
Séraphine Louis (1864-1942), L'Arbre du Paradis (vers 1930).
J'ai connu l'existence de Séraphine Louis, femme de ménage à Senlis, grâce à un film récent. Elle savait brosser un parquet, laver le linge sale, faire la cuisine, travailler aux champs, etc., du matin au soir (à une époque où n'existaient ni lave-linge, ni lave-vaisselle, ni aspirateur, ni cireuse à parquet, ni tracteur) pour des nantis qui la méprisaient et la payaient fort probablement des clopinettes... Elle avait ce qu'on appelle la « foi du charbonnier », simple et superstitieuse catholique.
Elle savait aussi peindre (j'ai pu voir une exposition de certaines de ses œuvres – du coup, j'estime que l'expression « art naïf » n'a aucun sens.) Quand elle avait terminé un tableau, elle chantait...
Pour moi, elle répond donc exactement à la proposition : « Qui corpus ad plurima aptum habet, is mentem habet, cujus maxima pars est aeterna – Qui a un corps capable de beaucoup de choses a une âme dont la plus grande part est éternelle » (Éthique V, 39).
Même si cette femme fut enfermée pour folie en 1932, ne peignit plus jamais, et mourut de faim dans son asile en 1942, une très grande partie de son âme est éternelle et elle était de toute évidence plus beata, libre et sage que nous tous, si j'en crois Spinoza.