[Ethique] De Dieu, proposition II

Lecture pas à pas de l'Ethique de Spinoza. Il est possible d'examiner un passage en particulier de cette oeuvre.
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Troumad
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[Ethique] De Dieu, proposition II

Messagepar Troumad » 28 nov. 2004, 14:54

Bonjour

Je suis un nouvel arrivant dans ce groupe de discution et j'avoue que je ne sais pas si j'ai choisi le bon forum ! Je ne pense pas que j'aurais poster sur Ce que dit Spinoza, alors je poste ici !
Je vais peut-être paraître un fruste ici : je suis un prof de math qui n'a jamais réussi dans les matières littéraires (en orthographe surtout).

Je me suis lancé dans la lecture de Spinoza avec le TTP qui m'a bien plus (j'en parle même sur mon site, rubrique religion). Je me lance dans l'Ethique. C'est plus dur à avaler. J'en lu la première partie, jai eu l'impression de m'être fait avoir, alors je l'ai reparcouru rapidement. En fait, mon problème, c'est la prposition II que je n'arrive pas à admettre et qui primordiale pour la suite !

Si quelqu'un peut m'éclairer, voici mon problème :
Soient 2 attributs A et B. Je ne vois pas pourquoi, il ne peut pas y a voir une substance avec l'attribut A, une autre avec A et B et une troisième avec B. Le problème réside dans le "des" de attributs différents. Soit on considère que une subtance n'a qu'un attribut, dans ce cas c'est évident, mais la proposition IX montre que ce n'est pas le cas.

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bardamu
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Re: [Ethique] De Dieu, proposition II

Messagepar bardamu » 28 nov. 2004, 17:50

Troumad a écrit :Bonjour

(...)En fait, mon problème, c'est la prposition II que je n'arrive pas à admettre et qui primordiale pour la suite !

Si quelqu'un peut m'éclairer, voici mon problème :
Soient 2 attributs A et B. Je ne vois pas pourquoi, il ne peut pas y a voir une substance avec l'attribut A, une autre avec A et B et une troisième avec B. Le problème réside dans le "des" de attributs différents. Soit on considère que une subtance n'a qu'un attribut, dans ce cas c'est évident, mais la proposition IX montre que ce n'est pas le cas.


Bonjour,
la proposition II dit : Deux substances ayant des attributs différents n'ont rien de commun entre elles.
S1 définie par l'attribut A, n'a rien de commun avec S2 définie par l'attribut B.
Je pense que c'est assez évident.

Votre question ne concernerait-elle pas plutôt la proposition V : "Il ne peut y avoir dans la nature deux ou plusieurs substance de même nature ou attribut" ?

Il faut alors saisir que l'attribut n'est pas une propriété hors de la substance mais une caractérisation de l'essence de la substance (cf Définition 4), c'est-à-dire ce qui appartient à un être cause de soi (Def 3). L'attribut est forcément tautologique puisqu'il est une composante d'un être cause de soi.
Si je dis : "le fer est un métal", métallique n'est pas un attribut du fer mais un attribut des métaux parce que c'est en étant "métallique" qu'un métal est défini par sa propre essence. L'attribut du fer sera, par exemple, son nombre de protons.
Le fer a 26 protons et il est le seul élément à en avoir 26 puisqu'ils définissent son essence. Ou bien le fait de donner de la rouille en s'oxydant sera aussi spécifiquement ferreux.

P.S. : pour comprendre l'Ethique il peut être utile d'avoir une vue d'ensemble par une première lecture rapide, un commentaire ou le plan détaillé qu'on trouve ici : http://www.spinozaetnous.org/ethiq/plan.htm
Et je m'aperçois d'ailleurs que le résumé des propositions 1 à 10 me semble aller à l'encontre du texte qui conclut (EIP10 scolie) qu'à une substance peut convenir plusieurs attributs...

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Henrique
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Messagepar Henrique » 01 déc. 2004, 03:02

Je reviens de votre site, Troumad, pour bien comprendre votre question. Je me permet donc d'en recopier ici le contenu :
Pour le moment, je bute à la proposition II que je résumerais de la façon suivante : dès que deux substances ont une différence dans leurs attributs, elles sont donc complètement différentes. Si j'admets cette proposition le reste semble évident. Je vais expliquer mon problème.


Voici ce que dit en détail la prop. 2 :"Entre deux substances qui ont des attributs divers, il n'y a rien de commun.
Démonstration : Cela résulte aussi de la Déf. 3. Chacune de ces substances, en effet, doit être en soi et être conçue par soi ; en d'autres termes, le concept de l'une d'elles n'enveloppe pas celui de l'autre.

Puisqu'à la prop. 2, on ne sait pas encore qu'il n'y a qu'une seule substance, admettons que l'eau et le feu soient des substances et que leurs attributs soient la liquidité et la chaleur. Il n'y a, dit alors Spinoza, rien de commun entre eux, ce qui va nous amener par l'axiome 5 à admettre que le feu ne peut se concevoir par l'eau, ni l'eau par le feu.
Ce qui prouve cela, c'est que si l'eau et le feu sont bien des substances, alors ils ne doivent se concevoir que par soi et non l'un par l'autre comme ce pourrait être le cas s'il y avait entre eux quelque chose de commun.

Comme il y a des façons d'être en commun entre le feu et l'eau (le fait d'avoir une masse, du mouvement, de l'étendue etc.), c'est donc que ce ne sont pas des substances !

Soient 2 attributs A et B. Je ne vois pas pourquoi, il ne peut pas y a voir une substance avec l'attribut A, une autre avec A et B et une troisième avec B. Le problème réside dans le "des" de attributs différents. Soit on considère que une subtance n'a qu'un attribut, dans ce cas c'est évident, mais la proposition IX montre que ce n'est pas le cas.


Pourquoi n'y aurait-il pas le feu avec la chaleur, l'eau avec la liquidité et l'eau bouillante avec les deux ? Bien sûr aucune raison. Mais pour ce qui est d'une substance, puisqu'elle doit se concevoir par soi, elle ne peut rien avoir de commun avec une autre substance, sinon ce ne serait tout simplement plus une substance. Ayant des attributs en commun, l'une pourrait agir sur l'autre, elles ne seraient plus "en soi et par soi". L'eau n'est pas une substance parce qu'elle possède des caractères communs avec le feu, comme la capacité au mouvement et au repos : le feu peut donc mouvoir l'eau et inversement.

Il n'y a donc qu'une substance possible pour un attribut donné, par exemple "la chaleur" pour le feu, si le feu était une substance. Mais en revanche rien n'interdit à partir de là qu'il y ait plusieurs attributs pour une seule substance : la chaleur, la lumière, le mouvement etc. pour le feu...

A ce propos, Bardamu, le résumé de E1P1-10 dit "une seule substance par attribut" et non "un seul attribut par substance", pas pareil, non ? ;-)

Enfin vous dites :
Si j'admet que son Dieu existe, dire qu'il n'existe pas reviendrait à dire que le monde qui nous entoure n'existe pas. L'existance d'autres Dieux, comme les dieux greques n'est pas excluse. En effet, ils ne pourraient être des modes ou attribut de la substance du Dieu de Spinozza.


Dieu est unique selon Spinoza : E1P14, corollaire I, en tant que substance bien sûr. Si les dieux grecs étaient des attributs, le terme de dieu leur conviendrait puisqu'un attribut est une expression pour l'entendement de la nature de Dieu. Mais pour cela, ils faudrait qu'ils expriment adéquatement la nature absolument infinie de Dieu en tant que substance, or un dieu grec, d'après la mythologie est bien humain trop humain pour exprimer une telle infinité (désirs, passions etc.).

Les dieux grecs pourraient-ils être des modes de Dieu ? Des modes infinis, certainement pas, pour les raisons précédentes. Des modes finis,soit, mais alors pourquoi les appeler encore des dieux ? Notez enfin que Spinoza nie qu'il puisse exister des esprits sans corps de même que des corps sans esprits (cf. Les lettres entre Hugo Boxel et Spinoza, ici en téléchargement, dans la traduction Prat).

Amicalement,
Henrique

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Troumad
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Messagepar Troumad » 01 déc. 2004, 09:46

En résumé de vos deux interventions :

1) Un attribut peut définir/identifier une substance : il faut que j'approfondisse la notion d'attribut.
2) Pour les dieux grecs, la définition de dieu n'est certainement pas celle de Spinoza ! Mais une plus terre à terre. Ici, on dirait êtres immortels à pouvoir surnaturel.

Bon, il faut aussi revoir la définition de surnaturel : qui défie l'entendement humain, comme un orage défiait l'entendement humain au temps des gaulois. On pourrait dire aussi pour surnaturel : qui utilisent des techniques que nous ne maîtrisont pas. En Afrique noire profonde, un homme manipulant de l'électricité est un peu considéré comme un dieu !

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Messagepar Henrique » 01 déc. 2004, 10:29

Sur la notion d'attribut, peut-être CECI vous aidera-t-il.

Quant aux dieux grecs, effectivement il n'y a chez Spinoza rien de surnaturel, puisque ne saurait exister en dehors de Dieu qui est la nature. La question était, pourrait-il y avoir des dieux grecs, i.e. êtres immortels et surnaturels, dans le cadre de la substance spinozienne ? Eh bien, si les dieux en question ne sauraient être infinis, comme nous l'avions vu, ils ne sauraient être immortels. Cf. E4P3 : "La force, par laquelle l'homme persévère dans l'existence, est limitée, et la puissance des causes extérieures la surpasse infiniment." Si les dieux de la mythologie, soumis aux passions, sont finis, alors ils sont comme les hommes mortels.

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Messagepar bardamu » 01 déc. 2004, 10:49

Henrique a écrit :A ce propos, Bardamu, le résumé de E1P1-10 dit "une seule substance par attribut" et non "un seul attribut par substance", pas pareil, non ? ;-)
Henrique

C'est subtil...
Spontanément, je l'ai lu comme disant : "à chaque attribut sa substance propre".
J'aurais plutôt écrit :
"Pour la raison, non pour l'imagination, plusieurs attributs rapportés à une seule substance, existant nécessairement et infinie" mais peut-être voulais-tu faire passer une autre idée.

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Messagepar Henrique » 03 déc. 2004, 01:56

Tu as raison, la tournure n'est pas assez claire.
Ta proposition est meilleure, mais trop fidèle à l'originale peut-être ; pour plus de clarté encore, je propose :

"Pour la raison, non pour l'imagination, la substance est absolument autonome, elle existe nécessairement, infiniment et possède autant d'attributs que sa réalité l'implique."
Qu'en dis-tu ?

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Messagepar Troumad » 03 déc. 2004, 06:51

Je vois des modifications intéressantes dans vos textes !

Hier soir, j'ai pris un peu de temps pour regarder les propositions II et V.
En effet, l'exemple que j'avais donné est bien pour la question V. Par contre, ce sont bien les II et V qui me posent problème. Surtout dans la II , il n'y a rien de commun. je ne vois pas ce qu'il veut dire. Si c'est l'une ne contient pas l'autre, comme c'est montré dans son explication alors ça va (pour la II au moins !).
Modifié en dernier par Troumad le 07 déc. 2004, 15:38, modifié 2 fois.
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Messagepar Henrique » 05 déc. 2004, 17:46

"Il n'y a rien de commun" entre une substance A et une substance B signifie qu'entre elles, aucun élément comparable n'est possédé de part et d'autre, pouvant servir de point d'accroche d'une causalité. Entre le nuage et la pluie, l'humidité est partagée de part et d'autre, elle est commune ; avec un certain nombre d'autres points de comparaisons, elle explique une relation de causalité entre eux. Mais entre l'eau et le feu, il y a aussi des éléments communs : le fait de s'étendre, d'être en mouvement etc. Par contre entre la volonté de se concentrer qui est une façon de penser et le fait que l'eau mouille, ce qui est une façon de s'étendre, il n'y a rien de commun, il ne saurait donc y avoir de rapport de causalité.
"l'une ne contient pas l'autre" à propos de substances est une conséquence du fait qu'elles n'ont rien en commun, non le fait même qu'elles n'aient rien en commun.
Cordialement,
Henrique

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Messagepar Troumad » 07 déc. 2004, 16:07

Dans ce cas, je crois qu'il y a une voie à explorer du côté de l'explication de substance :
http://www.spinozaetnous.org/modules.ph ... #substance . Je vais voir ce que ça pourra donner !
Pour attribut, avant de savoir qu'il n'y a qu'une substance, on pourrait aussi dire qu'une qualité qu'on peut attribuer à deux substances n'est pas un attribut. Il m'est donc difficile de concevoir la définition spinozienne d'attribut. Ce n'est pas un concept facilement cernable, on ne peut peut-être pas lui trouver une meilleure dénomination que attribut en français. Mais ce mot est déjà tellement lourd de sens qu'il m'est dificile de m'en défaire quand je lis et je réfléchis.
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