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TRAITÉ THÉOLOGICO-POLITIQUE
NOTES MARGINALES
AJOUTÉES PAR SPINOZA
AU TRAITÉ THÉOLOGICO-POLITIQUE
1
Plan du TTP
CHAPITRE I.
Note I. - Les mots hébreux qui
signifient prophète, prophétie, ont été
bien entendus par R. Salomon Jaschi, mais mal traduits par Aben-Hezra,
qui était loin d’être aussi versé dans l’intelligence
de la langue hébraïque. Il faut remarquer également
ici que le mot hébreu qui répond à prophétie
a une signification générale, et comprend toute façon
quelconque de prophétiser. Les autres mots qui ont à peu
près le même sens sont plus particuliers et marquent tel
ou tel genre de prophétie. C’est ce que les doctes savent parfaitement
2.
Note II. - Quoique la science naturelle
soit divine, il ne s’ensuit pas cependant que ceux qui l’enseignent soient
autant de prophètes, c’est-à-dire autant d’interprètes
de Dieu. Celui-là seul, en effet, est interprète de Dieu
qui découvre les décrets divins que Dieu même lui
a révélés à ceux qui n’ont pas reçu
cette révélation et dont la croyance n’a, par conséquent,
d’autre appui que l’autorité du prophète et la confiance
qu’elle inspire. S’il en était autrement, si les hommes qui entendent
les prophètes devenaient prophètes eux-mêmes, comme
deviennent philosophes ceux qui entendent les philosophes, le prophète
cesserait alors d’être l’interprète des décrets divins,
puisque ceux qui entendraient sa parole en connaîtraient la vérité,
non sur la foi du prophète, mais par une révélation
toute divine, comme la sienne, et par un témoignage intérieur.
C’est ainsi que le souverain, dans un État, est l’interprète
du droit, parce que son autorité seule le défend, et que
son seul témoignage l’établit.
Note III. - Partout où il
voulait l’entendre ; lisez : Toutes les fois qu’il voulait
l’entendre.
Note IV. - Les prophètes
se distinguaient par une vertu singulière et au-dessus du commun.
Bien qu’il y ait des hommes doués de certains avantages que la
nature a refusés à tous les autres, on ne dit pas que ces
hommes soient au-dessus de la nature humaine ; car il faudrait pour cela
que les qualités qu’ils ont en propre ne fussent pas comprises
dans l’essence ou la définition de l’humanité. Une taille
de géant, par exemple, voilà une chose rare, mais
tout humaine. De même, c’est un talent peu commun que celui
d’improviser des vers ; mais il n’y a rien là qui surpasse l’homme.
J’en dirai autant, par conséquent, de cette propriété
qu’ont quelques individus de se représenter certains objets par
l’imagination, je ne dis pas en dormant, mais les yeux ouverts, d’une
manière aussi vive que si ces objets étaient devant eux.
Que s’il se rencontrait une personne qui possédât d’autres
moyens de percevoir que les nôtres et un autre mode de connaissance,
il faudrait dire alors qu’elle est au-dessus des limites imposées
à la nature humaine.
CHAPITRE III.
Note V. - Nous ne voyons pas que
Dieu ait promis autre chose aux patriarches.
Au chapitre XV de la Genèse, Dieu promet
à Abraham d’être son défenseur et de lui donner d’amples
récompenses. Abraham répond qu’il ne peut plus rien attendre
qui ait quelque prix à ses yeux, puisqu’il est sans enfants à
un âge très-avancé.
Note VI. - Tout ce qui a pu être
promis aux Hébreux... c’est donc la sécurité de la
vie.
Sur ce point : qu’il ne suffit point, pour arriver à
la vie éternelle, d’avoir gardé les préceptes de
l’Ancien Testament, voyez Marc, chap. X, vers. 21.
CHAPITRE VI.
Note VII. - L’existence de Dieu n’étant
pas évidente d’elle-même.
Nous doutons de l’existence de Dieu, et par conséquent
de toutes choses, tant que nous n’avons qu’une idée confuse de
Dieu, au lieu d’une idée claire et distincte. De même, en
effet, que celui qui ne connaît pas bien la nature du triangle ne
sait pas que la somme de ses angles égale deux droits, de même
quiconque ne conçoit la nature divine que d’une manière
confuse ne voit pas qu’exister appartient à la nature de
Dieu. Or, pour concevoir la nature de Dieu d’une manière claire
et distincte, il est nécessaire de se rendre attentif à
un certain nombre de notions très-simples qu’on appelle notions
communes, et d’enchaîner par leur secours les conceptions que nous
nous formons des attributs de la nature divine. C’est alors que, pour
la première fois, il nous devient évident que Dieu existe
nécessairement, qu’il est partout, que tout ce que nous concevons
enveloppe la nature de Dieu et est conçu par elle ; enfin que toutes
nos idées adéquates sont vraies. On peut consulter sur ce
point les Prolégomènes du livre qui a pour titre : Principes
de la Philosophie de Descartes exposés selon l’ordre des géomètres.
CHAPITRE VII.
Note VIII. - Une méthode capable
de donner le vrai sens de tous les passages de l’Écriture est quelque
chose d’absolument impossible.
Je veux dire impossible pour nous, qui n’avons pas l’habitude
de la langue hébraïque et qui avons perdu le secret de sa
syntaxe.
Note IX. - Pour les choses que l’entendement
peut atteindre d’une vue claire et distincte, et qui sont concevables
par elles-mêmes.
Par choses concevables, je n’entends pas seulement celles
qui se démontrent d’une façon rigoureuse, mais aussi celles
que notre esprit peut embrasser avec une certitude morale, et que nous
concevons sans étonnement, bien qu’il doit impossible de les démontrer.
Tout le monde conçoit les propositions d’Euclide avant d’en avoir
la démonstration. De même, les récits historiques,
soit qu’ils se rapportent au passé ou à l’avenir, pourvu
qu’ils soient croyables, les institutions des peuples, leur législation,
leurs mœurs, voilà des choses que j’appelle concevables et claires,
quoiqu’on ne puisse en donner une démonstration mathématique.
J’appelle inconcevables les hiéroglyphes et les récits historiques
auxquels on ne peut absolument pas ajouter foi ; on remarquera cependant
qu’il y a un grand nombre de ces récits où notre méthode
permet de pousser l’investigation de la critique, afin d’y découvrir
l’intention de l’auteur.
Note X. - Cette note est tout simplement
une correction du texte hébreu.
CHAPITRE VIII.
Note XI. - La montagne de Morya
est appelée, dans la Genèse, montagne de Dieu.
Ce n’est pas Abraham, mais l’historien, qui donne ce
nom à la montagne de Morya. Car il est dit dans le passage que
le lieu qui s’appelle aujourd’hui Révélation sera faite
sur la montagne de Dieu fut nommé par Abraham Dieu avisera.
Note XII. - Avant que David eût
subjugué les Iduméens.
Depuis cette époque les Iduméens cessèrent
d’avoir des rois jusqu’au règne de Jéroboam, pendant lequel
ils se séparèrent de l’empire juif (Rois, liv. II,
chap. VIII, vers. 20). Ils furent administrés, durant cette période,
par des gouverneurs juifs qui tenaient la place de leurs anciens rois
; c’est pourquoi le gouverneur de l’Idumée est appelé roi
dans l’Écriture (Rois, liv. III, chap. III, vers. 9).
Maintenant le dernier roi de l’Idumée a-t-il commencé
de régner avant l’avènement de Saül, ou bien n’est-il
question, dans ce chapitre de la Genèse, que des rois Iduméens
antérieurs à la défaite de ce peuple ? c’est
une question sur laquelle on peut hésiter. Mais quant à
ceux qui veulent comprendre Moïse dans le catalogue des rois hébreux,
Moïse qui établit un empire tout divin, entièrement
éloigné du gouvernement monarchique, je dirai que cette
prétention n’est pas sérieuse.
CHAPITRE IX.
Note XIII. - À très-peu
d’exceptions près.
Voici quelques-unes de ces exceptions : on lit dans les
Rois (liv. II, chap. XVIII, vers. 20) : Vous avez dit, etc.
Or le texte d’Isaïe (chap. XXXVI, vers. 3) porte : J’ai
dit. Au verset 22 des Rois, on trouve ces paroles : Mais
vous direz peut-être ; au lieu de ce pluriel, Isaïe
donne le singulier. Le texte d’Isaïe ne contient pas les paroles
qui se trouvent dans les Rois (liv. II, chap. XXXII, vers. 32).
On trouve ainsi beaucoup d’autres leçons différentes, entre
lesquelles personne n’est capable de choisir la meilleure.
Note XIV. - Les expressions sont
en plusieurs endroits si diverses. Par exemple, on lit dans Shamuel
(liv. II, chap. VII, vers. 6) : Et j’erre sans cesse avec ma tente
et mon pavillon. Or, le texte des Paralipomènes (liv.
I, chap. XVIII, vers. 5) porte : Et j’allais d’une tente à une
autre tente, et de pavillon... On lit dans Shamuel (liv. II,
chap. VII, vers. 10) : Pour l’abaisser, et dans les Paralipomènes
(liv. I, chap. VII, vers. 9) : Pour le briser. Je pourrais signaler
d’autres différences plus considérables encore ; mais quiconque
lira une seule fois ces chapitres ne manquera pas de les remarquer, à
moins qu’il ne soit aveugle, ou qu’il n’ait entièrement perdu le
sens.
Note XV. - De quel temps s’agit-il
? Évidemment de celui qui vient d’être immédiatement
déterminé.
Que ce passage ne puisse marquer d’autre temps que celui
où Joseph fut vendu par ses frères, c’est ce qui résulte
d’abord du contexte même du discours ; mais ce n’est pas tout :
on peut le conclure encore de l’âge de Juda, qui avait alors vingt-deux
ans au plus, à prendre pour base sa propre histoire, qui vient
de nous être racontée. II résulte, en effet, du chapitre
XXIX de la Genèse, dernier verset, que Juda naquit dans
la dixième des années où Jacob servit Laban, et Joseph
dans la quatorzième. Or, nous savons que Joseph avait dix-sept
ans quand il fut vendu par ses frères ; Juda avait donc alors vingt
et un ans, pas davantage. Par conséquent, les auteurs qui prétendent
que cette longue absence de Juda hors de la maison paternelle eut lieu
avant la vente de Joseph ne cherchent qu’à se faire illusion à
eux-mêmes, et leur sollicitude pour la divinité de l’Écriture
n’aboutit qu’à la mettre en question.
Note XVI. - Dina avait à
peine sept ans quand elle fut violée par Sichem.
Quelques-uns pensent que Jacob voyagea pendant huit ou
dix années entre la Mésopotamie et le pays de Béthel.
Mais c’est là une opinion assez impertinente, bien qu’Aben-Hezra
l’ait soutenue 3. Car il
est clair que Jacob avait deux raisons de se hâter : la première
était le désir de revoir ses vieux parents ; la seconde,
et la principale, c’est qu’il devait acquitter le vœu qu’il avait fait
quand il fuyait son frère (Genèse, chap. XXIII, vers.
20 ; chap. XXXI, vers. 13 ; chap. XXXV, vers. 1). Nous voyons même
(Genèse, chap. XXXI, vers. 3 et 13) que Dieu l’avertit d’acquitter
son vœu, et lui promet son secours pour retourner dans sa patrie. Que
si, à de pareilles raisons on préfère je ne sais
quelles conjectures, je le veux bien, et j’accorde que Jacob, plus malheureux
qu’Ulysse 4, employa huit
ou dix années, et, si l’on veut, un plus grand nombre encore, à
terminer son voyage.
Ce qu’on n’a pu nier, du moins, c’est que Benjamin ne
soit venu au monde pendant la dernière année du voyage de
Jacob, c’est-à-dire, selon le calcul de nos adversaires, la quinzième
ou seizième année de l’âge de Joseph ; puisqu’en effet
Jacob quitta Laban sept ans après la naissance de son fils Joseph.
Or, depuis la dix-septième année de l’âge de celui-ci
jusqu’au temps où le patriarche alla en Égypte, on ne compte
que vingt-deux ans, ainsi que nous l’avons fait voir au chapitre IX ;
et par conséquent Benjamin n’avait, en ce même temps du voyage
d’Égypte, que vingt-trois ou vingt-quatre ans au plus. Ce serait
donc à la fleur de l’âge qu’il aurait eu des petits-enfants
(voyez Genèse, chap. XLVI, vers. 21 ; comparez Nombres,
chap. XXVI, vers. 38, 39, 40, et Paralipom., liv. I, chap. VIII,
vers. 1 et 199), puisqu’il est certain que Balah, fils aîné
de Benjamin, avait alors deux fils, Ard et Nahganum ; ce qui est tout
aussi déraisonnable que de prétendre que Dina fut violée
à l’âge de sept ans, sans parler de toutes les conséquences
absurdes qui découlent de ce récit. D’où l’on voit
que nos adversaires tombent de Charybde en Scylla.
Note XVII. - Hotniel, fils de Kenaz,
fut juge pendant quarante années.
R. Lévi, Ben-Gerson et quelques autres ont cru
qu’il fallait commencer à compter depuis la mort de Josué
ces quarante années que l’Écriture déclare s’être
écoulées sous un régime de liberté, et par
conséquent que les huit années précédentes
du gouvernement de Kusan-Rishgataïm y sont comprises, et que les
dix-huit suivantes se doivent rapporter aux quatre-vingts années
d’Ehud et de Samgar ; enfin, qu’il faut mettre les autres années
de servitude au nombre de celles qui se sont écoulées, suivant
l’Écriture, sous un régime de liberté. Mais puisque
l’Écriture marque expressément le nombre d’années
de servitude et de liberté, et qu’elle déclare (chap. II,
vers. 18) que l’empire hébreu a toujours été florissant
sous l’administration des juges, il est évident que ce rabbin (savant
homme d’ailleurs) et tous ceux qui suivent ses traces corrigent l’Écriture
bien plutôt qu’ils ne l’interprètent. C’est un défaut
où tombent encore, mais plus grossièrement, ceux qui veulent
que l’Écriture n’ait entendu marquer par ce calcul général
des années que les temps de l’administration régulière
de l’empire hébreu. Quant aux temps d’anarchie ou de servitude,
ils ont été rejetés de la supputation générale
comme des époques de malheur, et pour ainsi dire d’interrègne.
Mais ce sont là de pures rêveries. Il est si clair, en effet,
qu’Hezras, au chapitre VI du livre I des Rois, a eu dessein de
marquer sans exception toutes les années écoulées
depuis la sortie d’Égypte jusqu’à la quatrième année
du règne de Salomon, cela, dis-je, est si clair que jamais homme
versé dans l’Écriture ne l’a révoqué en doute.
Car, sans recourir aux propres paroles du texte, la généalogie
de David, écrite à la fin du livre de Ruth et au
chapitre II du livre I des Chroniques, se monte à peine
à un si grand nombre d’années, savoir : à 480. Noghdin,
en effet, qui était prince de la tribu de Juda (Nombres,
chap. VII, vers. 11 et 12), deux ans après que les Hébreux
eurent quitté l’Égypte, mourut au désert avec tous
ceux qui, ayant atteint l’âge de vingt ans, étaient capables
de porter les armes, et Salma, son fils, passa le Jourdain avec Josué.
Or, ce Salma fut l’aïeul de David, d’après la généalogie
citée plus haut ; si donc on retranche de cette somme de 480 années
les 4 années du règne de Salomon, les 70 de la vie de David
et les 40 années passées au désert, on trouvera que
David naquit l’an 366 à partir du passage du Jourdain. Par conséquent,
il est nécessaire de supposer que son père, son aïeul,
son bisaïeul et son trisaïeul eurent des enfants à l’âge
de quatre-vingt-dix ans.
Note XVIII. - Samson fut juge pendant
vingt années.
Samson naquit après que les Hébreux furent
tombés sous la domination des Philistins.
Note XIX. - Cette manière
d’expliquer les phrases de l’Écriture.
Autrement ce serait corriger l’Écriture bien plutôt
que l’interpréter.
Note XX. - Kirjas-Jéharim…
Kirjas-Jéharim se nomme aussi Bahgal
de Juda, ce qui a fait croire à Kimeli et à quelques
autres que ces mots Bahgal-Jéhuda, que j’ai traduits par
le peuple de Juda, indiquaient une ville. Mais c’est une erreur,
puisque Bahgal est au pluriel. D’ailleurs, que l’on compare ce
texte de Shamuel avec celui des Paralipomènes, et
l’on verra bien que David ne partit point de Bahgal, mais qu’il s’y rendit.
Si l’auteur du livre de Shamuel avait voulu marquer le lieu d’où
David emporta l’arche, il aurait fallu, pour parler hébreu, qu’il
s’exprimât de la sorte : Et David se leva, et il partit de Bahgal
de Juda, et il en emporta l’arche de Dieu.
CHAPITRE X.
Note XXI. - Depuis la restauration
du temple par Judas Machabée.
Cette conjecture, si c’en est une, est fondée
sur la généalogie du roi Jéchonias, laquelle se trouve
au chapitre III du livre I des Chroniques, et qui finit aux enfants
d’Elghogenai, qui sont les treizièmes descendus de lui en ligne
directe : sur quoi il faut remarquer que ce Jéchonias, avant sa
captivité, n’avait point d’enfants ; mais il est probable qu’il
en eut deux pendant sa prison, autant du moins qu’on le peut conjecturer
des noms qu’il leur donna. Quant à ses petits-enfants, il ne faut
point douter non plus qu’il ne les ait eus depuis sa délivrance
si l’on considère aussi leurs noms, car son petit-fils Pédeja
(nom qui signifie Dieu m’a délivré), lequel est,
selon ce chapitre, le père de Zorobabel, naquit l’an 37 ou 38 de
la vie de Jéchonias, c’est-à-dire 33 ans avant que Cyrus
rendît aux Juifs leur liberté ; et par conséquent
Zorobabel, à qui Cyrus donna la principauté de la Judée,
était âgé de treize ou quatorze ans. Mais il n’est
pas nécessaire de pousser la chose plus loin ; car il ne faut que
lire avec un peu d’attention le chapitre déjà cité
du premier livre des Chroniques, où il est fait mention,
à partir du verset 17, de toute la postérité du roi
Jéchonias, et comparer le texte avec la version des Septante, pour
voir clairement que ces livres ne furent publiés que depuis que
Judas Machabée eut relevé le temple, le sceptre n’étant
plus dans la maison de Jéchonias.
Note XXII. - Tsédéchias
sera conduit en captivité à Babylone.
Personne n’aurait donc pu soupçonner que la prophétie
d’Ézéchiel fût en contradiction avec celle de Jérémie,
tandis que ce soupçon est venu dans l’esprit de tout le monde à
la lecture du récit de Josèphe ; l’événement
a prouvé que l’un et l’autre prophète avaient dit vrai.
Note XXIII. - Et sans doute aussi
le livre de Néhémias.
Que la plus grande partie du livre de Néhémias
ait été empruntée à l’ouvrage que le prophète
Néhémias lui-même avait composé, c’est ce qui
résulte du propre témoignage de l’auteur de ce livre (voyez
chap. V, vers. 1). Mais il n’y a pas aussi le moindre doute que tout ce
qui est compris entre le chapitre VIII et le verset 26 du chapitre XII,
et, en outre, les deux derniers versets de ce chapitre XII, qui sont une
sorte de parenthèse ajoutée aux paroles de Néhémias,
il n’est pas douteux, dis-je, que tout cela n’ait été ajouté
par l’auteur du livre qui porte le nom de ce prophète.
Note XXIV. - Je ne pense pas que
personne soutienne qu’Hezras...
Hezras était oncle du premier souverain pontife,
nommé Josué (voyez liv. I d’Hezras, chap. VII, vers.
1 ; Chroniques, chap. VI, vers. 14, 15), et ce fut avec ce pontife,
conjointement avec Zorobabel, qu’il alla à Jérusalem (Néhémias,
chap. XII, vers. 1). Mais il y a apparence que, se voyant inquiétés
dans leur entreprise, ils retournèrent à Babylone et y demeurèrent
jusqu’à ce qu’ils eussent obtenu ce qu’ils souhaitaient d’Artaxercès.
On lit aussi dans Néhémias (chap. I, vers. 2) que
Néhémias fit, sous le règne de Cyrus, un voyage à
Jérusalem avec Zorobabel, et sur ce point il faut consulter Hezras
(chap. II, vers. 2), et comparer le verset 63 du chapitre II avec le verset
10 du chapitre VIII et avec le verset 2 du chapitre X de Néhémias.
Car les interprètes ne s’appuient sur aucun exemple pour traduire
ici le texte par le mot ambassadeur, au lieu qu’il est certain que l’on
donnait de nouveaux noms aux Juifs qui fréquentaient la cour. Ainsi
Daniel fut nommé Baltesasar, Zorobabel Sesbazar (voyez Daniel,
chap. I, vers. 7 ; Hezras, chap. V, vers. 14) ; et Néhémias
Hatirzata ; et en vertu de leur charge ils se faisaient appeler du titre
de gouverneur ou président (voyez Néhémias,
chap. V, vers. 24, et chap. XII, vers. 26).
Note XXV. - Avant le temps des Machabées,
il n’y a point eu de canon des livres saints.
Ce qu’on appelle la grande synagogue ne commença
qu’après la soumission de l’Asie à la domination macédonienne.
Quant à l’opinion de Maimonide, de R. Abraham, de Ben-David et
de quelques autres qui soutiennent que les présidents de cette
synagogue étaient Hezras, Daniel, Néhémias, Aggée,
Zacharie, etc., ce n’est là qu’une pure fiction, qui n’est fondée
que sur la tradition des rabbins. Ceux-ci prétendent en effet que
la domination des Perses ne dura que trente-quatre ans, et ils n’ont pas
de meilleure raison à donner que celle-là pour soutenir
que les décrets de cette grande synagogue ou de ce synode (lesquels
étaient rejetés par les saducéens et admis par les
pharisiens) ont été faits par des prophètes qui les
avaient recueillis de la bouche des prophètes antérieurs,
et ainsi jusqu’à Moïse, qui les tenait de Dieu même.
Telle est la doctrine que soutiennent les pharisiens avec cette obstination
qui leur est ordinaire ; mais les personnes éclairées, qui
savent pourquoi s’assemblent les conciles ou les synodes et n’ignorent
pas les différends des pharisiens et des saducéens, peuvent
aisément pénétrer les causes qui amenèrent
la convocation de cette grande synagogue. Ce qui est bien certain, c’est
qu’aucun prophète n’y fut présent et que ces décrets
des pharisiens, qu’ils appellent leurs traditions, tirent de cette synagogue
toute leur autorité.
CHAPITRE XI.
Note XXVI. - Ces expressions de
Paul : " Nous pensons donc. "
Les interprètes de l’Écriture sainte traduisent
λογίζομαι par je
conclus et soutiennent que Paul prend ce mot dans le même sens
que συλλογίζομαι.
Mais λογίζομαι, en
grec, a la même signification que les mots hébreux qu’on
peut traduire par estimer, penser, juger ; signification qui est en parfait
accord avec le texte syriaque. La version syriaque en effet (si c’est
une version, ce qui est fort douteux, puisque nous ne connaissons ni le
temps où elle parut, ni le traducteur, et puisqu’en outre la langue
syriaque était la langue ordinaire de tous les apôtres),
la version syriaque, dis-je, traduit ce texte de Paul par un mot que Trémellius
explique fort bien dans ce sens : Nous pensons donc. En effet,
le mot rahgion, qui est formé de ce verbe, signifie l’opinion,
la pensée ; et comme rahgava se prend pour la volonté,
il s’ensuit que mitrahginam ne peut signifier autre chose que nous
voulons, nous estimons, nous pensons.
CHAPITRE XV.
Note XXVII. - Que la simple obéissance
soit la voie du salut.
Par où j’entends que ce n’est point la raison,
mais la révélation seule, qui peut démontrer qu’il
suffit pour le salut ou la béatitude d’embrasser les décrets
divins à titre de lois et de commandements, sans qu’il soit nécessaire
de les concevoir à titre de vérités éternelles.
C’est ce qui résulte des démonstrations données au
chapitre IV.
CHAPITRE XVI.
Note XXVIII. - Personne ne promettra
sincèrement de renoncer au droit naturel qu’il a sur toutes choses.
Dans l’état social où le droit commun établit
ce qui est bien et ce qui est mal, on a raison de distinguer les ruses
légitimes de celles qui ne le sont pas. Mais dans l’état
naturel, où chacun est à soi-même son juge, et dispose
d’un droit absolu pour se donner des lois, pour les interpréter
à son gré, ou les abroger s’il le juge convenable, on ne
conçoit pas que la ruse puisse être considérée
comme coupable.
Note XXIX. - Chacun y peut, quand
il le veut, être libre.
Dans quelque état social que l’homme puisse se
trouver, il peut être libre. L’homme est libre, en effet, en tant
qu’il agit selon la raison. Or la raison (remarquez que ce n’est point
ici la théorie de Hobbes), la raison, dis-je, conseille à
l’homme la paix, et la paix n’est possible que dans l’obéissance
au droit commun. En conséquence, plus un homme se gouverne selon
la raison, c’est-à-dire plus il est libre et plus il est fidèle
au droit commun, plus il se conforme aux ordres du souverain dont il est
le sujet.
Note XXX. - La nature n’a appris
à personne qu’il doive à Dieu quelque obéissance.
Quand Paul nous dit que les hommes n’ont eu eux-mêmes
aucun refuge, il parle à la façon des hommes ; car, au chapitre
IX de cette même Épître où il tient ce
langage, il enseigne expressément que Dieu fait miséricorde
à qui il lui plaît, et endurcit à son gré les
impies, et que la raison qui rend les hommes inexcusables, ce n’est pas
qu’ils aient été avertis d’avance, mais c’est qu’ils sont
dans la puissance de Dieu comme l’argile entre les mains du potier, qui
tire de la même matière des vases destinés à
un noble usage, et d’autres à un usage vulgaire.
Pour ce qui est de la loi divine naturelle, dont la substance
est, selon moi, qu’il faut aimer Dieu, je lui ai donné le nom de
loi, dans le même sens où les philosophes appellent de ce
nom les règles universelles selon lesquelles toutes choses se produisent
dans la nature. L’amour de Dieu, en effet, ce n’est pas l’obéissance
: c’est une vertu que possède nécessairement tout homme
qui connaît Dieu. Or l’obéissance a rapport à la volonté
de celui qui commande, et non pas à la nécessité
et à la vérité des choses. Or, comme, d’une part,
nous ne connaissons pas la nature de la volonté de Dieu, et que,
de l’autre, nous sommes certains que tout ce qui arrive arrive par la
seule puissance de Dieu, il s’ensuit que la révélation seule
peut nous dire si Dieu entend recevoir certains honneurs de la part des
hommes à titre de souverain.
Ajoutez à cela que nous avons démontré
que les ordres divins nous apparaissent sous le caractère d’un
droit et d’une institution positive tant que nous en ignorons la cause
; mais aussitôt que nous la connaissons, ces ordres, ce droit deviennent
pour nous des vérités éternelles, et l’obéissance
devient l’amour de Dieu ; amour qui découle de la vraie connaissance
de Dieu aussi nécessairement que la lumière émane
du soleil. La raison nous apprend donc à aimer Dieu, elle ne peut
nous apprendre à lui obéir ; puisque, d’un côté,
nous ne pouvons comprendre les commandements de Dieu comme divins tant
que nous en ignorons la cause, et que, de l’autre, la raison est incapable
de nous faire concevoir Dieu comme un prince qui établit des lois.
CHAPITRE XVII.
Note XXXI. - Si les hommes pouvaient
perdre leurs droits naturels au point d’être désormais dans
une impuissance absolue de s’opposer à la volonté du souverain.
Deux simples soldats entreprirent de changer la face
de l’empire romain, et ils la changèrent en effet (voyez Tacite,
Histoires, 17).
Note XXXII. - Voyez les Nombres,
chap. XI, vers. 28.
Il est dit dans ce passage que deux hommes, s’étant
mis à prophétiser dans le camp, Josué proposa de
les arrêter. Or, il n’eût point agi de la sorte, si tout Hébreu
avait eu le droit de transmettre au peuple les paroles de Dieu sans la
permission de Moïse. Mais Moïse trouva bon de faire grâce
à ces deux hommes, et il adressa même des reproches à
Josué de ce qu’il lui conseillait de faire usage de son droit de
souverain au moment où ce droit lui était devenu tellement
à charge qu’il eût mieux aimé mourir que d’être
seul à l’exercer (voyez le vers. 12 de ce même chapitre).
Voici, en effet, les paroles qu’il adressa à Josué : Pourquoi
vous enflammer ainsi pour ma cause ? Plût au ciel que tout le peuple
de Dieu devint prophète ! c’est-à-dire plût au
ciel que le droit de consulter Dieu, et partant, l’autorité du
gouvernement, fût remise entre les mains du peuple ! Ainsi
donc, Josué ne se méprit point sur les droits de Moïse,
mais sur l’opportunité de l’exercice de ces droits, et c’est pour
cela seul que Moïse lui adressa des reproches ; comme plus tard David
en fit à Abisée quand celui-ci lui conseilla de condamner
à mort Simghi, qui pourtant était coupable du crime de lèse-majesté
(voyez Shamuel, liv. II, chap. XIX, vers. 22, 23).
Note XXXIII. - Voyez les Nombres,
chap. XXVII, vers. 21.
Les interprètes de l’Écriture traduisent
mal les versets 19 et 23 de ce chapitre. Ces versets, en effet, ne signifient
pas que Moïse donna des préceptes ou des conseils à
Josué, mais bien qu’il le créa ou l’établit chef
des Hébreux ; c’est une forme de langage très-fréquente
dans l’Écriture (voyez Exode, chap. XVIII, vers. 23 ; Shamuel,
liv. I, chap. XIII, vers. 15 ; Josué, chap. I, vers. 9,
et Shamuel, liv. I, chap. XXV, vers. 30).
Note XXXIV. - Il n’y eut point pour
chaque chef d’autre juge que Dieu.
Les rabbins s’imaginent, avec quelques chrétiens
tout aussi ineptes qu’eux, que c’est Moïse qui a institué
le grand sanhédrin. Il est vrai que Moïse choisit soixante
et dix coadjuteurs sur lesquels il se déchargea d’une partie des
soins du gouvernement, parce qu’il ne se croyait pas capable de porter
tout seul un si lourd fardeau ; mais il ne fit jamais aucune loi pour
l’établissement d’un collège de soixante-dix membres. Au
contraire, il ordonna que chaque tribu instituât, dans les villes
que Dieu lui avait données, des juges chargés de régler
les différends d’après les lois que lui-même avait
établies ; et dans le cas où les juges auraient quelque
incertitude touchant l’interprétation de ces lois, Moïse voulut
qu’ils prissent conseil du souverain pontife (interprète suprême
des lois), ou bien du juge (à qui appartenait le droit de consulter
le souverain pontife), et qu’ils jugeassent selon les décisions
ainsi obtenues. Un juge inférieur venait-il à prétendre
qu’il n’était pas tenu de se conformer à la décision
que lui donnait directement le souverain pontife, ou qui lui était
transmise en son nom par le chef du gouvernement, ce juge rebelle était
condamné à la peine de mort (voyez Deutéron.,
chap. XXVII, vers. 9), soit par le juge suprême de l’empire hébreu
(Josué, par exemple), soit par un de ces juges qui gouvernèrent
chaque tribu, quand s’accomplit la division du peuple hébreu, et
qui avaient le droit de consulter le souverain pontife, de décider
de la paix et de la guerre, de fortifier les villes, d’établir
des juges inférieurs, soit enfin par le roi, comme au temps où
toutes les tribus, ou du moins quelques-unes, remirent leurs droits aux
mains d’un seul.
Je pourrais citer un grand nombre de faits à l’appui
des principes que je viens d’exposer ; qu’il me suffise d’en indiquer
un seul, qui me paraît le plus considérable de tous. Lorsque
le prophète Silonite élut Jéroboam roi, il lui donna,
par cela seul, le droit de consulter le souverain pontife, d’établir
des juges ; en un mot, tous les droits que Roboam avait sur deux tribus,
le prophète les conféra à Jéroboam sur les
dix autres. En conséquence, Jéroboam avait, pour établir
dans son palais le conseil suprême de son empire, le même
droit que Josaphat à Jérusalem (voyez Paralipomènes,
chap. XIX, vers. 8 sqq.). Car il est certain que ni Jéroboam, ni
ses sujets n’étaient obligés, selon la loi de Moïse,
de reconnaître Roboam pour juge, et moins encore d’accepter l’autorité
du juge que Roboam avait établi à Jérusalem, et qui
lui était subordonné. Ainsi, dès que l’empire hébreu
fut partagé, les conseils suprêmes le furent du même
coup. On conçoit donc parfaitement que ceux qui ne font pas attention
aux divers états que l’empire hébreu a traversés,
et les confondent tous en un seul, s’embarrassent dans des difficultés
inextricables.
CHAPITRE XIX.
Note XXXV. - Le droit de s’élever
contre l’autorité du roi.
Je prie ici qu’on se rende très-attentif aux principes
qui ont été établis sur le droit au chapitre XVI.
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1. Sur les Notes marginales, voyez notre notice
biographique.
2. Je dois prévenir ici le lecteur qu'il m'a été impossible,
ne sachant pas l'hébreu, de traduire complètement et littéralement deux
ou trois notes de Spinoza, qui s'adressent surtout aux hébraïsants. En
pareil cas j'ai tâché seulement de ne pas m'écarter de sens général de
la note, aimant mieux omettre une ligne que de l'entendre mal.
3. Ici, je suis le texte donné par M. Dorow (Benedik
Spinoza's Randglossen, p. 15). - On a pu remarquer, en lisant le Traité
Théologico-Politique, que Spinoza, tout en réfutant souvent Aben-Hezra,
le traite toujours avec une certaine déférence.
4. Ici encore je suis le texte de M. Dorow (I. c., p.
16).
Texte de Spinoza traduit par E. Saisset,
numérisé par Serge Schoeffert
revu par H. Diaz.
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