Ethique I Définition I
"Par cause de soi j'entends ce dont l'essence enveloppe l'existence, c'est-à-dire ce dont la nature ne peut être connue qu'existante".
Court traité
"Nous avons déjà dit qu'une substance ne peut en produire une autre, et que Dieu est l'être dont on peut affirmer tous les attributs ; d'où il suit que toutes choses ne peuvent ni exister ni être conçues hors de Dieu ; c'est pourquoi nous disons que Dieu est cause de tout."
Je ne comprends pas comment une cause peut être cause de soi-même.
Si Dieu est cause de tout, cela signifie que Dieu est causé par Dieu.
Il me semble que le serpent se mord la queue.
Cela ne signifie-t-il pas d'emblée que Dieu/Nature existe nécessairement ?
Après réflexion et lecture des commentaires de Macherey et Suhamy, je n'arrive pas à "concevoir" ce que "cause de soi" signifie.
Existe-t-il une façon simple de rendre évident ce qui, pour le moment demeure obscur pour moi ?
Cause de soi
Merci Epictete,
Le concept de "cause de soi" me parait "inconcevable".
Dire que Dieu est la cause de lui même ne signifie-t-il pas que Dieu est l'effet de Dieu.
Cela me rappelle un peu l'Immaculée conception sur un plan plus abstrait.
N'étant pas philosophe, je pense un peu comme le vulgaire. L'Ethique s'adresse-t-elle uniquement aux "philosophes" ou a toute personne cherchant à comprendre le chemin que propose Spinoza pour accéder à un bien véritable ou à la liberté ou même à une forme de plénitude ? Comprendre le chemin, voire même faire ce chemin quelle que soit la qualité de son entendement initial est-il à la portée de toute personne de bonne volonté ?
Dieu est absolument infini, il est le tout au delà duquel il n’y a rien. Par conséquent, il ne peut pas être causé par quelque chose hors de lui-même. Il ne peut donc être causé que par lui-même, il est donc cause de soi.
Je comprends que Dieu n'est pas causé par quelque chose hors de lui-même. Mais cela m'amènerait à penser que Dieu est la cause de tout et qu'il n'est l'effet de rien. Dieu n'est pas causé.
Le concept de "cause de soi" me parait "inconcevable".
Dire que Dieu est la cause de lui même ne signifie-t-il pas que Dieu est l'effet de Dieu.
Cela me rappelle un peu l'Immaculée conception sur un plan plus abstrait.
N'étant pas philosophe, je pense un peu comme le vulgaire. L'Ethique s'adresse-t-elle uniquement aux "philosophes" ou a toute personne cherchant à comprendre le chemin que propose Spinoza pour accéder à un bien véritable ou à la liberté ou même à une forme de plénitude ? Comprendre le chemin, voire même faire ce chemin quelle que soit la qualité de son entendement initial est-il à la portée de toute personne de bonne volonté ?
Modifié en dernier par marcello le 23 janv. 2012, 21:03, modifié 2 fois.
Tant que l'on ne confond pas cause et création.
Il serait en effet absurde de penser la cause de soi d'une manière chronologique, c'est-à-dire en pensant un avant et un après Dieu.
Dieu est éternel. Il serait en effet absurde de croire que Dieu n'existait pas et qu'il se soit tout de même auto créé.
Il serait en effet absurde de penser la cause de soi d'une manière chronologique, c'est-à-dire en pensant un avant et un après Dieu.
Dieu est éternel. Il serait en effet absurde de croire que Dieu n'existait pas et qu'il se soit tout de même auto créé.
Même si on se place dans l'éternité, c'est à dire hors de la durée, sans avant ni après, comment peut-on on se causer soi-même ?
Je veux bien le comprendre superficiellement. C'est ce que j'ai fait jusqu'ici. Mais maintenant, j'essaie de penser par moi-même et je n'arrive pas à concevoir un Etre qui se cause lui-même.
Une définition de "cause" qui permettrait de comprendre comment il est possible d'être "cause de soi" clarifierait peut-être la question
Je veux bien le comprendre superficiellement. C'est ce que j'ai fait jusqu'ici. Mais maintenant, j'essaie de penser par moi-même et je n'arrive pas à concevoir un Etre qui se cause lui-même.
Tant que l'on ne confond pas cause et création
Une définition de "cause" qui permettrait de comprendre comment il est possible d'être "cause de soi" clarifierait peut-être la question
- hokousai
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Pour la <b>causa sui </b>Spinoza pense en terme de raison d'exister ( plus que de cause efficiente ). Puisque qu'à toute chose il faut une raison d' exister, La raison d'exister de la substance est dans sa définition (pas ailleurs )
Si la substance est correctement conçue elle a sa raison d'exister en elle même. Sa raisons d'exister est dans la comprehension même de la substance . Il n'y a pas de raison ailleurs ou en autre chose .
Dans le début de la première partie Spinoza dit "cause ou raison" et le plus souvent "raison ou cause" .
Les prop. du début de la prem!ère partie emploie aussi (au sujet des substances ) la cause productive ou efficiente, ce qui trouble un peu la lecture.
La question est très difficile .
D'autant plus difficile qu 'on est pas toujours enclin à admettre que si nous pensons une substance comme devant exister ( sinon ce n'en est pas une) elle existe . L'existence est dans la définition comme les trois angles dans celle du triangle , comme l'étendue dans celle de corps .
Par exemple quand on pense l' idée de Dieu ( le Dieu des monothéistes ) on le pense comme ayant l'existence , sinon ce n'est pas à Dieu qu'on pense . L'existence est dans la définition .
Oui mais on admet pas forcément d' emblée que Dieu existe seulement parce que nous en avons une définition comme existant .
Pas Spinoza . Spinoza tient fermement à la définition .
Si la substance est correctement conçue elle a sa raison d'exister en elle même. Sa raisons d'exister est dans la comprehension même de la substance . Il n'y a pas de raison ailleurs ou en autre chose .
Dans le début de la première partie Spinoza dit "cause ou raison" et le plus souvent "raison ou cause" .
Les prop. du début de la prem!ère partie emploie aussi (au sujet des substances ) la cause productive ou efficiente, ce qui trouble un peu la lecture.
La question est très difficile .
D'autant plus difficile qu 'on est pas toujours enclin à admettre que si nous pensons une substance comme devant exister ( sinon ce n'en est pas une) elle existe . L'existence est dans la définition comme les trois angles dans celle du triangle , comme l'étendue dans celle de corps .
Par exemple quand on pense l' idée de Dieu ( le Dieu des monothéistes ) on le pense comme ayant l'existence , sinon ce n'est pas à Dieu qu'on pense . L'existence est dans la définition .
Oui mais on admet pas forcément d' emblée que Dieu existe seulement parce que nous en avons une définition comme existant .
Pas Spinoza . Spinoza tient fermement à la définition .
marcello a écrit :(...)
Une définition de "cause" qui permettrait de comprendre comment il est possible d'être "cause de soi" clarifierait peut-être la question
Bonjour,
par exemple, le corps humain dans son ensemble est cause qu'il y ait des globules rouges ou autres tissus, c'est parce qu'il y a un équilibre vital global que ces tissus sont ce qu'ils sont, et dans le même temps ils constituent le corps.
Le corps en tant qu'il vit, en tant qu'il est constitution, est cause de soi.
Pour un être fini, cette constitution est partiellement autonome puisque dépendante d'un environnement mais dès lors qu'on parle de l'être infini, d'un être qui a l'existence pour essence, qui comprend en lui tout existant et qui donc ne peut avoir de cause lui échappant, cette Nature qui n'accepte pas de cause "sur-naturelle", alors elle est totale.
La Nature au sens où l'entend Spinoza est véritablement cause de soi, elle est et se fait de l'intérieur, dans l'immanence, absolument autopoïétique pourrait-on dire.
Merci Hokusai et Bardamu.
Je comprends. Mais n'est-ce pas une façon de dire "Elle existe parce qu'elle existe" ?
Et en quoi cela prouve-t-il son existence ?
Pigé. Cette fois-ci l'obstacle est levé de façon brillante et compréhensible quelle que soit la position du lecteur sur "Dieu".
Rendez-vous au prochain obstacle
Si la substance est correctement conçue elle a sa raison d'exister en elle même. Sa raisons d'exister est dans la comprehension même de la substance . Il n'y a pas de raison ailleurs ou en autre chose .
Je comprends. Mais n'est-ce pas une façon de dire "Elle existe parce qu'elle existe" ?
Et en quoi cela prouve-t-il son existence ?
par exemple, le corps humain dans son ensemble est cause qu'il y ait des globules rouges ou autres tissus, c'est parce qu'il y a un équilibre vital global que ces tissus sont ce qu'ils sont, et dans le même temps ils constituent le corps.
Le corps en tant qu'il vit, en tant qu'il est constitution, est cause de soi.
Pour un être fini, cette constitution est partiellement autonome puisque dépendante d'un environnement mais dès lors qu'on parle de l'être infini, d'un être qui a l'existence pour essence, qui comprend en lui tout existant et qui donc ne peut avoir de cause lui échappant, cette Nature qui n'accepte pas de cause "sur-naturelle", alors elle est totale.
La Nature au sens où l'entend Spinoza est véritablement cause de soi, elle est et se fait de l'intérieur, dans l'immanence, absolument autopoïétique pourrait-on dire.
Pigé. Cette fois-ci l'obstacle est levé de façon brillante et compréhensible quelle que soit la position du lecteur sur "Dieu".
Rendez-vous au prochain obstacle
- hokousai
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à Bardamu
Vous ramenez <b>causa sui</b> à la cause efficiente alors que Spinoza distingue la causa sui de l' efficience.
L 'exister n' est pas une chose donc il n'est pas produit.
La substance ne produit pas l' existence car il lui faudrait d'abord exister pour produire. L'existence est antérieure à la cause efficiente.
La raison qui fait que Dieu agit est la même qui fait que Dieu existe.
Et la raison qui fait que Dieu existe est dans<b> la définition</b> de la substance.
On ne peut pas comprendre <b>causa sui</b> à partir des choses singulières fussent-elle autopoiétiques elles ne le sont jamais absolument .Elles n ont pas la raison de leur existence en elles mêmes . Un infiniment grand système n' a pas plus sa raison d'exister nécessairement dans le seul fait de se produire lui même puisqu'il lui faut d'abord exister nécessairement.
S'il doit exister nécessairement on est renvoyé à la causa sui comme raison d' exister.
On comprend<b> causa sui</b> à partir de la troisième définition de l' Ethique. C' est une intellection<b> a priori</b>.
Vous ramenez <b>causa sui</b> à la cause efficiente alors que Spinoza distingue la causa sui de l' efficience.
L 'exister n' est pas une chose donc il n'est pas produit.
La substance ne produit pas l' existence car il lui faudrait d'abord exister pour produire. L'existence est antérieure à la cause efficiente.
La raison qui fait que Dieu agit est la même qui fait que Dieu existe.
Et la raison qui fait que Dieu existe est dans<b> la définition</b> de la substance.
On ne peut pas comprendre <b>causa sui</b> à partir des choses singulières fussent-elle autopoiétiques elles ne le sont jamais absolument .Elles n ont pas la raison de leur existence en elles mêmes . Un infiniment grand système n' a pas plus sa raison d'exister nécessairement dans le seul fait de se produire lui même puisqu'il lui faut d'abord exister nécessairement.
S'il doit exister nécessairement on est renvoyé à la causa sui comme raison d' exister.
On comprend<b> causa sui</b> à partir de la troisième définition de l' Ethique. C' est une intellection<b> a priori</b>.
hokousai a écrit :à Bardamu
Vous ramenez <b>causa sui</b> à la cause efficiente alors que Spinoza distingue la causa sui de l' efficience.
Je ne sais pas où vous avez vu de la cause efficiente (au sens de cause transitive A - > B) dans ce que je disais. L'image développée à partir d'un corps fini a ensuite été corrigée de manière à ce que ce soit compris et il semble que Marcello ait saisi l'idée.
Je vais le dire d'une autre manière, au cas où : ce dont l'essence enveloppe l'existence, est ce qui consiste en toute existence. Ce n'est pas ce qui produit toute existence mais bien ce qui en est constitué (d'où la définition de Dieu : "une substance constituée (constantem) par une infinité d'attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie").
Pour parler aristotélicien, on est plus proche de la cause formelle que de la cause efficiente, ce serait la forme de l'efficience, l'efficience même, laquelle ne se conçoit qu'incarnée, dans les choses même, contrairement à Aristote et son "moteur immobile".
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