Captain-Troy a écrit :7) La sérénité, la souveraineté, l’amusement, le détachement, la jubilation continue, la dissolution de tout ressentiment et de tout regret, la paix sont les indices clairs de la réussite d’un bon « alliage » personnel, résultat d’une bonne fusion ou d’une bonne refonte, d’une « coulée » personnelle de qualité.
oui, tout à fait d'accord. Et cela me semble être très spinoziste, soit dit en passant ...
Captain-Troy a écrit :8) La clairvoyance, la lucidité et la perception nette de la « marionnette » mécanique et dérisoire affleurant sous la peau de l’autre, du robot sous-jacent agitant sa personne, sont également des indices d'un bon équilibre personnel et d'un bonne gestion de sa vie et de son énergie.
pourquoi "dérisoire"?
Captain-Troy a écrit :9) Les notions de « joie », de « désir », de « haine », de « puissance », d’ « action », de « puissance d’action », de « perfection » de l’action, envisagées par Spinoza sont recevables et pertinentes et peuvent encore être aujourd’hui utilisées et exploitées.
Celles de « tristesse », de « genres de connaissance », de « détermination », de "liberté", d’ « augmentation » ou « diminution » de la puissance d’action sont davantage sujettes à caution et semblent avoir été davantage dictées par le temps et par l’histoire trop individuelle du philosophe.
à vrai dire, je crois que les unes ne vont pas sans les autres. En quoi est-ce que tu penses qu'il vaut mieux se méfier de la deuxième série de notions que tu mentionnes ici?
Captain-Troy a écrit :10) La démarche du rire et de la dérision des attitudes réactives, négatives, mécaniques d’autrui ne doivent pas être perçues comme des haines et des agressions.
Ce sont au contraire des antidotes et des aides positives et libératrices des énergies en sclérose et/ou en régression, pour autrui et pour soi-même, pour éviter la contamination de soi-même par l’autre.
Ainsi tourner en dérision les tentatives de blessure par un « Comme moi je n'y ai rien trouvé d'intéressant chez votre Troy » par exemple, ou par un « un certain marin d'eau douce des "mers du sud" » par des rapprochements ridiculisants ou par des caricatures hilarantes ne doit pas être interprétés comme de l’attaque ou de la contre attaque mais comme mais être lu comme un cadeau salutaire aux envoyeurs de ces flèches bien molles.
On pourrait ainsi parodier l’émetteur rageur du « chez votre Troy » en barbon ivre de dépit amoureux d’une des farces de Molière. Ça ouvrirait certainement les consciences et désamorcerait à coup sûr la haine.
je ne pourrais pas être plus d'accord ... et ceci me semble être absolument
fon-da-men-tal, que l'on veuille être spinoziste ou non.
C'est-à-dire, à mon sens c'est déjà le christianisme, dans sa forme "originelle" et donc "révolutionnaire", qui prône ceci.
Ici Spinoza et le Christ se retrouvent donc ... . Autrement dit, il s'agit de ce que Spinoza a pu appeler la
religio vera, la vraie religion, l'essence même de la religion, ce dont il n'y a aucune discussion (au sens de mise en question) possible. Comprendre cela, c'est le début de toute sagesse, et sans cela, aucune sagesse n'est possible.
Aussi faut-il à mon sens dire que le remède spinoziste de la Haine (chez soi-même ou chez l'autre, comme tu le dis bien) commence par bien comprendre ceci (cela a l'air d'être facile, et pourtant la réalité montre amplement qu'il ne suffit pas "d'avoir lu" la Bible ou Spinoza pour l'avoir compris ...). Mais on pourrait dire exactement la même chose du message du Christ ... .
Captain-Troy a écrit :11) La tyrannie du désir est évidemment source de haine, à l’égard des autres et/ou de soi-même. La néantisation du tout désir n’est ni réaliste ni souhaitable.
La sérénité, la souveraineté, l’amusement, le détachement, la jubilation continue, la dissolution de tout ressentiment et de tout regret, la paix évoqués en (7) doivent donner la juste posture par rapport à mon propre désir. Je désire, d’accord, mais je ne suis pas soumis à mon désir : je ne le nie pas, je ne le méprise pas, je ne le crains pas, je ne le rejette pas mais je ne lui suis pas soumis. De même, pas plus que je ne dois nier, mépriser, craindre, rejeter le désir de l’autre, je dois me soumettre à lui.
pour moi ce que Spinoza dit à ce sujet est assez puissant: l'essence de l'homme c'est le Désir ... . On ne s'attendrait peut-être pas à une telle idée chez un philosophe dont on dit qu'il prône un "rationalisme absolu", mais pourtant c'est bel et bien une idée très importante chez lui.
Au lieu de parler de "juste posture", il parle de "juste mesure". Certains désirs peuvent être excessifs, et là ça devient problématique. L'Amour de Dieu jamais ne peut devenir excessif (mais un Amour pour Spinoza n'est pas un désir).
Puis (pour déjà anticiper ce que tu écris à la fin) ce qui me semble être assez original chez Spinoza (au sens où cela vaut la peine de s'y attarder un instant), c'est qu'il distingue désir et soumission. C'est pas tellement la tyrannie du désir qui fait problème, la soumission pour lui s'identifie à la "passion" (au sens de pâtir), et les "Affects-Passions" constituent en effet la source de toute Haine. Mais pas le désir en tant que tel (puisqu'il s'identifie à l'essence même de l'homme, et que cette essence est éternelle et donc toujours vraie, c'est-à-dire toujours une idée adéquate, qui par là même ne peut jamais produire une idée inadéquate telle que l'est la Haine).
Captain-Troy a écrit :12) Il n’y a jamais à adorer l’autre, à le louanger, à l’encenser, à le sacraliser, à le sanctifier, à le glorifier, à le réciter, à imiter l’autre. Il faut éventuellement l’admirer, et encore, à peine, sans perdre de vue ses limites, ses manques et ses failles.
De nouveau, tout à fait d'accord.
Et à moins que je t'aie mal compris, je pense que Spinoza serait lui aussi d'accord. Pensons par exemple aux propositions suivantes:
E4P48:
"
Les affects d'Estime et de Mépris sont toujours mauvais."
(c'est que l'Estime n'est que l'envers du Mépris; les deux sont tout aussi inadéquats)
E3 Définition des Affects 4: l'admiration n'est qu'une "distraction" (
distractio Mentis).
Captain-Troy a écrit :13) Les ruptures, le choix des ruptures, le choix de soi-même-en-rupture semble bénéfiques à la valorisation, à une refonte de qualité et à la solidité de soi.
je ne suis pas tout à fait certaine de bien comprendre à quoi tu réfères. Si tu veux dire que l'homme n'est pas un être fait "une fois pour toutes", qu'il n'y a pas une continuité absolue entre qui on était hier et qui on est aujourd'hui: tout à fait d'accord.
Je crois que le spinozisme nous permet de penser cette évolution par rupture de manière assez nouvelle, mais il faut dire qu'à ce sujet tous les commentateurs ne sont pas d'accord, donc laissons de côté Spinoza en ce qui concerne l'idée de rupture.
A bientôt pour quelques réflexions par rapport à ton dernier message,
L.