L'homme n'existe pas

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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vieordinaire
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Messagepar vieordinaire » 19 juin 2008, 21:34

Louisa a écrit :"c'est ce qu'on peut lire SEULEMENT quand on ne lit PAS littéralement, quand on ne tient pas compte de chaque mot. Si tu identifies l'essence de Dieu et l'éternité, tu laisses tomber le quatenus, le "en tant que". Considérer une chose x en tant qu'elle est y, cela n'implique nullement que x est identique à y."

Pas du tout. Je n'ai pas laisse tombe le quatenus. Spinoza parle d'Eternite et n'ecrit pas 'x est eternel, en tant que x ...' Comme vous l'avez dit vous-meme
Louisa a écrit :Sinon Spinoza aurait dû écrire ...


De plus, meme si nous sommes genereux avec votre interpretation, nous ne savons toujours comment une propriete peut devenir essence, meme de facon quatenale (sic) avec la presence du quatenus.

"Considérer une chose x en tant qu'elle est y, cela n'implique nullement que x est identique à y." Vous pouvez affirmer une telle chose simplement par ce que vous jouez sur les mots et le sens ambigu du mot/verbe 'etre' et ce que c'est d'etre identique.
Par exemple si j'ecris
"Considérer une chose x en tant qu'elle est identique a y, cela n'implique nullement que x est identique à y."
Un tout petit ajout et cette affirmation ne fait plus beaucoup de sens

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Louisa
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Messagepar Louisa » 19 juin 2008, 21:47

Désolée Vieordinaire, mais je ne reconnais pas mon "interprétation"/"thèse" (qui était, je le rappelle pour la troisième fois, une simple HYPOTHESE provisoire) dans ta façon de la reformuler, et je ne comprends pas non plus l'argument que tu essaies d'avancer.

Je m'y pencherai volontiers, mais comme déjà dit quelques fois aussi, je crois que pour l'instant il vaut mieux respecter l'ordre de discussion proposée par Sescho au lieu de discuter de tous les aspects soulevés par nos commentaires du début. Je reviendrai donc sur tes remarques, dont je te remercie, le plus vite possible, c'est-à-dire dès que j'ai pu comprendre comment Sescho interprète les propositions E5P24-25 puis E5P36sc.
A bientôt,
louisa

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Messagepar sescho » 20 juin 2008, 19:49

bardamu a écrit :Quel genre de connaissance faut-il pour tirer une preuve de l'essence d'une chose particulière ? N'est-ce pas une connaissance adéquate ?
Ne faut-il pas une connaissance adéquate de l'essence de telle ou telle chose particulière pour en tirer une preuve de la dépendance à Dieu ?

Selon moi, non. Et l'exemple pris par Spinoza n'est pas anodin de ce point de vue : il a trait au point le plus important de toute l'Ethique : toute chose doit être vue en Dieu, et non en elle-même, et ce en toute circonstance. Ce seul point - vu en vérité : vécu (et c'est alors le troisième genre) - est "de diamant."

L'essence d'une chose est ce qu'elle est, ce qui se comprend assez bien s'agissant d'une chose singulière existante. Ce qui se comprend tout aussi bien, c'est que je ne connais pas cette nature avec une infinie précision, loin s'en faut ; c'est une connaissance floue. J'ajoute à titre personnel, que je ne peux pas la distinguer absolument de la matière dont elle est faite, ni de l'environnement qui interagit en permanence avec elle et la maintien autant qu'il l'attaque, etc. En conséquence de tout cela, je ne peux pas la connaître non plus si je ne la vois pas pleinement comme mode de la Nature, mais comme étant en elle-même. Pour moi, il n'y a rien de plus opposé à l'individualisme et à la débauche que Spinoza, même si tout le monde semble y trouver son compte...

J'en viens au fait. Si je regarde cet arbre en face de moi, il est bien clair que je ne connais son essence que de façon très imparfaite. Mais il y a une chose qui reste infailliblement : je le perçois comme existant en acte (quel qu'il soit dans le détail) - et ceci Spinoza le dit -, et si je le perçois en même temps comme mode d'expression de Dieu-la Nature, alors ceci est adéquat, et selon le troisième genre. J'ai donc une connaissance du troisième genre alors même que j'ai une connaissance floue de l'essence singulière que j'ai en face de moi.

Pour revenir au thème général, ce n'est pas tant l'absence de connaissance adéquate de l'essence des choses singulières qui est mon point central (c'en est plutôt une conséquence), c'est :

Ce qu'il y a à connaître selon le troisième genre est désigné par le deuxième genre

Et sans mésestimer en aucune façon la valeur de mes interlocuteurs, je dois dire en mon ressenti personnel pur, que toute autre idée est absolument ridicule, grotesque, selon moi.

Spinoza développe toute l'Ethique selon le deuxième genre (forcément), et ce forcément à base de notions générales. Or avec une lecture sommaire de E2P40S, toute notion générale ne serait que de l'imagination (et on sait ce que Spinoza en dit lui-même.) Contradiction performative flagrante du susdit ! En fait Spinoza - cet esprit d'une perspicacité exceptionnelle, rigoureux, honnête, travailleur infatigable de l'esprit, porté vers l'essentiel de l'essentiel... - amuse le bon peuple comme d'autres lui fournissent des grilles de mots croisés, pour lui permettre la joie de la découverte (!!!) Lorsqu'il dit "les démonstrations sont les yeux de l'esprit" et pas mal d'autres choses en confirmation ? Rien à cirer ! "C'est du deuxième genre..." Comme si dire cela constituait un argument, fut-ce le plus infime !

Et tout cela pour quoi ? Dire qu'il existe LE TROISIEME GENRE, dont on répète la définition générale sans savoir exactement ce qu'elle signifie, dont on dit que l'exemple des proportions n'est pas clair, et pour achever la bête on envoie cul par dessus tête E5P36S, si bien qu'il ne reste plus rien de tangible... Voilà ce qu'est censé avoir fourni de plus haut Spinoza : rêver à un troisième genre dont on ne sait rien. Beau coffret que l'Ethique avec toutes ses définitions, ses notions communes (axiomes), ses démonstrations, ... pour nous couver cela. Même si à ce compte, Spinoza aurait pu faire tenir l'Ethique sur un quart de feuillet :

Ah, le TROISIEME GENRE !

C'est quoi le troisième genre ?

Quand tu vois les choses singulières par le troisième genre, tu possèdes la PUISSANCE DE L'ESPRIT.

Qu'est-ce que l'on ressent avec la puissance de l'esprit ?

Cela apporte la félicité infinie et permanente, la BEATITUDE...

Ah ouaai, Supeer !


Bon là Spinoza aurait évité aussi la dernière proposition où il parle de "voie qu'il a montré" et qui est difficile.

Pour revenir à E5P36S, même si d'aventure la connaissance de la chose singulière était adéquate, cela ne changerait pas le fond. Et ce fond saute aux yeux à tel point que je me demande comment la recherche d'érudition peut conduire à l'aveuglement le plus obtus :

Le propos de Spinoza est, le plus explicitement du monde, de comparer en qualité les connaissances du deuxième et du troisième genre. Pour cela il faut bien déjà qu'elles parlent de la même chose, même selon des voies différentes, non ? (Spinoza dit plusieurs fois en outre que les deux connaissances des deuxième et troisième genres sont adéquates, autrement dit vraies ; pas d'imagination là-dedans.) Ensuite il dit "la même conclusion" au sujet du troisième genre par rapport au deuxième. Ce n'est pas de plus infinie clarté cela, ou me suis-je téléporté sur Mars en croyant que les martiens parlaient français ?

Et en prime, ce qu'il y a à voir n'est pas une essence singulière, mais une loi (comme il ne peut en être autrement selon le deuxième genre.) Mais on peut voir une loi à l'œuvre dans une chose singulière existant en acte, puisque cette loi concerne réellement toutes les choses singulières existant en acte. Le général est vu vivant dans le particulier ; c'est cela le troisième genre. Et il ne peut en être autrement.

Amicalement

Serge
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Messagepar Faun » 20 juin 2008, 20:37

D'accord sescho, je crois comprendre ce que vous voulez dire. Cependant deux remarques :

Le troisième genre de connaissance n'a, je pense, plus rien à voir avec les "lois" du second genre de connaissance, qui ne sont pas à proprement des lois, qui supposeraient un législateur, mais plutôt des enchaînements constants, pour dire les choses dans un langage non juridique, plus scientifique. Car puisque des lois supposent un législateur, elles supposent également un juge, afin de juger les êtres selon ces lois. Ces concepts appliqués à l'idée de Dieu sont, je vous l'accorde, très présents dans la plupart des théologies, qui conçoivent Dieu à l'instar d'un homme ou d'un roi. Or ces deux concepts de législateur et de juge sont très éloignés de l'idée de Dieu que nous propose Spinoza, puisque pour lui Dieu n'a rien d'humain, et les enchaînements constants de causes et d'effets dans la Nature n'ont jamais été promulgués par personne. Le troisième genre de connaissance, pour en revenir à ce sujet de discussion, ne s'obtient qu'en examinant les choses réelles, et en premier lieu, comme il le dit lui-même, l'idée de nous même, comme des parties de l'essence de Dieu. Il ne s'obtient pas en considérant les enchaînements constants à l'oeuvre dans la Nature, et qui sont compris à l'aide du second genre de connaissance. J'ajoute qu'il ne suffit pas seulement de concevoir notre essence, l'essence de Dieu et l'essence de toutes choses abstraitement, mais le plus concrètement et le plus précisément possible, comme Spinoza s'est efforcé de le faire dans les livres 1, 2 et 3 de l'Ethique.

Deuxième remarque :

Je suis d'accord avec vous pour dire que nous ne connaissons pas les choses ni l'essence des choses clairement, mais plutôt confusément et obscurément. Mais cela n'interdit pas que nous cherchions à les connaître. C'est tout le travail de la science, auquel Spinoza a participé lui-aussi, comme sa correspondance le prouve avec ses expériences concernant la nature du salpêtre, par exemple. Il y a bien tout un effort d'expérimentation du réel chez Spinoza, et particulièrement de la matière. D'ailleurs, et cette citation a déjà été employée semble-t-il ci-dessus, Spinoza affirme que plus nous connaissons de choses singulières, plus nous connaissons Dieu. A mes yeux toute l'Ethique est un incroyable effort pour essayer de définir et de clarifier l'essence de la Nature, et la nature des choses. Et dans l'ordre de l'Ethique il s'efforce de définir Dieu, puis l'esprit humain, puis les affects humains avec une incroyable précision. Comme un scientifique qui étudierait n'importe quelle chose de la Nature, et qui tirerait de cette connaissance une joie ("euréka !").
Et de ce point de vue il reste énormément à faire.

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Messagepar Ulis » 20 juin 2008, 22:18

Certes, tout celà est très fort !
Mais Spinoza est aussi accessible par l'homme basique, le non philosophe.
exemple:
Une abeille se pose sur sa tartine de confiture:

a) Etant en concurrence avec elle et sachant que cet insecte pique, instinctivement il la tue = 1er genre
b) Sachant qu'elle lui est utile car elle produit du miel, il la chasse = 2ème genre
c) Sachant qu'elle est une partie de l'univers, l'existence (et l'essence) de l'abeille est nécessaire , il la contemple = 3ème genre.
Voir les choses du point de vue de dieu, c'est le 3ème genre et c'est possible pour le non philosophe.

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Messagepar sescho » 20 juin 2008, 22:46

Faun a écrit :Le troisième genre de connaissance n'a, je pense, plus rien à voir avec les "lois" du second genre de connaissance, qui ne sont pas à proprement des lois, qui supposeraient un législateur, mais plutôt des enchaînements constants, pour dire les choses dans un langage non juridique, plus scientifique. ...

Certes. Spinoza emploie le mot "loi" dans les deux sens, et distingue explicitement ceux-ci à plusieurs reprises dans ses œuvres. Comme je l'ai déjà dit, la notion de "loi" y est, contrairement à ce que les commentaires relèvent en général, une des plus présentes, en particulier dans le TTP où on pourrait même parler de "longueur", si les explications de Spinoza n'était pas toujours aussi préciseuses :

Extraits sur les lois de la Nature.

Spinoza consent même fréquemment à utiliser la métaphore en quelque sorte du "Grand Horloger", avec "loi divines", "décrets divins", etc. Mais je suis bien d'accord que c'est sans le moindre doute une façon de parler et que Spinoza considère les lois comme la Physique le fait, en tant qu'essence même, immuable, de la Nature. Et ceci s'étend au fonctionnement psychique, Spinoza parlant "d'automate spirituel." On peut parler dans ce cas avec justesse de psycho-logie au sens fort.

Faun a écrit :Je suis d'accord avec vous pour dire que nous ne connaissons pas les choses ni l'essence des choses clairement, mais plutôt confusément et obscurément. Mais cela n'interdit pas que nous cherchions à les connaître. C'est tout le travail de la science, auquel Spinoza a participé lui-aussi, comme sa correspondance le prouve avec ses expériences concernant la nature du salpêtre, par exemple. Il y a bien tout un effort d'expérimentation du réel chez Spinoza, et particulièrement de la matière. D'ailleurs, et cette citation a déjà été employée semble-t-il ci-dessus, Spinoza affirme que plus nous connaissons de choses singulières, plus nous connaissons Dieu. A mes yeux toute l'Ethique est un incroyable effort pour essayer de définir et de clarifier l'essence de la Nature, et la nature des choses. Et dans l'ordre de l'Ethique il s'efforce de définir Dieu, puis l'esprit humain, puis les affects humains avec une incroyable précision. Comme un scientifique qui étudierait n'importe quelle chose de la Nature, et qui tirerait de cette connaissance une joie ("euréka !").

Je pense que c'est bien sa démarche. Mais il ne faut pas selon moi y perdre l'essentiel, qui est que tout se rapporte à la substance unique, immuable, éternelle : les modes existant en acte ne sont pas en eux-mêmes, il ne sont ni indépendants les uns des autres, ni permanents. L'objet suprême reste Dieu - la Nature dans son unicité et son intégrité ; la conscience de cela seul fait la béatitude ; le reste pris sans cela est émiettement. Et le "mode" suprême (c'est une notion générale) à connaître, c'est notre propre esprit et le fait qu'il n'y a de la même façon pas de moi permanent, substantiel et créateur de sa propre valeur absolue. Il y a des circonstances extérieures et les lois de la Nature.

Une fois la conscience de Dieu - la Nature en tout bien établie, toute connaissance des choses singulières apporte la connaissance d'autres lois, et donc une meilleure connaissance de Dieu - la Nature. C'est une série de cerises sur le gâteau.

La Physique elle-même est surtout basée sur des lois. Le reste, ce sont les circonstances, qui changent en fonction du cas étudié : conditions initiales et conditions aux limites (car là il s'agit de fini, de temporel et de localisé.)

Mais les lois tels que les humains les perçoivent sont sans doute largement vraies, mais en même temps choses sujettes à révision, souvent semi-empiriques , etc. Seule la conscience de Dieu - la Nature leur donne en quelque sorte dans notre esprit la force et la pureté qui leur manque. Sinon une certaine désillusion est au bout, passée la joie d'une découverte (passagère, donc, ce qui n'est pas la béatitude.)

Pour le reste, il y a ce me semble pas mal de choses dans les "vérités" reconnues qui relèvent de la connaissance du premier genre. Mais c'est un sujet qui mériterait beaucoup de développement...


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Messagepar Faun » 20 juin 2008, 22:53

sescho a écrit : Et le "mode" suprême (c'est une notion générale) à connaître, c'est notre propre esprit et le fait qu'il n'y a de la même façon pas de moi permanent, substantiel et créateur de sa propre valeur absolue. Il y a des circonstances extérieures et les lois de la Nature.


Autant je vous suis sur la plupart des points que vous venez d'exposer, autant ici je ne pense pas que Spinoza aurait confirmé cette manière de voir. L'idée éternelle de soi qui constitue l'intellect est une chose réellement existante, une puissance d'agir et de comprendre unique et différente de toutes les autres, capable de modifier le monde extérieur comme l'a fait Spinoza, et comme il le fait encore grâce à ses livres.

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Messagepar hokousai » 21 juin 2008, 00:50

à Sescho


Cette idée de lois de la nature me semble agir comme la vertu dormitive de l’opium .( laquelle n’explique rien )

Le nécessaire est ce qui ne peut pas ne pas être et ce qui ne peut pas ne pas être n’oblige pas à poser une instance intérieure qui assurerait la coercition .
De soi même la causa sui est nécessaire , elle ne peut pas ne pas être cause de soi .Rien ne l ’empêche, rien ne la contraint .
Or les lois sont une coercition interne sur-ajoutée .
Pour quel motifs ?

In fin le domaine des lois de sa nature a été assez vaste……vaste jusqu où ? Spinoza ne précise pas autrement que « pour suffire à la production de tout ce qu'un entendement infini peut concevoir ».

L’ensemble des lois serait il donc fini ! Voila une curieuse introduction de la finitude dans l’essence de Dieu .(introduction dont j’ai bien du mal à me remettre )

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Messagepar bardamu » 21 juin 2008, 02:09

sescho a écrit :(...)
J'en viens au fait. Si je regarde cet arbre en face de moi, il est bien clair que je ne connais son essence que de façon très imparfaite. Mais il y a une chose qui reste infailliblement : je le perçois comme existant en acte (quel qu'il soit dans le détail) - et ceci Spinoza le dit -, et si je le perçois en même temps comme mode d'expression de Dieu-la Nature, alors ceci est adéquat, et selon le troisième genre. J'ai donc une connaissance du troisième genre alors même que j'ai une connaissance floue de l'essence singulière que j'ai en face de moi.

Bonjour Serge,
N'est-ce pas dans cette affirmation d'une perception "comme existant en acte" qu'il y a essence plutôt que dans l'image de l'arbre ?
Certes le langage commun voudrait qu'à une image d'arbre corresponde un "arbre en soi" mais Spinoza ne demande-t-il pas qu'on parte de ce qu'on sait avec certitude pour déterminer une essence ?
Ce ne sont pas les images (de l'arbre, de soi etc.) qui doivent déterminer quelle connaissance est à attendre, c'est l'idée de l'essence qui s'affirme en nous et nous donne un objet, aussi petit soit-il ou divergeant de l'attente.

Autant ceci peut être anecdotique pour un arbre (quoique pour ma part j'aime beaucoup les arbres...), autant on voit la différence avec les hommes quand on reste en éveil, attentif à ce qui s'exprime par eux.
Ce n'est pas en me disant abstraitement que ma boulangère est un mode que je connais son essence, c'est en sachant tout ce qui résulte de l'Ethique que je peux rester ouvert à de petites choses qui s'imposeront en moi pour déterminer une idée de "conatus", de manières d'être, dont je ne douterais pas qu'elles constituent une essence. Ces idées claires ne collent pas à l'idée vague "ma boulangère", mais c'est l'idée vague que je mets en doute plutôt que les idées claires, quitte à préciser le langage pour parler de "les modes que je connais et qui constituent une partie de celui qu'on désigne généralement par ma boulangère".
Il faut partir de ce que l'on sait.
sescho a écrit :(...)
Et en prime, ce qu'il y a à voir n'est pas une essence singulière, mais une loi (comme il ne peut en être autrement selon le deuxième genre.) Mais on peut voir une loi à l'œuvre dans une chose singulière existant en acte, puisque cette loi concerne réellement toutes les choses singulières existant en acte. Le général est vu vivant dans le particulier ; c'est cela le troisième genre. Et il ne peut en être autrement.

Oui, mais je rajouterais qu'il faut la réciproque : le particulier doit être vu en lui-même pour que Dieu soit vu.
Nietzsche trouvait que l'amour intellectuel de Dieu manquait de chair et il risquerait d'être bien creux si il n'utilisait les choses singulières que comme moyen de voir un Dieu général ou pour une ataraxie plus ou moins égotiste. Mais l'attachement aux choses singulières, la connaissance de l'essence des choses singulières, c'est aussi Dieu s'aimant lui-même, se connaissant lui-même, la puissance de l'esprit est aussi de connaître chaque chose pour elle-même comme Dieu la connaît et par là-même de l'aimer elle, tout en aimant Dieu.
Aimer le requin parce qu'il est requin et que c'est par ce qu'il est qu'il est expression de Dieu même si on ne l'aime pas en tant qu'il nous mange la jambe.

Cela revient sans doute à ce que tu dis, mais j'aime bien insister sur la nécessité d'un souci des êtres pour ce qu'ils sont, dans leur singularité, et pas seulement dans leur rapport à l'idée de Dieu. A mon sens, c'est important au niveau pratique.

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Messagepar Faun » 21 juin 2008, 02:28

bardamu a écrit :Cela revient sans doute à ce que tu dis, mais j'aime bien insister sur la nécessité d'un souci des êtres pour ce qu'ils sont, dans leur singularité, et pas seulement dans leur rapport à l'idée de Dieu. A mon sens, c'est important au niveau pratique.


Bien sûr, et d'ailleurs si l'on se contentais de dire : "l'essence de l'homme est le désir", d'une manière générale, on n'a toujours rien dit de l'essence singulière de cet homme là que je connais. Pour parvenir à une connaissance d'un homme singulier, il faut chercher quels sont ses désirs réels. C'est là que les définitions des affects chez Spinoza prennent leur importance afin de pouvoir mieux déterminer l'essence, c'est à dire le désir de chacun. Et des affects, comme le dit Spinoza, il en existe une infinité, donc il existe une infinité de désirs différents, donc une infinité d'essences humaines différentes.


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