réflexion sur le déterminisme en philosophie

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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marcello
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Messagepar marcello » 01 mars 2012, 12:04

Il m'est arrivé la même chose : un ami ne cessait de m'asséner sous forme de boutade cette pensée :
"Tout dépend du point de vue duquel on se place, de l'importance qu'on donne à la chose par rapport à l'idée qu'on s'en fait et de sa contribution à l'édification de l'ensemble".
Il plaisantait, mais ne croyait pas si bien dire.

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sescho
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Messagepar sescho » 01 mars 2012, 12:58

Étant moi-même professionnellement, non un mathématicien, mais un usager de la Mathématique à des fins de simulation physique quantitative (même si c'est de la tambouille pour un mathématicien pur jus, c'est quand-même assez rigoureux), et plus généralement de la Logique, ce qui inclut au-delà la simulation physique qualitative (sens physique), je n'ai pas d'hésitation pour dire qu'en son essence première (je laisse ainsi de côté tout ce qui relève de l'intellectualisme stérile) la Philosophie est infiniment supérieure essentiellement et existentiellement à la Mathématique.

Les deux sont réputées (c'est la base minimale reconnue par Roger-Pol Droit, par exemple, pour employer le terme de "Philosophie") appliquer la Logique, soit une répétition / combinaison - le système global étant éventuellement très complexe - de ses quelques opérations / principes de base (eux-mêmes non démontables, déjà.)

Sur l'usage des opérations de base de la Logique mêmes, la Mathématique (qu'un certain nombre de physiciens considèrent d'ailleurs non comme une science - vues comme représentations de ce qui est -, mais comme une partie de la philosophie), avec son système formel, d'un côté, et de vérification par les pairs, de l'autre, est certainement la plus rigoureuse a priori. La Philosophie n’en garde pas moins cette exigence en trame de fond (de Platon et Aristote à La Logique ou l’art de penser d'Antoine Arnauld et Pierre Nicole, Spinoza, Frege, Russel, Wittgenstein, Husserl… pour le peu que j’en sais.)

A ceux qui pensent que la Philosophie consiste à « inventer » des problèmes (je ne dis pas « s’interroger ») pour s’exercer à la Logique dessus, personnellement je conseillerais de passer à la Mathématique, qui fait cela au mieux…

Pour ceux qui cherchent le sens de la vie humaine (qui en a bien un, même si la Vie en général n’en a pas d’autre qu’elle même), seule la Philosophie peut être à la hauteur du sujet, et de loin. Je ne conteste pas que parvenir à exercer la Logique (rigoureusement) dans un système complexe puisse être un très grand plaisir, mais vis-à-vis du sens de la vie humaine, cela reste de l’ordre du secondaire, passager et très partiel. Presque rien du sens de la vie, de la béatitude spinozienne…

La différence tient dans l’axiomatique. Comme dit Platon (République VI ?), les mathématiciens prennent leurs « hypothèses » comme des vérités et n’en rendent ensuite compte à personne. Le philosophe prend ses hypothèses comme des hypothèses (car ce qu’il cherche n’est pas un jeu mental – fut-il « rigoureux » – mais la perception claire de la réalité dans sa plus grande extension possible), remonte à partir de ces hypothèses aux premiers principes, et repart de ces premiers principes suivant la Logique pour développer LA Philosophie (c’est ce que fait Spinoza.) Il n’a pas le choix des premiers principes (ce n’est pas un jeu) : il doivent s’imposer dans la clarté de l’entendement, et cette axiomatique doit en outre être la plus complète possible en regard de ce qui est. C’est beaucoup plus difficile, mais aussi beaucoup plus porteur de sens…

Je trouve que cette question de l’axiomatique, bien qu’essentielle, est souvent négligée : pour la énième fois : il n’y a pas de développement de la Logique sans axiomatique, et cette axiomatique n’est – par conséquent – pas de l’ordre de la Logique, mais de l’ordre de l’intuition. Le plus important est donc de l’ordre de l’Intuition même, pas de la seule Logique (elle-même intuitive dans ses principes de base.) Pour la Mathématique, l’axiomatique n’est qu’une règle de jeu : sous un minimum de conditions, elle est prise comme telle pour pratiquer un nouveau jeu, et se suffit à elle-même pour cette seule raison, sans qu’il y ait à rendre compte de son pourquoi au-delà. C’est tout autre chose s’agissant de l’Univers… Croire que les seules opérations de base de la Logique résument le sens de l’Univers serait pour le moins réducteur, non ? La Philosophie, elle, se préoccupe d’abord de L’Axiomatique : les premières vérités, les plus importantes, qui ne sont pas de l’ordre de la Logique mais de celle de l’Intuition claire et pure, qui sont donc indémontrables, et doivent couvrir au plus étendu possible tout ce qui est.

Lorsque, par exemple, on dit que Spinoza se fourvoie en démontrant l’existence de Dieu, la précision que j’attends est : a-t-on détecté une erreur de Logique, ou en fait n’est-on tout simplement pas d’accord avec les prémisses / axiomes (par exemple que l’Homme à l’intuition première de l’essence – idée – de l’être parfait.) Ce n’est pas la même chose (la Logique se discute logiquement, les axiomes non, sauf peut-être à dégager qu’ils ne peuvent être premiers, en particulier en rapport avec les termes non définis qui se trouvent dans les définitions et expressions.) Lorsque je lis que ceci ou cela n’est pas démontrable, j’attends qu’on me dise de quelle axiomatique on part pour le dire… Etc.
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gnayoke
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Messagepar gnayoke » 01 mars 2012, 14:22

A Sescho,

la Philosophie est infiniment supérieure essentiellement et existentiellement à la Mathématique


Cher Sescho,

Mon discours n'est pas de hierarchiser les deux disciplines, d'ailleurs , bien qu'ayant plus d'affinités avec les mathématiques que la philosophie, je ne me permetrrais pas de dire que les mathématiques soient supérieures à la Philosophie.Je ne me permettrais pas non plus de dire que la philosophie soit supérieure aux mathématiques. C'est une maniere inadéquate de voir les deux disciplines.

J'ai juste dit que le langage mathématiques et les methodes de demonstration étaient plus efficaces, et que la philosophie pourrait s'en inspirer.

Chacune des deux disciplines cherche à établir la Vérité, et rien qu'en cela elle sont toutes deux louables, chacune essaie de comprendre un aspect du monde, avec ses outils, et grace à l'intuition propre des praticants de la discipline elles proposent de nouvelles pistes

Pour ceux qui cherchent le sens de la vie humaine (qui en a bien un, même si la Vie en général n’en a pas d’autre qu’elle même), seule la Philosophie peut être à la hauteur du sujet, et de loin. Je ne conteste pas que parvenir à exercer la Logique (rigoureusement) dans un système complexe puisse être un très grand plaisir, mais vis-à-vis du sens de la vie humaine, cela reste de l’ordre du secondaire, passager et très partiel. Presque rien du sens de la vie, de la béatitude spinozienne…


Apparemment vous faites parti de ceux qui donnent un statut particulier à la vie humaine et cherche à la distinguer de la vie en générale. L’expérience de la vie nous prouvent tous les jours le contraire. Il faut être plus attentif et ouvert à ce qui se passe dans notre entourage.

La béatitude Spinozienne je l'ai eu une fois en travaillant sur la théorie des groupes, réputé pour son abstraction.
Pourtant la strucure des objets que nous rencontrons tous les jours sont d'une certaine façon maniplulables grâce
à la puissance de cet outil. La nature humaine comme sujet d'étude est déjà très intéressant, mais il faut aborder la nature en général, suivant tous ses aspects.
On peut considérer que les mathématiques et la philosophie se completent, vu qu'elles étudient des aspects différents( en apparence) de la Nature.
Mais il s'agit bien d'un unique sujet d'étude(je suis profondément moniste), la Nature.


Les mathématiciens prennent leurs "hypothèses" comme des vérités et n’en rendent ensuite compte à personne.

Je ne crois pas à cette affirmation.
On s'en fout un peu (seulement un peu) de l'hypothèse, ce qui compte c'est le thèorème et le processus qui amène au théorème.
C'est en cela qu'on parle de vérité mathématique, et en plus ce n'est pas forcément une vérité absolue, il faudra tester tous les axiomes possibles imaginables pour qu'elle en devienne.
Mais elle n'en reste pas moins une vérité.

Quant au fait d'en rendre compte, je suis d'accord, il y a beaucoup de travail de vulgarisation à faire. Mais cependant, faire des mathématiques en tant qu'amateur, travailler son intuition propre , est à la portée de tous. Pierre de Fermat en est un bel exemple de mathématicien non académique qui a fait des choses merveilleuses.


C’est tout autre chose s’agissant de l’Univers… Croire que les seules opérations de base de la Logique résument le sens de l’Univers serait pour le moins réducteur, non ?


L'univers est décrit en termes mathématiques. Des personnes de talent, malheureusement pas très connue comme Bernhard Riemann,
ont eu comme but dans leur vie, de créer une géométrie capable de comprendre l'espace dans lequel nous vivons, et il y est parvenu, ou presque. Il a fondé la géométrie Riemannienne, c'est sur cette
géométrie que les physiciens tels Einstein on découvert la relativité générale. c'est donc un outil incroyablement puissant pour comprendre le monde

En résumé, je trouve improductif, et inadéquat de chercher à hiérarchiser les deux disciplines, ce sont toutes deux de magnifiques outils pour chercher à comprendre le monde qui nous entoure, chacun , dans des aspects différent (seulement en apparence).

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Henrique
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Messagepar Henrique » 01 mars 2012, 16:02

En résumé, je trouve improductif, et inadéquat de chercher à hiérarchiser les deux disciplines, ce sont toutes deux de magnifiques outils pour chercher à comprendre le monde qui nous entoure, chacun , dans des aspects différent (seulement en apparence).

Et pourtant quand vous parlez de méthodes mathématiques plus efficaces que celles de la philosophie, c'est bien ce que vous faites. Je pense que la méthode reste fondamentalement la logique, que celle-ci a pu être appliquée avec plus de facilité en mathématiques, de sorte que Spinoza se sert de la façon des géomètres en philosophie. Mais cette façon n'est jamais qu'une adaptation de la logique, de façon à rendre les raisonnements plus clairs.

Si on considère que chaque discipline a ses objets propres et donc les méthodes qui y conviennent, même si elles peuvent s'inspirer d'autres disciplines, il n'y a évidemment pas lieu de hiérarchiser les disciplines. La démarche qui vaut en biologie n'aura ainsi pas à être jugée supérieure ou inférieure à celle de la physique, comme ces deux disciplines elles-mêmes n'auront pas à être subordonnées l'une à l'autre, du fait de la variété de leurs objets. On peut penser qu'il en est de même avec la philosophie qui s'occuperait des concepts, tandis que la mathématique s'intéresserait aux grandeurs.

Seulement il n'y a pas entre la philosophie et les mathématiques, comme avec toutes les autres sciences, des objets qui correspondraient à des régions différentes de l'être. C'est pourquoi le philosophe peut interroger les présupposés et les implications ontologiques d'une mathématique comme mode du penser, parce que son objet est l'être et son unité, tandis que le mathématicien ne peut le faire sans cesser d'être mathématicien pour se faire philosophe. La supériorité de la philosophie, qui était communément admise par les anciens et les premiers modernes, jusqu'à Newton, venait de son objet, l'être dans sa totalité, le plus fondamental et le plus englobant des objets, qui fait qu'elle seule peut rassembler les savoirs épars pour constituer une doctrine unifiée du réel dans toute sa diversité.

L'idée qu'il ne pourrait exister que des disciplines morcelées, ne s'occupant que de leur objet propre, s'inspirant plus ou moins les unes des autres tout en restant souveraines dans leurs domaines, apparaît avec la post-modernité, qui commence vraiment à mon sens au moment des Lumières, et dont Descartes est l'inspirateur mal compris, lorsqu'il assigne à la science non plus seulement de constituer une connaissance unifiée du réel, mais un ensemble de technologies qui nous rendraient "comme maîtres et possesseurs de la nature", ainsi que Michel Henry l'a assez bien expliqué dans son livre sur la barbarie. Avec Hume, Voltaire, souvent Diderot, on commence à se méfier des systèmes qui s'efforcent de rendre compte de l'ensemble du réel et on favorise en fait la pensée technicienne qui ne se préoccupe plus que d'adapter le réel à nos besoins. Kant est le père fondateur de ce scepticisme généralisé à l'encontre de ce qu'il appelle les prétentions de la philosophie pour favoriser en fait la "scientificité" des mathématiques et de la physique, comme outils de contrôle du réel, laissant au final à la foi les questions fondamentales sur la nature de l'être. Ce qui a eu pour mérite de mettre beaucoup de monde d'accord : athées comme croyants, dominants comme dominés instruits. Si en effet, la question de l'existence et partant de la nature de Dieu, l'être suprême, ne peut être tranchée par la philosophie, alors athées comme croyants, supérieurs socialement comme inférieurs, peuvent y trouver leur compte.

Aussi j'en reviens à ce que Serge appelle axiomatique, qui correspondrait à ce que j'appellerais principes fondamentaux de l'être. Les mathématiques posent des principes valables pour la quantification de l'être, sans pouvoir les justifier autrement que par leur fécondité théorique. Seule la philosophie peut chercher à en comprendre la nécessité dans l'être, car ses principes ne se réduisent pas à la quantité mais englobent la qualité comme la quantité.

J'en déduis au passage que le scepticisme ou le relativisme sont vrais selon leur axiomatique mais qu'ils ne rendent pas compte de l'ensemble de notre intuition du réel. A commencer par la notion de fausseté, car si tout jugement sur le réel est douteux, alors il n'y a pas de fausseté reconnaissable (le douteux n'étant pas le faux) ; de même que s'il n'y a que des points de vue sur le réel, quel qu'il soit, alors il n'y a que des vérités relatives à ces points de vue et jamais de fausseté. S'il y a de la fausseté, alors il peut y avoir de la vérité, des jugements conformes à la réalité. C'est donc le dogmatisme qui a raison en ce qu'il admet et explique autant la possibilité de la fausseté que de la vérité.

Ce qui fait la différence en terme de vérité entre deux philosophies contradictoires, c'est leur capacité à rendre compte de l'axiomatique de l'autre, à l'envelopper, à la comprendre pour en déterminer la vérité interne dans ce qu'elles affirment et la fausseté dans ce qu'elles nient. Ainsi nous avons autant l'intuition de notre libre arbitre que de la soumission de notre volonté à l'enchaînement de nos idées, selon le point de vue où on se place. Quand je considère ma volonté de lever le bras ou pas, je peux avec Descartes dire que je ne suis pas plus porté à vouloir une chose que l'autre. Et si je regarde mon pouvoir de juger, il semble aussi que je peux juger aussi bien que 2 et 2 font 4, que 5 ou n'importe quoi d'autre. On pourra alors compter la liberté de l'arbitre (pouvoir de choisir entre les jugements) comme un état fondamental de l'être. Mais comment expliquer alors que l'on ait tant de difficulté à changer de façon d'être, pour une mauvaise habitude par exemple, alors que cela suppose une façon de vouloir ? Voilà qui n'est pas sans poser d'importantes difficultés qui demandent de grands développements. En posant plus fondamentalement que rien n'est sans cause, et qu'il ne peut donc y avoir de libre arbitre, Spinoza doit lui expliquer pourquoi nous avons pourtant le sentiment de l'évidence du libre arbitre, ce qu'il fait très facilement : nous avons conscience de nos volitions mais pas toujours de leurs causes.

Pour finir, comment expliquer alors que la philosophie soit autant sujette à dispute alors que les mathématiques et la physique ne le sont pas, si elle est si fondamentale ? C'est justement en raison de ce caractère fondamental, sur lequel chacun peut avoir quelque idée sans avoir pourtant à faire l'effort d'élargir sa pensée à la totalité du réel, que s'expliquent ces disputes. Et c'est en outre parce que pensant la totalité du réel, la philosophie ne peut manquer d'en tirer des conséquences éthiques et politiques. Tant que vous parlez de lignes et de quantités discrètes, seuls ceux qui s'y intéressent vraiment et s'y entendent s'en mêleront (et il y a aussi des débats en mathématiques ou en physique, mais ils peuvent être plus facilement tranchés parce que cela n'engage pas autant le fond de l'être des débatteurs). Il en est en revanche des notions philosophiques fondamentales comme l'essence, la nature, Dieu, la connaissance, le bien etc. à peu près comme de ce que dit Hobbes à propos de la justice dans le Léviathan :

la doctrine du juste et de l’injuste est débattue en permanence, à la fois par la plume et par l’épée. Ce qui n’est pas le cas de la doctrine des lignes et des figures parce que la vérité en ce domaine n’intéresse pas les gens, attendu qu’elle ne s’oppose ni à leur ambition, ni à leur profit, ni à leur lubricité. En effet, en ce qui concerne la doctrine selon laquelle les trois angles d’un triangle sont égaux à deux angles d’un carré, si elle avait été contraire au droit de dominer de quelqu’un, ou à l’intérêt de ceux qui dominent, je ne doute pas qu’elle eût été, sinon débattue, en tout cas éliminée en brûlant tous les livres de géométrie, si cela eût été possible à celui qui y aurait eu intérêt.

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Messagepar sescho » 01 mars 2012, 16:41

(Avant d'avoir pris connaissance de la réponse d'Henrique.)

gnayoke a écrit :Mon discours n'est pas de hierarchiser les deux disciplines, d'ailleurs , bien qu'ayant plus d'affinités avec les mathématiques que la philosophie, je ne me permetrrais pas de dire que les mathématiques soient supérieures à la Philosophie.Je ne me permettrais pas non plus de dire que la philosophie soit supérieure aux mathématiques. C'est une maniere inadéquate de voir les deux disciplines.

Non. Mais vous percevez ce dont je parle suivant un filtre personnel déformant. Je ne hiérarchise pas au sens enfantin du terme ("moi c'est mieux que toi"), mais, conformément à l'esprit de Spinoza, en fonction du potentiel de puissance (humaine, puisque nous en sommes, ce qui ne sous-entend nullement qu'il n'y ait de puissance qu'humaine) que la discipline porte. Quant à vos "recommandations" sur l'application de la rigueur mathématique (Logique, tout simplement) à la Philosophie, elle entre dans les préoccupations de cette même Philosophie (qui ne se distinguait pas initialement de la Logique et de la Physique, jusqu'au XVIIème siècle) depuis qu'elle existe... A moins que vous n'ayez des objections factuelles d'ordre logique à opposer, par exemple, aux travaux de Frege, Russel, Wittgenstein, Husserl, etc. (que je ne connais que de façon très surfacique moi-même.)

La Mathématique (ma matière forte jusqu'au Lycée) est tout à fait respectable, autant que la Philosophie, en tant que discipline. Mais elle n'est pas du tout aussi puissante, potentiellement, du point de vue essentiel et existentiel. Et aussi beaucoup plus simple à la base, en fait, même si la complexité croissante des problèmes peut masquer ce fait.

gnayoke a écrit :Chacune des deux disciplines cherche à établir la Vérité, et rien qu'en cela elle sont toutes deux louables, chacune essaie de comprendre un aspect du monde, avec ses outils, et grace à l'intuition propre des praticants de la discipline elles proposent de nouvelles pistes.

La notion de "vérité" pour la Mathématique se discute selon moi. Qu'entendez-vous par-là ? La Mathématique est logique ; c'est déjà bien. Elle a une certaine application en Physique (toujours approximative s'agissant de la Physique même), c'est déjà merveilleux. Mais la vérité pour moi est une représentation claire de ce qui est dans l'Univers.

gnayoke a écrit :Apparemment vous faites parti de ceux qui donnent un statut particulier à la vie humaine et cherche à la distinguer de la vie en générale. L’expérience de la vie nous prouvent tous les jours le contraire. Il faut être plus attentif et ouvert à ce qui se passe dans notre entourage.

C'est tout le contraire. Malgré vos protestation d'introduction, je pense que vous devriez vous méfier d'une certaine propension, jamais bonne, à prétendre donner des leçons...

gnayoke a écrit :La béatitude Spinozienne je l'ai eu une fois en travaillant sur la théorie des groupes, réputé pour son abstraction.

Ceci impliquerait que vous connaissiez déjà ce qu'est la béatitude spinozienne... Celle-ci ne se distingue pas de celle que toute la Tradition spirituelle décrit, selon mon analyse ; elle est permanente et porte sur les fondements mêmes de l'Univers. Mais c'est vrai, ponctuellement, lorsque par hasard les conditions sont favorables (juste après la satisfaction d'un très gros désir à forte tension par exemple, ou autre) elle peut se manifester. Mais, n'étant pas alors basée sur une vision des fondements elle ne dure pas, et laisse juste un regret.

gnayoke a écrit :On s'en fout un peu (seulement un peu) de l'hypothèse, ce qui compte c'est le thèorème et le processus qui amène au théorème.

Oui, c'est en fait exactement ce que disais : quand on fait de la Mathématique on se fout de l'hypothèse de départ. Quand on fait de la Philosophie au sens premier, on ne s'en fout pas du tout.

gnayoke a écrit :L'univers est décrit en termes mathématiques.

!!!?

Et l'univers serait ainsi absolument décrit sur la base d' "hypothèses" quelconques dont on se fout... ?

Non, et très loin s'en faut. Avez-vous le jeu d'équations qui décrivent ab initio les pulsions de conservation, de propagation, de puissance, ...

En fait, c'est impossible : un sous-ensemble de l'entendement de l'homme n'est qu'une partie d'une partie d'une partie de la Nature, qui ne peut atteindre absolument la Nature entière. La seule pensée humaine peut-elle égaler la Nature entière ? L'homme n'est-il pas plutôt alors dans un délire consistant à se prendre absolument pour Dieu... ? Voire en plus poser par la pensée que tout est matière que la pensée n'existe pas... ?
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Messagepar gnayoke » 02 mars 2012, 00:42

A Henrique
Désolé pour la longueur du message. Bonne lecture.

Et pourtant quand vous parlez de méthodes mathématiques plus efficaces que celles de la philosophie, c'est bien ce que vous faites


je me répète : le langage mathématiques et les methodes de démonstrations mathématiques sont plus efficaces que celles de la philosophie.
Cette affirmation ne veut en rien dire que l'une est supérieure à l'autre, la philosophie a aussi des aspects plus attrayants que celles des mathématiques, ce n'est pas pour autant qu'on doit dire qu'elle soit supérieure. Vous m'accorderez que le qualificatif "supérieur" est innapproprié.

Je pense que la méthode reste fondamentalement la logique, que celle-ci a pu être appliquée avec plus de facilité en mathématique

Tout à fait.

Si on considère que chaque discipline a ses objets propres et donc les méthodes qui y conviennent, même si elles peuvent s'inspirer d'autres disciplines, il n'y a évidemment pas lieu de hiérarchiser les disciplines

On est d'accord là dessus.


On peut penser qu'il en est de même avec la philosophie qui s'occuperait des concepts, tandis que la mathématique s'intéresserait aux grandeurs
C'est un raccourci qui me semble normal pour un non mathématicien.
Les mathématiques s'intéressent aussi bien aux grandeurs (l'arithmétique) qu'aux structures (l'algèbre) et à la nature de l'espace (topologie, géométrie).
Quant aux concepts, tout en mathématique est concept, le plus évident au commun des mortels est le concept de nombre. Mais qu'on s'y détrompe, le concept de nombre est l'un des plus profond, celui qui comprend ce qu'est un nombre, trouvera vraie l'affirmation suivante: "tout est nombre".
Mais là c'est un autre sujet.
Pour revenir à notre débat, le partitionnement que vous faites entre les domaines d'études de l'une des disciplines et de l'autre n'est donc pas exact.
C'est pourquoi le philosophe peut interroger les présupposés et les implications ontologiques d'une mathématique comme mode du penser, parce que son objet est l'être et son unité, tandis que le mathématicien ne peut le faire sans cesser d'être mathématicien pour se faire philosophe

Pour qu'on se comprenne il faudra qu'on emploie des termes dénués de toute ambiguïtés.
J'espère que par être vous désignez quelque chose d'absolument général.
Si par contre cet "être et son unité "est une manière de désigner l'humain
ce sera un peu limité comme sujet d'étude de la philosophie. Je pense que la philosophie voit plus loin, la Nature tout simplement ( au sens le plus large, au sens spinozien).
Les mathématiques sont d'une généralité telle qu'on ne doute pas aussi de son sujet d'étude, la Nature, Elles sont tellement générales qu'elles s'appliquent à tout. Dans la nature on retrouve des structures qui sont les mêmes que les structures algébriques! Jetez un oeil au lien entre théorie des groupes et cristallographie, à titre d'exemple. Les mathématiques questionne la nature d'une manière inattendue.

La supériorité de la philosophie, qui était communément admise par les anciens et les premiers modernes, jusqu'à Newton, venait de son objet, l'être dans sa totalité, le plus fondamental et le plus englobant des objets, qui fait qu'elle seule peut rassembler les savoirs épars pour constituer une doctrine unifiée du réel dans toute sa diversité


"L'être dans sa totalité, le plus fondamental et le plus englobant des objets" ,idem que précédemment . Encore une fois le sujet d'étude le plus englobant est la Nature dans tous les sens du terme. Les mathématiques et la philosophie l'ont comme sujet d'étude. et donc au regard de leur sujet d'étude, il n'est point question d'une quelconque supériorité. Chaque discipline a ces méthodes, son esthétique, son coté sexy...

Les mathématiques posent des principes valables pour la quantification de l'être, sans pouvoir les justifier autrement que par leur fécondité théorique. Seule la philosophie peut chercher à en comprendre la nécessité dans l'être, car ses principes ne se réduisent pas à la quantité mais englobent la qualité comme la quantité.


Pour bâtir une maison il faut bien poser la première pierre!.
Et puis, tous les axiomes possibles liés à un problème sont étudiées,ce qui permet d'avoir une vue complète sur l'objet étudié et cela peut prendre du temps qui se compte en siècles. Deux millénaires se sont écoulés entre la naissance de la géométrie plane (axiome A) et la géométrie riemannienne (axiome B), qui avaient le même sujet, la géométrie.Les objets mathématiques ne sont pas que quantitatifs, ils ont des structures, des propriétés statiques, dynamiques, une étendue spatiale, et tout autres cas de qualités imaginables, dès le moment qu'elles sont mathématisables.
Votre conception mathématique vient certainement de votre expérience, elles sont bien plus puissantes et profondes tant en esthétique qu'en concepts transcendants.

Ainsi nous avons autant l'intuition de notre libre arbitre que de la soumission de notre volonté à l'enchaînement de nos idées, selon le point de vue où on se place. Quand je considère ma volonté de lever le bras ou pas, je peux avec Descartes dire que je ne suis pas plus porté à vouloir une chose que l'autre. Et si je regarde mon pouvoir de juger, il semble aussi que je peux juger aussi bien que 2 et 2 font 4, que 5 ou n'importe quoi d'autre.


C'est bien là le problème, l'intuition.
Je peux avoir l'intuition que la terre est plate lorsqu'en fait, elle est ronde. Je peux avoir l'intuition que la terre est le centre de l'Univers lorsqu'en fait ce n 'est pas le cas.
Je peux avoir l'intuition que les formes biologiques sont statiques lorsqu'en fait elles évoluent.
Il y bien là la notion de fausseté, due essentiellement à une impression sensorielle perçue par le corps.
Le jugement même de celui qui croit pouvoir juger que 2 et 2 font ce qu'il veut, est déterminé par son corps et son interaction avec son milieu.
je pense que le libre-arbitre est un relent de germe d'un d’anthropocentrisme latent, l'humain est tellement persuadé qu'il fait office de figure noble qu'il s'attache à croire fortement qu'il tient ce pouvoir.

Et c'est en outre parce que pensant la totalité du réel, la philosophie ne peut manquer d'en tirer des conséquences éthiques et politiques. Tant que vous parlez de lignes et de quantités discrètes, seuls ceux qui s'y intéressent vraiment et s'y entendent s'en mêleront


"Les conséquences éthiques et politiques." Je m'attèle à dire que la philosophie voit plus large que les considérations proprement humaine( éthiques et politiques). L'homme n'est pas le centre de la Nature.
" Ces lignes et ces quantités discrètes" sont bien plus profonde que ne le croyez.

Pour moi , le philosophe d'aujourd'hui ne peut s'empêcher d'avoir une bonne culture scientifiques, voire d'être scientifique, sinon, il s'empêchera de découvrir des objets d'une profondeur insoupçonné qui lui permettront de mieux comprendre la Nature.

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Messagepar gnayoke » 02 mars 2012, 02:07

A Schecho

Je ne hiérarchise pas au sens enfantin du terme ("moi c'est mieux que toi"), mais, conformément à l'esprit de Spinoza, en fonction du potentiel de puissance (humaine, puisque nous en sommes, ce qui ne sous-entend nullement qu'il n'y ait de puissance qu'humaine) que la discipline porte.

Vous tentez d'établir une hiérarchie par rapport au sujet d'étude, en disant que la philosophie étudie la puissance humaine et les mathématiques non, et cela vous permet de dire que dans ce domaine , la philosophie est supérieure aux mathématiques.
Beaucoup de choses à dire,
J'espère que vous ne réduisez pas les sujets d'études de la philosophies à l'humain, ce sera là une preuve flagrante d'un anthropocentrisme qui n'a pas lieu d'être. Pour moi la philosophie( celle que je conçois du moins) voit beaucoup plus large, la Nature.
Les objets mathématiques aussi sont d'une généralité telle qu'on peut les appliquer à tout. A condition d' y mettre du sien.


Mais elle n'est pas du tout aussi puissante, potentiellement, du point de vue essentiel et existentiel.


L'essence d'un objet mathématique, lorsqu'il est bien compris , même intuitivement est suffisamment puissant. On y découvre une esthétique qui peut transcender l'être disponible. Quant à l'aspect existentiel, l’expérience de vraies mathématiques seule suffit.
Que croyez vous qu'ils ont cherché pendant toute leur vie, les profonds et passionnés mathématiciens que sont Riemann, Galois et Grothendieck si ce n'est un quête de l'absolu à travers les sujets de leurs études. Cela nécessite une sensibilité particulière, qui malheureusement n'est pas suffisamment stimulé aux bancs de l'école


La notion de "vérité" pour la Mathématique se discute selon moi. Qu'entendez-vous par-là ?


La vérité mathématique s'établit dans le théorème et le cheminement entre l'axiome et le théorème.

puis lorsque toutes les implications du premier axiome ont été établis, on passe aux autres axiomes, les épuisant tous jusqu’à avoir une vue complète du problème. Ce que je viens de décrire est ce qui s'est passé entre la découverte de la géométrie euclidiennes et la notion de variétés différentielles

Et l'univers serait ainsi absolument décrit sur la base d' "hypothèses" quelconques dont on se fout...


Pour batir une maison il faut d'abord poser la première pierre! Les axiomes.
Le "on s'en fout" c'est pour dire que la notion de vérité mathématique porte plus sur le chemin entre A (l'axiome) et B (le théorème) que sur A tout seul.

Les axiomes restent utiles pour commencer à établir l'édifice, d'autre axiomes viendront consolider le même édifice.

Avez-vous le jeu d'équations qui décrivent ab initio les pulsions de conservation, de propagation, de puissance,


Votre question est taquine , mais intéressante, je ne parlerai pas de mathématiques seules, mais j'invoquerai la physique et la biologie, bref, les sciences de la Nature.
Le notions de conservation, de puissances et autres que définit Spinoza peuvent être liées à des états d'équilibre physiologiques. C'est là que s'arrête mon intuition sur la question.

La seule pensée humaine peut-elle égaler la Nature entière ?

Vous sembler opposer la Nature à l'humain, c'est une démarche infructieuse. La Nature elle même a doté à l'ensemble des êtres les capacités de pouvoir interagir avec elle, de pouvoir l’appréhender, la saisir . Les capteurs sensitifs que constituent l'ensemble de nos sens, le système de traitement d'information que constitue le cerveaux et les réseaux de nerfs, sont autant outils dont nous a doté cette même Nature.

Voire en plus poser par la pensée que tout est matière que la pensée n'existe pas


C'est notre incapacité à saisir certains aspects de la Nature qui nous font croire que ces aspects ne relèvent pas de la Nature. La pensée en est une illustration.

Le système oculaire capte l'information lumineuse, la traite et transmet le résultat à un autre système.

De la même manière, le système de traitement d'informations (cerveau) capte une information de type quelconque(pourquoi pas oculaire) traite cette information (l'acte même de penser) et produit un résultat , la pensée.

La pensée est le résultat du traitement d'une information, elle correspond à un état cérébral donné

Sur votre scepticisme je dirai que la Nature est infiniment grande, mais ce n'est pas pour autant qu'il y a une infinité de choses à saisir d'elles, ce n'est pas pour autant qu'elles soient infiniment compliqués, Si je comprend comment s'applique les lois de la nature sur un objet, je le comprends sur l'infinité des autres objets qui utilise le même phénomène.
Modifié en dernier par gnayoke le 02 mars 2012, 02:23, modifié 1 fois.

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Messagepar bardamu » 02 mars 2012, 02:23

gnayoke a écrit :(...)
Les mathématiques s'intéressent aussi bien aux grandeurs (l'arithmétique) qu'aux structures (l'algèbre) et à la nature de l'espace (topologie, géométrie).
Quant aux concepts, tout en mathématique est concept, le plus évident au commun des mortels est le concept de nombre. Mais qu'on s'y détrompe, le concept de nombre est l'un des plus profond, celui qui comprend ce qu'est un nombre, trouvera vraie l'affirmation suivante: "tout est nombre".

Bonjour gnayoke,
mais le mathématicien saura-t-il construire mathématiquement le concept de concept, ou bien simplement définir mathématiquement une feuille d'arbre ?
A mon sens, le problème des mathématiques quand il s'agit de développer son degré de connaissance, c'est que leur expressivité est faible. C'est très bien pour la représentation de relations épurées, mais c'est très loin de la richesse des expériences les plus banales. Quelqu'un connaissant toutes les mathématiques actuelles aussi bien que tous les spécialistes de chaque domaine, serait bien en peine s'il devait donner la description mathématique d'une simple feuille d'arbre réel, avec tous ses "défauts".

Et même quand il s'agit d'appliquer les maths à des notions abstraites, ça peut rater : il faut d'abord comprendre l'idée avant de pouvoir la représenter mathématiquement, de même qu'il faut d'abord voir la feuille d'arbre avant de chercher sa représentation mathématique.

Exemple avec une tentative de formalisation du rapport substance-mode (in La raison systématique, D. Parrochia, Vrin, 1993, p. 252) :
D. Parrochia a écrit :(...) comment le mode fini peut-il être, en même temps, investi de part en part par l'infini dont il dépend ? Comment l'éternité de l'univers peut-elle être présente en chacun de ses instants ? Le philosophe bien sûr, ne se pose pas ce genre de question. Ou plutôt, il les résout en idée : mais telle est bien - qui en doutera ? - la limite du discours spéculatif.
On peut cependant esquisser une sorte de schème mathématique qui rendre moins étrange cette possibilité. Du point de vue de l'analyse classique, on sait déjà qu'un ensemble infini peut être identique à l'une de ses parties. Mais on voit que Spinoza réclame bien davantage. A supposer que le continu puisse être associé à la substance et fournisse une image acceptable de son éternité et de son infinitude "en acte", il faut que cet infini se retrouve en chaque mode et en chacune de ses parties, ceci à l'infini. Si une telle demande n'est pas recevable dans le cadre de l'analyse classique, l'analyse non-standard, elle, pourrait aujourd'hui éventuellement expliquer la possibilité d'une présence en acte d'un infini en chaque point du fini. C'est la problématique de la construction du surcorps réel fermé non-archimédien à partir d'une ultrapuissance convenable qui pourrait éventuellement rendre rationnelle la construction spinoziste qui ne peut, en l'occurrence se soutenir par elle seule.


Avec tout le respect dû à M. Parrochia, je trouve ça à la limite du comique (je dois même dire que ça me fait rire à chaque fois que je le lis...) que de dire qu'on explique le "deus quatenus...", le mode fini en tant qu'expression de la substance, par la construction d'un surcorps réel fermé non-archimédien à partir d'une ultrapuissance convenable, et que c'est la condition pour une rationalité de la construction spinozienne.
Ceci étant, avant de mathématiser, il faudrait déjà savoir si Spinoza demande bien qu'il y ait une sorte de bijection entre un ensemble infini mathématique et un de ses éléments. Parce qu'en fait, si Parrochia passe par l'analyse non-standard, c'est pour utiliser ses sortes de "points étendus" qu'on y défini en identifiant le point à l'ensemble de ses voisinages infinitésimaux. En gros, il trouve une définition du "point" comme ensemble infiniment composé, sorte de monade, pouvant se mettre en bijection avec l'infinité de l'ensemble total.
Ca pourrait peut-être marcher avec Leibniz pour qui chaque monade représente en extension toute la création, mais, à mon sens, ce n'est pas l'idée de Spinoza. Chez Spinoza, ce sont éventuellement les attributs qui ont même extension que la substance. Les modes finis sont "deus quatenus...", Dieu en tant que mode fini, mais certainement pas sur le registre d'une même extension, d'une même "taille" d'infini.
Du coup, sa construction n'explique pas celle de Spinoza vu qu'il se trompe de problème.

Et c'est selon moi un problème général de la vérité comme représentation exacte, comme correspondance entre un objet (y compris une idée) et sa représentation : il faut comprendre ce qu'il y a à représenter avant de savoir si on l'a correctement représenté, mathématiquement ou pas. Donc, si les mathématiques engendrent leurs propres vérités, si leur cohérence interne est source de vérités proprement mathématiques, elles sont au même niveau que n'importe quel autre système de représentation dès lors qu'on s'en sert sur ce mode. Elles ont des vertus de clarté, d'explicite, d'univocité des termes, utiles pour l'explication en tant que langage, mais il peut y avoir des modes de représentation plus efficaces. Par exemple, Deleuze proposait qu'on représente les systèmes philosophiques par des machines : au lieu de mots, de figures etc., on exhibe une machine qui fonctionne.

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Messagepar Henrique » 02 mars 2012, 11:45

Cher Gnayoke, vous ne m'avez pas compris. Notamment quand je parle de "l'être". Il n'y a tout de même pas que l'homme qui soit, même Descartes ne l'a pas pensé. L'être est commun à l'homme, à la pierre, au mouton comme à l'univers. Voilà un objet que le mathématicien ne saurait aborder mais dont il suppose un certain nombre de caractéristiques (unité ou multiplicité, réalité ou abstraction, éternisme ou présentisme...) , en posant ses premiers axiomes ou hypothèses, sur la base d'une métaphysique plus ou moins naïve, plus ou moins clairement consciente. En cela il est inférieur au philosophe qui part de l'interrogation même de ce que sont l'un et le multiple, le réel et l'abstrait, le caractère éternel ou mobile de l'être etc.

On ne parle ici évidemment pas de supériorité morale, intellectuelle ou quoique ce soit de ce genre, mais simplement de logique.

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Messagepar sescho » 02 mars 2012, 13:53

gnayoke a écrit :J'espère que vous ne réduisez pas les sujets d'études de la philosophies à l'humain, ce sera là une preuve flagrante d'un anthropocentrisme qui n'a pas lieu d'être. Pour moi la philosophie( celle que je conçois du moins) voit beaucoup plus large, la Nature.

Vous insistez beaucoup là-dessus, mais vous êtes totalement en dehors du coup... La philosophie exposée par Spinoza met la Nature (naturante, puis naturée) en amont de tout, sans pouvoir y déroger, et critique toutes les idées fausses liées à l'anthropocentrisme. Donc sur un site consacré à Spinoza, ce n'est vraiment pas le sujet...

En revanche vous semblez oublier que nous sommes des hommes, et que nous ne pouvons pas sortir de cette condition, et que l'Ethique de Spinoza, son œuvre majeure, est consacrée à la béatitude de l'homme (tant mieux puisque c'est le souverain bien de l'homme, et que celui qui écrit comme ceux qui le lisent sont des hommes, qui ne peuvent en aucune manière sortir de leur condition d’homme...) Cela n'a rien à voir avec de l'anthropocentrisme, et ne suppose pas plus que l’homme soit condamné à vivre strictement selon le mode fini sans conscience de la substance. En fait, c’est tellement massivement contraire à Spinoza, qu’il est assez grotesque d’avoir à le préciser…

Puisque j’en suis là, je vais durcir un peu mon commentaire sur votre comportement (c’est mon style personnel…) : vous n’avez pas idée du pitoyable – et de la banalité – de la prétention au génie et au don de leçon. Pour ce qui me concerne (n’y voyez pas de guerre d’ego : j’ai bien compris le pitoyable de cela encore une fois ; je n’ai en outre aucune prétention au titre de mathématicien ; enfin c’est un excellent test pour l’équanimité), j’ai aussi fait une grande taupe parisienne (algèbre, analyse, topo, etc.) – mais le contexte, plus psychologique que technique d’ailleurs, m’interdit alors de parler de « matière forte » s’agissant de la Mathématique –, et ai même poursuivi ensuite en Ecole puis professionnellement en statistiques et calcul numérique. J’ai eu quelques occasions de faire des démonstrations par moi-même… Bref, quoique n’étant pas mathématicien, je connais assez bien la démarche. Bardamu, comme vous pouvez déjà l’entrevoir par sa réponse plus haut, n’est, bien au-delà de cela, pas le premier venu en matière d’épistémologie des sciences. Quant à donner des leçons de Philosophie à Henrique, je vais me passer de commentaires…

gnayoke a écrit :Les objets mathématiques aussi sont d'une généralité telle qu'on peut les appliquer à tout. A condition d' y mettre du sien.

Pure croyance et prétention de mon point de vue (sans pour autant ignorer la contribution de la Mathématique à la Physique – toujours approximative s’agissant de la Physique même, encore une fois, laquelle dans l’immense majorité des cas réels ne se distingue pas d’une prétendue « science molle » : approximations, moult paramètres pris de l’expérimentation, etc.)

gnayoke a écrit :La vérité mathématique s'établit dans le théorème et le cheminement entre l'axiome et le théorème.

« Vérité mathématique » est le bon mot. Quid de la vérité tout court ?

gnayoke a écrit :Le "on s'en fout" c'est pour dire que la notion de vérité mathématique porte plus sur le chemin entre A (l'axiome) et B (le théorème) que sur A tout seul.

Sur les quelques opérations (intuitives) de base de la seule Logique, donc… C’est bien, mais c’est léger en regard de l’Univers, non ? Surtout en prenant pour base n’importe quelle axiomatique, sans laquelle rien ne peut être développé…

gnayoke a écrit :Le notions de conservation, de puissances et autres que définit Spinoza peuvent être liées à des états d'équilibre physiologiques. C'est là que s'arrête mon intuition sur la question.

Certes. Mais c’est de mon point de vue très très léger pour affirmer que la Nature est mathématique (sans même invoquer ce qui a déjà été fait plus haut, savoir les théorèmes d’incomplétude de Gödel, qui montrent qu’une proposition juste dans un système peut n’être pas démontrable dans ce même système…)

gnayoke a écrit :C'est notre incapacité à saisir certains aspects de la Nature qui nous font croire que ces aspects ne relèvent pas de la Nature. La pensée en est une illustration.

Tout ce qui est est dans l’Être, la Nature. Mais effectivement la distinction incontournable (selon l’intuition ; mise à part la connaissance rapportée, indirecte, donc) de la matière et de la pensée est liée à une limite humaine indépassable. Mais comment ces incapacités humaines peuvent-elles être compatibles avec la représentation humaine (c’est incontournable, je le rappelle) mathématique de toute la Nature ?
Modifié en dernier par sescho le 02 mars 2012, 14:23, modifié 1 fois.
Connais-toi toi-même.


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