Les philosophes et le végétarisme sont-ils liés ?

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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Regis
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Les philosophes et le végétarisme sont-ils liés ?

Messagepar Regis » 01 août 2011, 16:45

Salutations,

Tout d'abord, je tiens à reformuler ma question, celle du titre étant résumée.

Est-ce que tous les philosophes se sont sentis concernés de près ou de loin sur la question du végétarisme ? À savoir accepter la souffrance faites aux animaux.

Quelques citations concernant le végétarisme :

« Rien ne peut être aussi bénéfique à la santé humaine et augmenter les chances de survie de la vie sur terre que d'opter pour une diète végétarienne. » Albert Einstein

« Le végétarisme, par son action purement physique sur la nature humaine, influerait de façon très bénéfique sur la destinée de l'humanité. » Albert Einstein

« Toute la philosophie antique était orientée sur la simplicité de la vie et enseignait une certaine sobriété. De ce point de vue, le peu de végétariens par philosophie ont fait plus pour l’humanité que tous les philosophes modernes et tant que ces derniers n’auront pas le courage de chercher un mode de vie totalement différent et de l’indiquer comme exemple, ils ne porteront aucun fruit. » Friedrich Nietzsche

« La cause des animaux passe avant le souci de me ridiculiser. » Emile Zola

« Qu’y a-t-il de plus repoussant que de se nourrir continuellement de chair de cadavre ? » Voltaire

« Jadis, le fait de croire que les hommes de couleur étaient vraiment des hommes et devaient être traités humainement passait pour une folie. Aujourd’hui, on considère comme éxagéré de prétendre qu’un des devoirs imposés par l’éthique rationnelle est de respecter ce qui vit, même dans ses formes inférieures. Mais un jour, on s’étonnera qu’il ait fallu autant de temps à l’humanité pour admettre que des déprédations insouciantes causées à ce qui vit sont incompatibles avec l’éthique. » Albert Schweitzer

« J’ai très tôt renoncé à la viande et un jour viendra où les hommes tels que moi proscriront le meurtre des animaux comme ils proscrivent aujourd’hui le meurtre de leurs semblables ». Léonardo Da Vinci

« Tant que les hommes massacreront les animaux, ils s’entre-tueront. Celui qui sème le meurtre et la douleur ne peut récolter la joie et l’amour ». Pythagore

« La classification des formes, des fonctions organiques et des régimes a montré d’une façon évidente que la nourriture normale de l’humain est végétale comme celle des anthropoïdes et des singes, que nos canines sont moins développées que les leurs, et que nous ne sommes pas destinés à entrer en compétition avec les bêtes sauvages ou les animaux carnivores. » Charles Darwin

« La cruauté envers les animaux et même déjà l’indifférence envers leur souffrance est à mon avis l’un des péchés les plus lourds de l’humanité. Il est la base de la perversité humaine. Si l’homme crée tant de souffrance, quel droit a-t-il de se plaindre de ses propres souffrances ? » Romain Rolland

« Auschwitz commence partout où quelqu’un regarde un abattoir et pense : ce sont seulement des animaux. » Theodor Adorno

« Ma mère était convaincue, et j’ai gardé à cet égard ses convictions, que tuer les animaux pour se nourrir de leur chair et de leur sang est l’une des plus déplorables et des plus honteuses infirmités de la condition humaine ; que c’est une de ces malédictions jetées sur l’homme par l’endurcissement de sa propre perversité. Elle croyait, et je crois comme elle, que ces habitudes d’endurcissement du coeur à l’égard des animaux les plus doux, ces immolations, ces appétits de sang, cette vue des chairs palpitantes, sont faits pour férociser les instincts du coeur. » Lamartine

En somme, là où je veux en venir après l'exposition des opinions de nombreux penseurs ( et beaucoup d'autres ont émis des réflexions à l'égard du végétarisme ), c'est qu'en tant que penseur, n'est-ce pas un devoir que d'être végétarien*? Par essence, la réflexion philosophique ne nous amène-t-elle pas à proscrire la souffrance causée aux animaux ? Et à n'importe quel autre être vivant ?

Je me prononcerai plus en avant après quelques interventions, pour l'instant je vous laisse déjà avec tout ce contenu pour réfléchir à la question.
Je demanderai cependant à ceux qui participent de bien vouloir mettre leur fierté de côté et de préférer l'honnêteté intellectuelle à sa propre opinion désuète.

*À ne pas considérer cette question comme une tentative de hiérarchiser les bons penseurs/philosophes des mauvais. Il n'y a aucun message caché. Pour une confirmation de l'absence de jugement de valeur dans ma question, se référer à la suivante, soulignée. Il s'agit d'établir si oui ou non, la réflexion philosophique doit nous amener à repenser notre rapport aux animaux ou non, et pourquoi, non pas de savoir ce qui est mieux ou pas, car de toute façon ce qui est bien pour certains ne le sera pas nécessairement pour les autres alors à quoi bon s'évertuer sur cet aspect là ?

Merci

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Messagepar sescho » 01 août 2011, 21:17

C'est assez, disons, osé, pour de premières interventions, de prétendre donner des sujets - même intéressants - à penser aux membres de ce forum, en édictant les règles de surcroît...

Mais ce qui s'impose sur ce forum ce sont ses propres règles - voir la Charte de ce forum -, dont une des dispositions majeures est évidemment, vu son objet :

Ce forum est consacré à la philosophie de Spinoza. Il s'agit de permettre à tous ceux qui le souhaitent d'en discuter. Les questions peuvent concerner aussi bien ce que dit effectivement cet auteur que, plus philosophiquement, ce qu'il peut nous apporter pour traiter de questions générales.

...

2. Règles impératives

Les règles suivantes doivent être observées sans restriction.

2.1 Les participations doivent avoir un contenu lié à l'objet de ce forum ou à un des sous-forums proposés.



Veuillez donc à l'avenir vous conformer à ces règles, et donc avancer des interprétations des écrits de Spinoza en rapport avec les sujets abordés.

Merci
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Messagepar Miam » 05 août 2011, 15:31

Hitler était végétarien...

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Re: Les philosophes et le végétarisme sont-ils liés ?

Messagepar bardamu » 05 août 2011, 18:51

Regis a écrit :(...)

En somme, là où je veux en venir après l'exposition des opinions de nombreux penseurs ( et beaucoup d'autres ont émis des réflexions à l'égard du végétarisme ), c'est qu'en tant que penseur, n'est-ce pas un devoir que d'être végétarien*? Par essence, la réflexion philosophique ne nous amène-t-elle pas à proscrire la souffrance causée aux animaux ? Et à n'importe quel autre être vivant ?

Et la souffrance causée aux plantes ?
Est-ce qu'un brocoli qui croque sous la dent est moins à plaindre qu'un animal ?
Ne devrait-on pas pousser la logique jusqu'à ne se nourrir que de produits de synthèse fabriqués par la très écologique industrie chimique ? Et encore, il faudrait ne pas se soucier du cri de la molécule brutalement craquée pour nos besoins.

Ceci étant, Spinoza s'est exprimé sur le sujet :

Ethique, partie IV, proposition 38, scolie 1

"Tels sont les principes que, dans le Schol. de la Propos 18, part. 4, j'avais promis d'expliquer. Ils font voir clairement que la loi qui défend de tuer les animaux est fondée bien plus sur une vaine superstition et une pitié de femme que sur la saine raison ; la raison nous enseigne, en effet, que la nécessité de chercher ce qui nous est utile nous lie aux autres hommes, mais nullement aux animaux ou aux choses d'une autre nature que la nôtre. Le droit qu'elles ont contre nous, nous l'avons contre elles. Ajoutez à cela que le droit de chacun se mesurant par sa vertu ou par sa puissance, le droit des hommes sur les animaux est bien supérieur à celui des animaux sur les hommes. Ce n'est pas que je refuse le sentiment aux bêtes. Ce que je dis, c'est qu'il n'y a pas là de raison pour ne pas chercher ce qui nous est utile, et par conséquent pour ne pas en user avec les animaux comme il convient à nos intérêts, leur nature n'étant pas conforme à la nôtre, et leurs passions étant radicalement différentes de nos passions (voy. le Schol. de la Propos. 57, part. 3)."

Spinoza était sans doute un humaniste, il voulait privilégier le souci de ces humains dont nous sommes en principe plus proche que du reste des créatures. Le végétarisme n'a pas grande conséquence dans notre société d'abondance mais il est parfois plus pénible à accepter quand on voit des gens mourir de faim à côté d'une intouchable vache sacrée.
Il n'y a sans doute rien de bon à se réjouir de la souffrance ou de la destruction et on peut certes adopter le végétarisme comme un prolongement de ce souci mais je ne vois pas là de quoi fonder un "devoir que d'être végétarien".
Idem d'ailleurs pour un pacifisme doctrinal qui se refuserait à tuer un homme par principe.

On tue pour se nourrir, on tue pour se soigner (les pauvres virus, bactéries, champignons...), on tue pour se protéger, et le mieux est peut-être d'avoir pleine conscience de cette violence inhérente à l'ordre de la nature pour en faire un usage maîtrisé en accord avec les nécessités pragmatiques de la vie plutôt que de poser des devoirs et des principes abstraits qui concrètement peuvent conduire à des excès.

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Henrique
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Messagepar Henrique » 19 août 2011, 19:20

Je pense pour ma part que Spinoza exagère en réduisant la sphère du droit civil à celle des rapports interhumains. Il reconnaît aux animaux le droit de nature de nous tuer, au même titre que nous l'avons sur eux, ce qui est juste. Mais le droit civil commence comme il le dit lui-même là où il existe une nature commune entre des êtres, qui ont davantage intérêt à coopérer ensemble qu'à s'entretuer. Or il n'y a pas d'homme identique, une nature commune n'exclut pas certaines différences. Ainsi, je peux objectivement reconnaître parfois certains traits communs avec un âne ou un chat qu'il est plus difficile de trouver avec d'autres hommes.

Cela ne suffit pas à fonder un droit civil, il faut pour cela des points communs universels. Mais objectivement, un homme peut avoir certains échanges avec certains animaux que seule l'ignorance nous évite de reconnaître. De la même façon, ce n'est pas parce que j'ignore tout ce que pourrait apporter à la société un meurtrier si l'on pouvait parvenir à le guérir des passions qui l'ont conduit au crime, que je suis fondé à le traiter comme une simple chose. Si même un horrible tortionnaire conserve certains droits en tant qu'homme, un âne ou un chat peuvent en avoir certains aussi.

Avec Spinoza, je dirais qu'il n'y a pas de droit subjectif, comme cela ressort à mon sens du Traité Politique : il n'y a pas de droits qui seraient possédés intrinsèquement dès la naissance. Seule la société, par sa force globale, pose des droits civils, pour maintenir sa cohérence civilisationnelle. Ainsi, même si, faute de langage, un handicapé mental ou un nourrisson n'ont pas plus les moyens de faire valoir leurs droits qu'un chien ou un renard, une société cohérente leur confère la dignité de partager avec les autres membres de cette société le pouvoir d'exprimer leur personnalité, même s'ils représentent une charge. Car même sans langage, ils possèdent assez de caractères communs et peu de caractères contraires avec les autres membres pour pouvoir coexister de façon constructive.

Le danger avec la position de Spinoza, c'est de considérer qu'on peut traiter les bêtes et le vivant en général, sans aucune considération éthique. Qu'il s'agisse des effets culturels des abattoirs comme le dit Adorno, de la dégradation morale qu'il y a torturer une bête ou bien de l'intérêt partagé qu'il pourrait y avoir à coexister avec un vivant plutôt qu'à le tuer, la question mérite toujours d'être posée et traitée avec cohérence.

Pour autant, il y aussi un danger à ériger un intégrisme végétarien qui confondrait l'animal et l'homme. Certes, l'homme n'est pas un empire dans un empire : il n'y a pas de raison de lui conférer une nature absolument différente de celle des autres vivants qu'il peut côtoyer et s''il n'y a pas de droit subjectif pour les hommes, il n'y en a pas pour les animaux non plus. Mais la question du droit reste attachée à celle de la puissance. Si un enfant a droit à l'éducation et à la scolarisation pour permettre le développement de ses capacités cognitives, il n'en est pas de même pour un âne ou un chien, parce que la société n'aurait pas plus d'avantage à en tirer que lesdits animaux eux-mêmes.

De même, une mouche ou une carotte sont dans des rapports de puissance avec nous qui font que les droits qu'on peut leur conférer sont beaucoup plus réduits qu'avec un animal domestique ou apprivoisé. Une mouche et surtout une colonie de mouche dans une maison ont beaucoup plus de puissance contraire à la nôtre que de puissance d'échanger avec nous. Comme il est bien difficile de leur faire comprendre d'aller voir ailleurs, il ne reste que l'insecticide ou la tapette à mouche si on est sensibilisé à l'écologie. Quant à la carotte, elle ne nous est pas contraire, c'est pour ça qu'on la mange, mais il n'y a pas grand chose de plus enrichissant à faire avec.

Le poulet en revanche, c'est un peu plus compliqué : les échanges possibles avec sont fort limités, d'autant qu'ils peuvent difficilement être dressés à respecter les règles d'hygiène dans un lieu habité par des hommes, mais il n'est pas très bon à manger quand il est élevé en batterie, coupé de toute lumière, et qu'on lui a scié le bec pour éviter qu'il abîme la viande que porte ses congénères avec lesquels il vit dans une promiscuité dictée par le profit maximal. D'autre part, traiter un vivant complexe comme si c'était un organisme beaucoup plus simple, comme la moule qui s’accommode très bien d'une grande promiscuité avec ses congénères, c'est aussi dégradant pour ceux qui le font et en profitent. En effet si on traite la sphère comme le cercle, comme s'il n'y avait pas de différence entre eux, on cultive l'ignorance et la sottise qui en découle.

J'en termine pour mes exemples avec les bonobos avec lesquels on échange peu, vivant a priori dans des lieux différents, mais dont on a intérêt de maintenir l'existence plutôt qu'un développement économique anarchique conduisant à leur disparition, parce qu'ils ont beaucoup de choses à nous apprendre sur nous-mêmes par leur proximité biologique et évolutive. Mais ce n'est pas très différent pour le loup ou l'ours, quoique ceux-ci sont beaucoup plus dangereux pour nous quand la proximité devient trop importante. Culturellement, ce sont des animaux qui ont joué un grand rôle dans notre histoire. Leur disparition est une catastrophe culturelle autant qu'écologique. Ainsi, si je me trouve nez à nez avec un ours dans la forêt et qu'il fait preuve d'une certaine hostilité, je n'aurai pas de difficulté morale à lui tirer une balle entre les deux yeux après un tir de sommation si possible. Mais si je peux éviter d'aller l'embêter sur le peu de territoire qui lui reste, j'aurai agi de façon sensée.

Ainsi, je rejoins sur l'essentiel la position de Bardamu, qui dans son commentaire me semble plus nuancé que Spinoza, et qui a raison d'en appeler à la lucidité et à une certaine mesure, tant en ce qui concerne la question du droit des animaux que de celui des hommes à les hommes à les utiliser.

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Messagepar cess » 20 août 2011, 10:55

Bonjour,

Pour ma part , essayant de cultiver une éthique de la joie dans mon quotidien...j'ai remarqué qu'un bon tartare de temps en temps ( avec cornichons et tabasco) m'affectait magnifiquement , composition positive avec mon corps qui augmente sérieusement ma puissance d'agir....
Il s'avère que la viande consommée de manière raisonnable et équilibrée est dans ma nature!!!


;-)

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Messagepar bardamu » 21 août 2011, 02:08

Henrique a écrit :(...)
Ainsi, je rejoins sur l'essentiel la position de Bardamu, qui dans son commentaire me semble plus nuancé que Spinoza, et qui a raison d'en appeler à la lucidité et à une certaine mesure, tant en ce qui concerne la question du droit des animaux que de celui des hommes à les hommes à les utiliser.

Un truc qu'il faudrait peut-être creuser : dans le passage que j'ai cité Spinoza me semble dans une posture polémique rendant le propos assez dur, mais avec qui est-il en débat ?
Quelqu'un dans les Pays-Bas du XVIIe avait une "loi qui défend de tuer les animaux (...) fondée bien plus sur une vaine superstition et une pitié de femme" ? Pourquoi se sent-il obligé de parler de ça ?
Ca fait référence à un courant "végétariste" (chrétien ? juif ?) ? Une connaissance de conceptions orientales (Leibniz a écrit sur la philosophie chinoise...) ?

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Messagepar Henrique » 21 août 2011, 02:36

Bonjour Cécile,
La raison ne commande rien qui soit contraire à la nature, mais toute la question est de savoir ce qui constitue réellement notre nature, sachant que certaines choses peuvent lui convenir en partie et lui disconvenir dans une part plus grande, comme par exemple le mensonge pour protéger sa vie (E4P72S). Il y a aussi certaines choses qui semblent contraires à notre nature pour l'imagination mais qui en réalité lui conviennent, par exemple développer sa raison quand on est footballeur.

Poser la question éthique ne saurait se réduire à ce qui me fait du bien par où ça passe, dès lors qu'il n'y a de bien que dans ce qui relève d'une communauté affective. Mais qu'auriez vous répondu ici à Blyenbergh ? (cf. sa correspondance avec Spinoza) S'il était dans votre nature de manger de la chair bien fraîche de petit nourrisson - et bien sûr "de manière raisonnable et équilibrée" - qu'est-ce qui vous empêcherait de le faire ?

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Messagepar cess » 21 août 2011, 15:24

Diantre!!
Comme vous y allez fort!
Je suis désolée mais je ne place pas votre dernier argument sur le même plan que celui de consommer de la viande ou non!
Il y a dans ce dernier une affaire de besoins primaires...il y a dans le second quelque chose qui touche au droit, voir même à une loi éternelle.
Serai-je donc un pur produit de siècles de "coutumes alimentaires omnivores" qui cautionne cruellement sans même se poser de questions des atrocités barbares à l'encontre des animaux?
Je sens que vous répondrez oui ce que je peux comprendre .
Or, je n'ai jamais envisagé ce débat sous cet angle. D'autres paramètres pèsent ou vont d'eux-mêmes: ma culture, mon environnement que j'essaie de me rendre bienveillant, mon plaisir, mes habitudes qui m'ont menées à jusqu'ici en pleine santé.
Consommer de la viande ou non n' a jamais été dans mon débat éthique, mes congénères de la race humaine l'ont accaparé totalement. Faute d'énergie?


mais ce débat a-t-il été dans celui de Spinoza? Consommait-il de la viande?Qu'est-ce qu'il aurait pensé de tout cela?

Je n'ai surement pas tout lu sur lui mais une de ses phrases dans une correspondance je crois disait quelque chose de ce type: "Que chacun
vive selon sa complexion, pour peu qu'on me laisse vivre la mienne!!!

En écrivant cela, je n'escamote rien, je ne fuis rien au contraire, j'assume.

Cordialement












De plus , de manière

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Messagepar Henrique » 24 août 2011, 00:37

J'espère ne pas vous avoir trop choquée Cécile, il est vrai que mon dernier exemple se voulait provocateur. Mais comme vous semblez bien vous en rendre compte vous-même, dire que manger des êtres humains ou manger des animaux, ce n'est pas pareil, n'est guère convaincant. D'autant que votre argument pour justifier l'alimentation carnée était que cela augmentait votre puissance d'exister : à ce titre, si manger des enfants augmentait votre puissance d'exister, rien de propre à vous-même ne vous en empêcherait mais seulement la pression de règles sociales extérieures à vous, donc la crainte et pas la raison.

Bien sûr ce n'est pas la même chose un animal et un enfant. Mais un enfant et un adulte, ce n'est pas la même chose non plus, cela n'empêche pas qu'on reconnaisse des droits civils aux enfants. Toute la question ici est bien de savoir si les animaux sont absolument exclus de la sphère du droit civil ou non (cf. mon premier message dans ce fil). Se rabattre sur la culture existante revient simplement à confondre le droit et le fait.

Pendant des siècles, on a trouvé naturel et juste de pratiquer l'esclavage, de ne pas instruire les femmes, d'avoir droit de vie et de mort sur ses enfants ou encore de polluer sans vergogne etc. avec beaucoup de gens qui se trouvaient très bien comme ça, en pleine santé et tout. Si l'on en était resté à l'idée que la culture et les coutumes existantes suffisaient à fonder le droit, les choses n'auraient jamais pu évoluer (dans le bon sens ou le moins bon d'ailleurs). C'est parce qu'il y a une réflexion éthique, qu'on accepte de mettre en question des choses qui étaient réputées aller de soi que petit à petit les choses ont pu évoluer dans un sens plus respectueux de la vie humaine et de la vie en général.

Manifestement, Spinoza quant à lui s'est posé cette question et y a répondu de la façon radicale rappelée par Bardamu plus haut. Au moins s'est-il posé cette question et avec une argumentation en philosophie du droit tout de même plus forte que "manger un bon steak tartare de temps en temps, ça fait du bien", parce que on est ici plus dans le discours de la passion, qui comprend de façon tronquée à partir de sa seule expérience, que de la raison qui cherche l'universel.

Mais il y a tout de même à mon sens là un préjugé de la part de Spinoza qui raisonne en la matière surtout à partir d'une connaissance tronquée, relevant surtout du premier genre de connaissance, au même titre que ses considérations sur l'incapacité des femmes à participer au pouvoir politique. Son argument de fond est que les animaux ne sont pas de même nature que nous, sans toutefois leur "refuser le sentiment". Il semble ici clairement sous-entendre que ce serait la raison qui est commune aux hommes et qui ne se trouve pas chez les animaux, ce qui est déjà discutable car si le langage articulé propre aux hommes augmente considérablement la puissance de former des notions communes, la deuxième partie de l’Éthique montre bien qu'il suffit pour en avoir quelques unes d'avoir un corps assez complexe pour percevoir son environnement, ce qui est le cas de bien des animaux (et on ne voit pas comment l'homme pourrait développer des notions communes par le langage s'il n'y en avait pas déjà au départ avant son acquisition).

Mais surtout, c'est le même Spinoza qui écrit ce scolie de la prop. 37 (et pas 38) de la partie IV et celui qui dans le scol. 1 de la prop. 40, partie II, critique la définition de l'homme comme animal raisonnable, et le définit par l'effort de persévérer dans l'être dans la partie III, par le sentiment donc, non par la raison. A ce titre, même si la communauté avec un animal est nécessairement beaucoup plus limitée qu'avec un homme, elle ne saurait être nulle comme l'affirme le scolie de la prop. 37.

Enfin, Spinoza veut ignorer ce que des auteurs comme Montaigne, et bien avant encore, avaient commencé à apercevoir, à savoir que la nature de l'homme et celle de l'animal ne sont pas si éloignées, que la science contemporaine confirme à bien des égards (proximité génétique, évolutions parallèles, éthologie...) et que sa philosophie même enseigne (l'homme n'est pas un empire dans un empire...)

Ma position sur la question n'est pas l'interdiction morale de toute alimentation carnée, mais que certaines espèces se composent avec nous mieux dans la coexistence que dans la dévoration, et mieux dans le respect de leur complexité quand on les mange que dans la réduction de cette complexité aux standards de la consommation de masse ou simplement à la recherche du plaisir sans considération du bien même de ce qu'on mange (et c'est valable aussi pour les légumes).

Concrètement donc, mais je pensais l'avoir indiqué déjà assez clairement avec de nombreux exemples, je ne suis pas pour le végétarisme comme je l'avais indiqué plus haut, mais pour le poulet fermier plutôt qu'élevé en batterie ; plutôt circonspect sur des aliments comme le foie gras, qui est un foie d'oie malade parce que gavé pendant des semaines ; et plutôt pour ne pas se sentir obligé de manger de la viande à tous les repas, ni même tous les jours (ce qui permet de favoriser une alimentation carnée de meilleure qualité). Éthique et diététique n'ont en ce sens pas à être séparés à mon avis.


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