Messagepar sescho » 14 mai 2012, 11:09
Une illustration des derniers propos par Arnaud Desjardins, en l’occurrence dans une reprise de Le Vedanta et l'inconscient, chap. "L'érosion du désir" dans Les formules de Swâmi Prajnânpad, chap. "Le Désir" :
« Be faithful to yourself as you are situated here and now.
Soyez fidèle à vous-même tel que vous êtes situé ici et maintenant.
« Soyez fidèle à vous-même tel que vous êtes situé (intérieurement et extérieurement) ici et maintenant. » Si vous avez vraiment une âme de disciple, cela vous fera progresser. Ce qui serait piétiner et tourner en rond pour celui qui n'a pas de recherche intérieure, deviendra pour vous une étape qui peut être franchie.
Nous abordons là un sujet grave et difficile. En effet, l'égoïsme, l'avidité, la luxure, la convoitise, s'ils ne sont pas mis en cause, interdisent la Libération, et la Libération est, en effet, le fruit du renoncement, de la mort à soi-même, du détachement, de l'abandon. Mais comment y parvenir ? Nous touchons là un point délicat. Une certaine morale est manifestement une prison, une cause de souffrance. Ceci est bien, cela est mal. Cette morale vous a été imposée du dehors. Elle a pour vous le prestige de la Religion, du Bien, de l'Idéal, mais elle est presque toujours un obstacle à la Libération. Certains sont restés en prison pour avoir été trop vertueux et d'autres ont échappé à la prison de l'ego pour avoir été vrais, fidèles à eux-mêmes et, par conséquent, moins vertueux selon les critères de la morale. Seulement, jeter la morale par-dessus bord est une démarche dangereuse. Conduite par l'ego et l'aveuglement, elle est cause de souffrance pour les autres et pour soi-même et elle crée un « karma » [Karma : loi de cause et d'effet et, en l'occurrence, des actions et de leurs conséquences] de plus en plus lourd par lequel on s'emprisonne au lieu de se libérer. C'est pourquoi vous devez avoir le courage d'échapper doublement à la facilité de dormir dans une morale que vous n'avez pas vraiment assimilée et la facilité qui consiste à abandonner toute morale et à vous laisser emporter de-ci de-là, au gré de vos impulsions du moment.
C'est à vous, au fur et à mesure de votre progression sur le chemin et sans oublier un but qui, lui, est un but de non-égoïsme, c'est à vous de voir, en votre âme et conscience, quel désir vous êtes décidé à accomplir et quel désir vous n'êtes pas décidé à accomplir. C'est à vous de trouver votre propre morale, une morale de disciple fondée sur la compréhension de ce qui vous rapproche ou vous éloigne de votre but. Il faut une grande rigueur pour échapper dans ce domaine aux roueries incroyables du mental. »
En prime (note : "Penser" n'a pas la même extension ici que chez Spinoza ; le raisonnement juste n'y entre pas : il s'agit de la pensée associative désordonnée, de la pensée affective : connaissance inadéquate et passions ; ce pourrait être remplacé par "imaginer" ou "travailler du chapeau") :
« « Penser » est un mot péjoratif du point de vue du chemin. La pensée ne peut évoluer que dans le monde des opposés que vous êtes appelés à dépasser. La pensée accepte, refuse, accepte, refuse, selon ses propres critères, ses propres références. Et elle ne sort plus de ces oppositions. Alors que la vision vous permet de dépasser les oppositions pour atteindre la neutralité, au-delà des opposés, au-delà du bon et du mauvais, au-delà du bien et du mal, et vous permet d'atteindre l'Être, ce qui est. Seule la vision pure vous permet de passer d'un monde irréel au monde réel. Voir, sans faire intervenir, même à l'arrière-plan, ce qui n'est pas.
La vision n'a pas de contraire. La vision, elle, est toujours une sans un second. Si je fais intervenir autre chose que ce qui est, je commence à penser. Et la vision, la véritable intelligence, ne consiste pas à penser mais uniquement à voir. Je vois en toute certitude ce qu'il faut voir et ce qui inévitablement découle de ce que je viens de voir. C'est ce que vous pouvez appeler un raisonnement scientifique ou raisonner juste. Et cette vision de seconde en seconde induit l'action. L'action juste, l'action « spontanée » dont parlent les hindous et les bouddhistes est le résultat de voir. Mais pour voir, il faut éliminer complètement ce mécanisme dualiste de la pensée : ça ne devrait pas être, ça pourrait être.
— Un grain de sagesse, chap. "Je suis ce que je suis". »
Connais-toi toi-même.