Être - Conscience - Béatitude : Lavelle et autres.

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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hokousai
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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar hokousai » 15 nov. 2014, 16:47

Sescho a écrit :Non, il n'est pas différent : il est toujours le même, mais sans être représenté


"Sans être représenté" il est différent de quand il ne l'est pas .
C'est pourquoi j' ai dis que la Vidéo pensait un monde objectif indifférent au moi qui le perçoit .(et je ne fais pas de mécanique quantique là). Et là où nous différons c'est quand vous dites qu'il n y a plus de monde (différencié ) mais l 'Etre (indifférencié ).
In fine vous effacez la nature naturée et ne gardez que la naturante.
........................

Parce que le premier sentiment est un sentiment d'absence (de l'ego dans son sens bien ordinaire et nullement fondamental) et que le passage du col, c'est au-delà et non en-deçà, l'absence de ce sentiment d'absence.


Vous me demandiez comment je sens la lucidité . Mais là vous me supposez des sentiments d 'absence alors que je ne suis pas en état de regretter ne pas être plus lucide . Ce n'est pas du tout mon problème dans le cas d'une contemplation non duelle du monde ( environnant ). La lucidité se remarque dans un autre état (l 'état de conscience réflexive ) Descartes et Spinoza diraient qu'on remarque la clarté quand on y est .
....................
Sorti de cet état de non dualité et reprenant mon activité philosophique ( celle où je suis actuellement ) je ne tire pas les mêmes conclusions que vous. Je parle de conclusions métaphysiques. Ce qui n'est pas anormal . La variété des conclusions métaphysiques dans l histoire est patente, et ce sur des expériences assez similaires.
......................
Mais il se pourrait que Lavelle, avec l'Acte, dise quelque chose de différent, qui correspond à ce que vous dites.
Effectivement et c'est ce qui m'a accroché chez lui.( mais je ne le connais pas vraiment )
......................

Le Bouddhisme est l'orientation qui exclut le plus la possibilité d'un Moi / Ego entre toutes...


Peut- être parce qu'il voit que c'est LE problème essentiel de l' homme.
Qu'il voit donc que l'Ego est bien plus qu'une possibilité ... c'est à dire qu'il est une réalité contre laquelle il faut faire quelque chose . Réalité qu'l ne suffit pas de nier théoriquement ou même logiquement.

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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar sescho » 15 nov. 2014, 20:37

hokousai a écrit :quand vous dites qu'il n y a plus de monde (différencié ) mais l 'Etre (indifférencié ).
In fine vous effacez la nature naturée et ne gardez que la naturante.

Non, pas du tout. Vous avez toujours, me semble-t-il, une réticence à admettre que le multiple est "DANS" l'un (comme déjà dit, cette métaphore spatiale est déjà discutable), et dans un certain sens au moins l'un dans le multiple. Je vais tenter d'expliciter.

Je précise déjà que j'admets sans réserve qu'un objet que je vois est bien quelque chose qui se pose là et qui est distinct de moi en quelque part, ce qui me fonde comme sujet exactement dans le même mouvement. Connaissance = co-naissance. C'est pourquoi, même avec toute l'humilité qui s'impose, ce que dit Baret plus haut et que je respecte infiniment me convient très bien quand il s'agit de voir que la séparation (le fossé absolu entre sujet et objet) est une grave erreur, et qu'au dessus de sujet-objet, et les "contenant" tout en même temps, il y a un Tout unifié, qui vient ontologiquement avant. Mais si on voulait en déduire que sujet et objet sont des illusions, cela ne me conviendrait plus du tout... J'admets qu'on peut me demander à bon droit comment on peut avoir distinction sans avoir séparation en quelque part, mais bon... Peut-être est-ce tout simplement ce que vous signifiez.

Donc je vois un objet, je le pose et il me pose. Admettons que je regarde ailleurs : je découvre un autre objet, qui a une autre forme. Mais dans l'affaire il y a quelque chose qui ne change pas : c'est que je vois des objets - et "moi-même" en même temps - en acte (E2P47) : il y a dans tous les cas une affirmation de présence qui ne change pas : c'est le "se pose" précédent. Ce qui change c'est la forme de l'objet / de la conscience seulement. Eh bien cette affirmation de présence, c'est cela l'Être : c'est la "concrétude" de tout objet même. On ne peut pas la séparer de l'objet, mais elle transcende quand-même l'objet. Dans ce cadre, on en vient naturellement à poser qu'un objet est une forme d'être, un mode d'être : un mode d'Être. L'immanence est la transcendance. Nature naturante est Nature naturée, etc.

Objectiver Dieu c'est prendre un grand risque d'erreur, je le répète. L'Être, c'est l'être de tout étant qui est là, qui se pose là : c'est très concret ; rien n'est plus concret, même.

Par ailleurs (je saute d'une approche à l'autre, mais passons...) il est bien clair que si le "se pose là" n’est contestable en rien, le reste dépend d’un arsenal de capteurs liés au corps. Déjà, nous savons que nous ne voyons pas l’objet, en fait, bien que nous zappions ce fait, mais la lumière réfléchie par la surface de l’objet (nous voyons le relief avec les deux yeux : vision stéréoscopique, mais seulement des surfaces quand-même : jamais l’épaisseur de l’objet.) Dans le noir complet nous ne voyons rien du tout : l'objet n'est pas là à proprement parler. Si on supprime les yeux, on supprime la vision, etc., etc. Bref : l’objet « se révèle » au travers du "sujet bien concret." Une chauve-souris voit autre chose que nous (mais non sans rapport, c'est évident), et avec des capteurs différents. En fait, un arbre n'est un arbre que quand nous le regardons. C'est un peu comme si nos yeux étaient des phares dans le noir total. C'est comme si la Nature nous offrait sa présence (et la nôtre, en son sein) dans l'exacte mesure où nous la découvrons avec nos senseurs subjectifs (la Physique ne peut en aucune façon dire ce que c'est que voir - en tant que ressenti, donc). Si nous nous en tenons aux faits tangibles, le seul monde réel est celui que je perçois ici et maintenant (c'est très clairement ce que dit Jourdain.) Non seulement l'arbre n'est plus un arbre, mais il n'y a tout simplement rien ; plus simplement encore : la question ne se pose pas !

Toutefois, comme ce qui est ne peut en aucune façon ni sortir de rien, ni devenir rien, (c'est l'affirmation de présence, qui ne supporte pas d'affirmation de non-présence) l'être subsiste forcément même quand je ne regarde pas ("sous quelle forme ?" est une question qui n'a pas de sens, en fait, et il n'y a pas lieu de poser un monde des choses en soi indépendant de toute perception subjective : c'est totalement superfétatoire, la connaissance de présence suffisant.)

C'est en ce sens que je disais qu'il restait l'être de toute façon. Mais ce n'est peut-être pas si heureux que je l'ai estimé dans un premier temps... :-)

Par ailleurs, vous dites si je ne suis plus conscient de... (en passant il suffit que vous détourniez le regard pour que ceci soit le cas), mais comme le dit le proverbe, avec des si... Si ... vous posez ce si alors que de fait vous êtes conscient, c'est comme si vous disiez "supposons que l'Être n'existe pas" ; conscience = Être : conscient vous êtes Dieu, immuable, éternel, infini, la conscience que la Nature a d'elle-même, et en plus un mode unique d'être de Dieu dans l'existence temporelle et locale. Que vous faut-il donc de plus ?

hokousai a écrit : Vous me demandiez comment je sens la lucidité . Mais là vous me supposez des sentiments d 'absence alors que je ne suis pas en état de regretter ne pas être plus lucide . Ce n'est pas du tout mon problème dans le cas d'une contemplation non duelle du monde ( environnant ). La lucidité se remarque dans un autre état (l 'état de conscience réflexive ) Descartes et Spinoza diraient qu'on remarque la clarté quand on y est .

Pour faire une comparaison entre états il faut forcément user du mental et de la mémoire ; au plus direct sentir l'évolution en passant d'un état à l'autre. Disons donc que vous ressentez un surcroît de netteté ou de richesse en retournant à la conscience ordinaire chez vous, tout en perdant le calme béatifique. Si c'est béatifique, c'est bon, bien et juste : la Nature le veut ainsi de toute évidence. Je ne vois pas du tout pourquoi vous ne pourriez être à la fois lucidité et calme, lucidité dans le calme, force tranquille, présence totale.

hokousai a écrit :
Le Bouddhisme est l'orientation qui exclut le plus la possibilité d'un Moi / Ego entre toutes...


Peut- être parce qu'il voit que c'est LE problème essentiel de l' homme.
Qu'il voit donc que l'Ego est bien plus qu'une possibilité ... c'est à dire qu'il est une réalité contre laquelle il faut faire quelque chose . Réalité qu'l ne suffit pas de nier théoriquement ou même logiquement.

Oh! J'ai peur que ce que vous supposez là ne soit pas élogieux à son endroit... :-)

Sérieusement : c'est presque la même chose : je suis sûr que le "problème" est très près de la source. En suivant Jourdain - si je ne le trahis pas -, cela consiste à prendre des pensées pour des réalités (Prajnanpad : "vous pensez que vous voyez, mais vous ne voyez pas que vous pensez." ; évidemment la pensée pour un Indien est distinguée de la vision, alors que tout est considéré comme pensée chez Spinoza, par exemple.) On s'en doutait un peu...
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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar hokousai » 15 nov. 2014, 23:51

Vous avez toujours, me semble-t-il, une réticence à admettre que le multiple est "DANS" l'un

ah mais pas du tout . :(
L'infini est dans le fini c'est que que montre Spinoza dans la lette sur l'infini avec son exemple géométrique des distances inégales ( lettre 12)
L' Etre ne pose pas de problème, c'est le mutiple qui en pose et surtout la relation entre fini et infini (et réciproquement) .
..............

quand il s'agit de voir que la séparation (le fossé absolu entre sujet et objet) est une grave erreur, et qu'au dessus de sujet-objet, et les "contenant" tout en même temps, il y a un Tout unifié, qui vient ontologiquement avant.

Mais c'est exactement ce que je vous dis ( précédemment )
Sauf que ce n'est pas au dessus qu'il y a quelque chose . Je vous dis que la perception est un événement (ou un fait ) qui engage les deux ( l'arbre et moi) en un seul événement . Il n'y a pas d arbre en soi ni de moi en soi . Il y a un fait relationnel .
..................
c'est que je vois des objets - et "moi-même" en même temps - en acte (E2P47) : il y a dans tous les cas une affirmation de présence qui ne change pas : c'est le "se pose" précédent.
C est ce que j' ai affirmé ( précédemment )
Mais l'affirmation de la présence ne transcende rien du tout .
.....................
Si nous nous en tenons aux faits tangibles, le seul monde réel est celui que je perçois ici et maintenant (c'est très clairement ce que dit Jourdain.) Non seulement l'arbre n'est plus un arbre, mais il n'y a tout simplement rien ; plus simplement encore : la question ne se pose pas !


Si Jusque là nous étions globalement d'accord là je ne le suis plus du tout .
L affirmation de Jourdain est idéaliste absolue (voir solipsiste ) et tout à fait antispinozsite. Spinozal pose la Nature infinie en soi ( si j 'ose le dire ) comme cause de soi. Là Jourdain réduit drastiquement la Nature à ce qu'il perçoit.
…………………………………….


Par ailleurs, vous dites si je ne suis plus conscient de... (en passant il suffit que vous détourniez le regard pour que ceci soit le cas), mais comme le dit le proverbe, avec des si... Si ... vous posez ce si alors que de fait vous êtes conscient,

je ne sais plus où j' ai dit cela …donc à préciser …mais bref :) .
…………………………..

Non sur le bouddhisme je ne suis pas élogieux. Le bouddhisme affirme le conatus et plus encore l' énergie puissante du vouloir vivre, c 'est le Karma.( pas élogieux sur l 'aspect ascétique et nihiliste de cette doctrine )
Ce qu'il refuse ce n'est pas la "conscience" mais l' idée non seulement de l 'Ego comme substance mais de la conscience comme substance. Parce qu'il nie que l'idée de substances ait un objet réel ( substance au sens d'identité à soi ...la logique du bouddhisme refuse l' identité à soi ).

Mais en fait je n'ai pas appris le bouddhisme (si on peut l' apprendre ) chez les tibétains .
Je me réfère plutôt au petit véhicule ou au Zen .
Je vois dans l'orbite du zen des philosophes métaphysiciens.(NIshida Kitaro par exemple). Si je me règle sur cet exemple je ne vais pas refuser le travail proprement philosophique. Je ne vois pas de contradiction formelle. Je n'égalise , ni n'assimile Spinoza au bouddhisme . Spinoza était totalement ignorant du bouddhisme.
Mais pas moi .

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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar sescho » 16 nov. 2014, 10:55

hokousai a écrit :
Vous avez toujours, me semble-t-il, une réticence à admettre que le multiple est "DANS" l'un

ah mais pas du tout . :(

Je cherche avec vous ; je n'affirme rien ; chacune de mes phrases est ponctuée d'un point d'interrogation invisible (symbolisé ici par le "me semble-t-il"). Si ce que je dis n'est pas exact, c'est parfait... De toute façon la vérité est ce qu'elle est quoiqu'on en dise, et il n'y a qu'elle qui soit consistante. Alors...

Je suggère parce que ne perçois pas nettement ce qui vous dérange (d'autant moins que semble-t-il vous voyagez régulièrement - bien plus régulièrement que moi apparemment - au voisinage du "col" (qui est uniquement vision / être, pas de la pensée au sens oriental et commun.)

hokousai a écrit :l'affirmation de la présence ne transcende rien du tout .

Je pense que le différent vient de l'acception qu'on donne à "transcendance". Pour moi, il s'agit simplement d'une antériorité ontologique, qui est englobante (comme pour Spinoza et les orientaux) : la transcendance est immanence : on ne peut pas séparer la transcendance des modes bien concrets qui l'expriment. Être n'est pas la plus générale des notions générales (auquel cas cela apparaît surtout fumeux au plus haut point), mais une évidence première qui est avant toute notion, et ceci parce qu'elle englobe le sujet lui-même, qui se voit étant en même temps qu'il voit les étants.

hokousai a écrit :
Si nous nous en tenons aux faits tangibles, le seul monde réel est celui que je perçois ici et maintenant (c'est très clairement ce que dit Jourdain.) Non seulement l'arbre n'est plus un arbre, mais il n'y a tout simplement rien ; plus simplement encore : la question ne se pose pas !


Si Jusque là nous étions globalement d'accord là je ne le suis plus du tout .
L affirmation de Jourdain est idéaliste absolue (voir solipsiste ) et tout à fait antispinozsite. Spinozal pose la Nature infinie en soi ( si j 'ose le dire ) comme cause de soi. Là Jourdain réduit drastiquement la Nature à ce qu'il perçoit.

C'est sans doute une question de mots là-aussi... Pas du tout : là quand je dis "le monde" ce n'est pas "la Nature" - au sens le plus général -, pas l'Être : seulement le tableau vu, (entendu, etc., ...) : c'est le (re)présenté. Il est de l'évidence la plus immédiate que ici et maintenant, en direct (pas de mémoire long terme) seul ce qui entre dans ma perception est la réalité objective (le monde.) Je m'imagine que le monde est global et sur le mode de ma perception que je le regarde ou pas (parce que dès que je tourne la tête il apparaît - évidemment - comme cela), mais c'est partiellement faux : sans mon appareil perceptif, le monde n'a PAS de (re)présentation : quand je tourne la tête, ce qui est derrière moi n'est pas ce que je voyais quand je le regardais. C'est pourquoi j'utilise la métaphore que notre appareil perceptif se comporte comme un phare dans le noir total (ce n'est qu'une métaphore.) Mais ce n'est pas parce que le noir est total qu'il n'y a rien ; mais ce n'est pas le-monde-que-mon-appareil-perceptif-révèle, et qui est le seul comme monde (d'où "la chose en soi" de Kant, mais il est inutile de poser une "chose" pour dire qu'elle est inconnaissable, et c'est même contradictoire, en fait.) C'est cela l'intimité sujet-objet, le "péché originel" consistant à l'oublier. On ne PEUT PAS séparer l'objet et le sujet. MAIS, transcendant cela, il y a la "certitude de l'Être", qui elle ne dépend de rien : je perçois les choses et moi-même en acte, et l'acte contient "rien ne vient de rien" ; mais alors, effectivement, quelque part, là, le sujet et l'objet ont disparu. Cependant cela ne retire pas pour autant la (re)présentation ici et maintenant (on sait très bien de toutes sources que dans la sagesse ultime l'esprit se tient dans l'éternel présent, comme tout en réalité d'ailleurs), et donc le sujet et l'objet relatifs sont toujours là, ... dans l'Être immaculé, atemporel (éternel), impersonnel, etc.

hokousai a écrit :Non sur le bouddhisme je ne suis pas élogieux. Le bouddhisme affirme le conatus et plus encore l' énergie puissante du vouloir vivre, c 'est le Karma.( pas élogieux sur l 'aspect ascétique et nihiliste de cette doctrine )

Là-dessus je vous suis... tout en me disant qu'avant de trancher il vaudrait mieux aller au fond des choses. Et, aller au fond du Bouddhisme... Par ailleurs, comme déjà dit, l'advaïta vedanta c'est le Bouddhisme + atman = brahman. Bien sûr cette équation (qui dit bien que la structure Dieu / modes est la structure de la conscience même - avec un au-delà de la conscience sans doute : atman, le Soi impersonnel, mais Soi quand-même, rejoint brahman l'Être / l'Acte indifférencié qui englobe le différencié) est très loin d'être négligeable, mais si l'un s'est substitué à l'autre en peu de temps c'est qu'ils devaient bien beaucoup se ressembler : Le Bouddha historique parle bien du "Non-né", et Nagarjuna (car l'aspect "nihiliste" au moins prétendu, c'est quand-même plutôt le Mahayana) de l'Ultime réalité. Inversement, dans l'advaïta vedanta, ce supposé "nihilisme" transpire très souvent (et l'extrait de Baret plus haut ne le contredit pas.)

hokousai a écrit :Ce qu'il refuse ce n'est pas la "conscience" mais l' idée non seulement de l 'Ego comme substance mais de la conscience comme substance. Parce qu'il nie que l'idée de substances ait un objet réel ( substance au sens d'identité à soi ...la logique du bouddhisme refuse l' identité à soi ).

Chez Spinoza seule la substance est identité à soi. Néanmoins on peut se poser la question avec les "essences de genre", l'essence de l'Homme en particulier bien sûr, qui fait que ce qui se comprend par l'essence de l'Homme seule est en l'homme comme en Dieu (ce n'est sans doute pas la forme substantielle, mais ...) Reste à bien préciser ce qu'est cette "essence de l'homme..." Seul ce qui est concevable par soi (existentiellement : réel) est substance. Même si certaines écoles s'entêtent à vouloir nier toute substance (ou du moins toute entité permanente, si "entité" est connoté), le Bouddhisme admet le Non-né et l'Ultime réalité. Ce qui est certain c'est que Bouddhisme n'accorde rien de tel qu'à ce qui est sans qualification aucune. J'ajouterais encore que nous sommes là déjà très au-dessus du "petit moi" mental et imaginaire qui est universellement répandu actuellement. Le Bouddhisme est né dans une société hautement spiritualisée en moyenne, et chez des ascètes exceptionnellement exercés, le bouddha - qui avait auparavant cessé de martyriser inutilement son corps - étant une exception parmi ceux-ci. On est là, en moyenne, quelque peu éloigné du marigot que nous connaissons, et où peu ou prou nous évoluons, quoi...

Je crois que Lavelle ne tient pas la notion de substance comme si pertinente que cela, et estime par ailleurs que en tant qu'expression directe et sans intermédiaire de la puissance divine, le sujet en Acte se comprend par soi, mais pour ce qui me concerne le contour de tout cela doit être nécessairement précisé avant que de porter une quelconque conclusion.

hokousai a écrit :Mais en fait je n'ai pas appris le bouddhisme (si on peut l' apprendre ) chez les tibétains .
Je me réfère plutôt au petit véhicule ou au Zen .

Le Zen, sauf erreur est dérivé de Ch'an, et celui-ci du bouddhisme Mahayana (combiné avec le taôisme, etc.) Mais il est beaucoup plus épuré : il est basé surtout sur le ressenti direct du fonctionnement mental, qui tend à être libéré par zazen. Mais chez Suzuki Roshi il y a quand-même une Métaphysique.

hokousai a écrit :Je vois dans l'orbite du zen des philosophes métaphysiciens.(NIshida Kitaro par exemple). Si je me règle sur cet exemple je ne vais pas refuser le travail proprement philosophique. Je ne vois pas de contradiction formelle. Je n'égalise , ni n'assimile Spinoza au bouddhisme . Spinoza était totalement ignorant du bouddhisme.
Mais pas moi .

Oui, mais il n'y a qu'une espèce humaine, et donc fondamentalement qu'une vérité. On peut je pense ranger à la fois Spinoza et le Bouddhisme dans la plus haute puissance (incluant l'intégrité, l'honnêteté, l'intelligence, etc.) investie dans l'approche de la vérité. Après, il n'y a de véritable réalisation, de véritable philosophie au sens le plus haut, que dans la vie ici et maintenant. Donc c'est à la fois éternel... et toujours renouvelé dans l'étant, ici et maintenant.
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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar hokousai » 16 nov. 2014, 14:48

mais alors, effectivement, quelque part, là, le sujet et l'objet ont disparu.

il me semble que la vie ordinaire est tissée de cela . Une non dualité ordinaire.

Que dans d 'autres moments il y a dualité .( je fais attention à ce que je fais … donc dans l' événement je m'implique ( consciemment ) disons que je sais que j 'y suis.

Qu'à d'autres moment il y a conscience réflexive marquée ( je me vois moi même=cogito ).

Qu'il y a aussi des états méditatifs , spontanés ou provoquées, ce sont ceux que vous décrivez.

Le niveau de ce que Spinoza appellerait " comprendre " c'est encore un autre état de conscience.

Il y a un dilemme .
Une tradition lie la compréhension maximale à l'état méditatif et une autre tradition à l'étal de conscience claire et distincte proche de celui de conscient réflexive ( celle où je sais que c' est moi qui pense )

Et comme un sentiment d' illumination dans les deux cas.
Mais il y a t- il vraiment contradiction?
( cela dit pour continuer... car il y a motif à continuer )

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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar hokousai » 16 nov. 2014, 16:20

Non seulement l'arbre n'est plus un arbre, mais il n'y a tout simplement rien
je ne voudrais pas faire un très mauvais procès à Stephen Jourdain . Mais est-ce que textuellement vous avez lu ou entendu cela ... tel que vous le dites . Je connais mal Stephen Jourdain ... à première vue il m'est plutôt sympathique. J' ai du mal à le voir dans la figure du solipsisme. On le dit analogue à Krishnamurti .( lui je l'ai lu ).

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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar sescho » 16 nov. 2014, 17:17

hokousai a écrit :
Non seulement l'arbre n'est plus un arbre, mais il n'y a tout simplement rien
je ne voudrais pas faire un très mauvais procès à Stephen Jourdain . Mais est-ce que textuellement vous avez lu ou entendu cela ... tel que vous le dites . Je connais mal Stephen Jourdain ... à première vue il m'est plutôt sympathique. J' ai du mal à le voir dans la figure du solipsisme. On le dit analogue à Krishnamurti .( lui je l'ai lu ).

Je possède tout Jourdain, mais cela me prendrait quand-même pas mal de temps de retrouver les passages (ce n'est pas un sujet majeur développé longuement, et il y a pas mal de livres...)

De mémoire, son propos consiste plus précisément à dire qu'il voit le tableau qui se présente à lui strictement comme il le voit, pas comme une partie d'un tableau plus grand et fixe et qu'il parcourt (ce qui est le mode de perception-conceptualisation ordinaire.)

Donc, vivant ici et maintenant, il s'en tient spontanément, naturellement, à ce qui se présente ici et maintenant. Quand je dis qu'il n'y a rien, ce n'est pas du tout qu'il y a maintenant le néant à la place de l'arbre (cela c'est l'"optique" ordinaire qui ne comprend pas ce dont il s'agit), c'est que comme l'arbre n'est pas vu il n'existe tout simplement pas pour le sujet (en fait la question ne se pose pas, et ne peut pas se poser, d'évidence.)

Sinon, je peux ponctuellement ne pas être en accord avec ce qu'il dit, mais je ne peux pas juger Jourdain : c'est un étalon primaire. Il m'est à moi-aussi extrêmement sympathique. Et il était d'une grande bonté, avec sa gouaille, selon Desjardins en particulier.
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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar hokousai » 17 nov. 2014, 00:30

c'est que comme l'arbre n'est pas vu il n'existe tout simplement pas pour le sujet (en fait la question ne se pose pas, et ne peut pas se poser, d'évidence.)
oui, certes, et c'est mieux dit comme ça . :D

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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar sescho » 17 nov. 2014, 10:48

hokousai a écrit : il me semble que la vie ordinaire est tissée de cela . Une non dualité ordinaire.

Que dans d 'autres moments il y a dualité .( je fais attention à ce que je fais … donc dans l' événement je m'implique ( consciemment ) disons que je sais que j 'y suis.

Qu'à d'autres moment il y a conscience réflexive marquée ( je me vois moi même=cogito ).

Qu'il y a aussi des états méditatifs , spontanés ou provoquées, ce sont ceux que vous décrivez.

Le niveau de ce que Spinoza appellerait " comprendre " c'est encore un autre état de conscience.

Il y a un dilemme .
Une tradition lie la compréhension maximale à l'état méditatif et une autre tradition à l'étal de conscience claire et distincte proche de celui de conscient réflexive ( celle où je sais que c' est moi qui pense )

Et comme un sentiment d' illumination dans les deux cas.
Mais il y a t- il vraiment contradiction?

C'est la question qui m'est venue : pourquoi opposer tout cela ? Il n'y a rien de vrai qui puisse s'opposer sans se compléter, et ceci avec un englobant en même temps (mais le lien peut ne pas être explicitable : c'est ce que j'appelle, avec Diel, "le Mystère" ; c'est même inévitablement le cas, je pense, en particulier sous la forme du lien Pensée/Matière.) Notamment, pourquoi opposer l'idée claire et distincte et la conscience claire non focalisée ? C'est Dieu ET ses modes (le tout s'identifiant nécessairement à la conscience) : la conscience pure ET ses idées, claires et distinctes ou non. Le multiple est DANS l'Un. Si tu fais une différence entre samsara et nirvana, c'est que tu es prisonnier du samsara !, etc., etc.

Lavelle le dit bien aussi, bien qu'il admette un Moi : seule l'analyse (et non la synthèse) est pertinente, et c'est très clairement et fermement la méthode de Spinoza. La structure réelle est en hiérarchie englobante, et ne peut en aucun cas être une juxtaposition. En revanche, temporellement, il peut y avoir alternance d'états justes et d'autres moins justes. Une oscillation permanente entre l'union et la séparation est en outre très possible à la base.

La conclusion de tout cela elle-aussi doit être claire : intuitive, immédiate, globale (connaître c'est être) et ne peut pas consister à plaquer une notion (que Lavelle distingue du concept, plus ferme et sain) de "bien ultime" sur une collection plus ou moins hétéroclite.

Et il va quand-même falloir vraiment préciser ce qu'on entend par "Moi" ou s'il est indéfinissable (et s'il est indéfinissable, pourquoi lui donner un nom.) Ce que dit Jourdain semble paradoxal à première vue. Il affirme haut et clair et souvent que "Moi = Conscience, = Suis ! (je suis) = Être", mais encore "Je me sais" (ou "Je me fais", car il s'agit d'un geste à la base), associé à "je me sais me sachant ; je me sais me sachant me sachant ; etc.", mais surtout et enfin : il s'agit de "Moi, personnellement", et il insiste là-dessus... Mais il précise par ailleurs 1) que ce "personnellement" n'a évidemment rien à voir avec ce double mental imaginaire - qui empoisonne tout le monde, à part les rarissimes exceptions -, avec son cortège de "problèmes" (vexation, etc. voir petite liste plus haut, à compléter) et 2) que le niveau le plus amont (englobant tout) de la conscience est impersonnel, et que c'est le niveau juste au-dessous qui est personnel.

Tous les orientaux, y compris U.G. qui pourtant nous ramène sèchement à la terre, disent qu'il n'y a rien qu'on puisse appeler "Moi". Mais les plus hauts d'entre eux ne pèsent ni plus ni moins lourd que Jourdain.

Il faudrait aussi préciser quand-même dans quelle mesure on a le droit de considérer une chose comme étant "vraiment" - et donc sans être une notion générale, au moins - au point qu'elle mérite un nom propre. Ne mérite un nom propre que ce qui est intemporel (sinon, cela n'existe tout simplement pas en tant qu'entité), et après on peut se poser la question de savoir s'il faut en plus que cela puisse être conçu par soi.

Note : il me vient que c'est peut-être au moins partiellement une erreur de dire que ce qui se conçoit en Dieu ne se conçoit pas par soi ; et peut-être c'est pourquoi Lavelle n'aime pas le concept de substance... Dieu n'est pas une chose, dans laquelle d'autres choses se trouveraient (ce qui rejoint le problème de la métaphore spatiale...) Passons...

Le sujet et l'Acte : le sujet est forcément Acte et pas donnée ; et comme il n'est pas donnée il n'est en première approche pas connaissable... Il n'est donc connaissable qu'en deuxième niveau, sans doute lorsqu'il voit quelque effet de l'Acte et est capable de l'y relier (c'est là que la volonté DOIT intervenir, en tant que moteur d'un côté, et objet de l'autre : conscience de l'effort...) Mais c'est là qu'apparaît en retour la question : la conscience de l'effort suppose-t-elle vraiment un donné ?

De mémoire, Lavelle retient 3 sujets, dont le central est purement conceptuel (il dit bien que ce n'est pas une notion, mais un concept) : le Moi phénoménal, le sujet transcendantal, et le Soi impersonnel qui est au-dessus de tout (en hiérarchie englobante.) Cela me semble très convaincant à première vue et est certainement à regarder de près.

Enfin, si on est pris régulièrement dans les "problèmes" du "petit moi" précédents - et la liste est longue, et si familière... - on n'a pas le droit de généraliser quoi que ce soit. Surtout se garder de juger et de conclure globalement ! Dans le temps, toutefois, on peut alterner ; c'est même certain. Mais globaliser, non. Comme dit Prajnanpad : "Chercheur de vérité ? Non-sens ! : chercheur de non-vérité !", à nouveau : "Vous pensez que vous voyez et (en fait) vous ne voyez pas que vous pensez" ou Byron Katie : "j'ai juste cessé de croire mes pensées". Jourdain : "Pure pensée ? Rien !" Là on touche, avec tous, la même "chose", qui ne doit pas être loin de la racine du problème global, en association avec la séparation illusoire : le "péché originel"...

Ajout : Mais on peut voir un autre aspect, cependant : l'attention. Celle-ci est comme un faisceau de lumière particulièrement brillant au sein de la conscience : où se porte l'attention, l'énergie vitale suit (c'est peut-être en fait la même chose, à un certain titre au moins.) Probablement, l'attention ne peut pas se porter simultanément sur le Tout indifférencié et sur le mode différentié. Une métaphore qui apparaît régulièrement est celle du zoom : zoom arrière, zoom avant (j'entendais à la radio hier soir un intervenant fort intéressant qui disait que le premier était plutôt féminin, et le second plutôt masculin ; yin et yang encore... Ceci tend à associer global et "passif", et particulier et "actif", aussi.) On peut le prendre aussi comme le degré de concentration / angle solide d'un faisceau lumineux. Focalisation. Alors là, c'est bien plus un tout, effectivement, qu'une juxtaposition. Et la volonté intervient bien, pas seulement la présentation.

Ceci pour autant ne résume pas tout : imagination, mémoire, libre-arbitre, Moi, visionneur/acteur/auteur/juge, etc., doivent être réglés aussi. Alors seulement : attention aigüe dans le calme béatifique ?
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hokousai
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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar hokousai » 19 nov. 2014, 00:32

Tous les orientaux, y compris U.G. qui pourtant nous ramène sèchement à la terre, disent qu'il n'y a rien qu'on puisse appeler "Moi". Mais les plus hauts d'entre eux ne pèsent ni plus ni moins lourd que Jourdain.
excusez -moi mais je ne vois pas qui est UG.


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