Vieordinaire a écrit :A ce que je sache, tu n'as avance aucun argument pour defendre ta these. Tu l'as simplement affirmee. Ne me reproches pas ce que tu ne fais pas toi-meme.
euh ... je ne crois pas que je t'ai reproché quelque chose. Il est évident que si quelqu'un veut discuter de ce que l'histoire de la philosophie entend par "intuition intellectuelle", il faudra que je donne des arguments. Je me suis effectivement limitée à énoncer la thèse sans plus, en attendant que quelqu'un dit vouloir en discuter un peu sérieusement. Comme toi-même tu te limitais à un "ce n'est simplement pas vrai", mon invitation ou demande d'arguments ne voulait pas du tout insinuer que la thèse proposée par moi était l'un ou l'autre dogme que n'importe qui devrait accepter. Je supposais simplement qu'en ne donnant pas d'arguments, tu ne voulais pas vraiment discuter mais juste affirmer un désaccord, ce qui est tout à fait ton droit. Puis je t'ai donné un début de réponse: tu trouveras dans le dictionnaire Lalande quelques définitions de l'intuition intellectuelle.
Vieordinaire a écrit :Je me suis permis de passer un commentaire sans argument car vous n'avez fourni aucun specifique ou argument sur lequel je puisse travailler.
disons que je supposais que si tu niais si fermement ce que je venais d'écrire, tu avais déjà de bons arguments tout à fait prêts en tête, arguments qui m'intéressaient, bien sûr.
Vieordinaire a écrit :De plus, je n'ai jamais lu un commentateur qui a defendu cette idee de facon aussi explicite. Pourriez-vous me diriger vers un travail qui defend votre these ou est-ce un these personelle?
je crois que j'ai simplement rappelé que dans l'histoire de la philosophie, ce qu'on désigne par "intuition intellectuelle", cela correspond en règle générale à l'idée d'une saisie immédiate d'une singularité, et cela non pas par les sens mais par l'intellect (il s'agit donc d'un objet non pas sensible mais intellectuel). J'avoue que je ne vois pas vraiment ce qui te semble si extraordinaire dans le rapprochement de cela avec ce que Spinoza, tout à fait au courant du vocabulaire philosophique de son époque, appelle "connaissance intuitive", d'où ma demande de quelques arguments qui me permettraient de comprendre pourquoi cela te choque tellement. Comme le dit par exemple Charles Ramond dans son
Dictionnaire Spinoza, caractérisant ainsi le troisième genre de connaissance (entrée "connaissance"):
Ramond a écrit :Le schéma du passage du premier au troisième genre de connaisance, que l'on retrouve chez Spinoza d'oeuvre en oeuvre, est dnc clairement celui d'un double dépassement: dépassement de la perception sensible, particulière, et en cela limitée, dans la raison, c'est-à-dire dans l'universel; puis dépassement de l'universel lui-même, inapte à saisir le singulier en tant que tel, dans une intuition rationnelle, sorte de perception de la pensée - la connaissance du troisième genre ("qui procède de l'idée adéquate de l'essence formelle de certains attributs de Dieu vers la connaissance adéquate de l'essence des choses" - II 40 sc 2) devant alors réaliser l'accord toujours espéré du rationnel et du singulier, du discursif et de l'intuitif.
J'y ajoute le début du passage pour prolonger ma réponse à Sescho, quand il dit que la singularité est une affaire du premier genre de connaissance, qui donc relève du "rêve" et de l'invention, bref de l'imagination:
Ramond a écrit :Ce troisième genre de connaissance retrouve donc certaines caractéristiques du premier: il est une perception directe d'une chose singulière. Spinoza recourt d'ailleurs presque toujours, pour le caractériser, à des comparaisons avec la "vue" ou la "vision" (comme l'exige l'étymologie du terme "intuition"): vision non plus de l'oeil, mais de l'esprit (V 23 sc), mais vision tout de même.
Ce que j'ai voulu dire par mon message à ce sujet, contestant le lien opéré par Sescho entre connaissance du singulier et premier genre de connaissance, ce n'était pas que la perception sensible ne soit pas la perception d'une chose singulière (elle l'est, bien sûr, que cette chose soit présente ou absente), c'était bien plutôt que le premier genre de connaissance ne nous donne aucun accès réel à la singularité même de la chose singulière perçue, puisqu'il indique avant tout un état de notre propre Corps singulier, et cela encore de manière tout à fait confuse. Pour avoir accès au singulier, il faut attendre le troisième genre de connaissance, comme le dit ici Ramond. Cette connaissance est saisie immédiate (non médiée par la raison, quoique intellectuelle - jamais dans l'Ethique Spinoza ne parle d'une "intuition rationnelle", comme le fait ici Ramond) d'une singularité par la vue spirituelle.
Et cela, "vision immédiate d'un objet intellectuel dans sa singularité", c'est ce qui pour autant que je sache est ce que la tradition (avec de multiples variantes, bien sûr, variantes qui parfois s'excluent mutuellement) entend par "intuition intellectuelle". Il est évident que pour savoir comment Spinoza s'inscrit dans cette tradition, proposant de toute façon une toute nouvelle version de cette "science intuitive", il faudrait le travail d'une thèse voire plus. Je n'ai pas du tout étudié moi-même la question en détail, donc je ne sais même pas si des commentateurs de Spinoza se sont déjà attelés à ce travail ou non (je suppose plutôt que non, puisque cela implique notamment une plongée dans l'histoire de la philosophique médiévale, terrain d'études qui sauf quelques illustres exceptions n'est pas encore très abordé par les spinozistes). En tout cas, si ce sujet t'intéresse, on pourrait peut-être ouvrir un nouveau fil de discussion et essayer de l'explorer davantage?
Louisa a écrit:
Cela n'exclut nullement la possibilité d'un salut hors de ce troisième genre de connaissance (au contraire, comme tu le dis et comme c'est connu, le TTP atteste bien du fait que la religion peut également nous y mener).
Vieordinaire:
Franchement, je dois etre tres honnete ici, l'asymmetrie avec laquelle vous traitez la force d'argumentation des idees des autres et les votres est tres deconcertante pour vos interlocuteurs--ce qui amenent certains a dire que vous vous obstinez par exemple ...
j'apprécie ta franchise, mais j'avoue ne pas très bien comprendre de quelle "asymétrie" tu parles. Il est évident que je ne donne pas systématiquement tous les arguments et références au texte de chaque phrase que j'écris ici, simplement parce que mes messages sont déjà souvent trop longs. J'espère avoir montré entre-temps que si quelqu'un veut s'attarder sur l'un ou l'autre énoncé à moi qui n'était pas explicitement fondé, je le fais avec plaisir (idem quand quelqu'un critique l'un de mes énoncés: il est rare que je n'y réponds pas), quitte à reconnaître que je me suis trompée quand c'est le cas (et cela a bien évidemment déjà été le cas).
vieordinaire a écrit :Vieordinaire:
La beatitute de l'ignorant et celle du 'philosophie' de sont pas deux! Et la beatitude est etroitement associee au troisieme genre de connaissance comme vous le savez bien. Si vous desirez vous plonger dans l'imaginaire afin de 'preserver' vos interpretations au lieu d'en realiser les contradictions c'est votre droit ... Mais n'anticipez vos interlocuteurs de necessairement vous suivrent vers vos chateaux dans les nuages ... Et s'il vous plait ne me reprochez pas de ne pas demontrer ici pourquoi il ne peut y avoir 'de possibilite' de beatitude sans la connaissance du troisieme genre ... c'est-a-dire la possibilite d'un quatrieme genre de connaissance. Simplement relisez la deuxieme et cinquieme parties de l'Ethique ou le TTP.
ce serait bien triste si je cherchais comme interlocuteur quelqu'un qui n'adopte pas une attitude critique par rapport à ce que j'écris.
Sinon en effet, ici tu soulèves un autre passage de mon message que je n'ai pas argumenté. D'une part parce qu'il n'a pas directement à voir avec ce qui se discute dans ce fil-ci, mais d'autre part surtout aussi parce que je croyais que nous étions déjà d'accord là-dessus, me basant sur ce que tu venais d'écrire, et que j'ai sans doute mal compris, puisque à mon sens tu y disais l'inverse de ce que tu viens de dire maintenant:
vieordinaire a écrit :La paix de l'ame ou/et la beatitude n'ont rien a faire avec l'intellectualite comme vous semblez la presenter dans vos different posts. Car apres tout, la foi (telle que definie par Spinoza) aussi bien que la raison, peut nous conduire a ceux-ci, i.e. le troisieme genre de connaissance (voir le TTP).
je supposais donc, dans ma réponse à ceci, que tu savais que le TTP propose une autre voie de salut que celle qui passe par le troisième genre de connaissance, salut par la foi effectivement. Or dans ton dernier message tu sembles nier cela. Par conséquent, je ne comprends plus très bien dans quelle mesure tu reconnais chez Spinoza un "salut des ignorants" ou non ... ? En tout cas, si tu veux en discuter: volontiers, il suffit d'ouvrir un autre sujet de discussion (puisqu'ici nous discutons plutôt du troisième genre en tant que tel).
Cordialement,
L.