Erreur

De Spinoza et Nous.
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L’erreur consiste à tenir pour vraie une idée fausse, ou pour fausse une idée vraie, une idée fausse étant une idée qui ne s'accorde pas complètement ou suffisamment son objet (cf. E1A6). Elle est à la fausseté, ce que l'exactitude est la vérité, c'est-à-dire son existence concrète. Autant dire que la différence est minime, étant donné qu'adéquatement formé, un concept ne saurait se réduire à une simple abstraction. C'est pourquoi Spinoza dit aussi bien que « l'erreur consiste uniquement dans la privation de connaissance qu'enveloppent les idées mutilées et confuses» que «La fausseté des idées consiste dans la privation de connaissance qu'enveloppent les idées inadéquates, c'est-à-dire les idées mutilées et confuses» (E2P35 et scolie, E2P49, scolie) .

Une erreur n'est pas l'idée de rien, formée à partir de rien. Elle possède donc une positivité sans quoi elle n'aurait aucune existence, y compris de raison. Mais en même temps, ce n'est rien de positif qui fait la fausseté des idées (E2P33) : la positivité de l'erreur, sans laquelle elle n'aurait aucune existence, est ce qui fait sa part de vérité, tandis que sa négativité, ce qui lui manque[1], et seulement ce qui lui manque pour représenter complètement son objet est ce qui fait sa fausseté.

Ainsi une personne qui devant compter le nombre de personnes à table n'en compte que 12 alors qu'il y en a 13, a simplement omis de se compter elle-même et n'a donc pas complètement tort : elle ne voit effectivement que 12 personnes - elle a a seulement négligé la distinction qu'il peut y avoir entre le nombre de personnes qu'elle voit (12 parce qu'elle ne se voit pas elle-même) et le nombre de personnes objectivement présentes (13 en se comptant elle-même). Ou encore, celui qui compte que 3x3 font 6 n'a tort que parce qu'il a confondu la multiplication et l'addition, mais comme dans son esprit l'opération était au fond 3+3, il n'avait pas foncièrement tort.

On le voit la plupart des erreurs viennent de ce que nous n'appliquons pas convenablement les noms des choses (...)Celui qui se trompe dans un calcul a dans l'esprit d'autres nombres que sur le papier. Si donc vous ne faites attention qu'à ce qui se passe dans son esprit, assurément il ne se trompe pas ; et néanmoins il semble se tromper parce que nous croyons qu'il a dans l'esprit les mêmes nombres qui sont sur le papier. Sans cela nous ne penserions pas qu'il fût dans l'erreur, comme je n'ai pas cru dans l'erreur un homme que j'ai entendu crier tout à l'heure : Ma maison s'est envolée dans la poule de mon voisin ; par la raison que sa pensée véritable me paraissait assez claire. Et de là viennent la plupart des controverses, je veux dire de ce que les hommes n'expliquent pas bien leur pensée et interprètent mal celle d'autrui au plus fort de leurs querelles ; ou bien ils ont les mêmes sentiments, ou, s'ils en ont de différents, les erreurs et les absurdités qu'ils s'imputent les uns aux autres n'existent pas. (E2P47)

C'est pourquoi aussi rien de ce qu'une idée fausse contient de positif n'est détruit par la présence du vrai, en tant que vrai (E4P1). En effet, l'erreur vient du fait que les images que forme notre cerveau relèvent de la constitution propre de notre corps, plutôt que de la nature des corps extérieurs ; les idées qui s'en suivent sont donc confuses. C'est ainsi que lorsque nous regardons le soleil, il nous apparaît comme un gros ballon situé à une soixantaine de mètres de nous, quand bien même nous savons que notre étoile est beaucoup plus éloignée que cela. Une fois que nous avons compris les raisons pour lesquelles le soleil ne peut pas être à une soixantaine de mètre seulement de nous, nous ne nous laissons plus abuser par l'apparence mais l'image sensible que nous en formons persévère en nous car ce qu'elle exprime positivement n'est pas le soleil lui-même mais la façon dont cet objet affecte notre corps.

Voir aussi :
Concepts voisins : opinion, préjugé, illusion,
Relatifs : fausseté, connaissance, doute, imagination, raison, intellect, volonté
Opposés : évidence, certitude, notions communes, vérité.



  1. "ce qui lui manque" ce dont l'idée qui la constitue est dépourvue, privée, en raison d'une sorte de mutilation du même ordre que celle qui caractériserait un homme né sans yeux, ce qui n'empêche pas sa perfection - et non pas comme chez Platon, dans Le Banquet le signe d'une perfection perdue.
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