourir au jugement et à la raison pour y donner notre assentiment. Que si la raison, malgré ses réclamations contre l’Écriture, doit cependant s’y soumettre sans réserve, je demande si cette soumission se fera d’une manière raisonnable ou sans raison et aveuglément. Dans ce dernier cas, nous agissons en stupides, privés de jugement ; dans le premier, c’est par l’ordre seul de la raison que nous acceptons l’Écriture, et nous ne l’accepterions par conséquent pas, si elle était contraire à la raison. Je demanderai encore qui peut accepter quelque principe par la pensée, si la raison s’y oppose. Car ce que refuse la pensée est-il autre chose que ce que la raison repousse ? Et certes, je ne puis assez m’étonner que l’on veuille soumettre la raison, ce don sublime, cette lumière divine, à une lettre morte qui a pu être corrompue par la malice des hommes, et qu’on ne regarde nullement comme un crime de parler indignement contre la raison, véritable original de la parole de Dieu, de l’accuser de corruption, d’aveuglement et d’impiété, tandis qu’on tiendrait pour un très-grand sacrilège celui qui aurait de pareils sentiments sur la lettre de l’Écriture qui n’est, après tout, que l’image et le simulacre de la parole de Dieu. On pense que c’est une chose sainte que de n’avoir aucune confiance dans la raison et dans son propre jugement, et qu’il y a de l’impiété à douter de la fidélité de ceux qui nous ont transmis les livres sacrés ; mais ce n’est pas là de la piété, c’est de la folie. Car enfin qu’est-ce qui les inquiète ? de quoi ont-ils peur ? Est-ce que la religion et la foi ne sauraient être défendues, si les hommes ne prenaient soin de tout ignorer et d’abdiquer la raison ? Certes, avec de pareils sentiments, ils marquent pour l’Écriture plus de défiance que de foi. Mais il s’en faut beaucoup que la religion et la piété exigent l’esclavage de la raison, ou que la raison veuille celui de la religion et que l’une et l’autre ne puissent régner en paix chacune dans son domaine ; c’est un point que nous allons bientôt établir ; mais il faut d’abord examiner la règle proposée par le rabbin dont nous avons parlé plus haut.

4

Il veut, comme nous l’avons dit, nous faire admettre comme vrai tout ce que l’Écriture affirme, et rejeter comme faux ce qu’elle nie ; il prétend ensuite qu’il n’arrive jamais à l’Écriture d’affirmer ou de nier expressément quelque chose de contraire à ce qu’elle a affirmé ou nié dans un autre passage. La témérité de ces deux propositions frappera tous les esprits. Je ne rappellerai pas qu’il n’a point remarqué que l’Écriture est composée de livres divers, qu’elle a été écrite en divers temps pour des hommes divers, et enfin par divers auteurs ; outre cela, que cet auteur fonde toute sa doctrine sur sa propre autorité, la raison et l’Écriture ne disant rien de semblable ; car il aurait dû nous prouver que tous les passages qui, à son avis, ne sont en contradiction avec d’autres qu’indirectement, peuvent facilement s’expliquer par des métaphores d’après la nature de la langue et en raison de la place même de ces passages, ensuite que l’Écriture est arrivée sans altération jusque dans nos mains. Mais examinons la chose avec ordre : et d’abord, sur le premier point, je demande si, en cas d’opposition de la part de la raison, nous sommes tenus néanmoins d’admettre comme vrai ce qu’affirme l’Écriture ou de rejeter comme faux ce qu’elle rejette. On répondra peut-être qu’on ne trouve rien dans l’Écriture de contraire à la raison. Pour moi, je soutiens qu’elle affirme expressément et qu’elle enseigne (par exemple, dans le Décalogue, dans l’Exode, chap. IV, vers. 14 ; dans le Deutéronome, chap. IV, vers. 24, et dans un grand nombre d’autres passages) que Dieu est jaloux ; or cela répugne à la raison ; il faudra donc néanmoins l’admettre comme chose indubitable.

Il y a plus : c’est que, si l’on trouvait dans l’Écriture quelques endroits qui fissent supposer que Dieu n’est pas jaloux, il faudrait nécessairement leur donner un sens métaphorique pour qu’ils ne semblassent pas renfermer une erreur. L’Écriture dit encore expressément que Dieu est descendu sur le mont Sinaï (voyez Exode, chap. XIX, vers. 20) : elle lui attribue d’autres mouvements locaux, et n’enseigne nulle part expressément que Dieu ne se meut pas ; donc tout le monde doit admettre ce fait comme une chose véritable. Ailleurs Salomon dit que Dieu n’est compris en aucun endroit (voyez Rois, livre I, chap. VIII, vers. 27) ; or ce passage n’établit pas sans doute expressément, mais c’en est pourtant une conséquence, que Dieu ne se meut pas ; il faut donc nécessairement l’expliquer de manière à ce qu’il ne semble pas enlever à Dieu le mouvement local. De même, il faudrait prendre les cieux pour la demeure et le trône de Dieu, parce que l’Écriture l’affirme expressément. Il y a une foule de passages semblables écrits selon les opinions du peuple et des prophètes, et qui, au témoignage de la raison et de la philosophie, mais non pas de l’Écriture, renferment évidemment des erreurs ; et cependant, à en croire cet auteur, tout cela devrait être supposé véritable, parce qu’il ne veut pas qu’en ces matières on prenne aucun conseil de la raison.

5

Ensuite, il a tort d’affirmer qu’entre deux passages on peut bien trouver une opposition indirecte, mais non pas expresse. Car Moïse assure directement que Dieu est un feu (voyez Deutéron., chap. IV, vers. 24), et il nie aussi directement que Dieu ait aucune ressemblance avec les choses visibles (voyez Deutéron., chap. IV, vers. 12). Que si notre auteur réplique que ce passage ne nie pas directement, mais seulement par voie de conséquence, que Dieu soit un feu, et conséquemment qu’il faut l’approprier à ce sens pour qu’il ne semble pas le nier, accordons alors que Dieu est un feu ; ou plutôt, pour ne pas partager sa folie, laissons cela de coté et produisons un autre exemple. Shamuel nie directement que Dieu se repente de ses décrets (voyez Shamuel, chap. XV, vers 29), tandis que Jérémie affirme, au contraire, que Dieu se repentit du bien et du mal qu’il avait décrétés (voyez Jérémie, chap. XVIII, vers. 10). Quoi ! ces passages ne sont-ils pas directement opposés l’un à l’autre ? Quel est donc celui des deux qu’on veut expliquer métaphoriquement ? Ils sont l’un et l’autre universels et de plus contradictoires ; ce que l’un affirme directement, l’autre le nie directement. Donc, en se conformant à sa propre règle, notre rabbin est obligé d’adopter un fait comme vrai, en même temps qu’il le rejette comme faux. Ensuite, qu’importe qu’un passage ne répugne pas directement à un autre, mais seulement par conséquence, si la conséquence en est claire, et si la place et la nature du passage ne permettent pas d’explications métaphoriques ? On trouve un grand nombre de ces passages dans la Bible ; et l’on peut consulter à ce sujet notre second chapitre, où nous avons fait voir que les prophètes ont eu des opinions diverses et contraires, et surtout nos chapitres IX et X, où nous avons fait ressortir toutes ces contradictions dont fourmillent les livres historiques de l’Écriture.

Indépendance de la théologie et de la philosophie

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Je n’ai pas besoin de récapituler ici tous ces exemples ; ce que j’ai dit suffit pour montrer les absurdités qui résultent de cette règle et de cette opinion, pour en établir la fausseté et convaincre cet auteur de précipitation. Ainsi donc, nous rejetons son sentiment tout aussi bien que celui de Maimonide, et nous tenons pour une vérité inébranlable que la théologie ne doit pas relever de la raison, ni la raison de la théologie, mais que chacune est souveraine dans son domaine. Car, ainsi que nous l’avons dit, la raison a en partage le domaine de la vérité et de la sagesse, comme la théologie celui de la piété et de l’obéissance : aussi bien la puissance de la raison, nous l’avons déjà démontré, ne s’étend pas jusqu’à pouvoir déterminer si, en vertu de la seule obéissance et sans l’intelligence des choses, les hommes peuvent être heureux. Mais la théologie ne nous donne pas d’autre enseignement ; elle ne prescrit que l’obéissance ; elle ne veut rien, elle ne peut rien contre la raison. Pour les dogmes de la foi, comme nous l’avons prouvé dans le précédent chapitre, elle ne les détermine qu’autant qu’il est nécessaire pour inspirer l’obéissance ; quant à préciser le sens et la vérité qu’ils renferment, elle laisse ce soin à la raison, qui est réellement la lumière de l’esprit et hors de laquelle il n’y a que songes et que chimères. Or ici, par théologie j’entends précisément la révélation, en tant qu’elle indique l’objet que nous avons reconnu à l’Écriture (savoir d’enseigner l’obéissance ou les dogmes de la vraie piété et de la foi) ; or c’est là ce qu’on appelle, à proprement parler, la parole de Dieu, laquelle ne consiste pas en un certain nombre de livres (voyez sur ce point notre chapitre XII). La théologie étant ainsi considérée, si vous avez égard à ses préceptes ou à ses leçons pour la vie, vous trouverez qu’elle est d’accord avec la raison ; et si vous avez égard à son but et à sa fin, vous estimerez qu’elle ne lui répugne aucunement : et de là lui vient son caractère d’universalité.

Pour ce qui regarde toute l’Écriture en général, nous avons déjà montré au chapitre VII que le sens doit en être déterminé par sa seule histoire, et non par l’histoire universelle de la nature, qui ne sert de fondement qu’à la Philosophie. Si, après avoir découvert laborieusement le vrai sens de la Bible, nous trouvons çà et là qu’elle répugne à la raison, cette considération ne doit pas nous arrêter ; car tous les passages de ce genre qui se trouvent dans la Bible, ou que les hommes peuvent ignorer sans préjudice pour la charité, nous savons positivement qu’ils ne touchent nullement la théologie ou la parole de Dieu, et conséquemment que chacun peut sans crainte en penser tout ce qu’il veut. Nous concluons donc d’une manière absolue que l’Écriture ne doit pas être subordonnée à la raison, ni la raison à l’Écriture.

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Mais prenons-y garde, puisque ce principe de la théologie, savoir, que l’obéissance, à elle seule, peut sauver les hommes, est indémontrable, et que la raison ne peut en préciser la vérité ou la fausseté, on est en droit de nous demander pourquoi nous le croyons : si c’est sans raison et comme des aveugles que nous l’embrassons, nous agissons donc aussi avec folie et sans jugement ; que si, au contraire, nous voulons établir que la raison peut démontrer ce principe, la théologie sera donc une partie de la philosophie, et une partie inséparable. Mais à ces difficultés je réponds que je soutiens d’une manière absolue que la lumière naturelle ne peut découvrir ce dogme fondamental de la théologie, ou du moins qu’il n’y a personne qui l’ait démontré, et conséquemment que la révélation était d’une indispensable nécessité, mais cependant que nous pouvons nous servir du jugement pour embrasser au moins avec une certitude morale ce qui a été révélé. Je dis avec une certitude morale ; car nous n’en sommes pas à espérer que nous puissions en être plus certains que les prophètes eux-mêmes, à qui ont été faites les premières révélations, et dont pourtant la certitude n’était que morale, comme nous l’avons déjà prouvé dans le chapitre II de ce Traité. Ils se trompent donc étrangement ceux qui veulent établir l’autorité de l’Écriture sur des démonstrations mathématiques ; car l’autorité de la Bible dépend de l’autorité des prophètes, et on ne saurait conséquemment la démontrer par des arguments plus forts que ceux dont se servaient ordinairement les prophètes pour la persuader à leur peuple ; et nous ne saurions nous-mêmes asseoir notre certitude à cet égard sur aucune autre base que celle sur laquelle les prophètes faisaient reposer leur certitude et leur autorité. Nous avons en effet démontré que la certitude des prophètes consiste en ces trois choses, savoir : 1° une vive et distincte imagination ; 2° des signes ; 3° enfin et surtout, une âme inclinée au bien et à l’équité. N’ayant point d’autres raisons pour appuyer leur propre croyance, ils ne pouvaient en employer d’autres pour démontrer leur autorité, et au peuple à qui ils parlaient alors de vive voix, et à nous à qui ils parlent maintenant par écrit.

Quant à ce premier fait, savoir, que les prophètes imaginaient vivement les choses, eux seuls pouvaient le constater, de manière que toute notre certitude sur la révélation ne peut et ne doit être fondée que sur ces deux circonstances, les signes et la doctrine. C’est aussi ce que Moïse enseigne expressément : car, dans le Deutéronome, chapitre XXVIII, il ordonne que le peuple obéisse au prophète qui a fait paraître un véritable signe au nom de Dieu, mais pour ceux qui ont fait de fausses prédictions, les eussent-ils faites au nom de Dieu, il veut qu’on les punisse de mort tout aussi bien que le séducteur qui aura voulu détourner le peuple de la vraie religion ; on en usera ainsi à son égard, eût-il confirmé son autorité par des signes et des prodiges : voyez à ce sujet le Deutéronome, chapitre XIII ; d’où il résulte que le vrai prophète se distingue du faux à la fois par la doctrine et par les miracles. Celui-là, en effet, est pour Moïse le vrai prophète, à qui on peut croire sans aucune crainte d’être trompé. Quant à ceux qui ont fait de fausses prédictions, bien qu’ils les aient faites au nom de Dieu, ou qui ont prêché les faux dieux, eussent-ils accompli de vrais miracles, Moïse déclare qu’ils sont de faux prophètes et dignes de mort. Donc la seule raison qui nous oblige, nous aussi, de croire à l’Écriture, c’est-à-dire aux prophètes eux-mêmes, c’est la confirmation de leur doctrine par des signes. En effet, voyant les prophètes recommander par-dessus tout la charité et la justice et n’avoir pas d’autre but, nous en concluons que ce n’a pas été dans une pensée de fourberie, mais d’un esprit sincère, qu’ils ont enseigné que l’obéissance et la foi rendent les hommes heureux ; et comme ils ont, de plus, confirmé cette doctrine par des signes, nous en inférons qu’ils ne l’ont pas prêchée témérairement, et qu’ils ne déliraient pas pendant leurs prophéties ; et ce qui nous confirme encore plus en cette opinion, c’est de voir qu’ils n’ont enseigné aucune maxime morale qui ne soit en parfait accord avec la raison ; car ce n’est pas un effet du hasard que la parole de Dieu, dans les prophètes, s’accorde parfaitement avec cette même parole qui se fait entendre en nous.

Et ces vérités, je le soutiens, nous pouvons les déduire avec autant de certitude de la Bible que les Juifs les recueillaient autrefois de la bouche même des prophètes ; car nous avons déjà démontré à la fin du chapitre XII que, sous le rapport de la doctrine et des principaux récits historiques, l’Écriture est arrivée sans altération jusque dans nos mains. Ainsi ce fondement de toute la théologie et de l’Écriture, bien qu’il ne puisse être établi par raisons mathématiques, peut être néanmoins accepté par un esprit bien fait. Car ce qui a été confirmé par le témoignage de tant de prophètes, ce qui est une source de consolations pour les simples d’esprit, ce qui procure de grands avantages à l’État, ce que nous pouvons croire absolument sans risque ni péril, il y aurait folie à le rejeter par ce seul prétexte que cela ne peut être démontré mathématiquement ; comme si, pour régler sagement la vie, nous n’admettions comme vraies que des propositions qu’aucun doute ne peut atteindre, ou comme si la plupart de nos actions n’étaient pas très-incertaines et pleines de hasard.

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Je reconnais, il est vrai, que ceux qui pensent que la philosophie et la théologie sont opposées l’une à l’autre, et que, pour cette raison, l’une des deux doit être exclue, qu’il faut renoncer à celle-ci ou à celle-là, ont raison de chercher à donner à la théologie des fondements solides, et à la démontrer mathématiquement ; car qui voudrait, à moins de désespoir et de folie, dire adieu témérairement à la raison, mépriser les arts et les sciences, et nier la certitude rationnelle ? Mais cependant nous ne pouvons tout à fait les excuser, puisque, pour repousser la raison, ils l’appellent elle-même à leur secours, et prétendent, par des raisons certaines, convaincre la raison d’incertitude. Il y a plus : c’est que, pendant qu’ils cherchent, par des démonstrations mathématiques, à mettre en un beau jour la vérité et l’autorité de la théologie, tout en ruinant l’autorité de la raison et de la lumière naturelle, ils ne font autre chose que mettre la théologie dans la dépendance de la raison et la soumettre pleinement à son joug, en sorte que toute son autorité est empruntée, et qu’elle n’est éclairée que des rayons que réfléchit sur elle la lumière naturelle de la raison. Que si, au contraire, ils se vantent d’avoir en eux l’Esprit-Saint, d’acquiescer à son témoignage intérieur, et de n’avoir de la raison que pour convaincre les infidèles, il ne faut pas ajouter foi à leurs paroles ; car nous pouvons, dès à présent, prouver facilement que c’est par pure passion ou par vaine gloire qu’ils tiennent ce langage. Ne résulte-t-il pas en effet très-évidemment du précédent chapitre que l’Esprit-Saint ne donne son témoignage qu’aux bonnes œuvres, que Paul appelle par cette raison, dans son Épître aux Galates (chap. V, vers. 22), fruits de l’Esprit-Saint ; et l’Esprit-Saint lui-même n’est autre chose que cette paix parfaite qui naît dans l’âme à la suite des bonnes œuvres. Pour ce qui est de la vérité et de la certitude des choses purement spéculatives, aucun autre esprit n’en donne témoignage que la raison, qui seule, comme nous l’avons déjà prouvé, s’est réservé le domaine de la vérité. Si donc ils prétendent avoir un autre esprit pour les instruire de la vérité, c’est de leur part une présomption téméraire ; en tenant ce langage, ils ne consultent que leurs préjugés et leurs passions ; ou, dans la crainte d’être vaincus par les philosophes et exposés à la raillerie publique, ils se réfugient dans les choses saintes. Vain recours ! Car où trouver un autel tutélaire, après avoir outragé la majesté de la raison ?

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Mais je ne les tourmenterai pas davantage ; je pense avoir satisfait à l’intérêt de ma cause, puisque j’ai fait voir par quelle raison la philosophie et la théologie doivent être séparées l’une de l’autre, en quoi elles consistent principalement toutes deux, qu’elles ne relèvent point l’une de l’autre, mais que chacune est maîtresse paisible dans sa sphère, puisqu’enfin j’ai montré, lorsque l’occasion s’en est présentée, les absurdités, les inconvénients et les malheurs qui ont résulté de ce que les hommes ont confondu étrangement ces deux puissances, n’ont pas su les séparer et les distinguer avec précision l’une de l’autre.

Utilité de la révélation

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Mais, avant d’aller plus loin, je veux marquer ici expressément (quoique je l’aie déjà fait) l’utilité et la nécessité de la sainte Écriture, ou de la révélation, que j’estime très-grandes. Car, puisque nous ne pouvons, par le seul secours de la lumière naturelle, comprendre que la simple obéissance soit la voie du salut[2], puisque la révélation seule nous apprend que cela se fait par une grâce de Dieu toute particulière que la raison ne peut atteindre, il s’ensuit que l’Écriture a apporté une bien grande consolation aux mortels. Tous les hommes en effet peuvent obéir, mais il y en a bien peu, si vous les comparez à tout le genre humain, qui acquièrent la vertu en ne suivant que la direction de la raison, à ce point que, sans ce témoignage de l’Écriture, nous douterions presque du salut de tout le genre humain.


Notes

  1. Je me souviens d'avoir lu autrefois cette opinion dans une lettre contre Maimonide qui se trouve avec les autres lettres attribuées à cet auteur. (Note de Spinoza.)
  2. Que la simple obéissance soit la voie du salut.
    Par où j’entends que ce n’est point la raison, mais la révélation seule, qui peut démontrer qu’il suffit pour le salut ou la béatitude d’embrasser les décrets divins à titre de lois et de commandements, sans qu’il soit nécessaire de les concevoir à titre de vérités éternelles. C’est ce qui résulte des démonstrations données au chapitre IV. Note marginale 27 de Spinoza


Chapitre XIV Traité théologico-politique Chapitre XVI
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