Bonjour à tous,
Je me permets de poster un nouveau sujet sur un thème qui ne me semble pas avoir été aborder ici ( corrigez-moi si je me trompe!) et qui est celui de l'expérience. C'est un concept qui, dans les textes, est assez ambigüe: Spinoza la met en valeur (l'expérience enseigne plus que suffisamment), la refuse ( Lettre à De Vries, genres de connaissance) et termine par parler d'expérience de l'éternité ( sentimur experimurque aeternos esse) dans le livre V. J'essaie de travailler sur cette notion et je souhaiterais vous demander votre avis.
Merci
Spinoza et l'expérience
Allons un peu plus loin...
L'expérience, comme l'a montré Moreau, gouverne les premiers paragraphes du TIE.
Ces premiers paragraphes sont d'une importance extrême en ce qu'ils renversent le désir du narrateur qui passe du désir de choses dont il n'a pas lui-même formé les idées (volupté, richesse gloire = idées héritées de la vita communis) au désir d'un vrai bien. Il semble ainsi s'extirper d'un genre de connaissance, l'imagination, pour en gagner progressivement un autre, la connaissance d'entendement. Or ce passage est rendu possible par l'expérience elle-même qu'il a fait de la vie.
Pb: quid de l'expérience dans l'éthique?
elle n'apparait que dans les scolies.
Je suis d'avis que cette place essentielle de l'expérience, comme permettant le passage d'un genre à l'autre, se trouve assurée par la p.XI du livre II: "Primum quod actuale Mentis humanae esse constituit, nihil aliud est, quam idea rei alicujus singularis actu existentis".
Qu'en pensez-vous (bis repetitas)? [/u]
L'expérience, comme l'a montré Moreau, gouverne les premiers paragraphes du TIE.
Ces premiers paragraphes sont d'une importance extrême en ce qu'ils renversent le désir du narrateur qui passe du désir de choses dont il n'a pas lui-même formé les idées (volupté, richesse gloire = idées héritées de la vita communis) au désir d'un vrai bien. Il semble ainsi s'extirper d'un genre de connaissance, l'imagination, pour en gagner progressivement un autre, la connaissance d'entendement. Or ce passage est rendu possible par l'expérience elle-même qu'il a fait de la vie.
Pb: quid de l'expérience dans l'éthique?
elle n'apparait que dans les scolies.
Je suis d'avis que cette place essentielle de l'expérience, comme permettant le passage d'un genre à l'autre, se trouve assurée par la p.XI du livre II: "Primum quod actuale Mentis humanae esse constituit, nihil aliud est, quam idea rei alicujus singularis actu existentis".
Qu'en pensez-vous (bis repetitas)? [/u]
En conclusion, l'expérience nous amènerait à penser finalement la relativité inhérente à toute forme de vérité, relativité due à la nécessaire finitude de notre expérience (parce que nous sommes un corps fini) dans un monde infini: ainsi, toute connaissance serait ainsi essentiellement critique en ce qu'elle consisterait au fond à réinvestir constamment le sens de nos idées en fonction d'une expérience précise et déterminée.
D'une part, Spinoza donnerait donc les moyens de considérer sa propre pensée comme vérité relative à une époque donnée ( ce que l'on pourrait appeler vérité contingente), mais d'autre part, la formulation même de cette relativité essentielle de toute connaissance se donne elle-même à voir comme une vérité indépassable, nécessaire, sive éternelle.
Par ce chemin, nous serions enfin libérés de "l'affect le plus puissant" et le plus dangereux, qui consiste à absolutiser la vérité.
Toutefois, c'est un concept de relativisme original et puissant auquel il nous amène à penser, puisqu'il n'implique pas un abandon du connaître mais son développement par le développement de l'expérience elle-même.
Bon voilà, je vous esquisse ma pensée sur cette notion qui me parait indispensable pour comprendre le fond de l'éthique spinozienne, éthique dont l'avantage consiste bien à ce qu'on peut en tirer milles autres!
D'une part, Spinoza donnerait donc les moyens de considérer sa propre pensée comme vérité relative à une époque donnée ( ce que l'on pourrait appeler vérité contingente), mais d'autre part, la formulation même de cette relativité essentielle de toute connaissance se donne elle-même à voir comme une vérité indépassable, nécessaire, sive éternelle.
Par ce chemin, nous serions enfin libérés de "l'affect le plus puissant" et le plus dangereux, qui consiste à absolutiser la vérité.
Toutefois, c'est un concept de relativisme original et puissant auquel il nous amène à penser, puisqu'il n'implique pas un abandon du connaître mais son développement par le développement de l'expérience elle-même.
Bon voilà, je vous esquisse ma pensée sur cette notion qui me parait indispensable pour comprendre le fond de l'éthique spinozienne, éthique dont l'avantage consiste bien à ce qu'on peut en tirer milles autres!
Que peut-il y avoir de pire que de lancer une idée en plein forum sans que personne ne réagisse? Je ne demande pas évidemment à ce que les yeux soient braqués sur mon post mais là, quand même, ça me paraît désert...
Je sens que je commence doucement à développer quelques passions tristes...
N'avez vous vraiment aucune opinion sur la question? Suis-je un fou de voir cela chez Spinoza ou bien ce que j'y vois est en fait absolument transparent pour tout lecteur de l'éthique?
Je sens que je commence doucement à développer quelques passions tristes...
N'avez vous vraiment aucune opinion sur la question? Suis-je un fou de voir cela chez Spinoza ou bien ce que j'y vois est en fait absolument transparent pour tout lecteur de l'éthique?
- alcore
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L'expérience ce n'est pas un concept simple, il est équivoque
a) avoir de l'expérience, c'est acquérir par répétitions certaines habitudes, un certain savoir faire
b) faire une expérience, c'est vivre une situation nouvelle qui nécessite l'exercice du discernement
c) l'expérience au sens courant de rencontres faites au hasard
d) au sens scientifique on fait une expérience, on expérimente, cad que l'on étend nos modes d'intervention sur la nature et en même temps l'expérience dévoile, révèle denouvelles dimensions et possibilités de la nature elle même
C'est en ce dernier sens que Spinoza parle d'un sentimus experimurque aternos esse
non pas que nous sentions l'éternité, c'est impossible; mais nous nous sentons éternels et nous expérimentons l'éternité en tant que, bizarrement, l'éternité est quelque chose qui peut s'étendre: on peut conquérir des "parts" d'éternité à mesure que nous développons des connaissances adéquates. L'expérience active de la nature est révélation de nouveaux rapports entre les essences des choses et la nôtre, rapports qui sont tels que nous ne nous contentons plus de subir des affections, d'entrer en contact avec les parties des choses extérieures, mais tels que nos rapports se composent avec les rapports des choses extérieurs. Expérimenter, c'est entrer dans des formes de composition dans lesquelles notre essence elle même devient de plus en plus puissante parce qu'elle capte davantage de la puissance de la nature et des choses.
Les choses nous paraissent extérieures, étrangères, fermées sur elles mêmes. En réalité, nous pouvons composer leurs rapports avec les nôtres et avec notre essence.
a) avoir de l'expérience, c'est acquérir par répétitions certaines habitudes, un certain savoir faire
b) faire une expérience, c'est vivre une situation nouvelle qui nécessite l'exercice du discernement
c) l'expérience au sens courant de rencontres faites au hasard
d) au sens scientifique on fait une expérience, on expérimente, cad que l'on étend nos modes d'intervention sur la nature et en même temps l'expérience dévoile, révèle denouvelles dimensions et possibilités de la nature elle même
C'est en ce dernier sens que Spinoza parle d'un sentimus experimurque aternos esse
non pas que nous sentions l'éternité, c'est impossible; mais nous nous sentons éternels et nous expérimentons l'éternité en tant que, bizarrement, l'éternité est quelque chose qui peut s'étendre: on peut conquérir des "parts" d'éternité à mesure que nous développons des connaissances adéquates. L'expérience active de la nature est révélation de nouveaux rapports entre les essences des choses et la nôtre, rapports qui sont tels que nous ne nous contentons plus de subir des affections, d'entrer en contact avec les parties des choses extérieures, mais tels que nos rapports se composent avec les rapports des choses extérieurs. Expérimenter, c'est entrer dans des formes de composition dans lesquelles notre essence elle même devient de plus en plus puissante parce qu'elle capte davantage de la puissance de la nature et des choses.
Les choses nous paraissent extérieures, étrangères, fermées sur elles mêmes. En réalité, nous pouvons composer leurs rapports avec les nôtres et avec notre essence.
merci!
quand vous dites: "Expérimenter, c'est entrer dans des formes de composition dans lesquelles notre essence elle même devient de plus en plus puissante parce qu'elle capte davantage de la puissance de la nature et des choses".
Ne pensez vous pas cette expérimentation est à la base du développement indéfini de nos toutes nos idées adéquates, impliquant que celle de l'être le plus parfait est elle-même prise dans le devenir de l'expérimenter puisque nous n'en aurons jamais terminer de découvrir de nouvelles formes de composition?[/quote]
quand vous dites: "Expérimenter, c'est entrer dans des formes de composition dans lesquelles notre essence elle même devient de plus en plus puissante parce qu'elle capte davantage de la puissance de la nature et des choses".
Ne pensez vous pas cette expérimentation est à la base du développement indéfini de nos toutes nos idées adéquates, impliquant que celle de l'être le plus parfait est elle-même prise dans le devenir de l'expérimenter puisque nous n'en aurons jamais terminer de découvrir de nouvelles formes de composition?[/quote]
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