En fait, l'entendement est-il la raison ?
http://spinozaetnous.org/wiki/E2#Proposition_18 - scolie : l'entendement est la perception des idées, de leur enchaînement dans ce qu'il peut avoir d'identique pour tous les hommes, à partir de leurs causes premières.
Cela s'oppose à l'imagination qui enchaîne les idées différemment selon les affections particulières des corps des hommes et à partir des effets plutôt que des causes.
La raison, second genre de connaissance, enchaîne les idées générales seulement, les notions communes. Le troisième genre de connaissance est purement intellectuel, tandis qu'il y a tout de même perception d'idées et donc entendement dans l'imagination ou la raison, mais de façon mélangée.
C'est à purifier l'intellect des obscurités et confusions de l'imagination que sert en effet le
traité de la réforme de l'entendement. On peut le voir comme une propédeutique nécessaire à l’Éthique, et de fait il contient des éclaircissements fort utiles pour mieux comprendre le grand œuvre (mais aussi des obscurités que seul l'éthique permet d'éclairer). Mais Spinoza en a abandonné la rédaction, ce qui peut indiquer qu'il n'a pas conçu ce traité comme absolument nécessaire pour aborder son éthique. A chacun donc de voir (je rappelle aussi le fichier audio pas mal fait qui propose une lecture intégrale de ce texte).
Je croyais que l'essence de la substance, c'était ce qui est en soi et est conçu par soi.
Oui mais qu'est-ce qui
constitue l'essence de la substance ? De quoi est-elle faite ? Autrement dit encore, certes l'essence de la substance est d'être en soi et par soi, mais qu'est-ce qui est en soi et par soi pour l'intellect ? Voilà la question à laquelle répond l'attribut.
Je peux dire que l'essence de l'homme est de désirer. Sans effort conscient de persévérer dans son être, ce n'est plus un homme ni même une réalité quelconque, mais qu'est-ce qui constitue cette essence, de quoi est-elle faite ? Une chose permettra de distinguer les attributs de simples modes : ils expriment complètement l'essence de la substance et toutes ses propriétés (ici, par ex. la résistance à tout ce qui tend à me détruire). Or Pierre, Paul, Henri seraient au nombre des attributs de l'homme s'il était une substance, car tous ils désirent, résistent à ce qui peut les détruire etc. tandis que les modes de l'humanité définie par le désir seraient désirer ceci, regretter cela, espérer cette autre chose etc.
Supposons encore qu'un cheval pourrait être une substance. Le trot et le galop sont ses modes, ses façons d'être : le trot et le galop en soi n'ont pas de sens, mais se réfèrent à autre chose, le cheval. Le cheval en revanche peut se concevoir par lui-même : je peux me représenter un cheval galopant ou trottant mais je ne peux concevoir le trot et le galop indépendamment du cheval. Mais qu'est-ce qui
constitue l'essence du cheval ? Son essence, ce qui une fois enlevé ferait qu'il n'y aurait plus de cheval, serait non ce qui le distingue d'autres animaux (comme la crinière, définition par les abstraits) mais par exemple ses quatre jambes sans lesquelles il ne pourrait galoper, sa tête sans laquelle il ne pourrait se diriger etc. On comptera ainsi dans les attributs du cheval, non des affections dûes à l'action de causes extérieures (qu'on pourrait appeler accidents), comme le fait de boîter ou d'être peint en rouge, ni ses façons d'être qui n'ont pas d'existence en soi, mais la tête, les 4 jambes et autres éléments qu'on ne pourrait enlever sans que cesse d'exister le cheval. De sorte qu'on puisse dire, ce cheval, c'
est une tête, un tronc, 4 jambes etc.
Spinoza va montrer ensuite qu'une substance doit être nécessairement existante, infinie, unique etc. ce qui exclura l'homme ou le cheval de la liste des substances possibles. Donc les attributs devront eux-même être nécessairement existants, infinis, uniques sans quoi ils ne pourraient constituer l'essence de la substance. Ce qui correspondra à cela, ce qui est absolument infini, nécessairement existant etc. ce sera, pour l'homme et ses limites intellectuelles l'étendue et la pensée mais on pourra supposer une infinité d'autres attributs.
Ainsi connaître les attributs d'une substance est nécessaire pour connaître concrètement cette substance. Si j'ai l'idée du cheval sans les idées de tête et de jambes (entre autres) je n'aurai qu'une idée abstraite. La suite de l’Éthique nous montrera que Dieu, comme substance absolument infinie, ce n'est en fait pour notre entendement que l'étendue et la pensée, qui n'ont rien d'obscur ou de mystérieux, et auxquels chacun peut être attentif dès à présent.
Et si pour une félicité parfaite, il faut pouvoir s'appuyer sur la connaissance d'une substance qui serait un être qui ne dépend que de soi-même pour pouvoir exister et agir, il faudra donc, pour que cette félicité soit aussi clairement vécue et éprouvée, pouvoir identifier les attributs de cette substance. Sans une définition générale des attributs, on ne pourrait identifier aucun attribut de la substance.