Messagepar J » 18 mai 2009, 20:48
bien sûr! seulement, si ces faux biens ne se donnaient pas à voir comme bien nous les éviterions absolument. Il faut bien qu'ils aient quelque chose d'utile pour nous. Même se donner la mort peut apparaitre comme un bien, lorsque nous sommes submergés par trop d'affections que nous ne parvenons pas à clarifier.
Mais pour revenir à la question du rapport entre expérience et connaissance, il me semble que nous pouvons poser ces choses dans l'ordre:
1) l'expérience est la source de nos toutes premières idées: "l'esprit est idée du corps et rien d'autre". En cela, toutes nos idées sont nécessairement inadéquates avant de pouvoir devenir adéquates par la détermination de l'esprit:nous imaginons toujours les choses avant de les percevoir
Mais c'est l'expérience elle-même qui, dans l'imagination, et par contradiction entre les idées inadéquates qu'elle nous fournit, permet le déclenchement de l'activité de l'intellect et le désir de connaître vraiment les choses (dont le début du TIE constitue un prototype)
2) l'expérience est maintenue dans l'activité du second genre comme par exemple dans les sciences empiriques, essentiellement la physique, mais modifiée et déterminée par la raison. Mais ici cohabite toujours l'expérience au sens 1, en tant que nous ne cessons pas d'être affecté par les corps extérieurs en dehors de l'expérience scientifique construite, et en tant que la connaissance du second genre n'est pas une connaissance génétique qui part de l'être le plus parfait, elle n'est qu'une vision parcellaire de l'essence des choses: elle n'effectue donc bien souvent pas le retour nécessaire sur les notions qu'elle manipule et qui sont issues de l'imagination (ex: Descartes avec l'étendue inerte; Boyle avec les concepts de fluidité et de solidité)
3) Mais elle est suspendue dans la constitution de la science intuitive qui est une restitution intellectuelle de l'origine des choses à partir de l'idée de l'être le plus parfait. Mais la fonction même de la science intuitive, dans sa perspective essentiellement éthique, est de guider notre expérience, c'est-à-dire qu'elle est comme un protocole expérimental à suivre dans la vie pour accéder à la béatitude, dont la cerise sur le gâteau est l'expérience de notre éternité. sentimur experimurque nos aeternos esse: le sentimur ici n'est pas différent de percipere ou concipere qui sont toujours synonymes chez Spinoza, mais il redouble sentimur par experimur. Pourquoi un tel redoublement?
Je pense qu'il insiste pour montrer que, par une telle contemplation sous le 3e genre de connaissance, c'est tout notre être qui perçoit que nous sommes éternels, esprit et corps, qui ne sont qu'une seule et meme chose. Pour m'appuyer, la première proposition du livre V qui pose la réversibilité de l'identité entre le corps et l'esprit: l'ordre et l'enchainement des idées dans l'esprit peut se faire selon l'ordre et l'enchainement des affections du corps comme l'ordre et l'enchainement des affections du corps peuvent se faire selon que les pensées, et les idées des choses, s'ordonnent dans l'esprit. cette réversibilité de la primauté de l'ordre est essentielle pour comprendre la possibilité de l'expérience de notre éternité.
Rendue possible en droit, de fait personne ne peut vérifier chez personne ce qu'il en est: paradoxalement il y a une certaine incommunicabilité finale dans la béatitude.
enfin la question se pose de savoir si la connaissance du troisième genre n'est pas conditionnée en partie par celle du second: si l'on peut assurément passer du second au troisième, on peut du même coup continuer de véhiculer les idées inadéquates qui persistent dans le second dans le troisième lui-même. L'essence objective de Dieu ne nous étant pas accessible dans sa totalité, parce qu'à la fois nous ne percevons que deux de ses attributs infinis et ses deux attributs eux-mêmes nous ne pouvons pas les connaître à partir de leurs lois fondamentales, mais seulement des lois valables pour une région précise et déterminée de l'univers, nous ne pouvons finalement avoir de Dieu qu'une idée formelle comme causa sui, sive existence nécessaire et éternelle formée d'une infinité d'attributs. Mais la connaissance de l'essence objective de Dieu, c'est-à-dire des modifications des attributs de la pensée et de l'étendue se perfectionne dans le développement d'une expérience maîtrisée aussi bien dans qui peut amener à remanier le sens des concepts déterminés par l'entendement. Que la définition d'un attribut ne puisse pas être prouvée par l'expérience ne signifie pas que l'expérience, nous amenant à connaître de plus en plus précisément et à embrasser de plus en plus largement les modifications d'un attribut nous contraigne de penser différemment la définition d'un attribut.