Et pendant ce temps-là, à la même heure, tout là-bas...

Questions et débats d'ordre théorique sur les principes de l'éthique et de la politique spinozistes. On pourra aborder ici aussi les questions possibles sur une esthétique spinozienne.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 08 nov. 2009, 04:12

Hokousai a écrit :
louisa a écrit :
Je ne me sens aucunement "manipulée"


C'est évidemment !! En général et en particulier quand c'est bien fait on ne sent rien .


mais alors comment le savoir...? Comment savoir que c'est Captain-Troy qui me manipule et pas vous par exemple, puisque dans les deux cas je ne sens rien qui y ressemble ... (question non rhétorique)?

Et comment expliquer que lorsque c'est bien fait on ne sent rien, vous sentez tout de même quelque chose ... ? Alors est-ce "bien fait" ou non ... ?

Ou faudrait-il dire qu'une fois qu'un de vos pseudos a été bloqué et que vous reprenez le débat avec un autre pseudo en ré-expliquant d'une façon plus compréhensible les mêmes idées, on peut déjà vous déclarer "pervers" sans problème ... ?

Hokousai a écrit :Comme moi je n'y ai rien trouvé d'intéressant chez votre Troy , que des banalités (et encore ça a du lui donner la migraine )...


c'est précisément parce que ce sont des banalités que je suis certaine que beaucoup d'intervenants sur ce forum sont d'accord avec ce qu'il dit: il ne faut pas être triste pour haïr quelqu'un, et lorsqu'on est en colère, en général on n'est pas triste.

Ils seront aussi d'accord avec son objection à ma réponse: j'ai dit que Spinoza redéfinit la Tristesse, la Colère et la Haine, et cela d'une telle façon que la Haine devient une sorte de Tristesse, et Captain-Troy m'a répondu qu'il ne voit pas en quoi consisterait le sens ou l'utilité d'une telle redéfinition. Que par ailleurs il veuille me manipuler ou non, cette objection au spinozisme était une objection tout à fait valide et importante, et on peut la faire pour n'importe quelle définition spinoziste. Donc il va de soi que si l'on s'intéresse à Spinoza, il faut pouvoir répondre à de telles objections, ou au moins essayer. Sinon le spinozisme devient une religion ou un dogmatisme comme un autre, à prendre ou à laisser. Ce ne serait tout de même pas très "raisonnable", non ... ?

Hokousai a écrit :je vais aller voir ailleurs .
C'est clair .


dommage.

Cordialement,
L.

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Messagepar captain-troy » 08 nov. 2009, 10:05

hokousai a écrit :
je vais aller voir ailleurs .
C'est clair .

hokousai


Oui, ce serait dommage, mais l'exemple des adieux à la scène à répétition des divas me rassure et je sûr que nous reverrons rapidement notre ami, y compris dans cette discussion où je concentre pour l'instant mes réflexions et mes échanges.

hokousai a écrit :à Louisa
Je ne me sens aucunement "manipulée"
.
C'est évidemment !! En général et en particulier quand c'est bien fait on ne sent rien .


Là je ne suis pas trop d'accord et je trouve qu'il y a à nouveau ici du mépris et une condescendance assez insultante à l'égard de Louisa qui se ferait "manipuler" et dont les qualités, l'intelligence, la gentillesse, l'humour, l'ouverture et l'indépendance d'esprit ne méritent pas un tel traitement.
On la qualifierait carrément de buse, ce ne serait pas pire !
Si réellement je m'amusais à la balader, elle le sentirait tout de suite et ne se priverait pas de me le faire savoir, avec l'humour et la courtoisie qui la caractérisent.
Je sais bien qu'elle n'a besoin de personne pour se défendre mais je tenais quand même à dire ça et à lui témoigner ainsi mon respect et mon amitié.

Troy

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Messagepar DGsu » 08 nov. 2009, 10:45

Bonjour à toute et tous,

Hokousai a écrit : la vague d 'Hokusai peut être interprété comme une illustration de la peur .


Bien sûr! Je l'avais d'abord envisagée comme l'expression de la magnifique puissance de la nature et de la supériorité de sa part océanique sur sa part humaine. Quelle belle vague tout de même, quoique les petits navigateurs semblent vraiment terrifiés. Ma réflexion faisait aussi référence aux messages qui précédaient tout juste.

Enegoid a écrit :Vraies questions, mais il me semble que vous jetez un peu vite le bébé de la tristesse avec l’eau de la peur ou de la colère.

Durtal a écrit :En gros, c'est un problème de définition....

Louisa a écrit :je crois effectivement que c'est un problème de définition. Si ce n'en était pas un, pourquoi Spinoza aurait-il inventé une toute nouvelle définition de la tristesse, de la haine, de la colère etc. .. ?

Nous sommes donc d'accord sur ce point... et pour ajouter que jusqu'ici l'affirmation de Captain-troy n'est pas vraiment aussi convaincante (sans être nulle, je répète) qu'elle n'y paraît.

Louisa a écrit :je crois qu'il faut en effet dire que la Générosité spinoziste implique nécessairement d'essayer de "répandre la raison", comme vous le dites.

Là-dessus nous nous accordons, et sur l'aspect agréable et joyeux de l'activité, sur le fait qu'il ne s'agit en aucun cas de répandre une doctrine mais plutôt un mode de réflexion ou de remise en question, voire de sa nécessité absolue. Mais à nouveau cette objection sous forme de citation:

Georges a écrit :Mourir pour des idées d'accord, mais de mort lente.


Il est bien de répandre la raison mais à quel prix ? Et là je reviens sur la question du lien entre idées et porteurs d'idées, du mélange courant que cela engendre et surtout de l'immense haine que cela ne manque pas de susciter.

Louisa a écrit :Et si vous pensez à des situations que nous vivons régulièrement, pourriez-vous peut-être en donner un exemple, qui permettrait de mieux comprendre de quoi il s'agit plus précisément?


Je pense à des situations où sans frôler la mort proprement dite, je suis confronté à un danger qui peut me déséquilibrer au point de laisser des traces durables. Un danger contre lequel il ne suffit pas d'opposer la bienveillance et de proposer une jolie éthique de la communication (cfr Habermas et Rawls). Ce serait faire fi de tout ce qu'il y a d'inconscient dans nos modes de communication, voir de pervers (j'y arrive pour la suite), même si l'imagination y prend une part importante. Je doute que des exemples soient nécessaires, nous en vivons régulièrement.

Hokousai a écrit :La perversion est à l'origine le fait de détourner de l'orientation de base, de la cause commune ou des logiques naturelles.
(accusation)
Captain-troy a écrit :J'archive cependant tout de suite vos précieux propos et je les garde au frais. Ils prendront certainement de la valeur un jour.
(menaces ?)
Hokousai a écrit : Vous êtes d' une très grande générosité , et,ce qui de bonne guerre, il a su l'utiliser . Je n'apprécie pas le procédé .On est dans la manipulation pure et simple .

Louisa a écrit :
Hokousai a écrit :Si Korto a changé ( mentalement ) qu'il le montre . Je jugerai sur pièce .
encore une fois, je ne vois pas l'utilité de tels jeux.

... bon je peux continuer comme ça longtemps, je m'arrête.

Sans vouloir en faire une obsession, je ne pense pas que la question soit si inintéressante que cela. D'abord parce qu'elle interroge aussi nos manières de communiquer, de même que la haine et l'imagination qui y sont associées. D'où la nature auto-référentielle assez prononcée de ce fil.

Quant à l'exclusion et la partie de la charte qu'y se réfère aux règles de communications sur ce forum, je dirais qu'il n'est pas tellement habituel (dans aucun forum que j'ai fréquenté) de laisser un internaute banni se réinscrire sous un autre nom. Ce n'est pas le pseudo qui est banni, c'est l'internaute qui se trouve derrière. L'idée n'est pas ici de décider si Korto est effectivement Captain-troy (ça ne se décide pas, ça se prouve), ni s'il s'est assagi, mais 1. si la réinscription est effectivement autorisée 2. si les propos eux-mêmes sont intéressants. Or, preuve en est qu'ils le sont un peu puisque nous parvenons tout de même à en échanger à leur suite. Et cela même si Hokousai en trouve une bonne part sans intérêt, ce qui n'est pas mon cas ni surtout celui de Louisa, sans que l'on doive pour autant en conclure que cela provient exclusivement d'une manipulation (d'ailleurs, je ne pas retire pas un seul mot de ce que j'ai écrit précédemment dans ce fil.)

Et maintenant, je fais référence à ce que j'ai écrit dans une de mes premières réponses à Louisa mais qui n'avait pas été relevé: la possibilité que la haine ou l'amour soient partiellement feints lorsqu'on communique. Doit-on considérer qu'une communication est totalement sincère ? Ou est-ce que la question est sans intérêt ? Ou conduit-elle à cette psychologisation que nous tentions d'éviter ?

On peut parler de "manipulation" (il en avait déjà été question il y a quelques mois) comme le fait Hokousai mais aussi de "communication perverse", et pas dans un sens moral mais dans un sens fonctionnel. J'énonce ici sans crainte une banalité: à moins d'échanger des théorèmes et des démonstrations mathématiques, ne sommes-nous pas tous dans une certaine mesure (et inconsciemment) en train d'utiliser des modes de communication qui tendent à entraîner l'autre dans son propre mode de pensée ? Ici, qui (ne) manipule (pas) qui ?

Ce qui m'intéresse plus que de savoir qui est pervers, qui l'est plus ou l'est moins, c'est de savoir si l'on peut combiner ce mode de communication courant avec les concepts spinozistes et comment.

Hokousai a écrit :je vais aller voir ailleurs .

Oh non! Que c'est dommage!!!!

Bonne journée. DG

P.S. et il faudrait également s'étendre sur le long et intéressant message d'Enegoid... :wink:
"Ceux qui ne bougent pas ne sentent pas leurs chaînes." Rosa Luxemburg

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Messagepar captain-troy » 08 nov. 2009, 11:01

DGsu a écrit :Et maintenant, je fais référence à ce que j'ai écrit dans une de mes premières réponses à Louisa mais qui n'avait pas été relevé: la possibilité que la haine ou l'amour soient partiellement feints lorsqu'on communique. Doit-on considérer qu'une communication est totalement sincère ? Ou est-ce que la question est sans intérêt ? Ou conduit-elle à cette psychologisation que nous tentions d'éviter ?


Bonjour DGsu,
à la lecture de votre intéressant message, il me vient quelques questions :

Feindre l'amour ou la haine, est-ce déjà de l'amour ou de la haine ? Est-ce encore de l'amour ou de la haine ?

Laisser transparaître des signes d'amour ou de haine, est-ce assurément la preuve d'un amour ou d'une haine ?

Comme l'indiquait Sinusix dans l'exemple de l'attitude de fuite qui engendrerait l'affect de peur, l'attitude d'amour ou de haine engendre-t-il l'amour ou la haine ?

Et Spinoza dit-il quelque chose là-dessus ?

Troy

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Re: ET PENDANT CE TEMPS-LÀ, À LA MÊME HEURE, TOUT LÀ-BAS...

Messagepar captain-troy » 08 nov. 2009, 11:16

captain-troy a écrit :Les chinois restalinisaient et réesclavagisaient le monde, les africains se découpaient en lambeaux, les islamistes fétichistes et haineux explosaientr les résidus de la démocratie et de l'occident, les écologistes et les scientologistes recolonisaient les temples vides et les églises désertées, les maffias répandaient allègrement la drogue, la pornographie et la prostitution chez les enfants, des crétins hallucinés choquaient désespérément les poitrines de Marx, Spinoza et Bouddha pour réanimer des cadavres putrides, des gauchistes black blockistes balançaient des parpaings sur les trains et saccageaient Poitiers, Internet et les écoles répandaient l'analphabétisme et la pensée infra-sauvage, des millions d'affamés déterraient des immondices pour s'emplir l'estomac tandis que les NMPP de la CGT défendaient des privilèges dépassés, les banquiers tiraient leurs derniers marrons du feu, les artistes prostituaient des œuvres insignifiantes pour des subventions et des pensions d'ancien régime, les clercs se pâmaient devant la marionnette noire d'un président nobélisé et impuissant et se prosternaient devant des rappeurs maquereaux et assassins...


En relisant cette liste de problèmes contemporains qui m'étaient rapidement venus d'inctinct et qui me semblaient par trop négligés par la réflexion philosophique, je m'aperçois que nombre d'entre eux pouvaient être reliés directement à un problème de haine (les black blocks), d'autres à un problème de peur (les privilèges des NMPP) ou de conformisme peureux et opportuniste (clercs et artistes).

En travaillant sur la chaîne peur-colère-angoisse-haine (affects réflexifs et/ou réciproques), nous sommes bien dans le sujet.
Merci !

Enegoid
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Messagepar Enegoid » 08 nov. 2009, 11:26

Troy a écrit :Il eût peut-être été plus agréable, plus humain et plus enrichissant, pour ces dernières minutes de vie, de jouer au crac-crac. Enfin moi je le vois comme ça, puisque vous voulez qu'on en parle. Question de dispositions, de goût et de tempéramment sans doute...

Certes. Humour un peu facile, je trouve. Mais voulez-vous dire que si nous jouions à crac crac au lieu de faire du tric trac (cad « nous occuper à d’obscurs problèmes de traduction… »), vous n’auriez pas adressé votre discours enflammé sur l’état du monde ?
Et puis quand même on ne peut pas faire crac crac sur un forum électronique, voyons ! Forum électronique auquel vous participez d’ailleurs…malgré l’état du monde, comme phiphilo tentait de faire de la philosophie en un lieu où il déclarait lui-même que c’était impossible.


Qu'elle existe ou pas, on s'en fout un peu. Encore une fois, c'est un épiphénomène de peu de conséquence, extrêmement variable chez l'un et chez l'autre selon le degré de maturité par exemple, selon l'expérience, selon la fatigue ou l'état physique etc...
Par contre, la colère et la haine dans votre exemple seront premières, générales et universelles, de le jeune fille à la petite vieille, de l'étudiant timide au professeur retraité acariâtre, du camionneur à l'intellectuelle, et elles seront porteuses de conséquences riches, de verbalisations, d'actions etc...

« On s’en fout un peu » ? Pas d’accord, du moins en ce qui me concerne. Spinoza produit une analyse des affects. Vous en proposez une autre. Quelle est la plus « opérationnelle » ? Là est l’enjeu.
Si, par exemple, la colère est, comme le dit Spinoza, « un désir produit par une haine (=tristesse pour lui)", et si il est plus facile d’agir sur sa tristesse que sur son désir, alors la distinction désir/tristesse est intéressante. Mais vous, tout ce que vous dites c’est que la colère est première (cad non analysable) et universelle. D’accord, c’est la violence ordinaire (faites nous la grâce de savoir) Et après ?


A Hokousai
Hokousai a écrit :Si vous voyez ce que je veux dire , car je n'ai pas de représentation visuelle de la manœuvre à vous montrer


Je ne vois pas ce que vous voulez dire.
Dieu modifié en Allemands a tué Dieu modifié en dix mille Turcs...

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Messagepar captain-troy » 08 nov. 2009, 12:03

Enegoid a écrit :
Troy a écrit :Il eût peut-être été plus agréable, plus humain et plus enrichissant, pour ces dernières minutes de vie, de jouer au crac-crac. Enfin moi je le vois comme ça, puisque vous voulez qu'on en parle. Question de dispositions, de goût et de tempéramment sans doute...

Certes. Humour un peu facile, je trouve. Mais voulez-vous dire que si nous jouions à crac crac au lieu de faire du tric trac (cad « nous occuper à d’obscurs problèmes de traduction… »), vous n’auriez pas adressé votre discours enflammé sur l’état du monde ?


Oui... Bon... D'accord... On peut sourire un peu, non ? C'est hors-charte ?
Quoique le crac-crac peut parfois éclairer davantage les consciences que ce tric-trac à coup de dés-finitions ! :-)

Enegoid a écrit :« On s’en fout un peu » ? Pas d’accord, du moins en ce qui me concerne. Spinoza produit une analyse des affects. Vous en proposez une autre. Quelle est la plus « opérationnelle » ? Là est l’enjeu.
Si, par exemple, la colère est, comme le dit Spinoza, « un désir produit par une haine (=tristesse pour lui)", et si il est plus facile d’agir sur sa tristesse que sur son désir, alors la distinction désir/tristesse est intéressante. Mais vous, tout ce que vous dites c’est que la colère est première (cad non analysable) et universelle. D’accord, c’est la violence ordinaire (faites nous la grâce de savoir) Et après ?


Intéressant. Ça m'amène à me demander soudain si le problème avec Spinoza ce n'est pas cet "homme" qu'il nous a fabriqué, sans doute un peu à son image, qui n'est pas "très" universel ni "très" complet (rire? humour? esthétique? sens du sacré et du mythe? part de "souplesse" et d'imprévisibilité bergsonniennes?...).
Pas totalement faux et opposé à la réalité bien sûr mais un peu trop "tué" et reconstruit théoriquement, mathématiquement, mécaniquement.
Un homme Frankensteinien à l'image d'un monde également artificiellement reconstruit, ou l'inverse.
Une quête prométhéenne du chiffre d'or et d'un ADN géométrique capables de reproduire la vie et l'humanitude et ... Dieu, à volonté.
Un homme-monde robot redéfini sur lequel Spinoza fait tout reposer et appuie toute sa pensée.
Un monde assis sur des formules ?
Ça, ça me gène un peu et surtout ça cloche souvent. Les "pansements" de "l'intuition" et de la multiplication des "genres" de connaissance l'attestent et indiquent aussi un certain cousinage, finalement, avec une certaine alchimie.

Troy

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Messagepar Louisa » 08 nov. 2009, 15:39

Captain-Troy a écrit :Intéressant. Ça m'amène à me demander soudain si le problème avec Spinoza ce n'est pas cet "homme" qu'il nous a fabriqué, sans doute un peu à son image, qui n'est pas "très" universel ni "très" complet (rire? humour? esthétique? sens du sacré et du mythe? part de "souplesse" et d'imprévisibilité bergsonniennes?...).
Pas totalement faux et opposé à la réalité bien sûr mais un peu trop "tué" et reconstruit théoriquement, mathématiquement, mécaniquement.
Un homme Frankensteinien à l'image d'un monde également artificiellement reconstruit, ou l'inverse.
Une quête prométhéenne du chiffre d'or et d'un ADN géométrique capables de reproduire la vie et l'humanitude et ... Dieu, à volonté.
Un homme-monde robot redéfini sur lequel Spinoza fait tout reposer et appuie toute sa pensée.
Un monde assis sur des formules ?
Ça, ça me gène un peu et surtout ça cloche souvent. Les "pansements" de "l'intuition" et de la multiplication des "genres" de connaissance l'attestent et indiquent aussi un certain cousinage, finalement, avec une certaine alchimie.


Bonjour Captain-Troy,

je crois qu'ici on touche effectivement à l'essentiel.

Personnellement je dirais que l'homme, ou plutôt le modèle d'homme (exemplar) dont parle Spinoza, n'est absolument pas universel, et vraiment une création ou une invention, même si on peut tous voir, comme tu le dis bien, que ce qu'il en dit n'est pas tout à fait opposé à la réalité. Pour autant que je sache, jamais il ne prétend que ce modèle correspond à quelque chose qui pré-existe déjà tel quel dans la nature, il dit bien plutôt qu'il va essayer de créer une idée d'homme qui nous permet de nous y approcher toujours davantage, et qui en même temps à la force de nous convaincre de l'intérêt de ce faire.

On pourrait penser à la distinction que Heidegger trouve déjà chez Platon, et qui se trouve dans les deux sens qu'on peut attribuer à la formule adaequatio rei et intellectus.

La manière dont la majorité des Occidents conçoivent depuis quelques siècles la science, implique que les théories scientifiques seraient des idées qui sont "adéquates à" la réalité, qui bien sûr pré-existe à ces idées. La science a pour but de produire des théories qui ont cette capacité-là.

En éthique et politique, en revanche, déjà chez Platon les choses sont exactement le contraire: ici il s'agit d'inventer des idées de la "vie bonne" ou de la "cité juste", sachant que cette vie bonne ou cité juste n'existent nulle part déjà là toutes faites. Une fois inventées, il faut essayer de rendre la réalité ou les choses adéquates à ces idées. D'ailleurs, tester la valeur de ces idées n'est rien d'autre que cela: les prendre comme moyen, comme instrument pour construire ("artificiellement", si tu veux) notre vie (en effet, rien de plus artificiel qu'une cité), puis voir ce que cela donne (enfin, faut essayer quelque temps tout de même .. :D ).

A mon sens la démarche spinoziste s'inscrit entièrement dans le deuxième sens de l'adéquation des choses et de l'intellect (d'ailleurs sa théorie de vérité abandonne tout à fait le premier sens, tout comme le fait aujourd'hui la philosophie des sciences (Latour par exemple) mais c'est un autre sujet). Cela signifie que toute tentative de comparer ce que Spinoza dit de l'homme dans le modèle qu'il en construit, et ce que nous on pense d'habitude être l'homme, ne peut que foirer. Pourtant, je ne pense pas exagérer si je dis que plus que la moitié des discussions que nous avons eues depuis quelques mois sur ce forum essaient de faire exactement cela: on essaie de créer une "adéquation" entre d'une part le texte spinoziste ou l'homme spinoziste et d'autre part la façon dont on pense soi-même l'homme, et lorsque cela ne marche pas, on se dit qu'on doit avoir mal lu Spinoza.

C'est pourquoi je pense qu'au fond (mais il va de soi que je peux me tromper) la question que tu poses ici, ou l'objection que tu formules ici, est présente, de manière explicite ou implicite, chez une grande partie des visiteurs de ce forum (et encore plus en dehors du forum, d'ailleurs). C'est même la réponse à cette objection qui permet d'"entrer" en philosophie ou non, raison pour laquelle ce que tu dis ici me semble être si important.

Enfin, dire cela ce n'est bien sûr pas dire grand-chose. J'ai déjà essayé de le dire pas mal de fois sur ce forum, et le dire comme ça cela n'a strictement aucun effet. C'est pourquoi je crois que la façon dont on aborde la question dans ce fil pourrait être intéressante, car on part d'un constat d'une chose problématique et qu'on ne peut nier (la "misère du monde", et l'écart entre celle-ci et une certaine manière de philosopher), on essaie de penser un "remède" à la haine, et on compare ensuite ce remède au remède spinoziste, sachant que de prime abord, ce remède semble être assez absurde (puisqu'il faut notamment identifier tristesse et haine alors qu'on sait tous que dans la vie courante l'un n'a pas grand-chose à voir avec l'autre).

Pour ma part, j'essayerai d'expliciter davantage en quoi je pense que ce qui a l'air d'être absurde pourrait néanmoins nous être fort utile. Je reviendrai pour ce faire sur l'un de tes derniers messages où tu expliques davantage le schéma de la haine qui part de l'idée qu'elle est causée par la peur, et avant cela peut-être d'abord un instant sur les "exercices pratiques" proposés par Enegoid.
A bientôt,
L.

PS: merci à DGsu pour les questions et remarques intéressantes, j'y reviens. En attendant, peut-être déjà juste ceci. Si vous pensez qu'il y a quelque chose comme une "haine feinte", croyez-vous qu'il y a moyen de la penser en des termes proprement spinozistes? Si oui, comment (je le demande simplement parce que moi-même je ne vois pas trop comment intégrer cette idée dans le spinozisme)? On pourrait par exemple penser à ce que Spinoza dit de la promesse dans le Traité Politique: lorsque deux personnes promettent de faire quelque chose, ou rédigent même un contrat, on ne peut pas dire à l'autre qu'il a menti ou qu'il n'était pas sincère si par après à un certain moment il ne fait plus ce qu'il avait promis, puisque une promesse pour Spinoza ne tient qu'aussi longtemps que celui qui l'a faite pense que cela a plus d'intérêt pour lui de la respecter que de ne pas la respecter. Si donc il la respecte pendant un certain temps, et après plus, on ne peut rien dire d'autre qu'entre-temps ce qui est intéressant/utile pour la personne a changé. Bref, ceci n'est qu'un exemple, mais il me semble que Spinoza évacue de manière assez radicale tout le discours de la sincérité et du mensonge (qui d'ailleurs ne sont que des variantes sur la notion d'intention, notion qui nous vient de la théologie médiévale et qu'on a entre-temps intégré dans notre langage ordinaire) de sa pensée éthique et politique, non ... ?

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Messagepar Sinusix » 08 nov. 2009, 18:57

Bonsoir à tous,

Petite incursion complémentaire sur ce fil, dont je distrais de ma lecture les interventions non pacifiées, pour exprimer mon impression que les discordances n'en sont peut-être pas (problèmes de définitions comme dit Durtal) ou relèvent d'une erreur d'interprétation (ma subjectivité) de la pensée spinoziste.
En préambule, je me permets de rappeler E2P2.

Spinoza a écrit :Le Corps ne peut déterminer l'Esprit à penser, ni l'Esprit déterminer le Corps au mouvement, ni au repos, ni à quelque chose d'autre.


Certains petits scénarios fournis en exemple, comme je l'ai laissé entendre, me paraissent contredire cette proposition (applicative de E2P7), dans la mesure où leur relation insère des phases réflexion à des phase action (au sens courant du terme et non spinoziste).
Or, la mécanique humaine spinoziste est d'abord celle d'enchaînements répliqués ou mimétiques, propres à chacun (E3P56D et S), préformés en nous (E2P13 - Postulat V) à partir des lois de l'Habitude, du Désir et de la Mémoire.

Ceci précisé, il me semble que la théorie Spinoziste des affects repose, quoiqu'on en veuille, sur la distinction entre les trois affects de base (Désir, Joie, Tristesse) et tous les autres, nonobstant le fait que ces derniers soient construits à partir d'une combinatoire des trois premiers à laquelle s'ajoute toujours l'idée d'une cause (c'est-à-dire d'une chose) ou d'une chose (c'est-à-dire d'une cause).
Ces affects doivent donc, de mon point de vue, être mis en jeu selon des principes et des séquences différents.
De quel ordre ?

1/ J'assimile les premiers à ce que j'appellerai, par métaphore, des variables d'état, ou des données bilantielles.
En effet, le Désir est notre Potentiel, ou plutôt, puisque ce terme est proscrit par certain(e)s, notre Energie Interne, ou notre Capital.
Quant aux deux autres, comme il ressort clairement de E3 -Définition des affects II et III, ils sont un passage, ce que Spinoza renchérit bien en début d'explication, autrement dit ils correspondent à la variation de la variable d'état (ou à l'écart des bilans).
Autrement dit : en tant que passage, ils représentent un gradient, donc un phénomène conscient, le phénomène conscient étant issu de "l'arrêt image" que nous faisons à un instant donné de l'évolution de notre puissance.
2/ Les seconds sont des variables de comportement ou d'action, lesquels, du fait de leur corrélat chose (cause), résultent d'enchaînements qui interviennent dans l'ordre des choses (causes), selon des lois explicitées par Spinoza, mais personnalisées par l'histoire personnelle de chacun.

Or, comme j'ai essayé de le rappeler, les enchaînements des variables comportementales (d'où l'intérêt de la critique de Captain-Troy) ne peuvent être "interrompus" par des processus réflexifs (des arrêts bilan) avant de s'être arrêtés, et c'est quand l'arrêt est possible (et il sera variable selon chaque personne), que le bilan pourra être tiré, c'est-à-dire le constat Joie/Tristesse devenir opérationnel (d'où la justesse de la remarque d'Hokousai du 06/11).
Bien entendu également, ce bilan pourra lui-même être revisité, après réflexion qui en corrigera le premier temps.
Exemple : je me promène avec un de mes petits enfants, dont je tiens la main (satisfaction) sur un trottoir étroit (vigilance), il m'échappe (bouffée d'Adrénaline - peur), une voiture passe (panique), un piéton plus alerte et plus prôche se précipite (espoir), le rattrappe (soulagement), et me le ramène (soulagement). A aucun moment de cette chaîne la Tristesse Spinoziste n'a pu apparaître car le Corps seul a agi (au sens courant rappelé plus haute) et mes états de conscience n'ont été que le corrélat (E2P7) des actions de mon Corps.
Mais au terme de cet épisode "phénoménal", de cette tranche de Durée, un bilan intervient qui provoque la Joie. (je suis bien passé d'un Etat 1 à un Etat 2).
Quelques minutes ou heures plus tard, d'autres choses (causes), conscientes ou non, vont se réenchaîner, plus ou moins à mon insu, et je suis susceptible de refaire un nouveau bilan, tiré du même épisode, aggrémenté des réflexions ultérieures, qui me conduira peut-être à un affect de Tristesse.

Quelle que soit la situation, le même enchaînement des faits produira des enchaînements d'action/réaction différents, en fonction de l'histoire de chacun, de son entraînement à la situation rencontrée, de sa préparation à la situation rencontrée, etc.
Ce qui signifie que, selon chacun, le processus automatisme/arrêt bilan sera totalement différent : le chasseur entraîné versus le débutant ; l'arrière d'une équipe de rugby chevronné versus le débutant ; la première garde à vue ou mise en accusation versus l'habitué ; etc.

Enfin, rappelons que, pour Spinoza, les processus du corps social sont de même nature que ceux individuels. Cette analyse peut donc être poursuivie.

Amicalement

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Louisa
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Messagepar Louisa » 08 nov. 2009, 19:38

Sinusix a écrit :Exemple : je me promène avec un de mes petits enfants, dont je tiens la main (satisfaction) sur un trottoir étroit (vigilance), il m'échappe (bouffée d'Adrénaline - peur), une voiture passe (panique), un piéton plus alerte et plus prôche se précipite (espoir), le rattrappe (soulagement), et me le ramène (soulagement). A aucun moment de cette chaîne la Tristesse Spinoziste n'a pu apparaître car le Corps seul a agi (au sens courant rappelé plus haute) et mes états de conscience n'ont été que le corrélat (E2P7) des actions de mon Corps.
Mais au terme de cet épisode "phénoménal", de cette tranche de Durée, un bilan intervient qui provoque la Joie. (je suis bien passé d'un Etat 1 à un Etat 2).
Quelques minutes ou heures plus tard, d'autres choses (causes), conscientes ou non, vont se réenchaîner, plus ou moins à mon insu, et je suis susceptible de refaire un nouveau bilan, tiré du même épisode, aggrémenté des réflexions ultérieures, qui me conduira peut-être à un affect de Tristesse.


Bonjour Sinusix,

le problème c'est que chez Spinoza, la peur est par définition une Tristesse. Si donc vous aviez eu peur au moment où votre petit enfant s'en va, il faut dire que d'un point de vue spinoziste vous étiez Triste.

Spinoza dans l'E3 Définition des Affects 13 a écrit :La Crainte est une Tristesse inconstante, qui naît de l'idée d'une chose future ou passée, sur l'événement de laquelle nous avons quelques doutes.


C'est bien ce que j'ai voulu dire dans mon message précédent: à mon avis cela ne sert à rien d'essayer de cacher l'absurdité de la définition spinoziste de la peur (absurdité au sens où elle ne correspond pas à notre façon habituelle d'interpréter la peur). Il faut plutôt se demander ce qu'elle signifie, et en quoi elle pourrait peut-être tout de même être utile, voire même plus utile que ce qu'on pense tous d'habitude.

Lorsqu'il s'agit de la vérité, le fait d'avoir simplement l'habitude de croire en telle ou telle idée de la peur ne peut jamais constituer une preuve.

S'il faut donc interpréter l'exemple que vous donnez non pas comme on le ferait spontanément nous tous, mais en adoptant un instant le point de vue spinoziste, il faut dire que si vous saviez, au moment même où votre petit enfant vous échappe, qu'il était impossible qu'une voiture allait passer, ou qu'il était certain que quelqu'un d'autre allait l'empêcher de quitter le trottoir etc., alors selon la définition spinoziste vous n'auriez jamais eu de la peur. C'est le fait qu'au moment où il vous échappe vous ne savez pas encore ce qui va se passer par après, qui crée la peur.

Jusque là vous serez encore d'accord, je suppose. Or la peur signifie, pour Spinoza: l'idée d'un événement futur très précis, dans ce cas-ci l'idée de la mort de votre petit enfant, idée que vous ne pouvez pas avoir sans être Triste, accompagnée d'une incertitude quant à savoir si cet événement va réellement se produire ou non, puisqu'au moment même où vous avez peur vous ne savez pas encore si quelqu'un d'autre va apparaître ou non.

Il faut donc faire l'effort explicite de repenser la situation en se servant de la définition spinoziste de la peur pour pouvoir commencer à voir comment elle pourrait avoir du sens et donc comment déceler une Tristesse là où notre façon habituelle de penser n'en voit pas. On ne peut pas s'en tenir à cette façon habituelle de penser, puis constater que non, lorsqu'on a peur on n'est pas triste, et ensuite attribuer cette idée à Spinoza ... .
Amicalement,
L.


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