Bonsoir à tous,
Petite incursion complémentaire sur ce fil, dont je distrais de ma lecture les interventions non pacifiées, pour exprimer mon impression que les discordances n'en sont peut-être pas (problèmes de définitions comme dit Durtal) ou relèvent d'une erreur d'interprétation (ma subjectivité) de la pensée spinoziste.
En préambule, je me permets de rappeler E2P2.
Spinoza a écrit :Le Corps ne peut déterminer l'Esprit à penser, ni l'Esprit déterminer le Corps au mouvement, ni au repos, ni à quelque chose d'autre.
Certains petits scénarios fournis en exemple, comme je l'ai laissé entendre, me paraissent contredire cette proposition (applicative de E2P7), dans la mesure où leur relation insère des phases réflexion à des phase action (au sens courant du terme et non spinoziste).
Or, la mécanique humaine spinoziste est d'abord celle d'enchaînements répliqués ou mimétiques, propres à chacun (E3P56D et S), préformés en nous (E2P13 - Postulat V) à partir des lois de l'Habitude, du Désir et de la Mémoire.
Ceci précisé, il me semble que la théorie Spinoziste des affects repose, quoiqu'on en veuille, sur la distinction entre les trois affects de base (Désir, Joie, Tristesse) et tous les autres, nonobstant le fait que ces derniers soient construits à partir d'une combinatoire des trois premiers à laquelle s'ajoute toujours l'idée d'une cause (c'est-à-dire d'une chose) ou d'une chose (c'est-à-dire d'une cause).
Ces affects doivent donc, de mon point de vue, être mis en jeu selon des principes et des séquences différents.
De quel ordre ?
1/ J'assimile les premiers à ce que j'appellerai, par métaphore, des
variables d'état, ou des données bilantielles.
En effet, le Désir est notre Potentiel, ou plutôt, puisque ce terme est proscrit par certain(e)s, notre Energie Interne, ou notre Capital.
Quant aux deux autres, comme il ressort clairement de E3 -Définition des affects II et III, ils sont un
passage, ce que Spinoza renchérit bien en début d'explication, autrement dit ils correspondent à la variation de la variable d'état (ou à l'écart des bilans).
Autrement dit : en tant que passage, ils représentent un
gradient, donc un phénomène conscient, le phénomène conscient étant issu de "l'arrêt image" que nous faisons à un instant donné de l'évolution de notre puissance.
2/ Les seconds sont des variables de comportement ou d'action, lesquels, du fait de leur corrélat chose (cause), résultent d'enchaînements qui interviennent dans l'ordre des choses (causes), selon des lois explicitées par Spinoza, mais personnalisées par l'histoire personnelle de chacun.
Or, comme j'ai essayé de le rappeler, les enchaînements des variables comportementales (d'où l'intérêt de la critique de Captain-Troy) ne peuvent être "interrompus" par des processus réflexifs (des arrêts bilan) avant de s'être arrêtés, et c'est quand l'arrêt est possible (et il sera variable selon chaque personne), que le bilan pourra être tiré, c'est-à-dire le constat Joie/Tristesse devenir opérationnel (d'où la justesse de la remarque d'Hokousai du 06/11).
Bien entendu également, ce bilan pourra lui-même être revisité, après réflexion qui en corrigera le premier temps.
Exemple : je me promène avec un de mes petits enfants, dont je tiens la main (satisfaction) sur un trottoir étroit (vigilance), il m'échappe (bouffée d'Adrénaline - peur), une voiture passe (panique), un piéton plus alerte et plus prôche se précipite (espoir), le rattrappe (soulagement), et me le ramène (soulagement). A aucun moment de cette chaîne la Tristesse Spinoziste n'a pu apparaître car le Corps seul a agi (au sens courant rappelé plus haute) et mes états de conscience n'ont été que le corrélat (E2P7) des actions de mon Corps.
Mais au terme de cet épisode "phénoménal", de cette tranche de Durée, un bilan intervient qui provoque la Joie. (je suis bien passé d'un Etat 1 à un Etat 2).
Quelques minutes ou heures plus tard, d'autres choses (causes), conscientes ou non, vont se réenchaîner, plus ou moins à mon insu, et je suis susceptible de refaire un nouveau bilan, tiré du même épisode, aggrémenté des réflexions ultérieures, qui me conduira peut-être à un affect de Tristesse.
Quelle que soit la situation, le même enchaînement des faits produira des enchaînements d'action/réaction différents, en fonction de l'histoire de chacun, de son entraînement à la situation rencontrée, de sa préparation à la situation rencontrée, etc.
Ce qui signifie que, selon chacun, le processus automatisme/arrêt bilan sera totalement différent : le chasseur entraîné versus le débutant ; l'arrière d'une équipe de rugby chevronné versus le débutant ; la première garde à vue ou mise en accusation versus l'habitué ; etc.
Enfin, rappelons que, pour Spinoza, les processus du corps social sont de même nature que ceux individuels. Cette analyse peut donc être poursuivie.
Amicalement