Sartre et Spinoza au sujet de la liberté + R. Misrahi

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Re: Sartre et Spinoza au sujet de la liberté + R. Misrahi

Messagepar Vanleers » 31 déc. 2014, 21:18

A NaOh

1) Vous écrivez :

« D’après vous E IV 25 serait une façon pour Spinoza de dire que la force par laquelle chaque chose persévère dans l’être n’est due qu’à elle-même, mais que son conatus ou son effort peut être déterminé par autre chose qu’elle-même. »

Ce n’est pas tout à fait cela et je donne à nouveau la citation de Sévérac que je vous avais envoyée sur un autre fil :

« Vis, conatus, cupiditas : force, effort, désir. Ces trois concepts renvoient à la même réalité, celle d’une puissance de vie qui fait « tout son possible » (sans reste) pour conserver son être. La force (vis) est cette puissance en tant qu’elle est comprise à partir de la puissance éternelle de Dieu. L’effort (conatus) est cette puissance en tant qu’elle est considérée comme impliquée dans une existence en commerce avec d’autres existences. Le désir (cupiditas) est encore cette même puissance, en tant qu’elle est déterminée, par une quelconque affection, à faire quelque chose de particulier. »

Dire que « La force (vis) est cette puissance en tant qu’elle est comprise à partir de la puissance éternelle de Dieu. » ne se ramène pas à dire que cette force n’est due qu’à elle-même.

2) Vous écrivez :

« Je prétends moi qu’est de plus en plus libre celui dont l’effort (je dis bien « l’effort » et non la « force ») est de moins en moins déterminé par une autre chose. »

Pour l’homme, être libre c’est être actif : direz-vous que des choses qui me déterminent en m’affectant de joie, donc qui augmentent mon conatus, vont nécessairement me rendre moins actif, donc moins libre ?

3) Vous écrivez :

« Est-il si difficile de concevoir qu’une chose puisse persévérer dans l’être de son propre fond d’une part, tout en étant affectée par des causes extérieures d’autre part ? »

Le problème est que le conatus n’a pas de fond. C’est une réalité modale et il ne faut pas le comprendre comme un hypokeimenon, un support d’accidents.

4) Vous écrivez :

« Que maintenant le conatus soit toujours déterminé par l’action des causes extérieures à opérer de telle ou telle façon signifie seulement ceci : l’individu dans cette mesure n’est pas libre. Dans la mesure au contraire où son conatus n’est pas déterminé par des causes extérieures, alors il est libre. »

Tous les arguments de mes messages sur ce fil vont évidemment en sens contraire.

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Re: Sartre et Spinoza au sujet de la liberté + R. Misrahi

Messagepar Lechat » 01 janv. 2015, 22:45

A Vanleers,

Dans les 2 réponses que vous m'avez faites, la première était une objection à mon post, et la seconde tempère la première en acceptant le fait qu'on puisse être partiellement libre grâce à la méthode de la 5eme partie. Donc je pense qu'on est d'accord sur le fait qu'on peut discuter sur les degrés intermédiaires de liberté qu'on a. Mais je pense que c'est mes 99,..% d'activité qui vous ont fait réagir.

Je reformule ce que je voulais dire :
Supposons que la décision d'aller à Nice est déjà prise (on peut le voir comme un impératif extérieur), je dis que ma décisions de choisir le train comme moyen de transport est un acte très libre et raisonnable. L'effet de mon déplacement à Nice s'explique en grande partie par moi, car il est raisonnable (par induction) de se dire qu'on va y arriver entier. Durant le trajet on est comme emporté par une action passée par inertie, on n'est pas plus passif que quand on est fixe par rapport à la terre et emporté par son mouvement de rotation. Ce mouvement n'a pas d'incidence sur une variation de notre puissance. Initialement je pense que c'est ça qui était en jeu dans l'exemple de NaOh présentait notre degré de passivité par rapport aux aléas du trajet.

Ce déplacement se comprend-il par moi seul (ou dans une large mesure) ? Je répondrais oui de la même manière que l'idée "la somme des angles d'un triangle est égale à 2 droits" se comprend par moi seul. En effet la théorie des probabilités a des fondements aussi rigoureux que la géométrie euclidienne.

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Re: Sartre et Spinoza au sujet de la liberté + R. Misrahi

Messagepar Vanleers » 02 janv. 2015, 11:30

A Lechat

Le premier post que je vous ai adressé n’était pas une objection au vôtre mais un constat.
Comprenant que, pour un homme, être libre c’est être actif et qu’être actif c’est produire quelque chose qui puisse se comprendre clairement et distinctement par soi seul, je me demandais : sait-on jamais si l’on est libre ?
J’y répondais par la négative, considérant qu’un tel savoir dépasse les capacités de n’importe quel homme.
J’en arrive à la conclusion que la question générale de savoir si les hommes sont libres ou pas n’a pas de réel intérêt car aucun homme, dans une situation concrète donnée, n’est en mesure d’y répondre absolument.
C’est le cas de celui qui décide de prendre un train pour Nice. Il ne se pose d'ailleurs pas cette question car il a mieux à faire et c’est ce que vous décrivez : il procède à une analyse rationnelle de la situation.
Descartes et ses « Règles pour la direction de l’esprit » pourrait éventuellement l’aider dans son analyse mais rappelons que Spinoza ne se propose pas, dans l’Ethique de « perfectionner l’entendement ».
Cet ouvrage propose autre chose, qui a également à voir avec la liberté comme il l’écrit au début de la Préface de la cinquième partie :

« Je passe enfin à cette partie de l’Ethique qui concerne la modalité d’accès, c’est-à-dire la voie qui conduit à la Liberté. J’y traiterai donc de la puissance de la Raison en montrant quel est le pouvoir de la Raison elle-même sur les affects, et en disant ce qu’est la Liberté de l’Esprit, c’est-à-dire la Béatitude ; nous verrons par là même combien le sage a plus de force que l’ignorant. »

Spinoza est un libérateur dans le sens très précis où il nous donne des moyens de rompre les chaînes de la haine et de l’amour passif.
Etre libre, c’est être actif, disions-nous : soyons encore plus concret, être libre, c’est éprouver des affects actifs.
Je pense donc, aujourd’hui, que nous nous sommes quelque peu égarés sur ce fil et qu’il y aurait lieu de reprendre la question de la liberté de l’homme sous l’angle de la libération des affects passifs.

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Re: Sartre et Spinoza au sujet de la liberté + R. Misrahi

Messagepar Vanleers » 02 janv. 2015, 15:57

Essayons de reprendre la question de la liberté de l’homme sous l’angle de la libération de l’amour passif (de l’amour passion).
Nous nous appuierons sur un article, court et clair, d’André Martins : « L’amour : cause et concomitance » in Spinoza, philosophe de l’amour (Publications de l’Université de Saint-Etienne 2005).
Rappelons la définition de l’amour selon Spinoza :

« L’amour est une joie qu’accompagne l’idée d’une cause extérieure » (E III 13 sc.)

Selon A. Martins, l’amour passif se distingue de l’amour actif selon que notre idée de la cause de notre amour est inadéquate ou adéquate.
Dans l’amour passif, nous imaginons que c’est l’objet que nous aimons qui est la cause de notre joie.
En réalité, cet objet n’est pas la cause de notre joie, c’est-à-dire de l’augmentation de notre puissance d’agir mais seulement un objet qui favorise cette puissance et A. Martins écrit :

« Si l’autre [que nous aimons] est pris comme cause exclusive de la joie, nous avons affaire à l’amour passionnel, où l’idée inadéquate de la cause de la joie éprouvée engendre inévitablement de la tristesse. Nous comprenons ainsi que l’amour passionnel est de l’amour puisqu’il y a de la joie, c’est-à-dire puisque la puissance d’agir est accrue ou favorisée, et qu’il est passionnel puisque l’objet extérieur est pris non seulement comme favorisant la puissance et son augmentation, mais comme en étant la cause. » (p. 73)

Si l’objet que nous aimons n’est pas la cause de notre joie, quelle en est la véritable cause : « la cause de l’amour, comme de tout affect en tant que mode de penser, c’est Dieu » (p. 71). A. Martins écrit :

« Nous pensons que l’objet, dans le cas d’un amour actif, augmente effectivement la puissance d’agir et de penser de l’individu, mais non pas directement, c’est-à-dire qu’il seconde cette augmentation. Il en est cause transitive, si l’on peut dire, et non cause efficiente, car en réalité c’est toujours Dieu qui agit, en tant qu’il s’explique par notre nature et celle de l’objet qui nous affecte. L’objet extérieur – dont l’idée est concomitante à la joie et en fait un amour – devient ainsi un moyen de l’augmentation de la puissance d’agir, dans le sens qu’il procure des conditions favorables à cette augmentation, c’est-à-dire à l’expression active de sa puissance qui pourtant vient de soi-même et donc de Dieu. » (p. 72)

A. Martins confirme :

« Si nous avons une idée adéquate de la cause de l’amour, nous savons que notre puissance d’agir, favorisée par l’accord avec la nature de l’objet, ne nous est pas donnée par lui, mais vient de nous-mêmes, de notre force de vivre, comme expression de la Nature, de la substance, du réel. » (p. 75)

Dans l’amour actif, nous nous reconnaissons comme cause adéquate de l’amour que nous éprouvons pour l’autre. Nous sommes ainsi libérés de son emprise puisque nous comprenons que c’est nous qui sommes la cause de cet amour et non pas lui et nous l’aimons librement, c’est-à-dire que nous nous réjouissons de son existence qui favorise notre puissance d’agir.

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Re: Sartre et Spinoza au sujet de la liberté + R. Misrahi

Messagepar NaOh » 02 janv. 2015, 18:02

A l'intention de Vanleers

Vous écrivez:

"Dire que « La force (vis) est cette puissance en tant qu’elle est comprise à partir de la puissance éternelle de Dieu. » ne se ramène pas à dire que cette force n’est due qu’à elle-même..

Je pense que Dieu est le « soi » de chaque chose

Ensuite:

Pour l’homme, être libre c’est être actif : direz-vous que des choses qui me déterminent en m’affectant de joie, donc qui augmentent mon conatus, vont nécessairement me rendre moins actif, donc moins libre ?

Évidemment non. Mais les choses qui me rendent libre n'agissent pas à proprement parler sur moi
comme du dehors, j'agis avec elles et , ce faisant nous formons un nouvel individu lequel est toujours partiellement déterminé à agir par des causes extérieures et ainsi de suite. Le corps humain lui même est un assemblage d'individus qui concourent au même effet ; la vie. Diriez vous que les parties qui me constituent me déterminent à vivre « du dehors » ? Cette question n'a aucun sens...

Puis:

Le problème est que le conatus n’a pas de fond. C’est une réalité modale et il ne faut pas le comprendre comme un hypokeimenon, un support d’accidents.

Je suis bien entendu d'accord avec le fait que le mode n'est pas une substance, seulement il est un individu. Il doit y avoir un une via media entre la réalité substantielle (Dieu) et la pure « labilité » d'une simple conjonction d'accidents. L'individu n'est ni substantiel, ni « accidentel », il est un mode déterminé de la puissance d'exister de Dieu, et cette détermination emporte quelque chose comme un « fond » (son essence agissante).

Enfin:

« Que maintenant le conatus soit toujours déterminé par l’action des causes extérieures à opérer de telle ou telle façon signifie seulement ceci : l’individu dans cette mesure n’est pas libre. Dans la mesure au contraire où son conatus n’est pas déterminé par des causes extérieures, alors il est libre. »

Tous les arguments de mes messages sur ce fil vont évidemment en sens contraire.


Oui mais Spinoza écrit tout de même:
 Scolie de la proposition 13, II
« et plus les actions d'un corps dépendent de lui seul, en d'autres termes, moins il a besoin du concours des autres corps pour agir, plus l'âme qui lui est unie est propre à la connaissance distincte » »

Bien à vous.
Modifié en dernier par NaOh le 04 janv. 2015, 18:12, modifié 1 fois.

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Re: Sartre et Spinoza au sujet de la liberté + R. Misrahi

Messagepar Lechat » 02 janv. 2015, 19:46

A Vanleers,
Ok vous souhaitez recentrer le fil sur les questions d'éthique. Je me retire pour l'instant pour ne pas ajouter une discussion. J'avais aussi en magasin des réponses à NaOh (sur l'identique et le semblable) mais on va laisser de coté pour éviter de polluer.

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Re: Sartre et Spinoza au sujet de la liberté + R. Misrahi

Messagepar Vanleers » 02 janv. 2015, 21:27

A NaOh

1) Vous écrivez :

« Je pense que Dieu est le « soi » de chaque chose »

Avec Sévérac, je comprends la force (vis) comme l’essence éternelle de la chose, c’est-à-dire, comme je l’ai déjà écrit, la chose elle-même considérée sub specie aeternitatis.
Est-ce que vous entendez le « soi » comme l’essence éternelle de la chose ?

2) Vous écrivez :

« Mais les choses qui me rendent libre n'agissent pas à proprement parler sur moi comme du dehors, j'agis avec elles […] »

Ici, je vois un point d’accord entre nous, surtout après avoir réfléchi sur le texte d’André Martins cité dans mon précédent post.
Cet auteur indique que les choses qui s’accordent avec nous favorisent notre puissance d’agir mais ne doivent pas être considérées comme des causes extérieures de l’augmentation de cette puissance d’agir.
Cela se comprend mieux en disant, comme vous le faites, que nous formons avec ces choses un individu plus puissant.

3) Je reviens à votre phrase d’un précédent post :

« Est-il si difficile de concevoir qu’une chose puisse persévérer dans l’être de son propre fond d’une part, tout en étant affectée par des causes extérieures d’autre part ? »

Je pense qu’il y a lieu, d’une part, de considérer la chose sub specie aeternitatis et alors, en effet on pourrait dire qu’elle « persévère » dans l’être de son propre fond si on comprend le « propre fond » comme l’essence éternelle de la chose. Je mets « persévère » entre guillemets parce que l’éternité est en dehors de la durée et que « persévère » laisse entendre une action continue dans le temps.
D’autre part, considérée sub specie durationis, la chose est en effet déterminée, c’est-à-dire affectée par des causes extérieures.
A ce sujet, voir le scolie d’E V 29 qui se réfère à E II 45 et son scolie.

4) Vous faites référence à la partie du scolie d’E II 13 dans laquelle Spinoza montre, par deux arguments dont vous citez le second, que plus un corps l’emporte sur les autres, plus son esprit l’emporte sur les autres.
Je ne vois pas comment vous en tirez un argument en faveur de votre thèse :

« Dans la mesure au contraire où son conatus n’est pas déterminé par des causes extérieures, alors il est libre. »

5) Comme le souligne Lechat, il serait intéressant, à mon point de vue, de tirer de notre discussion des enseignements pratiques.

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Re: Sartre et Spinoza au sujet de la liberté + R. Misrahi

Messagepar NaOh » 03 janv. 2015, 10:43

A Vanleers,

Les extraits que vous avez posté du texte de A.Martins s'accordent entièrement avec ma manière de voir les choses. Merci donc pour ces textes. Je ne comprends pas en revanche ce que vous m'objectez au sujet de la partie du scolie de la proposition 13 partie II que je vous ai envoyé dans mon message précédent. Selon moi elle établit textuellement ce que je veux, à savoir que le critère de la perception distincte ( et par suite des idées adéquates donc de la liberté) réside dans le fait que nous opérons de moins en moins sous la loi des choses extérieures, ce que vous contestez.

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Re: Sartre et Spinoza au sujet de la liberté + R. Misrahi

Messagepar Vanleers » 03 janv. 2015, 16:08

Spinoza est un libérateur qui nous donne des moyens de rompre les chaînes de la haine et de l’amour passif.
L’un des moyens les plus puissants qu’il nous propose est défini en E V 2 :

« Si nous éloignons une émotion de l’âme, autrement dit un affect, de la pensée d’une cause extérieure, et la joignons à d’autres pensées, alors l’Amour ou la Haine à l’égard de la cause extérieure, ainsi que les flottements d’âme qui naissent de ces affects, seront détruits. » (traduction Pautrat)

Insistons sur le premier volet de la proposition.

Il s’agit d’« éloigner » (amoveo : éloigner, détourner, écarter – ce que Misrahi et Guérinot rendent par séparer) un affect de haine ou d’amour (passif) de l’idée d’une cause extérieure, idée qui, par définition de la haine ou de l’amour, accompagne l’affect de tristesse ou de joie que nous éprouvons.
C’est-à-dire de se dés-inter-esser, de se déprendre de ce que nous imaginons être la cause de l’affect, de décrocher, de s’en libérer.
Il s’agit, en quelque sorte, de rompre les chiens lorsqu’ils ont pris le change. Et dans le domaine affectif, les chiens prennent toujours le change.

Comment est-ce possible ?

Il suffit, et c’est le deuxième volet de la proposition, de joindre d’autres idées à l’affect.
Par exemple, André Martins nous a expliqué que pour nous libérer de l’amour passif, il suffit de comprendre que l’objet que nous aimons n’est pas la cause de notre joie, et que « la cause de l’amour, comme de tout affect en tant que mode de penser, c’est Dieu » (op. cit. dans un précédent message p. 71).

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Re: Sartre et Spinoza au sujet de la liberté + R. Misrahi

Messagepar Vanleers » 24 janv. 2015, 17:30

A NaOh

Je vous signale un article intéressant de Yves Citton qui analyse deux livres sur Spinoza, dont Le Devenir actif chez Spinoza, Paris, Champion, 2005 de Pascal Sévérac dans lequel ce dernier défend une thèse sur la liberté de l’homme à laquelle je me suis référé dans notre discussion. On le trouve en :

http://www.multitudes.net/Noo-politique ... Recension/

Je vous adresse deux passages qui concernent les philosophies de Gilles Deleuze ou d’inspiration deleuzienne dans leur rapport à Spinoza.
Il avait commencé à en être question sur un autre fil mais le débat fut vite interrompu.
Y. Citton suggère que, dans la question complexe de sa relation à Spinoza, il y aurait en fait deux Deleuze.

Bien à vous

Premier extrait :

« Au cours des dernières années, on a pu sentir s’installer, dans les milieux de pensée d’inspiration deleuzienne, un certain clivage entre, d’une part, une filiation spinoziste, qui va puiser dans l’Éthique et le Traité politique sa conception d’un mouvement réel des sociétés humaines articulé en termes de puissance de la multitude, d’auto-organisation constituante, de nécessitarisme anti-humaniste, de stratégie du conatus et d’économie des affects, et, d’autre part, une filiation leibnizienne, qui raisonne en termes de puissance de la différence, de sensibilité monadique, de bifurcations infinitésimales, de pluralisme, de monde possible et de virtuel. D’un côté, une lignée qui va de Spinoza au Deleuze du Problème de l’expression, en passant par Marx et Toni Negri ; de l’autre, une lignée qui va de Leibniz au Deleuze du Pli, en passant par Tarde et le pragmatisme américain. À Leibniz, la première filiation reprochera son providentialisme, son dualisme, ainsi que ses professions de foi trop conciliantes avec les doctrines chrétiennes du libre arbitre et de l’âme ; à Spinoza, la seconde filiation reprochera d’étouffer le pluralisme sous le monisme de la substance unique, d’écraser le possible et le virtuel sous le poids de la nécessité et de la perfection du réel, d’aplatir l’événement sous le fer à repasser d’une causalité intégralement intelligible. »

Deuxième extrait :

« La force de cet ouvrage [Le Devenir actif chez Spinoza] tient d’abord à son refus de tout compromis envers le strict déterminisme que défend Spinoza dans toutes ses conséquences – conséquences souvent dérangeantes, avec lesquelles les meilleurs interprètes de l’Éthique ont souvent tendance à ruser. Si tout est soumis à une causalité sans faille, si tout phénomène et tout « choix » est déterminé, si l’on refuse de reconnaître la moindre part de « vide » dans la constitution du monde et dans « l’implacable série infinie des causes finies » (81), alors comment ne pas devoir reconnaître que rien ne peut être autre qu’il n’est, que la catégorie du « possible » – telle qu’elle fait surface dans un slogan comme « Un autre monde est possible » – est dénuée de sens et, dès lors, que tout est (aussi) parfait (qu’il peut l’être) ? Pascal Sévérac montre que la solution deleuzienne à cette question, en posant les individus comme pouvant être « séparés de leur puissance », en leur attribuant donc une « réserve de puissance » face à laquelle leur comportement réel se trouverait « en retrait », trahit la logique profonde de la pensée spinozienne – ce qui ne l’empêche d’ailleurs nullement d’avoir fait rebondir le spinozisme dans des directions particulièrement fécondes. »


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