Le gender et l'essentialisme

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

Avatar du membre
Alexandre_VI
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 257
Enregistré le : 26 mai 2008, 00:00

Le gender et l'essentialisme

Messagepar Alexandre_VI » 24 juin 2014, 01:58

Bonjour,

Je dois dire que je suis assez ambivalent sur la question de la construction sociale des identités sexuelles.

Il y a quelques siècles, il ne venait à l'idée de personne que les identités sexuelles ("être un homme", "être une femme") pouvait être un conditionnement social. Il y avait une sorte d'essence éternelle de la femme, subordonnée nécessairement à "l'essence" éternelle de l'homme et à peu près personne ne remettait en question cet ordre jugé naturel, immuable et voulu par Dieu.

Mais dans les dernières décades, on a mieux pris conscience du formidable travail collectif de conditionnement, d'endoctrinement et, osons l'expression, de lavage de cerveau auquel les petits sont soumis. Au moment même de leur naissance, on commence à les traiter différemment selon leur genre. Le nom d'une personne, cette partie la plus intime d'elle-même, porte la marque de son genre social. Et toute sa vie, un individu sera désigné comme "monsieur", "madame" et, à la troisième personne, comme "il" ou "elle". La grammaire lui prescrira d'accorder ses adjectifs au masculin ou au féminin selon le cas. Les vêtements qu'il sera forcé de porter, les jouets qu'il aura, les ami(e)s qu'il lui sera permis de fréquenter, les jeux qu'il lui lui sera permis de faire, les livres qu'il lui sera conseillé de lire, les émissions qu'il lui sera permis de regarder, les sports qu'il lui sera permis de faire, ses manières, les attentes quant à sa personnalité, les attentes quant à ses choix de matières scolaires, son choix de travail, sa future famille, tout ça fait l'objet d'un formidable travail de matraquage "éducatif" d'une violence inouïe.

D'un autre côté, on relève certaines différences probablement innées entre le garçon moyen et la fille moyenne, en étudiant des bébés par exemple... Alors l'idéologie du gender (qui n'est pas la même chose que les études de genre) va sans doute trop loin en prétendant que la construction des identités sexuelles n'a rien à voir avec la biologie. L'essentialisme est une absurdité, mais le gender est une outrance.

Chose certaine, je suis fatigué. Fatigué de devoir me forcer à être un mec viril, fort, gagnant, riche, puissant, comme si ma valeur en tant qu'individu ne tenait qu'à cela. Et je pense que plus d'une femme commencent à se lasser de toujours devoir paraître jeune, belle et pas trop intelligente.

Avatar du membre
hokousai
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 4105
Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
Localisation : Hauts de Seine sud

Re: Le gender et l'essentialisme

Messagepar hokousai » 25 juin 2014, 16:14

Chose certaine, je suis fatigué. Fatigué de devoir me forcer
... mais qui oblige ?

Alors l'idéologie du gender (qui n'est pas la même chose que les études de genre) va sans doute trop loin en prétendant que la construction des identités sexuelles n'a rien à voir avec la biologie.
Pour sûr, il y a un début de terrorisme intellectuel chez certains militants... ça se calmera.

Avatar du membre
Vanleers
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1485
Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00

Re: Le gender et l'essentialisme

Messagepar Vanleers » 27 juin 2014, 10:48

A Alexandre_VI

Vous parlez d’essentialisme, d’« essence » de l’homme et de la femme…

Or :

« On sait que Spinoza évoque une « vraie définition de l’homme » [E I 8 sc.2] sans en spécifier le contenu. D’où cette remarque de Ch. Ramond : « Quelle est pour Spinoza la « vraie définition de l’homme » ? Contrairement à toute attente nous ne le saurons pas, car Spinoza ne la donnera jamais. » En quoi Ch. Ramond reprend les affirmations d’A. Matheron : « Spinoza n’a pas défini l’essence spécifique de l’homme » ; […] » (Ariel Suhamy : Comment définir l’homme ? - article inclus dans « Fortitude et servitude » (Kimé 2003)

Ariel Suhamy propose une définition convaincante de la nature humaine :
« L’homme est cet être qui peut jouir de l’idée de Dieu. »

Suhamy arrive à cette définition en analysant la proposition E IV 36 :
« Le souverain bien de ceux qui suivent la vertu est commun à tous, et tous peuvent en jouir également. » (traduction Pautrat)

Notons que Spinoza démontre cette proposition en se référant à E II 47 :
« L’esprit humain a une connaissance adéquate de l’essence éternelle et infinie de Dieu »

On pourrait également donner comme définition de l’homme :
L’homme est cet être qui a une connaissance adéquate de l’essence éternelle et infinie de Dieu.

Ces deux définitions se complètent, celle énoncée par Suhamy relevant plus nettement de la connaissance du troisième genre.

Retenant cette définition de l’homme, il est clair que les questions sur les supposées différences d’« essence » entre l’homme et la femme paraissent assez dérisoires.

Bien à vous

Avatar du membre
Noah
passe occasionnellement
passe occasionnellement
Messages : 16
Enregistré le : 21 juin 2014, 18:26
Localisation : Lorraine

Re: Le gender et l'essentialisme

Messagepar Noah » 30 juin 2014, 23:19

Bonjour,

Je souhaite répondre du mieux que je pourrai à Alexandre_VI.

Alexandre_VI a écrit :Chose certaine, je suis fatigué. Fatigué de devoir me forcer à être un mec viril, fort, gagnant, riche, puissant, comme si ma valeur en tant qu'individu ne tenait qu'à cela. Et je pense que plus d'une femme commencent à se lasser de toujours devoir paraître jeune, belle et pas trop intelligente.


En effet, comme le souligne hokousai, qui oblige ? Même si - sur ce point je suis d'accord avec toi - le système dans lequel on vit (du moins, dans notre société) nous endoctrine à agir et à se comporter de telle ou telle manière selon notre sexe biologique (qui est déterminé dès la naissance), rien ne t'oblige à effectivement agir de telle ou telle manière, dès lors que tu as assez de jugeote pour te rendre compte qu'il s'agit bel et bien d'un "lavage de cerveau", pour te citer.

L'identité sexuelle (celle que tu te choisis malgré ton sexe biologique) se définit en effet de la manière suivante : "la perception subjective que l’on a de son propre sexe et de son orientation sexuelle " du moins selon ce qu'en dit le site catholique.org (http://qe.catholique.org/genetique/3753 ... -du-gender).

Ici, on se rend bien compte que notre sexe biologique n'est qu'un "accident" et qu'il nous appartient de déterminer notre identité sexuelle tel qu'on l'entend.

Par ailleurs, il me semble que d'un point de vue spinoziste, nous sommes tous des modes, à savoir des "manières d'être". Qu'est-ce à dire sinon qu'être homme ou femme ne signifie rien d'autre qu'être une certaine "manière d'être" de l'Être (si je puis m'exprimer aussi grossièrement) ? Être homme (de sexe biologique masculin), ce serait donc n'être qu'une manière d'être humain ! Et c'est la même pour la femme. De mon point de vue, notre sexe est effectivement un accident tandis que notre essence est unique (la même pour tous, hommes et femmes) : c'est être humain. L'humanité en général. Et, étant des modes, il nous appartient d'agir selon la manière d'être qui nous convient le mieux, ou tout du moins que notre raison (personnelle) nous enjoint à respecter.

Ainsi, je pense qu'il est absolument crétin (passez-moi l'expression) d'agir ou de pousser autrui à agir de la manière suivante - si bien résumée par tes propres soins - :

Alexandre_VI a écrit :Mais dans les dernières décades, on a mieux pris conscience du formidable travail collectif de conditionnement, d'endoctrinement et, osons l'expression, de lavage de cerveau auquel les petits sont soumis. Au moment même de leur naissance, on commence à les traiter différemment selon leur genre. Le nom d'une personne, cette partie la plus intime d'elle-même, porte la marque de son genre social. Et toute sa vie, un individu sera désigné comme "monsieur", "madame" et, à la troisième personne, comme "il" ou "elle". La grammaire lui prescrira d'accorder ses adjectifs au masculin ou au féminin selon le cas. Les vêtements qu'il sera forcé de porter, les jouets qu'il aura, les ami(e)s qu'il lui sera permis de fréquenter, les jeux qu'il lui lui sera permis de faire, les livres qu'il lui sera conseillé de lire, les émissions qu'il lui sera permis de regarder, les sports qu'il lui sera permis de faire, ses manières, les attentes quant à sa personnalité, les attentes quant à ses choix de matières scolaires, son choix de travail, sa future famille, tout ça fait l'objet d'un formidable travail de matraquage "éducatif" d'une violence inouïe.


De là à dire que l'essentialisme est une absurdité, je ne suis pas d'accord. Dans ton optique, tu prétends qu'à d'autres époques on considérait qu'il y avait une essence de l'homme ainsi qu'une essence, distincte, de la femme. Soit. A mon sens, il y a des tendances (que l'on remarque sans pour autant faire de généralités) chez les hommes qui sont distinctes des tendances que l'on retrouve chez les femmes. Bien sûr il y a des exceptions, quand est-ce qu'il n'y en a pas ? Simplement, tout n'est ici question que de degré. Ou en tout cas, de tendance. Les hommes et les femmes sont différents (ne serait-ce, d'abord, que sur le plan biologique) mais sont tout aussi semblables sur le plan de leur essence commune qui est celle d'être humains.

Pour terminer, je voudrais juste te dire que ce n'est pas la peine de se fatiguer à être un mec viril ou à agir comme on te l'a appris à le faire pendant des années en vue de ton sexe biologique, autrement dit à construire ton identité sexuelle en fonction de ton sexe biologique. A mon sens, il suffit de se détacher de cet endoctrinement en vue de se déterminer une identité sexuelle en accord ou non avec son sexe biologique, et ce selon sa propre manière d'être qui qualifie son être (dans une optique spinoziste, toujours). Être libre ce n'est pas, selon moi, accepter le sexe biologique qui nous détermine sur le plan biologique seulement, comme c'est précisé sur le site que je t'ai proposé plus haut, mais bel et bien d'agir en accord ou non avec ce dernier, et d'en faire le choix de manière raisonnable, c'est-à-dire suite à un cheminement logique et ordonné par ta seule raison qui, de mon point de vue, caractérise la véritable liberté.

Voilà, j'espère avoir été clair (m'être bien exprimé) et avoir été utile à ta réflexion. Pour ma part, c'était mon premier post sur ce forum (ayant toutefois envoyé ma fiche de présentation il y a bien quelques semaines sans pour autant qu'elle ait été publiée).

Je vous souhaite à tous un excellent début de nuit.

Noah.

Avatar du membre
Alexandre_VI
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 257
Enregistré le : 26 mai 2008, 00:00

Re: Le gender et l'essentialisme

Messagepar Alexandre_VI » 13 juil. 2014, 15:12

Merci Noah.

Tu n'as pas l'air d'avoir 17 ans... :|

Avatar du membre
Noah
passe occasionnellement
passe occasionnellement
Messages : 16
Enregistré le : 21 juin 2014, 18:26
Localisation : Lorraine

Re: Le gender et l'essentialisme

Messagepar Noah » 13 juil. 2014, 19:01

Si ma réponse était pertinente j'en suis ravi !

Je viens d'avoir dix-huit ans ... M'enfin ça ne change pas grand chose. J'espère que mon âge ne sera pas un frein et qu'on s'entendra quand même. Et puis comme le dis André Comte Sponville, "il n'y a pas d'âge pour philosopher" !


Retourner vers « Questions de philosophie »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 18 invités