hokousai a écrit :Nous avons des affects et nous avons des passions. C' est toute la partie passive que je pointe comme essentielle.
Spinoza la dit passive. Pour moi Il est évident qu'elle ne l'est pas. La connaissance du premier genre n'est pas passive. La perception n'est pas passive et les sentiment non plus.
La question est encore une fois très importante à mon sens. Je crois qu'il faut faire des précisions avant tout.
- Déjà, tout ce qui est sans exception est puissance (acte) de la Nature : rien ne peut être dit absolument passif (le néant n'existant pas.) Conjointement des assertions comme "mais c'est naturel", ou "mais c'est humain" sont des non-arguments absolus.
- Au niveau même du Sage, quand Desjardins / Prajnanpad disent "intérieurement : activement passif ; extérieurement : passivement actif", on voit bien qu'il ne peut s'agir d'opposés absolus (il n'y a pas d'opposés absolus, d'ailleurs, car dans la paire d'opposés chacun est relatif à l'autre, et appelle l'autre.)
"Activement passif" : l'attention (non focalisée sauf action particulière ponctuelle) à ce qui est (extérieur ou intérieur) est soutenue par la puissance vitale maximale de l'individu (ce qui n'est en aucune façon un forçage : juste la pleine puissance tranquille et ouverte : écoute multidirectionnelle.)
"Passivement actif" : l'action se produit spontanément, sans volontarisme ni - conjointement - "faiseur" imaginaire surimposé.
Ce que j'en tire c'est que "passif" s'applique là à ce qui s'impose à moi (indépendamment de ma volonté, donc), mais dont la réception n'en implique pas moins une action de "ma part". "Actif" s'applique à ce qui est action pure de "ma part", sans donc rien surajouter d'imaginaire et d'inutile, comme un "faiseur."
- Chez Spinoza c'est partiellement différent, et ne s'applique pas au Sage : est dit passif ce qui s'impose à moi, mais dont en plus la "réception" est elle-même passive : il n'y a pas réception, en fait, mais submersion. Nous retrouvons là l'imagination qui fait qu'on prend pour réelle la représentation d'une pensée (idée), au lieu de voir qu'il ne s'agit que d'
une pensée émergée mécaniquement de la seule mémoire, elle-même constituée - avec moyennages, similitudes et associations, extrapolations, ... - par l'impression de choses extérieures. C'est là qu'est en premier lieu la passivité spinozienne : l'idée s'impose à moi sans que "ma volonté" soit du tout engagée dans le processus...
hokousai a écrit :L' esprit conscient est tout aussi actif dans l'amour ( même non passionnel ) que dans l'intellection de ses causes.
Cela, Spinoza le dit lui-même, et même au plus haut degré puisqu'il associe Force d'âme, Générosité et Amour inconditionnel dans le faîte (de puissance et de contentement durable) de l'être humain.
hokousai a écrit :... quelle cause (bien réelle) puis-je en première instance attribuer à une douleur si ce n'est pas cette douleur là. L'éprouvé de cette douleur ( physique ou morale ).
L'assimilation de la souffrance psychologique à la douleur physique ne doit sans doute pas être poussée trop loin car les grands auteurs font la distinction. Je dirais néanmoins que dans les deux cas il s'agit d'une
alerte (avec plutôt des causes externes pour la première, internes pour la seconde.)
Je n'ai pas le temps de tenter de développer ici. J'avancerais juste quelques pistes :
La souffrance psychologique doit nécessairement venir d'une
contradiction interne, qui plus est "énergisée".
Comme une chose, dans la mesure où elle est identifiable par elle-même, ne peut se contredire elle-même,
la contradiction doit englober une origine extérieure à l'essence propre de cette chose : c'est une passivité aussi à ce titre.
Une pulsion est une tendance naturelle
a priori (transcendantale).
Ce sont donc les pulsions qui fixent tout sens, dans l'action et dans le ressenti. Ce sont elles qui "énergisent". Dans le modèle à 3 pulsions (largement compatible avec Spinoza), nous avons : pulsion de conservation, pulsion de propagation (sexuelle), pulsion de puissance (dont adaptation, expansion, ...)
Le sens éthique se confond avec la satisfaction de la pulsion de puissance. La satisfaction ultime de la pulsion de puissance c'est la prise de conscience pleine et entière de l'union avec la Nature entière.
On peut sans doute dire que toute privation (contradiction factuelle d'une pulsion) engendre une forme de douleur, mais la souffrance psychologique à proprement parler vient de la
contradiction imaginaire d'une pulsion, et tout spécialement de la pulsion de puissance. En fait, donc, l'imagination (transposée : prise comme réalité) est l'impuissance elle-même, mais évidemment non vue comme telle...
Spinoza a écrit :Mais pourquoi a- t- on honte de telle action?
Qui plus est de la pudeur ?
On connait des humains qui n'ont jamais honte et certains aucune pudeur .
"Pudeur" est défini là comme de la retenue due uniquement à la crainte de la honte...
On a honte d'une part parce qu'on s'imagine être auteur absolu de ses actes, et d'autre part, en même temps (c'est contradictoire, en fait) parce qu'on "
sent a posteriori", ou - plutôt - qu'on s'imagine aussi, qu'ils sont contraires à la puissance humaine, ce qui à son tour contrarie en l'instant la pulsion de puissance. L'imagination d'impuissance est l'impuissance réelle en l'occurrence... On pense qu'on voit, et on ne voit pas qu'on pense (au sens oriental.) Durant l'acte même, on n'a pas honte, mais la violation effective de la pulsion de puissance doit se traduire par du mal-être instantané (haine, égoïsme inconséquent, etc.)
Connais-toi toi-même.