Hokusai a écrit :Il me semble que l ‘absence de savoir de l ‘avenir n’a pas de rapport avec la liberté . Or vous développez là dessus .
Vous pouvez tout à fait définir la liberté d'une manière qui n'a rien à voir avec une prescience, mais en principe, si on parle de libre arbitre, c'est tout de même toujours l'argument principal que l'on donne, non? Je veux dire: on justifie souvent l'existence du libre arbitre en référant à une situation où l'on ne sait pas quoi faire, et où l'on doit tout de même décider, c'est-à-dire faire quelque chose.
Vous avez peut-être l'impression que l'histoire du chien n'a rien à voir avec cela, et en effet, vous n'avez pas parlé du libre arbitre (c'était fantasueno qui l'a mentionné), mais il me semble que vous proposez une signification de la liberté qui repose tout autant sur une ignorance, ne fût-ce qu'en l'occurrence une ignorance des causes passées. C'est pourquoi à mon sens ma réponse était valable pour les deux cas, celui de fantasueno (peur du chômage) et celui de votre chien. Mais je ne me suis peut-être pas expliqué très clairement.
Hokusai a écrit :La liberté a , au contraire , rapport à ce que je décide et qui détermine l’ avenir ( mon acte décidé sera accompli ), je connais donc l' avenir de mon acte je l’anticipe .
Je suis libre ( il faut se tenir à ce vocable ) si j’ ai un pouvoir contre les déterminations extérieures . Si l acte que je décide d’ accomplir est effectué alors je peux dire que j avais une puissance donc que je suis libre ( à tout le moins sur cet acte et non toujours / partout et en soi )
oui, vous pouvez bien sûr opter pour une telle définition de la liberté. Mais alors vous identifiez puissance et liberté, ce que ne fait pas Spinoza. Or Spinoza ne prétend pas du tout posséder la seule définition possible de la liberté. Seulement, si vous préférez pour l'instant expérimenter une autre définition, c'est très bien, mais on ne peut rien en conclure par rapport à la validité de celle de Spinoza. Pour pouvoir juger de celle-ci, il faut d'abord l'appliquer, et non pas la vôtre, si vous comprenez ce que je veux dire?
Hokusai a écrit :""""""""""cause adéquate celle dont l'effet peut se percevoir clairement et distinctement'. Il y ajoute quelque chose de crucial: le 'par elle'"""""""""
.
Je conçois clairement et distinctement que mon inattention est la cause de l effet (l’accident du chien ) . Proposez moi des causes plus claires et plus distinctes et qui expliquent « par elles » que j’ai lâché le chien toutes ces causes seront moins proches de l’acte du lâcher le chien que j ai fait .
Il me semble bien que la cause 'voiture qui heurte chien' est une cause beaucoup plus proche de l'accident que le fait que vous avez lâché le chien. La cause 'chien court vers la rue' également. Et ces causes-là, on peut les concevoir tout aussi clairement et distinctement que vous qui lâchez le chien, non?
Hokusai a écrit :Cet acte n’est d’ailleurs pas à mes yeux un acte libre , je n’ai rien décidé consciemment mais ce n’est pas mon voisin ou le temps qu’il faisait ou je ne sais quoi de mon environnement qui a lâché la laisse du chien .
Vous trouvez donc que cela a du sens de parler d'une 'faute' même s'il s'agit d'un acte où l'on n'était pas libre du tout?
Hokusai a écrit :""""""""""" Car qu'est-ce qui vous a causé de lâcher le chien à cet instant-là, et pas deux secondes plus tard?…………. """""""""
Donc vous de me poser toute une série de questions où justement bien je serais ignorant et dans l’incapacité totale de répondre, la belle affaire pour mes affects ....excusez moi .
J’ai une explication claire et distincte et vous m’en demandez d’obscures .On s’enfonce dans le maquis impénétrable de la multiplicité des causes et puis de fatigue on en conclut au fatum : « fiat voluntas tua « disent les religieux .
Si je vous posais toutes ces questions, c'était pour montrer qu'aussi longtemps que l'on ne peut pas y répondre, à mon sens on ne peut qu'en conclure que l'on n'est qu'une cause partielle. Vous le dites vous-même: dans cet événement précis, il y a un maquis impénétrable de causes. Comment arrivez-vous alors à vous imaginer être la seule cause de cet événement? Si vous savez apparemment déjà tout de même qu'il y a derrière une infinité de causes? Car encore une fois, il ne suffit pas d'ignorer les autres causes pour être cause adéquate, il faut que l'on ne soit pas une cause partielle. Comment ne pas concevoir votre acte de lâcher le chien comme une cause partielle, tout comme la présence de la voiture et la décision de votre chien de courir vers la rue sont des causes partielles?
D'autre part, vous semblez dire ici simultanément que vous ne trouvez pas que cet acte était libre, et que vous trouvez néanmoins que vous en étiez la cause adéquate. Cela veut-il dire que vous refusez la définition spinoziste de la liberté comme cause adéquate, que l'on peut être cause adéquate sans qu'il s'agisse d'un acte libre?
Hokusai a écrit :Ce qui m’ ennuie dans votre interprétation de Spinoza est que la joie ( absence de la tristesse si on veut )
oui, la joie est l'absence de tristesse, si on veut. Mais ce n'est pas ce que Spinoza veut. Chez lui, la Joie est non pas l'absence mais l'inverse de la Tristesse. Dans l'absence de Tristesse, la puissance qui définit mon essence reste égale. Dans un moment de Tristesse, elle diminue, dans un moment de Joie, elle augmente. C'est pourquoi il parle de trois affects primitifs et non pas deux.
Hokusai a écrit :Ce qui m’ ennuie dans votre interprétation de Spinoza est que la joie ( absence de la tristesse si on veut ) ressort d’un déni de la responsabilité propre. Finalement ce n’est jamais ma faute c’est la faute des circonstances . Moi je veux bien ne pas être triste mais pas au prix de faire retomber ailleurs la responsabilité de mes actes . Parce que voyez- vous , dans ce cas , je ne suis plus ni triste ni joyeux , je ne suis plus personne .
Pour autant que je sache, c'est effectivement ce que l'on n'a cessé de reprocher à Spinoza, et cela dès le début: sans pouvoir 'isoler' une seule cause et l'appeler 'faute', plus de responsabilité, donc plus de morale. Cela, a mon avis, Spinoza l'assume entièrement: pas de morale, seulement une éthique. Or ce qu'il prétend, c'est que laisser tomber la morale ne conduit pas du tout à l'absence de tristesse ou de joie, car le problème est l'inverse: comment moraliser et NE PAS pas créer de la Tristesse, c'est-à-dire des diminutions de puissance? Pour lui, cela est inconcevable. Ou en tout cas, il prétend avoir trouvé mieux, pour causer de la Joie, que la morale. Et sa solution ne demande pas du tout d'abolir toute notion de valeur, sinon ce ne serait pas une éthique. C'est juste une pensée qui valorise autre chose que la moralisation et la culpabilisation. Qui prétend que la désignation de quelqu'un comme étant en 'faute' n'abolit pas du tout la tristesse, mais au contraire, en produit massivement, rend donc la société malheureuse, et donc beaucoup plus violente qu'elle ne le pourrait l'être.
Appliqué au cas concret ici, l'accident de votre chien: si au lieu de seulement vous percevoir vous-même clairement et distinctement comme cause, vous aviez fait beaucoup d'efforts pour en concevoir un maximum d'autres causes partielles clairement et distinctement, vous pourriez peut-être vous être rendu compte que votre chien n'a pas appris le comportement adéquat, sur la route (qui serait de rester à côté de vous), ou peut-être que cette partie de la route n'est pas très bien éclairée, ou que les automobilistes y ont tendance de conduire si vite que quand un chien traverse la rue, ils ne peuvent plus freiner à temps, etc. Rien n'exclut, dans ce cas, que vous auriez trouvé l'une ou l'autre chose à améliorer, pour qu'il y ait moins de chances, dans l'avenir, que la même situation se reproduise, MÊME quand vous lâchez votre chien (entraîner votre chien à marcher sans laisse, exiger auprès de la commune d'installer de meilleures lumières à cet endroit, ou un panneau qui interdit une telle vitesse dans ce virage, etc).
Pour moi, ce n'est donc que cela l'objection de Spinoza contre la moralisation: cela empêche de mieux comprendre comment prévenir la même chose dans l'avenir. Et donc cela crée plus de Tristesse que si l'on avait utilisé la même énergie pour non pas éclairer tout le maquis des causes, mais au moins une partie un peu plus grande que celle qui correspond à soi-même.
Bonne nuit,
Louisa