Henrique a écrit :Et j'apprécie toujours ton souci de comprendre. Réponses donc à tes remarques.
Bonjour Henrique,
je te remercie de tes explications, qui me seront sans aucun doute d'une très grande aide. J'y reviens donc bientôt.
En attendant, je voulais juste encore une (dernière) fois souligner combien à mon sens ce genre de remarques n'ont pas leur place dans une discussion rationnelle, et pourquoi je pense cela. Car ici il s'agit bien sûr d'un argument ad hominem qu'on peut dire plutôt "positif" pour "l'homme" auquel il s'adresse. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'un argument ad hominem.
Par conséquent, je ne suis pas vraiment d'accord avec le "donc" qui suit à cet argument. Si je n'avais aucun "souci de comprendre", mes arguments en seraient-ils d'office moins vrais??? Ou moins "dignes" de réponses? Comment cela pourrait-il être possible? Pourquoi expliciter son point de vue par rapport à des objections ne serait-il "justifié" que lorsqu'on croit que les "intentions" de celui qui par hasard en était l'auteur soient "bonnes" ... ?? JAMAIS on ne trouve de tels arguments dans les revues scientifiques où les scientifiques débattent entre eux.
Et partant, je ne vois pas non plus pourquoi il faudrait attacher une quelconque importance à ce genre de choses lorsque l'enjeu est d'essayer de reconstituer une cohérence "vraie" (ou le plus vrai possible) du spinozisme. Car comme le dit Souriau (dont on sait que Spinoza était l'une de ses sources d'inspiration majeures): "Le philosophe s'efforce de tout comprendre". Dans cette optique, avoir une discussion philosophique, cela signifie s'efforcer à comprendre. Or on sait que d'un point de vue spinoziste, chacun a la puissance de penser que les rencontres fortuites de la nature lui ont accordées. Cela signifie que chacun s'efforcera (conatus) à comprendre en fonction du degré de puissance de penser qui à tel ou tel moment est le sien. Mais cela implique aussi que chacun ne consentira à répondre à des objections ou ne pourra donner des explications supplémentaires que selon sa puissance de penser qu'il a LUI-MÊME, que selon l'effort de comprendre dont il est lui-même capable.
A partir de ce moment-là, on peut dire que cela n'a peut-être pas beaucoup de sens de faire dépendre sa volonté de répondre à des objections ou de donner davantage d'explications, du degré du désir de comprendre qu'on attribue à son interlocuteur. Au contraire, il faudrait plutôt dire que de fait, on ne répond à des objections ou à des demandes d'explications etc. QUE en fonction de sa propre puissance de penser.
Or, puisque dans le spinozisme les modes finis ne sont jamais cause d'eux-mêmes, leur degré de puissance de penser, leur désir de comprendre, n'est donc JAMAIS un "mérite" ou un "défaut" purement "personnel" non plus. C'est la seconde raison pour laquelle à mes yeux décider de répondre ou non à des objections en fonction du degré de "désir de comprendre" que l'on imagine être présent chez l'auteur de ces objections, donc chez l'autre, n'est peut-être pas très spinoziste. C'est plutôt le monde à l'envers: comme si l'on ne "devrait rendre des comptes" qu'à ceux qui ont déjà une puissance de penser et donc un désir de comprendre assez énorme, comme si ce n'était pas la vérité elle-même qui a besoin de pouvoir donner une réponse adéquate à des objections ... ? Tandis que la Charité spinoziste nous incite plutôt à essayer d'AUGMENTER la puissance de penser des autres, au lieu de la critiquer ou mépriser, me semble-t-il, et cela non pas par "abnégation", mais parce que c'est précisément ce qui permet d'augmenter notre propre puissance de penser, parce que c'est cela qui est d'abord et avant tout le plus utile pour nous-mêmes. C'est pourquoi cela me semble être préférable de critiquer ou louer des idées, au lieu de "juger" les qualités ou défauts autrement dit l'essence singulière de la personne qui s'en fait provisoirement le porte-parole dans telle ou telle discussion.
Cordialement,
L.