L'État (extraits)

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''En tant que l'État vise l'intérêt public, obéir au souverain légitime d'un État, c'est servir son propre intérêt. Cela revient à une attitude fondée sur la Raison qui est la connaissance de ce qui nous est commun. Le respect des lois de l'État est l'attitude de l'homme libre qui n'obéit qu'à la raison, à sa raison comme celle de tous, et non l'attitude de l'esclave qui est dominé par ses penchants.''
 
''En tant que l'État vise l'intérêt public, obéir au souverain légitime d'un État, c'est servir son propre intérêt. Cela revient à une attitude fondée sur la Raison qui est la connaissance de ce qui nous est commun. Le respect des lois de l'État est l'attitude de l'homme libre qui n'obéit qu'à la raison, à sa raison comme celle de tous, et non l'attitude de l'esclave qui est dominé par ses penchants.''
  
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On pense que l'esclave est celui qui agit par commandement et l'homme libre celui qui agit selon son bon plaisir. Cela cependant n'est pas absolument vrai, car en réalité être captif de son plaisir et incapable de rien voir ni faire qui nous soit vraiment utile, c'est le pire esclavage, et la liberté n'est qu'à celui qui de son entier consentement vit sous la seule conduite de la Raison. Quant à l'action par commandement, c'est-à-dire à l'obéissance, elle ôte bien en quelque manière la liberté, elle ne fait cependant pas sur-le-champ un esclave, c'est la raison déterminante de l'action qui le fait. Si la fin de l'action n'est pas l'utilité de l'agent lui-même, mais de celui qui la commande, alors l'agent est un esclave, inutile à lui-même ; au contraire, dans un État et sous un commandement pour lesquels la loi suprême est le salut de tout le peuple, non de celui qui commande, celui qui obéit en tout au souverain ne doit pas être dit un esclave inutile à lui-même, mais un sujet. Ainsi cet État est le plus libre, dont les lois sont fondées en droite Raison, car dans cet État chacun, dès qu'il le veut, peut être libre, c'est-à-dire vivre de son entier consentement sous la conduite de la Raison. "
 
On pense que l'esclave est celui qui agit par commandement et l'homme libre celui qui agit selon son bon plaisir. Cela cependant n'est pas absolument vrai, car en réalité être captif de son plaisir et incapable de rien voir ni faire qui nous soit vraiment utile, c'est le pire esclavage, et la liberté n'est qu'à celui qui de son entier consentement vit sous la seule conduite de la Raison. Quant à l'action par commandement, c'est-à-dire à l'obéissance, elle ôte bien en quelque manière la liberté, elle ne fait cependant pas sur-le-champ un esclave, c'est la raison déterminante de l'action qui le fait. Si la fin de l'action n'est pas l'utilité de l'agent lui-même, mais de celui qui la commande, alors l'agent est un esclave, inutile à lui-même ; au contraire, dans un État et sous un commandement pour lesquels la loi suprême est le salut de tout le peuple, non de celui qui commande, celui qui obéit en tout au souverain ne doit pas être dit un esclave inutile à lui-même, mais un sujet. Ainsi cet État est le plus libre, dont les lois sont fondées en droite Raison, car dans cet État chacun, dès qu'il le veut, peut être libre, c'est-à-dire vivre de son entier consentement sous la conduite de la Raison. "
 
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L'homme que conduit la raison est plus libre dans la cité où il vit selon le décret commun, que dans la solitude où il n'obéit qu'à lui-même.
 
L'homme que conduit la raison est plus libre dans la cité où il vit selon le décret commun, que dans la solitude où il n'obéit qu'à lui-même.

Version du 20 décembre 2016 à 18:57

Morceaux choisis de la pensée de Spinoza sur l'État

L'obéissance aux lois de l'État n'est pas un esclavage

En tant que l'État vise l'intérêt public, obéir au souverain légitime d'un État, c'est servir son propre intérêt. Cela revient à une attitude fondée sur la Raison qui est la connaissance de ce qui nous est commun. Le respect des lois de l'État est l'attitude de l'homme libre qui n'obéit qu'à la raison, à sa raison comme celle de tous, et non l'attitude de l'esclave qui est dominé par ses penchants.

On pense que l'esclave est celui qui agit par commandement et l'homme libre celui qui agit selon son bon plaisir. Cela cependant n'est pas absolument vrai, car en réalité être captif de son plaisir et incapable de rien voir ni faire qui nous soit vraiment utile, c'est le pire esclavage, et la liberté n'est qu'à celui qui de son entier consentement vit sous la seule conduite de la Raison. Quant à l'action par commandement, c'est-à-dire à l'obéissance, elle ôte bien en quelque manière la liberté, elle ne fait cependant pas sur-le-champ un esclave, c'est la raison déterminante de l'action qui le fait. Si la fin de l'action n'est pas l'utilité de l'agent lui-même, mais de celui qui la commande, alors l'agent est un esclave, inutile à lui-même ; au contraire, dans un État et sous un commandement pour lesquels la loi suprême est le salut de tout le peuple, non de celui qui commande, celui qui obéit en tout au souverain ne doit pas être dit un esclave inutile à lui-même, mais un sujet. Ainsi cet État est le plus libre, dont les lois sont fondées en droite Raison, car dans cet État chacun, dès qu'il le veut, peut être libre, c'est-à-dire vivre de son entier consentement sous la conduite de la Raison. " </div>

Traité théologico-politique, chap. XVI.

L'homme que conduit la raison est plus libre dans la cité où il vit selon le décret commun, que dans la solitude où il n'obéit qu'à lui-même.

Éthique IV, prop. 72

Concepts clés : raison, esclavage, commandement, obéissance, autorité, liberté.

L'État ne repose pas sur la renonciation à la liberté de penser

L'État repose sur la renonciation de chacun à la liberté d'agir de son propre chef, sans égard aux lois décrétées par le souverain (que ce souverain soit un monarque, une classe dominante ou tout le peuple). Mais il est inutile et même impossible que l'État demande à ses citoyens de renoncer au droit de raisonner et de parler, fût-ce à l'encontre des lois de l'État.

Pour former l'État, une seule chose est nécessaire : que tout le Pouvoir de décréter appartienne soit à tous collectivement, soit à quelques-uns, soit à un seul. Puisque, en effet, le libre jugement des hommes est extrêmement divers, que chacun pense être seul à tout savoir et qu'il est impossible que tous opinent pareillement et parlent d'une seule bouche, ils ne pourraient vivre en paix si l'individu n'avait renoncé à son droit d'agir suivant le seul décret de sa pensée. C'est donc seulement au droit d'agir par son propre décret qu'il a renoncé, non au droit de raisonner et de juger ; par suite nul à la vérité ne peut, sans danger pour le droit du souverain, agir contre son décret, mais il peut avec une entière liberté opiner et juger et en conséquence aussi parler, pourvu qu'il n'aille pas au-delà de la simple parole ou de l'enseignement, et qu'il défende son opinion par la Raison seule, non par la ruse, la colère ou la haine, ni dans l'intention de changer quoi que ce soit dans l'État de l'autorité de son propre décret. "

Traité théologico-politique, chap. XX.

Concepts clés : droit naturel, liberté d'expression, tolérance, souveraineté, raison, pouvoir.

L'État ne peut gouverner selon la justice s'il gouverne par la crainte

La fin de l'État est de libérer l'individu de la crainte qui règne à l'état de nature ; s'il gouverne au moyen de la crainte, l'État perd sa signification.

Ce n'est pas pour tenir l'homme par la crainte et faire qu'il appartienne à un autre que l'État est institué; au contraire c'est pour libérer l'individu de la crainte, pour qu'il vive autant que possible en sécurité, c'est-à-dire conserve, aussi bien qu'il se pourra, sans dommage pour autrui, son droit naturel d'exister et d'agir. Non, je le répète, la fin de l'État n'est pas de faire passer les hommes de la condition d'êtres raisonnables à celle de bêtes brutes ou d'automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et leur corps s'acquittent en sûreté de toutes leurs fonctions, pour qu'eux-mêmes usent d'une Raison libre, pour qu'ils ne luttent point de haine, de colère ou de ruse, pour qu'ils se supportent sans malveillance les uns les autres. La fin de l'État est donc en réalité la liberté.

Spinoza, Traité théologico-politique, Ch. XX (GF p.329)

Concepts clés : justice, droit, sécurité, crainte, liberté.
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