Alexandre_VI a écrit :Bonjour Bardamu,
Çe me paraît assez limité comme consolation. Se contenter d'être intégré mystiquement au grand système de la nature sans pour autant espérer l'immortalité. Nature qui d'ailleurs est indifférente. Je me vis plutôt comme distinct du monde autour de moi. Non pas isolé, certes, mais pas plus immergé dedans au point de perdre mon individualité...
Et même si c'était à la portée de quelques sages, la plupart des humains se font une autre idée de l'éternité. Il y a une intuition authentique chez ceux qui disent qu'après la mort, ils veulent revoir ceux qu'ils ont aimés. Certes, le matérialiste trouve cette aspiration puérile et le théologien pourra avoir quelques réserves... mais cela montre au moins que l'être humain est fait pour vivre dans l'amour et dans des relations avec ses semblables.
Bonjour Alexandre,
il ne s'agit pas de perdre son individualité, il s'agit de la vivre autrement.
Une bulle d'écume au sommet d'une vague peut se sentir une pauvre chose ballotée par le monde, ou bien se sentir portée par une vague portée par un océan, se vivre comme un océan en mouvement.
Et certes, bon nombre d'humains s'empoisonnent la vie dans des relations infernales en priant pour qu'à leur mort ils se retrouvent au pays des bisounours, c'est leur conception de l'éternité. A défaut d'être capables de vivre le paradis, ils l'espèrent pour demain, se convaincant même qu'il ne peut être que pour demain, faisant de l'expression "soyons réaliste" l'équivalent de "soyons égoïste", se complaisant dans leurs passions mauvaises puisque le paradis n'est pas pour ici-bas.
Mais on peut se demander à quoi ressemblerait ce paradis "naïf" où tous les hommes retrouveraient leurs proches.
Dans le genre "Huis-clos" de Sartre mais en plus amusant, on a une série de romans de science-fiction, "Le monde du fleuve" de Philip José Farmer : tous les humains se réveillent au bord d'un fleuve nus comme Adam avec le corps parfait de leur jeunesse, recevant de quoi manger sans rien faire sous un climat idéal. Que se passe-t-il ? Eh bien, ayant la même personnalité, ils se remettent à vivre comme avant, les puritains courent se couvrir, des couples se forment ou se défont, des chefs apparaissent, des clans, et on commence à faire des outils (faut bien s'occuper), on commerce, on se fait la guerre, et puis certains aimeraient bien comprendre comment c'est possible une telle résurrection, comment marche ce monde, ce qu'il y a à la source du fleuve.
Et en effet, soit l'autre vie fait de l'homme un autre être avec d'autres idées et les relations changent, soit il conserve son identité et il vit de la même manière. Autant changer d'identité dès maintenant...
Alexandre_VI a écrit :Et c'est cela qui est au coeur du christianisme: l'espérance en un triomphe ultime de l'amour sur les forces dissolvantes de l'univers et du mal.
Chez Spinoza, il ne s'agit pas de l'espérer mais de le vivre, étant donné que l'amour est éternellement en gloire.
E5p36 scolie : "Les saintes Ecritures donnent à cet amour, à cette béatitude, le nom de gloire, et c'est avec raison. Que l'on rapporte en effet cet amour, soit à Dieu, soit à l'âme, c'est toujours cette paix intérieure qui ne se distingue véritablement pas de la gloire (voyez les Déf. 25 et 30 des passions)."
Au passage, le triomphe ultime de l'amour dans le christianisme orthodoxe passe par la destruction du monde, conception apocalyptique fort peu aimable. Un chrétien qui aurait un bouton rouge pour détruire l'univers pourrait très bien s'en servir. C'est quand même une idée étrange que le salut des hommes passe par leur mort.