Le spinozisme est-il un athéisme ?

De Spinoza et Nous.
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Qui de Bayle ou Novalis a raison, celui qui affirme que Spinoza est un " athée de système " ou celui qui affirme que Spinoza est " ivre de Dieu " ?

Malgré la publication anonyme en 1670 du Traité théologico-politique, l'auteur fût rapidement identifié et "accusé" d'athéisme. Velthuysen le fit ouvertement : sous le prétexte d'en finir avec les discordes religieuses de l'époque et pour lutter contre le "péché" de superstition, Spinoza aurait rejeté la religion toute entière. Sa philosophie serait en réalité un athéisme travesti (voir Lettre 42 de Velthuyssen à Osten dans les éditions modernes de la correspondance de Spinoza).

Cette idée est revenue en force au XX° siècle parmi certains commentateurs comme Robert Misrahi. Le spinozisme serait bien un athéisme, mais pour des raisons de sécurité, Spinoza aurait dû crypter ses véritables idées en utilisant des termes comme celui de Dieu, afin de ne pas trop choquer ses contemporains. L'argument qu'on trouve le plus souvent en faveur de cette thèse est le caute, "prend garde - prudence !", devise inscrite sur les cachets de tous ses courriers. Ce sont ensuite les origines marranes de Spinoza qui sont utilisées pour justifier une tendance de Spinoza à utiliser un langage crypté - les marranes ayant été des juifs persécutés au Portugal, contraints de se convertir au christianisme sous peine de mort en cas de refus, mais ayant conservé secrètement une croyance et un culte judaïque.

Pourtant la première partie de l’œuvre principale de Spinoza, l’Éthique, porte sur Dieu, démontre son existence, son omnipotence, omniprésence etc. et la dernière partie se termine sur la béatitude de l'homme qui consiste dans "l'amour intellectuel de Dieu". Il dit par ailleurs lui-même qu'on a tort de confondre son système avec un athéisme. Lettre 30 à Oldenburg : "L'opinion qu'a de moi le vulgaire, qui ne cesse de m'accuser d'athéisme : je suis contraint de la combattre le plus possible". Lettre 43 : "Les athées ont l'habitude de rechercher par-dessus tout les honneurs et les richesses, choses que j'ai toujours méprisées ; tous ceux qui me connaissent le savent bien".

La question pourrait se formuler ainsi : qui de Bayle ou Novalis a raison, celui qui affirme que Spinoza est un " athée de système " ou celui qui affirme que Spinoza est "ivre de Dieu" ?

Les enjeux de la question sont multiples : tout d'abord, quel peut être le statut de la parole philosophique d'un auteur comme Spinoza si l'on doit supposer qu'il n'écrit pas ce qu'il pense ? Ensuite, si le spinozisme est un athéisme, n'est-ce pas la raison d'une autonomie existentielle accordée à l'homme dans le choix de ses règles de vie ? Enfin, si Dieu n'est pas, quelle est la pertinence de la question du bien et du mal ?

Sommaire

I/ Les éléments communs avec l'athéisme (athéisme classique et athéisme moderne)

En ce qui concerne le Traité théologico-politique, Velthuysen effectue un résumé assez fidèle et dénombre ce qui pour le XVII° siècle amène à conclure que cette doctrine « introduit subrepticement l'Athéisme, ou feint un tel Dieu » :

  1. Par son affirmation de la nécessité universelle, l'auteur du TTP remet en cause la possibilité morale d'obéir ou de désobéir aux commandements révélés de Dieu. Il ne fait d'ailleurs aucune mention de l'utilité des prières ce qui est logique avec l'idée que tout ce qui arrive, arrive selon une nécessité inéluctable.
  2. Les prophètes n'exhortent selon Spinoza le peuple à plus de vertu qu'au moyen de principes illusoires, la foule étant beaucoup moins sensible à la raison qu'à l'imagination. L’Écriture n'enseigne en ce sens pas la vérité mais la vertu.
  3. Par son argumentation, le TTP brise l'autorité de la Sainte Écriture. Par exemple les miracles, qui sont censés être des interventions surnaturelles de Dieu, ne peuvent avoir de réalité étant donnée l'universelle nécessité. Dieu lui-même n'a pas d'autre puissance que la puissance ordinaire de la nature. Un miracle n'est selon lui qu'un phénomène peu ordinaire dont le vulgaire ignore la cause.
  4. Si l'on suit la logique du TTP, le Coran doit être mis au même plan que la Bible et Mahomet ne fût pas moins un vrai prophète que ceux de la Bible puisque selon Spinoza, l'essentiel de la prophétie se résume à exhorter le peuple à cultiver les vertus morales.

On remarquera que pour Velthuysen, l'athéisme semble revenir à la négation du christianisme orthodoxe plus qu'à la négation pure et simple de l'existence de Dieu. Velthuysen envisage d'abord que Spinoza puisse au fond être déiste, c'est-à-dire une croyance en Dieu faisant l'économie de toute révélation (le théisme admettant l'existence personnelle d'un dieu unique s'étant révélé aux personnes qu'il a créées) . Mais il rejette aussitôt cette hypothèse, car un déiste peut prier, croire à une intervention surnaturelle de Dieu etc. En d'autres termes, le spinozisme doit être un athéisme parce qu'il supprime toute forme de culte rendu à Dieu, puisqu'en dernière analyse, il identifie Dieu et la nature, nie toute notion de providence divine en affirmant la nécessité universelle.

Cette accusation d'athéisme repose donc sur une conception nettement judéo-chrétienne de Dieu. Velthuysen et avec lui toute l'époque classique n'imagine pas qu'on puisse admettre l'existence d'une divinité qui s'identifie avec la nature, comme ce fût le cas des égyptiens entre autres exemples. Fait remarquable, ce qui est le plus reproché à Spinoza est de ne pas reprendre à son compte la distinction mosaïque entre vrai et faux culte. Dans l'antiquité en effet, en dehors du contexte judaïque, on reconnaissait facilement que les dieux des autres peuples avaient une valeur propre, les cultes étant échangeables. Si pour Spinoza, il n'y a qu'une seule vérité, il n'y a pas pour autant une seule vraie religion puisque leur premier objet n'est pas la vérité rationnelle mais la vertu.

Mais l'athéisme tel que nous le concevons aujourd'hui ne peut-il être appliqué au spinozisme ? L'athéisme moderne serait beaucoup plus radicalement la négation de toute idée d'existence de Dieu. L'idée de Dieu restant celle d'un être suprême, créateur et juge de toutes choses, principe de salut pour l'humanité. Or à l'examen de son œuvre principale, l'Éthique, Spinoza nie que Dieu puisse être à proprement parler un créateur de l'univers, car cela supposerait qu'il soit transcendant, or Dieu, être absolument infini ne saurait être extérieur à la nature puisqu'autrement il serait limité par elle, perdant du coup son absolue infinité. Dieu ne saurait par ailleurs agir selon quelque providence que ce soit puisqu'un être absolument infini ne peut se nier lui-même et donc nier l'ordre de la nature d'une part et se proposer d'autre part des fins qui le limiteraient [1]).

Tout ce qui existe selon ce que Spinoza appelle Dieu existe nécessairement, il ne saurait donc être le juge que les hommes imaginent en projetant sur lui leur propre humanité, dictant des lois qui pourraient être transgressées, devant agiter l'espoir de récompense et la crainte de peines pour qu'on consente à lui obéir. Dieu en lui-même, ne saurait donc être le fondement de la morale et de ses règles pouvant être transgressées.

Dans ses affirmations concernant la nature de Dieu, Spinoza se prête également à une certaine identification avec l'athéisme. En effet, la croyance ordinaire en Dieu veut que par sa transcendance, celui-ci ne soit qu'esprit, absolument séparé de toute réalité corporelle dont il est créateur. Or Spinoza affirme que Dieu est étendu[2]).

Tout cela nous amène à conclure avec Velthuysen que classique ou moderne, Spinoza professe un athéisme caché sous les mots qu'il emprunte à la religion.

II/ Un crypto-athéisme ?

Pour répondre aux accusations de Velthuysen, transmises par Osten, Spinoza ne ménage pas ses arguments dans la Lettre 43. D'abord, il met en avant sa personne, puisqu'on l'accuse d'être athée. Tous ceux qui le connaissent savent qu'il méprise les richesses et les honneurs : l'athéisme classique, dont les libertins étaient les représentants, revient en effet à croire que seule la matière et les êtres finis existent. En conséquence, il ne peut y avoir pour un athée d'autre bien suprême que les richesses, les honneurs ou encore les plaisirs sensuels qui se rapportent à des êtres finis. Or le Traité de la réforme de l'entendement montre bien les limites de tels biens et met en œuvre la recherche d'un bien qui ne soit pas limité. A l'accusation de défendre l'athéisme par feinte, Spinoza répond "qui pourrait avoir l'esprit assez rusé et retors pour donner, par feinte, à l'appui d'une thèse qu'il tient pour fausse, de si nombreuses et valables raisons ?"

A l'accusation de détruire la religion, il demande comment cela se peut quand on pose que Dieu est le souverain bien, que le prix de la vertu est la vertu même, que chacun doit aimer son prochain ? La contre attaque de Spinoza est sévère : si Velthuysen refuse la compréhension spinoziste de Dieu, c'est qu'il ne veut pas se contenter de la seule raison pour diriger sa vie mais préfère être gouverné par ses passions. "Il s'abstient es action mauvaises et observe le commandements divins contre son gré et d'une âme changeante, comme un esclave."

Le fondement de la critique de Velthuysen est que Spinoza soumettrait Dieu au destin. Spinoza répond qu'il n'en est rien : Dieu ne se soumet qu'à soi-même, ce qui constitue sa liberté. Cela implique certes qu'il n'y ait aucune part de contingence réelle dans l'univers. En posant que Dieu se connaît lui-même, on pose qu'il agit selon une libre nécessité. (On pourrait ajouter qu'en effet, la Bible elle-même dit que "Dieu ne peut mentir"[3]). Aussi les lois morales ne sont pas supprimées par la nécessité universelle, car il fait précisément partie de cette nécessité que pour la raison, ces lois soient désirables et salutaires.

Quant à Mahomet enfin, s'il supprime la liberté de l'homme, autrement dit la possibilité de ne se soumettre qu'à sa propre nécessité que Spinoza accepte, on est en droit de se demander s'il fût un vrai prophète. Il n'en demeure pas moins que ce n'est pas à lui, Spinoza, de montrer qui fut un vrai prophète, qui ne le fut pas. "C'étaient les prophètes au contraire qui étaient tenus de prouver leur authenticité". Si Mahomet a enseigné une loi réellement divine, alors il n'y a aucune raison de nier qu'il fut un vrai prophète. Spinoza conclut au sujet de Velthuyssen et de son accusation d'athéisme dissimulé "ce n'est pas à moi, mais bien à lui qu'il fait le plus grand tort quand il n'a pas honte d'affirmer que, par des voies détournées et dissimulées, c'est l'athéisme que j'enseigne".

Mais Spinoza n'avait-il pas à craindre pour sa propre vie à une époque où la liberté de conscience était loin d'être une évidence et où il arrivait encore qu'on tue au nom du maintien de l'orthodoxie ?

Sur la Lettre 30 à Oldenburg : "L'opinion qu'a de moi le vulgaire, qui ne cesse de m'accuser d'athéisme : je suis contraint de la combattre le plus possible", on pourrait voir dans cette "contrainte" un effet de la crainte d'être démasqué, l'amenant à travestir ses idées pour que son athéisme ne se voie pas trop. Mais il faut ici se référer au contexte des écrits de Spinoza : il écrit souvent qu'il ne prend pas la peine de réfuter les autres, y compris ceux qui entreprennent de le réfuter, se contentant de rechercher la vérité. Mais dans le cas de l'accusation d'athéisme, le système de Spinoza est touché dans ses principes mêmes, ce qui l'amène à rectifier cette interprétation dans la mesure où cette confusion semble générale. Or pour Spinoza, la communicabilité et donc la compréhension exacte de sa philosophie est quelque chose d'essentiel : "je me décidai en fin de compte à rechercher s'il n'existait pas un bien véritable et qui pût se communiquer"[4].

En ce sens, l'idée que Spinoza se serait plu à crypter l'expression de ses idées paraît bien contradictoire eu égard à cet objectif qu'il s'était donné.

N'oublions pas que dans la Hollande du 17° s. où vivait Spinoza , nous avons affaire à une république sans religion d'État, où les libertins peuvent vivre sans craindre pour leur vie de la part des institutions. Si Spinoza a eu des problèmes de son vivant, c'est avec des membres de la société civile, en particulier ceux de la communauté juive. Par ailleurs, l’Éthique n'est pas publiée par Spinoza de son vivant, par mesure de prudence : il n'a donc pas à craindre d'éventuelles représailles.

Ensuite, si Spinoza avait utilisé uniquement le terme de "nature" dès le départ, il aurait pris beaucoup moins de risque qu'en utilisant d'emblée celui de Dieu : les physiciens n'intéressaient que peu les fanatiques religieux d'alors. C'est justement parce que Spinoza dit clairement dans l'Éthique que Dieu ne saurait être un créateur agissant par une libre volonté en vue de fins favorables à l'homme qu'il prend le risque de provoquer si sérieusement les fanatiques d'alors.

En d'autres termes, Spinoza n'avait pas à inventer un langage crypté pour parler uniquement de la nature. J'ajoute que si Spinoza n'a pas publié son Éthique, c'est parce qu'il savait bien que malgré ce que son système paraît concéder à la religion, il se serait fait incendier par les fanatiques. On peut vouloir faire de l’Éthique une sorte de Roman de Renart qui se rirait des censeurs à leur nez et à leur barbe dans un langage crypté. Mais l’Éthique en l'état n'aurait pas moins choqué les fanatiques si elle avait été publiée que si elle avait dit clairement tout ce que les partisans d'un athéisme radical du spinozisme lui font dire. Il n'y a donc pas de sens à en faire je ne sais quel "maquis philosophique" parce que dans sa lettre même, son sens patent, l’Éthique choquait.

Enfin, si Spinoza avait écrit un "crypto-athéisme", il aurait été en contradiction avec lui-même, ce qui n'était pas son habitude, car il dit "l'homme libre n'agit jamais déloyalement, mais toujours de bonne foi"[5] et dans le scolie suivant : "Si par perfidie, un homme pouvait échapper à une mort imminente, les principes de la conservation de son être ne lui conseilleraient-ils pas d'être perfide ? De la même façon je répondrai que si la Raison le conseillait, elle le conseillerait aussi à tous les hommes, et par suite la Raison conseillerait d'une façon générale, à tous les hommes, de ne passer que des pactes de mauvaise foi pour unir leurs forces et établir une loi commune, c'est-à-dire pour n'avoir pas en réalité, de loi commune, ce qui est absurde". On ne peut être plus clair. Spinoza peut être considéré comme un "homme libre" parce que plus que tout autre il s'efforçait d'agir selon les commandements de la raison.

Savoir comprendre une philosophie par sa lettre même, et non en cherchant une supposée signification ésotérique est une question de méthode que P.F. Moreau a bien expliquée : si un auteur, en raison de pressions sociales doit consentir à des concessions à la pensée dominante, il ne mettra en avant ces concessions que pour la forme. En d'autres termes, ces concessions n'auront dans son système de pensée aucune conséquence réelle. Or on ne peut que constater que le concept spinoziste de Dieu est le concept de sa philosophie dont il tire le plus de conséquences.

III/ Deus sive Natura

Mais en identifiant Dieu et la Nature, Spinoza ne réduit-il pas Dieu à rien, la nature étant la véritable totalité ?

Si l'athéisme consiste à n'admettre aucune transcendance, alors Spinoza est athée, puisque dans sa philosophie il n'y a pas de séparation entre Dieu et la nature. Mais l'athéisme consiste aussi à penser qu'il n'y a que du fini, que l'être n'est qu'une collection d'êtres finis. A ce titre pour l'athée, la nature n'est que la somme totale, indénombrable mais non infinie, des êtres finis.

Spinoza entend démontrer au contraire que la nature est d'abord une substance infinie, éternelle et pensante : c'est la nature naturante.[6] Si chronologiquement, il n'y a pas d'antériorité de la nature naturante par rapport à la nature naturée[7], il en existe bien logiquement[8]. Cette antériorité confère à la nature naturée son unité : ce qui fait qu'elle n'est pas qu'une somme d'individus séparés.

Ainsi la nature naturante, ou substance-attributs, ou Dieu, est une réalité absolument infinie qui est cause immanente du mode d'existence propre à tous les êtres singuliers. Celle-ci engendre d'ailleurs immédiatement (mode infini immédiat) - autrement dit de toute éternité - un entendement infini antérieur aux entendements singuliers.[9]. Or qui dit "entendement" dit idée de soi et idée de cette idée : conscience. La nature est donc consciente d'elle-même : au niveau de l'entendement infini comme dans une certaine mesure à celui des entendements finis.

A ce titre, le terme de "nature" pris au sens courant de totalité des êtres finis n'indique pas mieux la pensée de Spinoza que "Dieu" au sens courant. C'est pourquoi Spinoza utilise à la fois les deux termes pour éviter au lecteur de tomber dans une interprétation tronquée. Certes Dieu n'est pas une "personne" et un créateur, agissant et jugeant ses créatures de façon anthropomorphique (en pensant avant d'agir par exemple : la pensée divine est toujours coextensive à son action), mais ce n'est pas non plus qu'une collection d'êtres finis. A ce titre, le spinozisme n'est pas plus un athéisme qu'un théisme au sens judéo-chrétien. Ce serait plutôt un déisme : il y a un Dieu, principe de toute réalité et de toute connaissance complète, qui s'il n'intervient pas en "personne" dans la vie des hommes, est au principe de leur salut (accès à une liberté et une félicité éternelles) : cf. Éthique V.

Conclusion

Spinoza critique l'anthropomorphisme des représentations ordinaires de Dieu au nom d'une idée rationnellement construite de Dieu, comme explicitation logique de l'idée d’ens realissimum. Sans cette idée rationnelle, pas de critique possible de l'anthropomorphisme. Or nous avons vu plus haut qu'il s'agit de l'idée d'un être absolument infini etc. La critique de l'anthropomorphisme n'est donc pas le cache sexe de l'athéisme.

Rien de ce que Spinoza affirme de Dieu n'est "inconcevable" car un concept rationnel n'a pas à permettre d'appréhender un objet selon une expérience sensible, si cet objet n'est pas un objet fini. En revanche, on peut dire que Dieu est "insondable" puisque cela renvoie à l'appréhension d'un objet fini (on sonde une rivière pour en faire ressortir un objet perdu). Mais Dieu, comme nature naturante, n'a pas à être "sondé" puisqu'il est déjà immédiatement présent en chaque réalité particulière, en tant qu'elle affirme son être dans l'être.[10] Dieu n'est pas "perdu", on ne le croit que parce qu'on cherche avec les yeux du corps ou avec l'imagination, au lieu de le voir avec les yeux de l'entendement que sont les démonstrations.

D'autre part si rien de ce qui caractérise l'homme en tant qu'être fini ne saurait être attribué à Dieu en tant que substance, il ne faut pas négliger que toutes les propriétés de Dieu se retrouvent en l'homme comme expression finie de la substance. Ainsi l'homme "participe" à la pensée divine par ses idées inadéquates et adéquates, à l'entendement infini par son entendement fini, à l'amour intellectuel de Dieu par son amour intellectuel... Chez Spinoza, dire que Dieu pense, entend, aime... n'est pas "anthropomorphiser" Dieu mais diviniser l'homme. La "désanthropomorphisation" de Dieu est une épuration de son concept, conformément à la méthode de TRE, non l'annulation de toute idée s'y rapportant.

On avait posé à Alexandre Matheron, un commentateur moderne et assez "marxisant" de Spinoza, la question : "pensez-vous finalement que Spinoza croyait en Dieu ?" Réponse de Matheron : "Ce qui est certain, c'est que Spinoza croyait dans le Dieu de Spinoza".

Henrique Diaz, article publié pour la première fois en mars 2005

Bibliographie

  • "La querelle de l'athéisme spinoziste" in L'immanence et le Salut de Bernard Rousset, page 227 (cf. Bibliographie générale).
  • "L'idée de religion chez Spinoza" in Essais Spinozistes de Sylvain Zac, p. 73.
  • "Quelques remarques à propos du marranisme : un concept à tout faire" in Revue de Psychologie des Peuples, Le Havre, 1978, pp. 83-100, article de Henri Méchoulan.


Notes

  1. Cf. Éthique I, Appendice
  2. Éthique II, proposition 2.
  3. Tite 1,2 et Nombres 23,19.
  4. TRE §1
  5. cf. Éthique IV, prop. 72
  6. Éthique I, prop. 29, scol.
  7. Dieu est cause immanente et non transitive : E1P18.
  8. E1P1.
  9. Voir E1P21, E2P3 et 4.
  10. Éthique III, prop. 6, démonstration
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