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Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Messagepar Vanleers » 19 juin 2013, 15:01

A Hokousai

Je vous remercie de m’avoir signalé le texte de présentation de la thèse de Maxime Rovere.
Cette thèse a été éditée ; il s’agit de « Exister Méthodes de Spinoza » (CNRS Editions 2010)

Cet auteur défend une position particulière qu’il résume comme suit (op. cit. p. IX) :

« C’est donc en suivant ce fil-là, c’est-à-dire en suivant la manière dont l’Ethique renonce en fait à produire un système qui soit comparable à un tableau (une sorte de construction intellectuelle) que l’on peut faire l’expérience de l’originalité d’un propos. En suivant l’usage des géomètres, Spinoza a voulu présenter de la manière la plus claire et la plus efficace possible ce qu’il conçoit comme un ensemble de méthodes destinées à former une éthique, c’est-à-dire une manière d’évoluer dans l’existence. »

L’Ethique : un ensemble de méthodes en vue d’évoluer d’une certaine façon dans l’existence ? Un équivalent, en matière d'éthique, du « Cours de navigation des Glénans » ?

Jusqu’à ce jour, je n’ai pas réussi à aller très loin dans la lecture de ce livre.
Compte tenu de ce dont nous avons discuté précédemment, je cite, au passage, un extrait de son commentaire d’E V 35 et 36 :

« Car de même que Dieu ne pense pas, sinon par les hommes, Dieu ne se réjouit pas, sinon par les hommes. » (p. 324)

Plus en rapport avec votre message, l’auteur parle d’« architecture mathématique » de l’Ethique, de l’inscription, par Spinoza, de la philosophie comme pratique dans un « format mathématique » (p. VIII).

Or, je dirai que l’Ethique n’est pas un livre de philosophie mais un livre de mathématique.
Je souscris à ce qu’écrit Bernard Pautrat en tête de sa traduction de l’Ethique :

« Lire l’Ethique comme un livre de mathématique contenant des vérités démontrées, que donc le lecteur sera contraint d’admettre, plutôt que comme un livre de philosophie simplement déguisé en livre de mathématique, c’est donc aussi le prendre au sérieux comme éthique et permettre à cette prodigieuse machine-à-bonheur de se mettre en route et peut-être (il faut voir) de marcher. »

Pourquoi préférer Spinoza à Aristote, Leibniz ou Hegel ?

Peut-être parce que l’Ethique n’est pas un livre de philosophie mais, surtout, parce que « ça marche » !

Pour prolonger une comparaison maritime, je dirai qu’avec l’Ethique nous avons touché les alizés.
Ce livre n’est pas un manuel de navigation mais un vent, calme et constant, qui nous porte.

Bien à vous

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Messagepar hokousai » 19 juin 2013, 16:42

à Vanleers


« Lire l’Ethique comme un livre de mathématique contenant des vérités démontrées,
je ne pense pas qu'on puisse réduire les mathématiques à leur pure forme ( ce qu' a tenté Russel ). Les vérités en mathématiques ne sont pas formelles mais objectives. ( au sens moderne des mots )
Sinon on confond les idées et les formes ( pour ne pas dire confondre les idées et les mots );
Ainsi les scolies n' ont pas une certaine forme logique d' exposition d 'idées . IL est quand m^rme assez paradoxal de référer Spinoza aux mathématiques alors qu'il en fait la critique dans la lettre sur l' infini.

Qu 'ensuite de nos jours on puisse lire l'infini à la lumière de mathématiques de" l 'infini "( qui reste néanmoins des mathématiques ) c'est un autre problème.

Ce que vous citez de Pautrat demanderait pour le moins à être précisé. Je ne perçois pas le sens profond, s 'il y a . Doit -t -on prendre la correspondance de Spinoza comme un ensemble de textes mathématique déguisés en langage ordinaire ?
.........................

Je ne suis pas d'accord avec tout ce que dit Rovere . J 'ai lu de lui un texte sur l'automate pirituel qui m'a laissé perplexe .

« Car de même que Dieu ne pense pas, sinon par les hommes, Dieu ne se réjouit pas, sinon par les hommes. » (p. 324)

Rovere commente la prop 36

pour la prop 35 ( qui nous occupe )
Rovere écrit que Spinoza fait preuve d' anthropomorphisme. Spinoza introduit l'idée de Joie en Dieu .
Ce qui peut se comprendre puisque Spinoza est un sujet qui connait l' affect de joie .
Sauf que de mon point de vue Spinoza ne devait pas entendre la question ainsi . Je doute fort qu'il se soit compris comme sujet anthropomorphisant Dieu sur la question de la jouissance d' exister de la substance . Je ne dis pas que Rovere ait objectivement tort mais que Spinoza ne devait pas se comprendre ainsi.

Il me semble qu'aucun lecteur de Spinoza se replaçant pour son compte dans la posture mentale de l'affirmation infinie de l'exister ne peut la réduire à une posture subjective. En ce sens le lecteur pense toucher l' absolu . Ce qui ne signifie pas qu'il ignore sa position subjective mais que sa position subjective est de facto absolue.

Maintenant que la joie soit introduite en fraude (page 323)!!!
Je pense que la joie étant éprouvée ( probablement par Spinoza ) ne fut pas frauduleuse . Mais c'est à chacun d'en éprouver pour et par soi la finitude plutôt que l' infinitude, si cela est possible . Attribuer une joie à Dieu ( à la nature entière ) ne parait pas selon la definition de la joie, intellectuellement frauduleux.
Spinoza n 'a pas réintroduit dans ce momet ( prop 35/5) sa métaphore du chien aboyant comparé au chien céleste ...mais il se peut bien qu il pensa que l 'amour intellectuel de Dieu pour lui même dépasse l' amour de l'esprit humain envers Dieu de toute l'étendue du ciel .

amicalement

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Messagepar Vanleers » 19 juin 2013, 20:27

A Hokousai

Il ne faut pas confondre (et Pautrat ne les confond pas) LA mathématique et LES mathématiques.
De plus, il s’agit de l’Ethique et non des lettres ou des autres ouvrages de Spinoza. Comme on peut considérer (cf. Deleuze) qu’il y a deux Ethique, celle des propositions et celle des scolies, je dirai même que le propos de Pautrat ne concerne que la première de ces Ethique.

En disant que l’Ethique est un livre de mathématique (à rapprocher de la mathesis universalis) et non de philosophie, Pautrat attire notre attention sur le caractère singulier, et même unique dans l’histoire de la pensée, de cet ouvrage.

Il nous appartient d’y réfléchir pour en tirer tout le bénéfice éthique possible.

Bien à vous

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Messagepar hokousai » 19 juin 2013, 22:55

à Vanleers

J' ai lu le passage chez Pautrat.

Le pourquoi de cette forme euclidienne est une question. Car la forme spinoziste est euclidienne ( Descartes en a inauguré une autre et nouvelle en mathématiques bien évidemment pas applicable à ce dont traite Spinoza ).

Pourquoi focaliser sur le géométrique de l' Ethique? Pautrat suggère qu'il y a des vertus éthiques là dedans et un effet induit assumé par Spinoza.
Pourquoi alors Spinoza écrit-il aussi des scolies ?
Moi je vois que les parties démonstratives ferment la pensée alors que les scolies et appendices la stimule.
Je ne vois pas le bénéfice éthique des démonstration s'il est nécessaire de les prendre au sérieux. Impératif qui ne devrait pas avoir à être imposer d' autorité.
On ne prend pas l 'Ethique comme un livre de mathématique sachant que d' un livre de mathématique il va de soi qu' on est contraint d'en admettre( les vérités ). Il ne me semble pas aller de soi qu' un livre de philosophie puisse se présenter tel qu 'on soit contraint d'admettre.
Et il est bien dommage qu'ils se présentent trop souvent ainsi, sous forme assertorique et impérieuse ( la phénoménologie ne fait pas exception ) ne laissant pas planer le doute sur la vérité de ce qui va nous être raconté.

Pautrat modère en écrivant: " croire provisoirement en la scientificité de l' Ethique". Difficile de penser que ce qu'on a cru même provisoirement soit si facile à dé-croire. D ' où l'enferment et la clôture de la pensée risquée par cette foi en la scientificité .
.......................................

Renvoyer à une "matemasi universalis " ? Je ne pense pas Spinoza leibnizien avant la lettre.

Pour diverses raisons Spinoza pense cette méthode géométriques utile et bien adaptée à son propos. Je ne vais pas nier l'importance de cette forme d' exposition du propos mais pour moi le propos ne consiste pas dans sa forme.

Maintenant il reste effectivement un effet induit par la forme( géométrique ). Sachant qu'il existe aussi un contre effet chez ceux qui ne la supportent pas

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Messagepar Vanleers » 20 juin 2013, 17:37

A Hokousai

Spinoza administre l’Ethique sans ménagement à son infortuné lecteur.

Infortuné car celui-ci va perdre quelques illusions qui le faisaient vivre jusqu’alors. Et d’abord celle de penser qu’il serait libre d’accepter ou de refuser telle ou telle proposition. Il fait l’apprentissage de la nécessité. Adieu, sujet du libre arbitre, Spinoza est sans concession et la mathématique intraitable.

Ce n’est pas qu’il y ait un sujet qui soit contraint d’admettre telle ou telle vérité, c’est qu’à lire et essayer de comprendre les démonstrations, il n’y a plus de sujet du tout ou alors un « sujet » très paradoxal qui se réjouit de n’être rien de substantiel. Un mode, un simple mode, il n’y avait pas de quoi se hausser du col.

N’y voyez-vous pas le bénéfice éthique des démonstrations ?

Bien à vous

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Messagepar hokousai » 20 juin 2013, 19:43

à Vanleers

Spinoza administre l’Ethique sans ménagement à son infortuné lecteur.


Il me semble qu'il y a quelques ménagements même dans la première partie. Mais bref ...
…………………………………………..
On présente parfois Spinoza comme celui qui aurait intronisé la démonstration en philosophie. Ce qui est faux. On le sait bien.
Les livres d Euclide étant d'une vérité en son genre incontestable ( car bien démontrés ) on en infère que tout ce qui en a la forme serait du même genre et aurait le un même statut ( a priori ) de vérité. Ce qui est faux. Ce que je dis est trivial.


La compréhension logique d' une démonstration de Spinoza qui porte sur des éléments équivoques n'a pas la même force que celle mathématique qui porte sur des objet univoque ( comme le triangle ).
Or mis à part la substance ( et encore ) tous les concepts de Spinoza sont équivoques et ce parce qu'ils ont besoin du concept d'autres choses pour être conçus.

Il y a une différence entre un triangle, des segments, des cercles ... objets géométrique et les idées de cause, cause de soi, substance, attribut, pensée, étendue , idée, corps , chacune de ces idées pose un problème sémantique ( relatif à ce qui est indiqué ).
Le lecteur n'est pas d' emblée pris dans la coercition logique il est pris dans l'interrogation sur ce que peut bien avoir dénoté le philosophe . De quoi parle -t -il celui là?

Ce n'est pas une question de libre -arbitre en revanche c'est une question de subjectivité . Il est évident que le lecteur n'étant pas l 'auteur le lecteur n' est jamais certain de savoir s' il comprend tel que l 'auteur le pense.

Il n'y a pas d' avantages éthiques à focaliser sur la compréhension des démonstrations en tant que forme logique vidée de leur substance. A cet effet ce serait les mathématique ou la logique qui seraient les plus avantageuses éthiquement .
Si ce dont traite la forme logique sont la nature ou les passions c'est la compréhension de cette substantifique moelle qui est a effet éthique.

La position que Pautrat défend est celle de celui qui apte à certains exercices de logiques les valorisent comme salutaires.

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Messagepar Vanleers » 21 juin 2013, 09:48

A Hokousai

Sur un autre fil, un intervenant (Henrique) a écrit :

« La béatitude n'est pas réalisation de notre perfection, c'est "la possession mentale de la perfection" (E5P33, sc.) : cette possession est éternelle mais nous ne nous en rendons compte qu'une fois que le tumulte des passions et des imaginations égotiques est apaisé. »

Je souscris à cette affirmation en ajoutant que les ruses de l’ego sont infinies, la moindre n’étant pas de se draper dans les plis de la subjectivité.

Je vous concède donc que, pour certains individus particulièrement retors, la compréhension des démonstrations de l’Ethique ne suffira pas à apaiser leurs imaginations égotiques.

Ils auront beau aller Ru’ d’ l’Echaudé voir fonctionner cette « prodigieuse machine-à-bonheur » et à désubjectiver, leur quête d’une substantifique moelle destinée à nourrir leur précieux moi l’aura rendu inefficace.

Vous semblez parfois vouloir nous conter les désarrois de l’élève Hokousai.
Vous êtes pourtant mieux placé que quiconque pour savoir qu’Hokousai n’est qu’un nom et que, stricto sensu, Hokousai n’existe pas.

Bien à vous

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Messagepar hokousai » 21 juin 2013, 14:49

à Vanleers

Je vous concède donc que, pour certains individus particulièrement retors, la compréhension des démonstrations de l’Ethique ne suffira pas à apaiser leurs imaginations égotiques.


Je vous parle d' invidus moins aptes à comprendre la subtilité des démonstrations de Spinoza et pour lesquels c'est plus un fardeau qu' une voie vers la béatitude.

Il faut reconnaitre que la subtilité est telle qu' elles vous demandent autant qu' à moi quelques efforts. Telles qu'elles n 'emportent pas la conviction d' emblée ainsi que le font les démonstrations d' Euclide.
Et telles que la plus grande humilité et le parfait effacement de l 'ego n' induit pas l 'accord .(Ça se saurait !)

On peut certes perdre son ego dans les mathématiques, science objective, mais science qui à proprement parler ne pense pas.

Votre allusion au pli de la subjectivité est passionnelle.
Excusez moi .

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Messagepar Vanleers » 21 juin 2013, 20:13

Au très sérieux Hokousai

Ne vous excusez pas.

J’avais pensé qu’une charge aussi forte, agrémentée d’une allusion à la rue de l’Echaudé, montrait que la ‘Pataphysique (n’oublions pas l’apostrophe) n’était pas loin.

Peut-être à plus tard sur un autre fil car je crois qu’ici nous avons épuisé le sujet.

Bien à vous

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Messagepar hokousai » 22 juin 2013, 01:37

cher Vanleers

Effectivement " Non ridere, nec lugere, neque detestari, sed intelligere "

Je ne connais pas Pautrat et ne sait s'il a pratiqué les mathématiques.
Si vous avez accès au livre de Fabrice Audier les pages 88 et 89 expliquent en quoi on n'a pas véritablement de mathématiques.

Pautrat parle de croire en la "scientificité". Le lecteur de Popper n'est-il interrogé ? Les démonstrations de Spinoza sont- elles donc falsifiables ?

Vous rapprochiez Spinoza d' Ignace de Loyola. Là dessus je n'ai rien à redire sauf que je ne suis pas fervent de l' obéissance perinde ac cadaver.
L'injonction de Pautrat résonne pour moi comme un appel à l 'abandon de l'esprit critique .

au plaisir de vous lire
hokousai


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