Messagepar NaOh » 28 août 2014, 18:42
Bonsoir Vanleers,
Vous avez écrit plusieurs messages en réponse à mon post du 23 août. J'essaierai de les traiter selon l'ordre des matières.
Sur l'autohypnose, tout d'abord : vous m'objectez qu'elle ne serait qu'une suspension tout à fait banale de la conscience intentionnelle. Comme en attesterait les affirmations conjuguées de François Roustang et de Jean-François Billeter. Je dois dire, pour commencer, que Jean-François Billeter m'est inconnu et que je ne connais de l’œuvre de F. Roustang que son livre sur Socrate, qui ne traite pas ex professo de l'hypnose. Mon ignorance, quant au sujet de l'hypnose, expliquant peut-être mes doutes.
Quoiqu'il en soit : vous dites qu'il suffit de laisser aller son esprit pour entrer en état « autohypnotique ». Je me demande alors comment il se fait que cette expérience , en effet assez banale, de laisser « filer » les pensées qui viennent à l'esprit, se distingue ,mettons, de la simple « rêverie » laquelle ; que je sache, ne suspend pas la conscience intentionnelle. Donc je me demande si votre affirmation, sous couvert de l'autorité de Jean-François Billeter, ne prouve pas trop : on est en droit de se demander en effet quel peut être le rôle du thérapeute ou des techniques d'autohypnose , si vous avez raison sur ce point.
En ce qui concerne les objections relatives au système de Spinoza : la première daté du 23 août, se concentre sur le caractère impersonnel de la connaissance du 2eme genre. Mais j'ai déjà répondu par avance à cela, en distinguant les conditions de production de la connaissance d'avec son objet.
Dans un deuxième message daté du 24 août, vous concluez assez malaisément,à mon avis, que la « détermination intérieure » dont il est question dans le scolie de la proposition 29, Partie II, réside dans le fait que bien que l'esprit soit déterminé de l'extérieur ( nota bene : mais cela vous le dites contrairement à la lettre du scolie 29, II) il peut dans le cas de l'idée adéquate être considéré « seul » à la produire dans la mesure ou il y participe « aussi ».
En effet l'idée inadéquate se décrit dans sa genèse comme la production simultanée par Dieu de l'idée qui constitue l'esprit humain avec les idées de beaucoup d'autres choses-étrangères à sa nature-. Par contraste l'idée adéquate est une idée que Dieu produit en tant qu'il s'exprime par l'esprit humain seul, et non comme précédemment dans une situation telle que l'idée qui constitue l'esprit humain soit mélangée ou confondue avec les idées d'autres choses différentes de lui. Vous ajoutez que même alors (c'est à dire lorsque Spinoza affirme que l'idée adéquate est une production de Dieu en tant qu'il a l'idée d'un esprit humain seul) l'esprit est déterminé de « l'extérieur » ou que cette considération de l'esprit humain « seul » est une apparence, un « comme si », et vous appuyez cette considération en invoquant une citation de Pierre Macherey dans votre message du 25 août. La raison qui vous fait dire qu'en toute rigueur l'esprit ne produit jamais aucune idée seul est si je résume, qu'il est déterminé par Dieu à le faire, autrement dit par une infinité de causes. Enfin vous expliquez cette apparence, ce « comme si », en avançant que dans le cas de l'idée adéquate, le processus de production de l'idée, « s'explique aussi par l'esprit humain seul », c'est à dire ; il s'explique d'abord par Dieu , mais il peut aussi, abstraction faite de Dieu, s'expliquer par l'esprit humain seul.
Voici donc pour le sommaire de vos positions, que j'espère ne pas avoir trop altérées. Ma critique se concentrera sur un point particulier. Vous ne m'avez guère convaincu dans votre tentative d'expliquer comment on peut concilier l'affirmation de Spinoza selon laquelle les idées adéquates se produisent de ce que Dieu, non en tant qu'il est infini, mais en tant qu'il constitue l'essence d'un esprit humain ( a l'exclusion d'autre chose), a telle ou telle idée, et l'affirmation qui est la vôtre, que tout cela relève malgré tout d'une détermination extérieure à l'esprit humain. Je ne reviens pas sur le fait que cela contredit la lettre de certains passage de l'Ethique. Mais surtout, il me semble qu'il n'y a la aucun problème : Dieu n'est pas extérieur à l'âme humaine, il en est même la détermination la plus intime. Ce qu'elle produit « de l'intérieur » et ce que Dieu produit, sont une seule et même chose dans le cas de l'idée adéquate. Et j'irai jusqu'à dire que l'âme humaine s'égale à Dieu, dans la mesure où elle est puissante. C'est à dire, elle diffère certes de Dieu en ce qu'elle n'est pas toute puissante, mais pour autant qu'elle est puissante, c'est à dire cause adéquate, elle est strictement identique à Dieu. Donc pour autant que s'étend le champ de ses idées adéquates pour autant elle en est la cause seule, puisque c'est la puissance de Dieu qu'elle exprime et à laquelle elle est identique. Donc je ne vois pas quel problème pose l'intériorité. Je ne développerai pas ce point, mais si nous passons du domaine de la gnoséologie à celui de l’éthique pratique, les difficultés redoubleront pour celui qui nie toute notion d'intériorité et de soi, car il devra expliquer comment l’éthique Spinoziste qui est foncièrement égoïste peut se passer des notions de « soi », « d'ego » ( par exemple : à quoi se réfère « l'utile propre » s'il n'y a nul « ego » et nul « soi » ?)
D'ailleurs, vous finissez vous même par admettre, dans votre message du 27 août que l'Ethique nous maintient à égale distance de l « ’anéantissement de soi mystico-oriental » d'une part, et du « personnalisme substantialiste » d'autre part, ces excès étant mis à part, nous devons néanmoins accepter la notion d'un « soi » chez Spinoza, comme l'implique la célèbre formule concernant le sage qui est « conscient de soi, de Dieu et des choses ».
Bien à vous.