sescho a écrit :(...)
L'essence (formelle), c'est la forme, c'est ce que la chose est, tout simplement (cela dit, certains autres auteurs opposent forme et essence, la première n'étant qu'apparence.) Il n'est pas possible de définir une essence singulière dans sa singularité : on ne pourrait que la saisir d'un coup. Mais cette saisie d'un coup ne se fait pas adéquatement par les idées des affections du corps, et il n'y a pas d'autre moyen d'entrer en contact avec une chose singulière.(...)
Bonjour Serge,
en fait, ça me rappelle ce qu'on trouve dans [url=http://books.google.com/books?id=zhFIAAAAMAAJ&pg=PR53&dq=spinoza&lr=&as_brr=1&ei=D05qSKSwNI3ssQOUtYWxBg&hl=fr#PPR15,M1[/url]ce texte[/url] sur la réfutation de Spinoza par Leibniz : si l'âme était l'idée d'un corps, alors elle serait complexe, changeante, sans identité et son éternité ne serait que jeu de mot.
Au final, le système de Spinoza serait incapable de définir une personne, une identité et appliquerait indûment aux êtres particulier ce qui vaut pour les idées générales (éternité).
Pourtant, l'auteur ne me semble pas loin de pouvoir voir une solution lorsqu'il remarque que chez Spinoza "Les hommes et les choses s'objectivent par une idée qui prend un corps."
Si on prend comme modèle de la chose singulière les images, les affections du corps, alors, forcément, on ne voit que changement permanent. Si par contre, on prend en compte l'entendement infini, la puissance de penser, alors il n'y a pas de problème à ce qu'il lui revienne d'établir les identités.
Tu faisais la distinction entre "définir" et "individualiser" mais je ne la faisais pas. Par "définir", il fallait entendre "déterminer", fixer des limites, découper des réalités dans le flux de l'expérience, et ceci de la manière qu'on veut tant qu'elle convient à une explication positive et cohérente du réel.
Par exemple, au lieu d'imaginer que je pourrais avoir une mesure infiniment précise de la largeur de mon écran, je pose la réalité d'une chose que j'appelle "mon écran" dont il résulte de l'essence une propriété de largeur 37cm à 0,5mm près. La propriété "largeur" me sert à déterminer une chose adéquatement selon les notions communes.
Pour le 3e genre, je mets cette détermination en relation plus profonde avec la Nature : ce qui n'était fondé que sur une communauté entre moi et la chose (sans faire appel à Dieu) prend une autre dimension, une dimension d'affirmation ontologique des particuliers (moi et la chose) comme autant d'affirmation de l'Etre (en l'occurrence, plutôt l'être étendue). C'est la même chose particulière qui est affirmée, c'est-à-dire qu'il n'y a pas besoin d'autre définition verbale que celle établie par le 2nd genre, mais c'est dans un mode de perception dont la "texture" échappe aux simples mots. Difficile de dire ce que c'est que de voir un écran en tant qu'Etre, en tant qu'affirmation positive de la Nature.
Et si M. Machin vient dire "Ah mais non, moi j'ai mesuré au micron près, l'écran n'est pas ce que tu dis et ton essence ne vaut rien !", je dirais "Merci" pour m'avoir donné l'occasion de déterminer une autre chose et donc une autre essence que celle dont je parlais.
Et si quelqu'un vient affirmer que Dieu a une connaissance infiniment précise de la largeur de l'écran, que c'est ça la "vraie" largeur, je dirais que Dieu ne mesure pas en dehors d'une référence à un mode "mesureur" particulier, qu'il n'y a pas de différence entre une "vraie chose" et "une chose conçue adéquatement" quel que soit l'esprit où se trouve ce concept et que sa puissance de penser est suffisante pour avoir aussi bien l'idée "écran mesuré à 0,5mm près par Bardamu" que l'idée "écran mesuré à 1 µm près par M. Machin" et même que l'idée "écran mesuré de manière absolument précise par un homme" a des chances d'être contraire à la réalité physique.
En d'autres termes, le caractère changeant des affections, de l'imagination, n'est pas une objection au caractère fixe des déterminations par l'entendement. La connaissance dépend de la pensée, la connaissance objective dépend de l'entendement, et la Nature est dense, sans vide, suffisamment généreuse pour fournir autant d'essences que voulu pour correspondre à des concepts biens formés.
Si le caractère intuitif, synthétique, du 3e genre de connaissance est difficilement communicable, à mon sens ce n'est pas le cas pour la méthode de singularisation.
A mon sens, tout ce qu'il faut, c'est prendre en compte la puissance de penser, le caractère objectivant de l'entendement et maîtriser une imagination qui ferait croire qu'il y a plus à savoir qu'il n'y a.