Messagepar Vanleers » 11 août 2014, 11:01
A Alexandre_VI
Suivre la raison est-il un idéal ?
Spinoza écrit dans le scolie d’E IV 18 :
« Comme la raison ne demande rien contre la nature, c’est donc elle-même qui demande que chacun s’aime lui-même, recherche son utile, ce qui lui est véritablement utile, et aspire à tout ce qui mène véritablement l’homme à une plus grande perfection, et, absolument parlant, que chacun s’efforce, autant qu’il est en lui, de conserver son être. »
On demandera alors : « Qu’est-ce que la raison ? » Spinoza répond :
« Mais l’essence de la Raison n’est rien d’autre que notre Esprit en tant qu’il comprend clairement et distinctement » (E IV 26 dém.)
Citons maintenant les définitions 1 et 2 d’E IV :
« Par bien, j’entendrai ce que nous savons avec certitude nous être utile.
Et par mal, ce que nous savons avec certitude nous empêcher de posséder un bien. »
J’assimile « savoir avec certitude » à « comprendre clairement et distinctement ».
Autrement dit, c’est la raison qui détermine ce qui, pour nous, est véritablement un bien ou un mal.
Ceci me fait revenir à votre citation de Spinoza dans la lettre à Blyenbergh :
« Et celui qui verrait clairement qu'en commettant des crimes, il vivrait mieux, autrement dit qu'il jouirait d'une essence meilleure et plus parfaite qu'en suivant la vertu, il serait un idiot lui aussi s'il ne les faisait pas. Car les crimes, pour une nature humaine à ce point pervertie, seraient des vertus. »
Voir clairement qu’en commettant des crimes, ce serait vivre mieux, ce serait faire usage de la raison mais nous avons vu, en E IV 37 que le bien auquel le criminel aspirerait, il le désirerait aussi pour tous les autres hommes, ce qui est une contradiction.
Dans sa réponse à Blyenbergh, Spinoza fait donc état d’un cas d’école, d’un cas limite qui, en réalité, ne peut exister, en tout cas qui ne peut exister dans son système.
Le criminel ne saurait être dit vivre sous la conduite de la raison. Il agit donc selon ses passions. Or :
« En tant qu’ils sont en proie à des affects qui sont des passions, les hommes peuvent être contraires les uns aux autres » (E IV 34)
A l’inverse :
« C’est en tant seulement qu’ils vivent sous la conduite de la raison, que les hommes nécessairement conviennent toujours en nature. » (E IV 35)
Bien à vous