hokousai a écrit :à Serge
De deux choses l'une : soit l'énergie pure est par nature conscience d'elle-même, soit cette proposition est fausse (mais il faut alors expliquer pourquoi cette expérimentation est vécue avec toute la certitude possible comme pure présence, universalité et éternité.)
Il me semble bien que c'est cette conscience là qui est critiquée par le bouddhisme (entre autres expressions de la conscience d' un soi stable ). Critiquée comme illusion de stabilité.
Non, non. D'abord le Soi s'écrit avec un grand "S" et uniquement comme cela. Ce n'est pas le "moi", qui s'écrit là avec un petit "m." Le Soi est impersonnel : lorsque le Soi rayonne, la "personne" - qui n'est effectivement qu'un agrégat imaginaire - a disparu ; l'ego a disparu (ou s'est sublimé en Totalité, ce qui équivaut) ; le "moi" a disparu. L'atman n'a rien de personnel ; la conscience pure, le pur "je suis" est ressenti comme impersonnel, indestructible, éternel. Il n'y a qu'un seul Soi, mais de multiples manifestations.
Pour autant que je puisse le percevoir, cela correspond parfaitement au nirvana, à la Nature de bouddha, ou au "Non-né, etc." du bouddha historique lui-même.
C'est sans aucun doute bien plus subtil que cela. La subtilité me semble tenir là : comment le fini peut-il avoir conscience de l'infini qui le contient ? Ou : comment se concilie la connaissance pure de Dieu-Nature avec la modalité du mode humain, qui reste factuellement malgré tout ? Comme aussi a dit le maître : vous ne pouvez pas résider continument en satori, car en satori il n'y a ni restaurant ni toilettes...
La subtilité est à la jonction du mode connaissant et de Dieu-Nature.
Atman est brahman / la connaissance du troisième genre est éternelle et telle en Dieu. Certains disent aussi que brahman est atman. Pourquoi ? Parce que notre connaissance de Dieu ne peut aller au-delà d'elle-même : connaître Dieu purement, intuitivement, et l'atman c'est la même chose. Donc l'atman est brahman et brahman est atman. Pourtant Dieu m'apparaît être plus grand que "moi" - outre aussi d'être étendu. Ce sont des questions très très ardues, qui sont infiniment au-dessus des mots, des déclarations, etc. (et je ne peux parler pour quelqu'un qui est en satori ; c'est pourquoi je dis que nous verrons bien quand nous y serons, si toutefois cela doit arriver...) Une autre question est celle du samsara : la vie complète n'est pas seulement l'extinction (de la personne, de tout ego, de tout sens de séparation, de toute pensée) dans le pur "Je suis" (nirvana) ; c'est aussi comprendre toute la manifestation (et donc les corps, les pensées, etc.) comme émanant de Dieu-Nature. Le samsara est nirvana, et le nirvana samsara (les modes sont compris dans les attributs.) C'est aussi l'amour et la compassion, etc.
Il n'y a pas de "moi" substantiel, mais il y a quand-même manifestation particulière dans la manifestation à la base ; voilà autour de quoi se situe la subtilité ("terminologique") Soi / Non-né - et donc certainement pas dans des appréciations communes (en particulier donc, un "moi substantiel".)
Spinoza a écrit :CT2Ch24 : (7) Voilà pour les lois portées par Dieu. Quant à l'homme, il perçoit en lui-même une double loi : j'entends l'homme qui fait usage de son entendement et s'est élevé à la connaissance de Dieu : or, ces deux lois sont causées :
1° La première, par l'union qu'il a avec Dieu ;
2° La seconde, par l'union avec les modes de la nature.
(8) De ces deux lois, la première est nécessaire ; l'autre ne l'est pas, car pour ce qui concerne la loi qui naît de l'union avec Dieu, comme il ne peut jamais cesser d'être uni avec lui, il doit avoir devant les yeux les lois suivant lesquelles il lui faut vivre pour Dieu et avec Dieu. Au contraire, quant à la loi qui naît de la communion avec les modes, il peut s'en délivrer, parce qu'il peut s’isoler des hommes.
(9) Puisque donc nous établissons une telle union entre Dieu et les hommes, il serait permis de se demander comment Dieu se fait connaître aux hommes, et si cela arrive ou peut arriver par des paroles, ou immédiatement et sans aucun intermédiaire.
(10) Pour ce qui est des paroles, nous répondons absolument : non ... ; et c'est pourquoi nous tenons pour impossible que Dieu se fasse connaître aux hommes par des signes extérieurs,
(11) et en même temps nous jugeons inutile de supposer pour cette connaissance autre chose que l'essence de Dieu et l'entendement de l'homme : car ce qui, en nous, doit connaître Dieu, étant l'entendement, qui est uni si immédiatement à lui, qu'il ne peut exister ni être cause sans lui, il est indubitable qu'aucun objet ne peut être lié à l'entendement d'une manière plus intime que Dieu lui-même,
(12) car cette chose devrait être plus claire que Dieu : ce qui est absolument contraire à tout ce que nous avons montré jusqu'ici, à savoir que Dieu est la cause de notre connaissance et de toute essence des choses particulières, dont aucune ne peut ni exister ni même être conçue sans lui. Bien plus, toute chose particulière dont l'essence est nécessairement finie, nous fût-elle plus connue que Dieu, nous ne pouvons pas cependant par elle arriver à la connaissance de Dieu, car comment pourrait-il se faire que, d'une chose finie, on pût conclure à une chose infinie et illimitée ?
(13) Et quand même nous verrions dans la nature quelque action, ou effet, dont la cause nous fût inconnue, il serait impossible d'en conclure que, pour produire cet effet, il faut une cause infinie et illimitée. Comment pourrions-nous savoir si, pour produire ces effets, plusieurs causes sont nécessaires, ou si une seule suffit ? Qui nous le dirait ? Pour conclure, Dieu, pour se faire connaître aux hommes, ne peut ni ne doit se servir de paroles et de miracles, ni d'aucun autre intermédiaire créé, mais ne peut et ne doit se servir nécessairement que de lui-même.
hokousai a écrit :La remarque de Coomaraswami semble lui être très personnelle...
Personnelle, je ne pense pas, mais ce qu'il semble effectivement, c'est que ce sont surtout des hindouistes qui le disent, et que les réserves viennent de bouddhistes. Maintenant, je n'ai vu aucun argument de fond dans ces réserves. "Le bouddha historique n'a jamais parlé d'atman"(ce qui apparaît partiellement faux plus haut, d'ailleurs) ; "il a nié qu'il puisse y avoir un "moi substantiel"" n'est une preuve de rien de mon point de vue : il n'y a pas de moi substantiel dans le vedanta non plus. J'attends qu'on me montre clairement en quoi l'atman impersonnel, le Soi, est différent du Non-né, de la nature de Bouddha, du nirvana, etc. Sinon c'est de la dispute de théologien, pas du sens. Et le sens, à ce stade, ne peut venir que d'êtres humains réalisés.
hokousai a écrit :De mon pt de vue Dieu chez Spinoza n'a pas conscience de lui même .Spinoza ne parle pas de l'idée de l'idée de Diue. Or chez lui la conscience c'est l'idée de l' idée.
Spinoza a écrit :PM2Ch7 : L'objet de la science de Dieu est Dieu lui-même. – Revenons donc à notre propos, à savoir qu'il n'y a hors de Dieu aucun objet de sa science, mais qu'il est lui-même l'objet de sa science et même qu'il est sa science. Pour ceux qui pensent que le monde est l'objet de la science de Dieu, ils sont beaucoup moins raisonnables que ceux qui veulent qu'un édifice construit par quelque architecte distingué soit tenu pour un objet de sa science. Car l'architecte est obligé de chercher hors de lui-même une matière convenable ; mais Dieu n'a cherché aucune matière hors de lui : quant à leur essence et quant à leur existence les choses ont été fabriquées par un entendement identique à sa volonté.
E2P21S : ... l’idée de l’âme et l’âme elle-même, ce n’est qu’une seule et même chose conçue sous un seul et même attribut, savoir la pensée. Je dis donc que l’idée de l’âme et l’âme elle-même sont en Dieu par la même nécessité et résultent de la même puissance de penser. L’idée de l’âme, en effet, c’est-à-dire l’idée d’une idée, n’est autre chose que la forme de cette idée, en tant qu’on la considère comme mode de la pensée, sans égard à son objet ; car aussitôt qu’on connaît une chose, on connaît par cela même qu’on la connaît, et en même temps on sait qu’on a cette connaissance et ainsi de suite à l’infini. Mais nous reviendrons plus tard sur cette matière.
E5P35 : Dieu s’aime lui-même d’un Amour intellectuel infini.
DÉMONSTRATION : Dieu est absolument infini (par la Défin. 6 p. 1), c’est-à-dire (par la Défin. 6 p. 2), la nature de Dieu tire contentement d’une infinie perfection, et ce (par la Prop. 3 p. 2) accompagné de l’idée de soi, c’est-à-dire (par la Prop. 11 et la Défin. 1 p. 1) de l’idée de sa cause, et c’est cela que nous avons dit être, dans le Coroll. Prop. 32 de cette p., l’Amour intellectuel.