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Forum consacré à une traduction nouvelle de l'Ethique.
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DGsu
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Messagepar DGsu » 20 janv. 2005, 18:00

En rapport avec la traduction de Balzac mentionnée plus haut, je vous livre un extrait de La peau de chagrin, que vous avez probablement tous lu, et qui a éveillé en moi l'idée d'une référence à Spinoza. J'aimerais avoir votre commentaire avisé sur cette idée!

La scène se passe dans le magasin d'antiquités et les paroles sortent de la bouche du vieillard qui le tient :

"L'homme s'épuise par deux actes instinctivement accomplis qui tarissent les sources de son existence. Deux verbes expriment toutes les formes que prennent ces deux causes de mort : VOULOIR et POUVOIR. Entre ces deux termes de l'action humaine, il est une autre formule dont s'emparent les sages, et je lui dois le bonheur et ma longévité. Vouloir nous brûle et pouvoir nous détruit ; mais SAVOIR laisse notre faible organisation dans un perpétuel état de calme. Ainsi le désir ou le vouloir est mort en moi, tué par la pensée ; le mouvement ou le pouvoir s'est résolu par le jeu naturel de mes organes. En deux mots, j'ai placé ma vie, non dans le coeur qui se brise, non dans les sens qui s'émoussent, mais dans le cerveau qui ne s'use pas et survit à tout."

Page 62 de l'édition Gallimard

Bien sûr l'idée d'abandon de la volonté fait plutôt penser à Schopenhauer et celui des sens au bouddhisme. Ce qui rappelle Spinoza est la confiance mise dans la connaissance, ici appelée savoir, sans référence directe bien sûr au troisième genre qui est une extrapolation de ma part.

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Henrique
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Messagepar Henrique » 20 janv. 2005, 19:02

Je suis amené à lire pas mal Schopenhauer en ce moment et le passage que tu cites m'apparaît comme vraiment inspiré de cet auteur qui identifie le bonheur dans cette existence aussi bien à la cessation du vouloir-vivre qu'au libre exercice de l'entendement. Pour lui, c'est vraiment lorsque la volonté s'est épuisée que chez certains êtres anormalement doués par la nature en intelligence, la joie de la connaissance pure de tout vouloir devient possible, sachant que chez la plupart des hommes l'épuisement de la volonté aboutit au contraire à l'ennui, qui est désir indéterminé de désirer.

Cette conception repose sur l'idée qu'entendement et volonté sont ou sont devenus deux facultés foncièrement différentes. Pour Schopenhauer, l'entendement est fils de la volonté mais a pris une certaine autonomie, mais je n'ai pas encore tout lu le Monde comme volonté ;-). Spinoza réfute pour sa part une telle distinction : il n'y a pas d'idée qui ne soit en même temps affirmation de soi dans la pensée et il n'y a pas de volonté qui ne soit en même temps compréhension plus ou moins adéquate d'une ou de plusieurs pensées. Ainsi, on ne peut comprendre sans désirer comprendre, de même qu'on ne peut désirer sans avoir quelque connaissance plus ou moins tronquée de ce qu'on désire. Et pour le passage concerné, il n'y a pas non plus d'opposition de la puissance au savoir et au désir chez Spinoza - mais on peut faire une nuance avec le pouvoir auquel cas Spinoza serait plutôt d'accord.

Dans la pratique néanmoins le schopenhauerien et le spinoziste pourront se ressembler : l'un et l'autre cultivent de préférence leur intelligence comme étant une source de joie qui ne dépend que de soi et qui ne fait souffrir personne. Seulement le premier éprouvera une sorte de mauvaise conscience, de culpabilité à se laisser aller à la volonté, au désir d'obtenir ceci ou d'être cela, voulant se contenter d'une contemplation totalement désintéressée pour pouvoir faire partie de l'élite des génies dans laquelle Schopenhauer se plaçait. Le spinoziste quant à lui verra dans chaque désir une occasion de mieux se comprendre comme expression de la puissance d'exister de la substance et saura ainsi opposer à l'effort aveugle de satisfaction une joie bien plus positive que celle de faire partie d'une prétendue élite.

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bardamu
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Messagepar bardamu » 12 févr. 2005, 20:15

Juste un mot pour signaler que l'état actuel de la traduction est disponible dans la section Oeuvres : http://www.spinozaetnous.org/modules.ph ... e&artid=75


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