L' "après-Charlie"

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sescho
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Re: L' "après-Charlie"

Messagepar sescho » 24 janv. 2015, 10:42

J'en suis bien d'accord. Maintenant :

- Sans tomber dans les lieux communs, je dirais que ce n'est pas pour autant qu'en baissant les bras cela va évoluer au mieux. Si l'Europe se donne une véritable force collective, elle tient un des tout premiers rôles dans le Monde. En outre, l'organisation verticale (à la française, en particulier) apparente ne doit pas cacher qu'au fond "les petits ruisseaux font les grandes rivières" ; autrement dit, si chacun fait sa part de boulot à son niveau (ce qui suppose donc d'agir - conformément à la Loi - en cohérence avec soi-même et en proportion de son pouvoir au lieu de se déconfire en disant que c'est de la faute ou de la responsabilité des autres) les choses avancent nettement au niveau collectif.

- Mais je suis d'accord pour dire qu'il y a pour le moins des limites à chercher à modifier les choses dans un pays étranger, même si des entreprises en majorité liées à son propre pays sont impliquées. Déjà ces limites tiennent immédiatement à ce qu'on n'est pas légitime pour le faire d'emblée : il doit donc s'agir de coopération. Ensuite des pays sans scrupule se chargent de leur côté de pourrir la situation à leur profit, et tout ce que l'on a alors gagné... c'est d'avoir perdu la place. Par exemple, pendant que la bien-pensance auto-détruit la France à coup de flagellation sur le passé, etc. la dictature chinoise (pour laquelle, en proportion du non-respect des Droits de l'Homme, parler d'un procès de Nuremberg n'est pas outrancier ; mais elle peut opérer, elle, sous un assourdissant silence, et même se mettre en bonne place dans tous les organismes onusiens...) est en train de mettre l'Afrique en coupe réglée. Et bien évidemment, elle s'entend parfaitement avec toutes les dictatures de la Terre : les Droits de l'Homme, cela gâche le commerce, soyons clair !

Donc, là encore, du pragmatisme partout, toujours, et donc pas d'angélisme. Loin de moi l'envie d'y retomber. L'éthique n'est pas dans le fait mais dans l'intention (dont le pragmatisme encore une fois) ; il me suffit que l'éthique y soit.

- Il va falloir assurément mettre le contrôle démographique au premier plan des préoccupation mondiales, avec l'ensemble de l’Écologie. Sûr que là non plus c'est pas gagné d'avance... Mais les petits ruisseaux...

- Ce qui me semble clair en outre, pour ce qui nous concerne, c'est qu'il va falloir abandonner l'illusion d'en être déjà à la "Grande Suisse", illusion qui nous a enfoncés dans la pusillanimité, le bla-bla moralisateur en pseudo-compensation, etc. alors même que les menaces n'ont pas vraiment baissé. Et il est de toute façon bon pour chaque homme de vivre dans la responsabilité personnelle, l'action, le pragmatisme, ... et pas du tout dans ce jus de Mental pourri fait de prétention, auto-justification, culpabilité, accusation et victimisation. Putréfié : non, belliqueux : non, actif et armé : oui.
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Re: L' "après-Charlie"

Messagepar sescho » 24 janv. 2015, 15:01

Ce qui précède me pousse à ajouter un point concernant les "grands fondamentaux", parfaitement clair et explicite chez Spinoza.

Il est sidérant de constater que des sujets entiers font l'objet depuis des années de débats totalement factices tant les préjugés, non-dits et autres tabous a priori sont forts...

Le principe est pourtant simple, clair, et rationnel (comme l'est celui de s'inscrire pleinement dans le Contrat Social : l’État) ; il est très facile à appliquer, le Droit de l’État étant positif (explicite, à la jurisprudence près) :


1) Les injonctions éthiques sont d'ordre strictement personnel.

Toute tentative d'imposition à autrui dans ce cadre est donc réputée sectaire.


2) Dans la vie collective, le devoir c'est uniquement de respecter la Loi.

Tout ce qui n'est pas contraint par la Loi est réputé totalement libre.


Dans ces conditions, toute pression pour contraindre le peuple à penser d'une certaine façon en dehors de la simple application des lois de la République est de fait une violation de la liberté. Bien sûr, tout le monde cherche à convaincre, et il n'y a rien à y redire, mais pour autant l'auto-censure intégrée éventuellement produite par cette contrainte (objectivement avérée) doit être considérée comme "dictature intellectuelle", et donc comme un défaut dans le bon fonctionnement de l’État ; a fortiori si ce défaut est financé par l’État. Par exemple, la question de la nature et du volume de l'immigration, comme celle de la qualité et de l'encadrement du travail des journalistes d'information du Service Public, est tout simplement par principe parfaitement naturelle et légitime en Démocratie (dans une organisation factuelle - même si elle est plus ou moins relative et contestée - en Nations, et ne pouvant évoluer que lentement, et démocratiquement.)

Spinoza, Traité Théologico-Politique, a écrit :CHAPITRE XX.
ON ÉTABLIT QUE DANS UN ÉTAT LIBRE CHACUN A LE DROIT DE PENSER CE QU’IL VEUT ET DE DIRE CE QU’IL PENSE.

S’il était aussi facile de commander à l’esprit qu’à la langue, tout pouvoir régnerait en sécurité et nul gouvernement n’appellerait la violence à son secours. Chaque citoyen, en effet, puiserait ses inspirations dans l’esprit du souverain, et ne jugerait que par les décrets du gouvernement du vrai et du faux, du bien et du mal, du juste et de l’injuste. Mais il n’est pas possible, comme nous l’avons montré au commencement du chapitre XVII, qu’un homme abdique sa pensée et la soumette absolument à celle d’autrui. Personne ne peut faire ainsi l’abandon de ses droits naturels et de la faculté qui est en lui de raisonner librement et de juger librement des choses ; personne n’y peut être contraint. Voilà donc pourquoi on considère comme violent un gouvernement qui étend son autorité jusque sur les esprits ; voilà pourquoi le souverain semble commettre une injustice envers les sujets et usurper leurs droits, lorsqu’il prétend prescrire à chacun ce qu’il doit accepter comme vrai et rejeter comme faux, et les croyances qu’il doit avoir pour satisfaire au culte de Dieu. C’est que toutes ces choses sont le droit propre de chacun, droit qu’aucun citoyen, le voulût-il, ne saurait aliéner. J’en conviens, il y a mille manières de prévenir les jugements des hommes et de faire en sorte que, tout en ne relevant pas directement de la volonté d’autrui, ils s’abandonnent cependant avec tant de confiance aux directions du pouvoir qu’ils semblent jusqu’à un certain point en être devenus la propriété. Mais, quelle que soit l’habileté du gouvernement, il n’en reste pas moins certain que chacun abonde dans son sens, et que les opinions ne diffèrent pas moins que les goûts. ...

... on ne pourra jamais dans un État essayer, sans les suites les plus déplorables, d’obliger les hommes, dont les pensées et les sentiments sont si divers et même si opposés, à ne parler que conformément aux prescriptions du pouvoir suprême ...

De la description que nous avons donnée ci-dessus des fondements de l’État, il suit avec une parfaite évidence que la fin dernière de l’État n’est pas de dominer les hommes, de les retenir par la crainte, de les soumettre à la volonté d’autrui, mais tout au contraire de permettre à chacun, autant que possible, de vivre en sécurité, c’est-à-dire de conserver intact le droit naturel qu’il a de vivre, sans dommage ni pour lui ni pour autrui. ...

... admettons qu’il soit possible d’étouffer la liberté des hommes et de leur imposer le joug, à ce point qu’ils n’osent pas même murmurer quelques paroles sans l’approbation du souverain : jamais, à coup sûr, on n’empêchera qu’ils ne pensent selon leur libre volonté. Que suivra-t-il donc de là ? c’est que les hommes penseront d’une façon, parleront d’une autre, que par conséquent la bonne foi, vertu si nécessaire à l’État, se corrompra, que l’adulation, si détestable, et la perfidie seront en honneur, entraînant la fraude avec elles et par suite la décadence de toutes les bonnes et saines habitudes. Mais tant s’en faut qu’il soit possible d’amener les hommes à conformer leurs paroles à une injonction déterminée ; au contraire, plus on fait d’efforts pour leur ravir la liberté de parler, plus ils s’obstinent et résistent. ...

Veut-on obtenir des citoyens, non une obéissance forcée, mais une fidélité sincère, veut-on que le souverain conserve l’autorité d’une main ferme et ne soit pas obligé de fléchir sous les efforts des séditieux, il faut de toute nécessité permettre la liberté de la pensée, et gouverner les hommes de telle façon que, tout en étant ouvertement divisés de sentiments, ils vivent cependant dans une concorde parfaite. On ne saurait douter que ce mode de gouvernement ne soit excellent et n’ait que de légers inconvénients, attendu qu’il est parfaitement approprié à la nature humaine. N’avons-nous pas montré que dans le gouvernement démocratique (le plus voisin de l’état naturel) tous les citoyens s’obligent par un pacte à conformer à la volonté commune leurs actions, mais non pas leurs jugements et leurs pensées, c’est-à-dire que tous les hommes, ne pouvant pas avoir sur les mêmes choses les mêmes sentiments, ont établi que force de loi serait acquise à toute mesure qui aurait pour elle la majorité des suffrages, en se conservant cependant le pouvoir de remplacer cette mesure par une meilleure, s’il s’en trouvait ? Moins donc on accorde aux hommes la liberté de la pensée, plus on s’écarte de l’état qui leur est le plus naturel, et plus par conséquent le gouvernement devient violent. ...

Ainsi nous avons montré : 1° qu’il est impossible de ravir aux hommes la liberté de dire ce qu’ils pensent ; 2° que, sans porter atteinte au droit et à l’autorité des souverains, cette liberté peut être accordée à chaque citoyen, pourvu qu’il n’en profite pas pour introduire quelque innovation dans l’État ou pour commettre quelque action contraire aux lois établies ; 3° que chacun peut jouir de cette même liberté sans troubler la tranquillité de l’État et sans qu’il en résulte d’inconvénients dont la répression ne soit facile ; 4° que chacun en peut jouir sans porter atteinte à la piété ; 5° que les lois qui concernent les choses de pure spéculation sont parfaitement inutiles ; 6° enfin que non-seulement cette liberté peut se concilier avec la tranquillité de l’État, avec la piété, avec les droits du souverain, mais encore qu’elle est nécessaire à la conservation de tous ces grands objets. ...
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Malaise dans l'inculture de Philippe Val

Messagepar sescho » 19 avr. 2015, 13:18

Impossible pour moi de ne pas dire, à la suite de ce qui précède (dont le renvoi signalé en tête), un mot sur le livre que Philippe Val vient de publier chez Grasset : Malaise dans l'inculture.

Cela correspond infiniment à ce ressenti puissant que je voulais traduire plus haut, mais ici bien sûr sous une forme beaucoup plus claire, et une perspective beaucoup plus large. La contrepartie en a été pour moi, malgré l'humour qui transparaît (quand-même) partout, et bien que j'en avais déjà exprimé moi-même explicitement l'idée, une sorte d'effroi devant l'ampleur de la catastrophe. La défaite de la pensée en acte. Le règne de la pensée défaite. Le totalitarisme, imprégnant tout ce qui peut donner voix, ou presque (quelques pertinents impertinents ont quand-même réussi à tenir debout contre vents et marées) donnant des leçons de démocratie... Tout s'éclaire, mais en la matière, dans un premier temps, effectivement, qui accroît sa science accroît sa douleur...

Je n'avais pas aperçu cette "certaine sociologie et sociologisme assorti" (ce qui ne jette pas l'opprobre sur toute forme de Sociologie malgré tout) - mais j'avais déjà entendu il y a peu Alain Finkielkraut en dénoncer la nuisance - comme étant le vecteur sous-jacent de cette décomposition. Cela me fait l'effet de ces champignons polypores qui se fixent sur l'arbre, ont l'air d'être de bois et peuvent être de taille relativement modeste en rapport du tronc... et le rongent de l'intérieur par un faisceau de filaments s'étendant sans fin, en dissolvent la cellulose, le transformant en ouate sans que cela se voie de l'extérieur... jusqu'à ce qu'il plie d'un coup sous la bourrasque... En sommes-nous près ?

(Je précise que concernant le livre lui-même, s'il n'édulcore certes pas l'étendue du mal, n'est pas catastrophiste pour autant, et sait aussi mettre en avant l'appel universel de la véritable Culture, outre comme déjà dit de toujours garder l'humour à portée de main. Par ailleurs, il était prêt pour l'édition à la fin 2014, et donc n'est pas lié aux évènements de Charlie - qui en ont cependant retardé la sortie - même s'il en est évidemment question - Philippe Val étant ancien directeur - en avant-propos.)

Je ne sais pas si Rousseau (contre Voltaire) mérite pleinement d'être désigné comme le héraut de cette catastrophe de fait, et d'autres majeures avant celle-ci, mais c'est argumenté et a le mérite de fixer l'essentiel du choix. On avait déjà remarqué ici que l'Age d'Or rousseauiste était une fiction (sauf sans doute à l'échelle tribale, soit à l'échelle familiale étendue, les tribus elles-même se faisant au contraire plutôt une guerre à mort : état sauvage), alors même qu'il a valeur d'Idéal central chez lui (ce qui est évidemment très embêtant d'entrée...) Je lui conserve cependant d'avoir quand-même insisté sur la valeur de l'entraide face à la compétition et ses divers avatars, et le risque de perversion personnelle et collective que l'organisation en société et la sophistication mentale portent avec l'éloignement de la vie en osmose directe avec toute la Nature : l'état naturel. Mais la compétition s'impose souvent de facto partout, et par ailleurs la vie en société est avant tout tout simplement imposée par la démographie... Ajoutons que des auteurs sérieux et infiniment loin d'être des dictateurs considèrent pourtant la société occidentale moderne comme mentalement (et donc spirituellement) très corrompue (ce qui ne justifie en rien l'inculture en cause, bien au contraire.) Par ailleurs, si l'impact historique majeur de Freud est incontestable en matière de remise au premier plan de la psychologie des profondeurs (individuelle), et donc de retour à l'essentiel, liant à nouveau science, philosophie et spiritualité, il y a quand-même bien dans ses théories et son comportement professionnel beaucoup à redire.

Spinoza est cité, et pris en exemple, à plusieurs reprises.

Bref, un livre qui me semble pour le moins très utile en la période...
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