Egotisme et culpabilité.

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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Egotisme et culpabilité.

Messagepar sescho » 24 nov. 2014, 14:11

(Note de modération : sujet créé par partition afin d'éviter les fils dérivants sans rapport avec le sujet initial, issu de Clinamen, atomisme et liberté et précédé de Être - Conscience - Béatitude : Lavelle et autres.)


hokousai a écrit :Vous est-il arrivé de croiser ( ne serait- ce qu'un peu ) la philosophie de Raymond Ruyer ?

Raymond Ruyer me semble fort intéressant à suivre aussi. Les années 30 et après (en extinction de notoriété progressive dans les années 60 et jusqu'à aujourd'hui, où une renaissance se dessine ; ce qui n'est que conjoncture si le fond est bien là) ont été une période faste en Philosophie en France, manifestement.

Il me semble clair que personne, au fond de lui-même, n'accepte, et de loin, en conscience, la perspective que chacune de ses actions est déterminée sans faille par une puissance supérieure et ne change rigoureusement rien à l'Être total. C'est intolérable.

Ce n'est pas que ce soit faux, c'est que c'est parfaitement inutile à se mettre en tête... étant acquis que la prétention imaginaire à être auteur absolu de ses actes est elle-même (superflue, nuisible, et) absente (ce qui autorise encore un "moi"). Et là... vue la densité de vanité qui règne dans le monde, c'est un "si" qui ne va pas du tout de soi... Maintenant il n'est pas évident qu'en opposant le premier au second on fasse bonne œuvre ; la vanité de front, cela ne marche pas bien... On voit d'ailleurs sans avoir à beaucoup chercher (ne serait-ce qu'en soi-même) que des affirmations péremptoires de surface cohabitent très bien avec une grosse vanité de fond.

Ceci n'atteint pas Spinoza lui-même, ou marginalement, car il est de fait très ouvert, en particulier aux dynamiques propres aux modes ; il intègre l'essence de l'Homme, etc.

En tant qu'agissant (sans acteur surimposé mentalement par pseudo-objectivation) je suis la liberté de Dieu même, et donc plus justement - puisque je laisse cette précision inutile, Dieu n'étant pas un objet - : je suis liberté d'action, point. Seul le donné m'indique en second lieu qu'il y a plus grand que moi, dans lequel mon action s'inscrit. Mais alors je n'ai pour autant pas corrompu l'Acte en le subordonnant au donné (ce qui est aberrant, le donné l'étant par l'Acte...)
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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar hokousai » 24 nov. 2014, 15:07

On voit d'ailleurs sans avoir à beaucoup chercher (ne serait-ce qu'en soi-même) que des affirmations péremptoires de surface cohabitent très bien avec une grosse vanité de fond.

ben oui le fond perdure.
Et le fond c' est l'individuation ( d' où mon constant rappel du conatus ). L'individuation comme la conscience sont des thèmes majeur de Ruyer. Je le connais hélas moins bien que je ne connais Michel Henry. Deux approches qui pourraient néanmoins se connecter à un certain niveau.
Opposées à toutes les critiques contemporaines du sujet... dont on peut se demander quelles sont les visées éthiques... et là dessus je ne suis pas certain d 'y retrouver celles des spirituels que vous évoqués.( dit sous réserve... je ne vois pas bien la visée éthique de l'anti- humanisme théorique ou celle de Foucault ou Deleuze ... encore moins celle de Heidegger et de ses fervents .. j'ai du mal )

Je ne fais pas l' apologie de l' égotisme. L'égotisme comme problème Ethique est un problème...l'individuation comme problème ontologique en est un autre. :?

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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar sescho » 24 nov. 2014, 20:24

hokousai a écrit :ben oui le fond perdure.
Et le fond c' est l'individuation ( d' où mon constant rappel du conatus ). L'individuation comme la conscience sont des thèmes majeur de Ruyer.

Pour moi le "conatus" c'est à la base purement et simplement l'affirmation de Dieu-Nature dans l'existence (qui est l'essence de Dieu-Nature même), et donc de tout ce qui est, par Dieu-Nature, relativement.

Comme ce qui est EST, il ne peut contenir ce qui le nie : c'est absolument impossible. La "compulsion de répétition" est ainsi puissance de la nature même. Je pense que c'est ce que vous entendez. On voit bien là en passant que plus on est ouvert à la modification, plus on a d'opportunité de "progrès", outre que l'ouverture accompagne la puissance même : que peut craindre la Vérité ? Le problème se tient bien dans l'entendement, pas dans la puissance de la Nature ; mais elle le suit... Bien évidemment l'imagination de puissance n'est pas la puissance, mais le contraire... Si on le voyait...

En passant, et à nouveau, la discrimination de l'essence de genre et de l'essence "totale" (associée à... une non-entité immédiate, puisqu'il y a changement permanent de sa nature) chez Spinoza fait partie des enjeux majeurs pour sa juste compréhension selon moi. Il y a un "conatus" général, et un "conatus" de l'essence de l'Homme seule dans l' "individu" humain ; ils peuvent s'opposer.

Concernant l'individuation, mes références sont plutôt C.-G. Jung, mais elles datent... Je vais revenir là à Desjardins/Prajnanpad. De manière apparemment paradoxale ils affirment qu'un ego fort est nécessaire en première instance. Qu'entendent-ils par-là ? : certainement pas le gros orgueil prétentieux de m'as-tu-vu, appuyé sur un moi-objet imaginaire et grotesque, qui croit se grandir en se gonflant et en abaissant les autres, etc. Ils entendent par-là je pense précisément l'individuation vraie (qui se distingue alors du particularisme), qui consiste à être largement soustrait à la réaction ; autrement dit : un recul, un détachement, une autonomie maximale vis-à-vis des circonstances, et spécialement de l'environnement humain (ce qui n'empêche nullement l'amour, etc., bien au contraire, mais ceci se tient alors dans un esprit d'autonomie personnelle, de choix délibéré et libre de préjugés et autres contraintes, etc.) De mémoire, c'était bien ainsi que Jung l'entendait (sous réserve.)

La "suite" ? C'est que l'ego s'ouvre à son étendue maximale : la Totalité, en même temps qu'il abandonne la référence "auto-personnelle", tout en restant un individu aux caractéristiques propres particulières.

Il est bien clair que le sens de l'intégrité personnelle (dignité intrinsèque, de soi à soi) est fondamental, et qu'il faut toujours faire retour au ressenti profond, faire des auto-tests en contradiction performative, etc. Manier des objets mentaux, en soi, n'est qu'un jeu mental sans autre fruit, aussi pertinent soit-il dans la construction. L'orgueil a un "conatus" - il est une joie, rappelons-le, c'est pourquoi il est la pire des passions - beaucoup plus puissant que la force d'entraînement des théories les mieux élaborées, y compris celles qui le dénoncent comme nuisible...
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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar hokousai » 24 nov. 2014, 23:51

Il est bien clair que le sens de l'intégrité personnelle


Je pense surtout là à l'intégrité d'autrui. Quand l'idée de sujet est dénigrée c'est l'idée d 'autrui qui emportée dans le même mouvement.
Le structuralisme et la phénoménologie issue de Heidegger et puis un certain cognitivisme analytique ont dilué le sujet donc autrui
dans la structure ( ou les systèmes )
dans le souci impersonnel de l' Etre,
dans les jeux de langage.

Or je suis prioritaire sur tout système et Spinoza me l'a enseigné, j'ai un droit naturel dont je ne me défais que sous condition, par raison. Position froide du rationalisme de Spinoza. Froideur qui ne satisfait pas entièrement .
Ma relation à autrui ne peut , certes pas , ne se mesurer qu'en terme rationnel d 'utilité. Il y a un manque. Il manque la sympathie. Tout ce qui ressort du sentiment que l'on peut éprouver envers envers autrui.
Autrui comme fin, jamais comme moyen.
Pour moi autrui comme "mon prochain" est prioritaire sur le système.

Anti -humanisme théorique !
C'est ambigu comme expression.
On ne sait si cet anti s'oppose à l' humanisme (classique /historique) qui serait considéré lui comme théorique ( comme si l 'humanisme pouvait avoir été théorique dans son histoire )
ou bien
alors comprendre antihumanisme "théorique" comme : "en fait ce n'est pas si méchant c'est seulement une contestation théorique ".

Mais pour moi c'est la première compréhension qui est la bonne. On considère l' humanisme classique comme théorique… d' où la critique des droits de l' homme, de toute morale normative, voire de type Kantien.
La sympathie comme génératrice des sentiments moraux n' étant pas une thèse qu'on puisse prendre au serieux ( et c'est de mon point de vue regrettable )

Non que je me sois converti au Kantisme ...Il y aurait quand même matière à méditer sur le relativisme moral où nous conduit l 'éviction de l'idée de sujet.

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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar sescho » 25 nov. 2014, 10:57

hokousai a écrit :Je pense surtout là à l'intégrité d'autrui. Quand l'idée de sujet est dénigrée c'est l'idée d 'autrui qui emportée dans le même mouvement.

Oui, car un autre humain est, dans le cadre de la perception seule, un objet comme un autre ; c'est dans la sympathie issue de l'échange et de la reconnaissance mutuelle en nature que l'univers ressenti s'agrandit (dans la mesure où ce qui est contraire à la Raison est faible de part et d'autre, ou d'une seule part mais alors franchement, ce qui n'est pas gagné d'avance.) Reconnaissons qu'en même temps le côté strictement individuel s'efface cependant...

Toute théorie objective et verbalise. Si on manque de le garder toujours à l'esprit, ce sont deux énormes dégradations par rapport à l'acte et au ressenti.

hokousai a écrit :Pour moi autrui comme "mon prochain" est prioritaire sur le système.

Ceci est encore une fois très lavellien aussi, me semble-t-il.

On peut se plier à tout un tas de choses - destinées à la vie en communauté, tout particulièrement - sans pour autant s'aliéner en quoi que ce soit : il suffit de le faire librement, par le simple exercice de la Raison. Le pragmatisme est assurément une qualité. C'est ce que dit Spinoza, qui insiste aussi beaucoup sur la communauté de nature entre individus qui exercent la Raison.

Et là il faut encore reconnaître que le côté individuel s'efface ("comme s'ils ne formaient qu'une seule âme", ou quelque chose comme cela.)

hokousai a écrit : Anti-humanisme théorique !
C'est ambigu comme expression.


Ce qui se définit comme "anti" est rarement bien bon... C'est en général exactement la même chose, mais repeint de la couleur opposée (complémentaire), et la meilleure promotion de son prétendu "ennemi" de fait (puisque c'est la même chose de fait.)

Je ne connais pas cette branche. Une forme d'humanisme se fourvoie totalement quand elle veut diviniser le mode humain sans le dépasser ; dans le cas contraire - je ne parle pas des faux humanistes, bien sûr - je n'y vois globalement que du bon.

hokousai a écrit :Il y aurait quand même matière à méditer sur le relativisme moral où nous conduit l 'éviction de l'idée de sujet.

Certes. La condition de mode n'est PAS celle de substance SEULE, c'est impossible, et la condition de sujet n'est PAS assimilable ou subordonnée à un quelconque objet, perçu ou conceptuel, aussi universel le conçoit-on : c'est aberrant. On ne peut pas sous prétexte de mécanique générale (un concept : objet abstrait) jeter l'éthique (lois de la Nature ne concernant que les modes conscients) avec le bain de lavage de la morale moralisante (qui effectivement empoisonne gravement très souvent les prétendus humanistes militants : "politiquement correct" aujourd'hui, etc.) sans risquer purement et simplement d'y laisser la vie et l'espèce. Et cela - bien que sa façon d'en traiter, déportée vers les méthodes des sciences physiques, objectives, pourrait glisser en une mauvaise pente - Spinoza ne le fait pas du tout, très clairement.
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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar hokousai » 25 nov. 2014, 20:48

Pour moi la question des sentiments moraux n' est pas abordée par Spinoza .
( tout comme la question de la conscience ).
Ce sont des prérequis sans doute trop évidents sur lesquels il n'a pas pris de recul .
Voila un philosophe très moral sur le fond dont la lecture cependant peut conduire à un parfait amoralisme.
Il y a un hiatus.

Ce n'est finalement pas ce que pense Spinoza qui m'intéresse maintenant, c' est ce qu'il ne pense pas.
De ce qu'il pense en douze ans de labourage quotidien j'en ai fait le tour. Débattre avec la jeunesse néophyte ne m'e tente guère. Mon appétence/appétit(!) pédagogique s' est émoussé.
( je ne parle pas de vous évidemment ).

Finalement parler de biais, élargir le point de vue m'a pleinement satisfait. Et de temps en temps pourquoi pas.
Un peu de vie rendue à trop de froideur et de corsetage académique.

Je vous remercie
hokousai

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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar sescho » 26 nov. 2014, 10:38

hokousai a écrit :Pour moi la question des sentiments moraux n' est pas abordée par Spinoza .
( tout comme la question de la conscience ).
Ce sont des prérequis sans doute trop évidents sur lesquels il n'a pas pris de recul .
Voila un philosophe très moral sur le fond dont la lecture cependant peut conduire à un parfait amoralisme.
Il y a un hiatus.

Spinoza n'est pas responsable de l'usage détourné que l'on fait de son œuvre. Il fait beaucoup de précisions, mais pas au point de prévenir toutes les déviances (qui s'en foutent de toute façon par nature) : c'est tâche impossible.

Sur le point des sentiments moraux, les grandes tendances me semblent là malgré tout : "Fermeté" (Piété, Religion, ...) et Générosité (E5P41), communauté d'âme des hommes en ce qu'ils suivent la Raison (fin de E4), etc. Mais bien sûr Spinoza ne les relie en aucune façon à une prétendue responsabilité / culpabilité propre absolue (liée à la croyance au libre-arbitre), mais à la joie simple d'être qu'apporte la puissance vraie (contraire de l'orgueil.) Le sentiment moral se confond avec la puissance réelle, avec la joie qu'apporte cette puissance, et l'action que guide la fermeté d'âme et la bonté. Eudémonisme (pour moi une évidence totale.)

Que certains utilisent Spinoza pour évacuer l'enjeu éthique (parfaitement distinct du couple d'opposés accusation / victimisation, qui est aussi pathologique) en parfaite contradiction avec l'auteur, c'est leur problème.

Quant "au Moi", à "la Conscience", etc., comme déjà dit, ce n'est pas parce que Spinoza n'utilise pas ces substantifs (il n'est déjà pas du tout assuré qu'ils avaient cours à l'époque, du moins dans leur acception d'aujourd'hui) que ce qu'ils représentent ne se trouve pas chez lui. Encore une fois, il dit "je", pose bien in fine la trilogie "Soi, Dieu et les choses", etc. "Moi" est un sentiment de l'individu qui en fait ne peut pas être objectivé. Les individus peuvent être identiques, sentir la parfaite communauté d'être avec "les autres" lors d'échanges, et pour autant chacun ressentir un moi ; ce n'est nullement incompatible, etc. Bref et surtout : tant qu'on n'a pas tenté de préciser ce qu'on entend par "moi" on parle dans le vide.

En prenant le mot dans son acception la plus large, la Conscience ne peut être que l'attribut Pensée lui-même chez Spinoza. La Pensée n'est pas un inconnaissable, ni un concept en général, mais une réalité pensée ; en outre, un concept relève évidemment... de la Pensée. Dans la même évidence et plus largement Dieu = Conscience (sinon que serait la vision de Dieu, qui par ailleurs englobe toute pensée / vision comme mode de "son" attribut Pensée ?)

En passant Eric Baret dit en substance - comme nous l'avions esquissé plus haut - que l'opposition "déterminisme" / "libre arbitre" est artificielle, que ce ne sont que des concepts, et que la vérité se trouve au-dessus des deux. Le cadre me semble très proche de Spinoza cependant, qui peut à la fois dire que "l'homme se trompe en ce qu'il se croit libre" et intituler la cinquième et dernière partie de l'Éthique : "de la Liberté Humaine".

hokousai a écrit :Finalement parler de biais, élargir le point de vue m'a pleinement satisfait. Et de temps en temps pourquoi pas.
Un peu de vie rendue à trop de froideur et de corsetage académique.

Je vous remercie
hokousai

Et réciproquement. Cela me fait beaucoup de bien de voyager plus profond, vers le sens vital, pur. L'Histoire de la Philosophie n'est pas la Philosophie - comme Henrique l'a judicieusement fait remarquer dans le passé. Ce n'est en soi qu'un savoir, qu'une mécanique, qui ne doit surtout pas se maintenir en un mécanisme qui tourne sans fin dans le désert, et qui ne peut pas sans l'insulter gravement être confondu avec le fond intuitif, pur, vivant, de la véritable Philosophie, la seule qui rend grâce à Socrate, à l'Homme, à Dieu-Nature, ...
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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar hokousai » 27 nov. 2014, 00:30

à Sescho

Je parlais de l'origine des sentiments moraux.
L'individu humain en tant qu'individu et en tant qu' humain est pris dans un paradoxe. Etre un prédateur et ne pas supporter de l'être. Le premier membre du paradoxe Spinoza l' explique très bien mais pas le second.

Sur la conscience il n'est pas question du mot, apparu dit on chez Locke. Non plus de la pensée ou de la seule pensée ou seulement de la pensée. Ce n'est pas non plus la conscience morale, pas expressément et je dirais pas en première instance.Ce n'est pas penser à quelque chose( Cs intentionnelle). Elle n'est pas objective, ce n'est pas un objet du monde. ni de la nature étendue ni de la nature pensée. Car ce n'est pas un objet de la pensée mais la condition (sine qua non ).La condition c'est se "poser dans la présence" dont parle parfois Spinoza. C' est la condition de la clarté et de la distinction. La condition de l'idée vraie. Et c' est là la question.
Et avoir conscience c'est avoir l'idée vrai du paradoxe dont je parle plus haut. Ce paradoxe est un désespoir.
Etre prédateur d'autrui et ne pas le supporter.
"Toujours vouloir le bien et néanmoins faire mal" disait St Paul
.
En effet, ma façon d’agir, je ne la comprends pas, car ce que je voudrais, cela, je ne le réalise pas ; mais ce que je déteste, c’est cela que je fais.


Spinoza noie le problème dans l'utilitarisme.(pardonnez moi la sévérité )

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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar sescho » 27 nov. 2014, 21:18

hokousai a écrit :Je parlais de l'origine des sentiments moraux.
L'individu humain en tant qu'individu et en tant qu' humain est pris dans un paradoxe. Etre un prédateur et ne pas supporter de l'être. Le premier membre du paradoxe Spinoza l' explique très bien mais pas le second.

Je ne vois pas les choses comme cela ; plus précisément : je ne les vois pas comme cela de façon inéluctable.

hokousai a écrit :Sur la conscience il n'est pas question du mot, apparu dit on chez Locke. Non plus de la pensée ou de la seule pensée ou seulement de la pensée. Ce n'est pas non plus la conscience morale, pas expressément et je dirais pas en première instance.Ce n'est pas penser à quelque chose( Cs intentionnelle). Elle n'est pas objective, ce n'est pas un objet du monde. ni de la nature étendue ni de la nature pensée. Car ce n'est pas un objet de la pensée mais la condition (sine qua non ).La condition c'est se "poser dans la présence" dont parle parfois Spinoza. C' est la condition de la clarté et de la distinction. La condition de l'idée vraie. Et c' est là la question.

Chez Spinoza, après Descartes, tout ce qui est et n'est pas étendu relève de la Pensée. C'est une différence très nette avec l'Orient où "pensée" est réduit à la pensée discursive, appuyée sur la mémoire, et ne comprend ni la Conscience (chit), ni l'intelligence intuitive (proche du troisième genre de connaissance de Spinoza : buddhi), ni même le raisonnement juste (deuxième genre.) Donc chez Spinoza, la conscience ne peut relever que de l'attribut Pensée, et comme c'est à l'origine de tout, ce ne peut être que l'attribut Pensée même (qui est en quelque sorte vu par lui-même.) Note : on peut cependant s'interroger gravement sur E2P1Dm, qui fait de l'attribut Pensée un concept issu de l'abstraction des pensées particulières... Mais le scolie redresse la chose. Mais effectivement, pour moi, comme en Orient, la pensée discursive DOIT être distinguée d'une manière à préciser (mais qui ne saurait être absolue) de la Conscience, et de la vision / intelligence intuitive.

A la base, comme déjà dit, la Conscience est le pur "Je suis", et le pur "Il-y-a", Dieu étant l'équation des deux : "Je suis = Il-y-a" ; "Je suis il-y-a" ; et au-dessus, sans doute, la Source, qui est acte pur et absolument non-objectivable.

hokousai a écrit :Et avoir conscience c'est avoir l'idée vrai du paradoxe dont je parle plus haut. Ce paradoxe est un désespoir.
Etre prédateur d'autrui et ne pas le supporter.
"Toujours vouloir le bien et néanmoins faire mal" disait St Paul
.
En effet, ma façon d’agir, je ne la comprends pas, car ce que je voudrais, cela, je ne le réalise pas ; mais ce que je déteste, c’est cela que je fais.

Spinoza dit la même chose dans E4P17S. Toute cette partie ne traite que de cela : les causes de la servitude. L'attrait de la chose immédiatement accessible, etc. Le poids des habitudes ("compulsion de répétition"), l'écart qualitatif énorme entre le deuxième genre de connaissance et le troisième. Car comme le disent aussi Socrate et Desjardins/Prajnanpad : personne n'a jamais rien fait qu'en vue du bien (tel qu'il lui apparaissait à ce moment-là, spontanément, sans réflexion aucune.) Personne ne fait le mal, ou en sachant que c'est le mal, car sinon tout simplement il ne le ferait pas d'immédiate évidence.

Les hommes s'accordent en tant qu'ils suivent la raison, et s'opposent dans le cas contraire. Je ne vois pas trop la prédation inéluctable.

hokousai a écrit :Spinoza noie le problème dans l'utilitarisme.(pardonnez moi la sévérité )

Ce qui est très clair pour moi c'est l'eudémonisme. Le bien, le mal, ce n'est pas ce qu'a raconté (ce n'est même pas lui d'ailleurs ; c'était déjà ancien, a été ensuite traduit en plusieurs langue successivement, recopié n fois, etc.) un type il y a 2000 ans ! Pourquoi diable m'aliènerais-je à cette histoire, ou à n'importe quelle autre ? La réputation, fumée mentale, serait-elle au-dessus de la vie même ?

Non : je ne peux admettre (durablement, sainement) comme bien que ce que je ressens comme étant bien ("pour moi".) Et là, oui, je peux suivre les indications d'un ami spirituel qui a vécu il y a 2000 ans, ou à toute autre époque, et vérifier par moi-même ("ne le croyez pas parce que je vous le dis...") que ce qu'il pointe comme bien soudainement m'habite, et m'interdit en toute liberté de revenir en arrière de par sa nature de bien (ressenti) même : pure joie d'être sainement.

Bref, le Bien c'est le bien supérieur que je me fais. Ce qui est le plus discutable dans l'affaire c'est le "me" / "moi". Donc opposer le Bien et l'utile est un non-sens : le Bien c'est l'Utile supérieur de moi-même, et de tous. Paul Diel parle d' "égoïsme conséquent." Il est incontournable ! Rien n'a de sens sinon. La différence se fait - dans un sens technique - entre l'inférieur et le supérieur (la survie de l'individu et de l'espèce en faisant forcément partie à la base), mais ne remet pas en cause la satisfaction comme guide absolu. E4P8. D'où le grave problème avec l'orgueil, car il est une joie (accompagnée d'un cortège de tristesses, et plus généralement de toutes les autres passions.) Ceci n'induit en aucune façon la prédation sur autrui : il est bon pour moi de donner, d'être bon avec les autres. C'est pourquoi la Générosité rejoint la Fermeté d'âme. Mais si on m'attaque, il est parfaitement légitime que je me défende, sans haine, mais sans faiblesse. Qui aime bien châtie bien.
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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar hokousai » 27 nov. 2014, 22:33

Sescho a écrit :Personne ne fait le mal, ou en sachant que c'est le mal, car sinon tout simplement il ne le ferait pas d'immédiate évidence.


Il n'y aurait jamais de sentiment de culpabilité si c'était le cas.
Je suis (nolens volens) prédateur d autrui. Je prends.

Dans le commerce le plus équitable je prends et je rends. Mais dans ce jeu en première instance, je prends. On peut invoquer qu'en société il y a toujours un échange et que je donne toujours, certes. L' échange serait -il un idéal d'équité la prédation n'est jamais abolie.
Il est remarquable que ce n'est pas le don qui peut culpabiliser mais la prise. C'est le voleur qui est coupable pas le donateur.
En tant que donateur je peux me sentir idiot d' avoir trop donné... voire coupable, mais coupable alors de ne pas avoir assez tenu compte de mes intérêts de prédateur.
C'est bien "être prédateur d'autrui" qui heurte les sentiments moraux.

Ce qui peut troubler le plus généreux donateur c'est l'incertitude quand aux bienfaits escomptés de ses dons ( mal employés ou à conséquences funestes) et c'est bien alors parce qu'il se trouve ramené au statut de prédateur d' autrui.

Je reste attentif à vos diligents commentaires.
Sur la "conscience" je reviendrai ultérieurement.


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