La place de la conscience dans l'Ethique

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Vanleers
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Re: La place de la conscience dans l'Ethique

Messagepar Vanleers » 16 janv. 2015, 11:35

A NaOh

L’éternité, c’est-à-dire « l’existence même en tant qu’on la conçoit suivre nécessairement de la seule définition d’une chose éternelle » (E I déf 8) « ne peut s’expliquer par la durée » (E I déf. 8 explication).

Notez l’extraordinaire complexité de cette définition de l’éternité qui fait appel, dans son corps même, aux notions de définition et de chose éternelle.
Ceci nous rappelle que nous sommes tout à fait incapables d’imaginer l’éternité (car nous imaginons dans le temps) et que nous risquons de nous poser des questions qui n’ont pas de sens comme celles auxquelles vous faites allusion dans votre post.
Or, d’un point de vue éthique, ces questions n’ont pas d’importance car, en matière d’éternité, la seule chose qui importe, c’est de comprendre notre existence éternelle ainsi que celle des autres choses comme suivant nécessairement de la définition de Dieu.
Nous pouvons donc faire l’impasse sur ces questions.

L’élément d'invariabilité du corps et de l'âme est-il un bon "candidat" à l'éternité, pour reprendre votre expression ?
L’invariabilité est-elle une caractéristique de l’éternité ? Je ne vois pas que cela découle de sa définition selon Spinoza. C’est pour cela que j’écrivais que sous l’aspect de l’éternité, ni les choses ne changent, ni elles ne changent pas.
Et même si cela avait un sens de dire que l’invariabilité du rapport de mouvement et de repos du corps dans la durée est un bon « candidat » à l’éternité, je pense que cela nous détournerait plutôt de « la conversion du regard (et de la pratique en même temps) que promeut la science intuitive » (Sévérac, dans mon post précédent), conversion nécessaire si nous voulons connaître la béatitude.

Bien à vous

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Re: La place de la conscience dans l'Ethique

Messagepar cess » 16 janv. 2015, 20:20

A Vanleers

Merci de m'avoir indiqué ce texte de Alain Billecocq...

Oui, le spinozisme n'est pas une philosophie de chambre mais une philosophie de contestataire dans la mesure où elle prône l'accomplissement de chacun , condition de sa liberté.....
alors là .....çà grince, frictions électriques qui viennent bouger les lignes, les rapports de force culturels au sein de ce vivre ensemble que représente la démocratie

Et la tristesse puis ensuite la colère qui nous a animé et aujourd'hui cette espèce de vigilance montre que loin d'être anéantie, une puissance d'agir s'en trouve renforcée...
Le vrai souci est qu'il va falloir être profondément sage et efficace...

Sage et efficace? quand l'ignorance devient le terreau des théories du complot (ces 17 assassinats n'auraient pas eu lieu selon certaines rumeurs mortifères!!), des adolescents font le V de la victoire pendant la mn de silence de jeudi dernier, quand des Coulibaly se forment à la boucherie tout en touchant le RSA et quand des profs d'histoire reculent ne pouvant même plus aborder 39-45 et le génocide!


Alors comment être sage dans cette situation? Je n'ai ni les moyens , ni l 'intelligence pour m'attabler chaque soir et rédiger une oeuvre unique et éternelle!

Une drôle d'aventure commence......

Bien à vous

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Re: La place de la conscience dans l'Ethique

Messagepar Vanleers » 17 janv. 2015, 11:37

A NaOh

Dans mon précédent post, je rappelais que j’avais écrit que sous l’aspect de l’éternité, ni les choses ne changent, ni elles ne changent pas.
Cette formulation me paraît imprécise et je voudrais la corriger.
Désignons par A la proposition « les choses changent » et par non-A la proposition « les choses ne changent pas ».
Pour signifier que lorsqu’on considère les choses sous l’aspect de l’éternité nous ne pouvons rien dire quant à un changement de ces choses (à leur caractère fixe ou variable), j’aurai recours au tétralemme sceptique en disant que nous ne pouvons affirmer la vérité d’aucune des quatre propositions suivantes :
1) A
2) non-A
3) A et non-A
4) ni A ni non-A

Bien à vous

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Re: La place de la conscience dans l'Ethique

Messagepar NaOh » 18 janv. 2015, 12:17

A Vanleers,

Vos assertions sont problématiques. Que ce soit sous l'une ou l'autre des formulations elles rejettent le principe du tiers exclu. Par conséquent tout ce qui touche à l'éternité des modes si l'on vous suit devient ineffable et inconnaissable.

D'autre part invoquer un principe sceptique pour expliquer une position supposée de Spinoza me paraît pour le moins osé. Le scepticisme n'est-il pas chez Spinoza la conséquence de l'ignorance? Or éthiquement ( et je ne parle pas d'une éthique sceptique naturellement) l'ignorance ne saurait constituer une valeur et encore moins une voie de salut.

Enfin pour être un peu plus "constructif" je pense que l'âme est bien une chose éternelle pour autant que nous en avons la connaissance et je tranche votre dilemme précédent dans le sens suivant: une propriété de ce qui est éternel est l'immutabilité donc dans l'éternité les choses ne changent pas et cela nous le savons.

Bien à vous.

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Re: La place de la conscience dans l'Ethique

Messagepar Vanleers » 18 janv. 2015, 20:37

A NaOh

1) J’essaie de replacer notre discussion dans le cadre du présent fil en la faisant porter sur l’expression : « le sage est conscient de son éternité », c’est-à-dire, je le rappelle, conscient de son existence en tant qu’on la conçoit suivre nécessairement de la seule définition de Dieu.

Que veut dire « être conscient de son éternité » ?

A mon point de vue, cela signifie « connaître son éternité » ce qui nécessite de comprendre la démonstration de la proposition capitale E V 22 :

« En Dieu pourtant il y a nécessairement une idée qui exprime l’essence de tel ou tel Corps sous l’aspect de l’éternité ».

On dira que, dans le scolie d’E V 23, Spinoza ne dit pas que nous savons que nous sommes éternels mais que « nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels ».
Mais il ajoute :

« Car l’Esprit ne sent pas moins les choses qu’il conçoit en comprenant, que celles qu’il a en mémoire. En effet les yeux de l’Esprit, par lesquels il voit et observe les choses, ce sont les démonstrations mêmes. »

Cette proposition E V 22 est capitale car elle permet de démontrer E V 23 puis E V 29 qui nous ouvre, en quelque sorte, les portes de l’éternité en ce sens qu’elle établit que tout ce que l’Esprit comprend sous l’aspect de l’éternité, il le comprend de ce qu’il conçoit l’essence du Corps sous l’aspect de l’éternité.
Vous voyez donc que je ne dis pas que tout ce qui touche à l'éternité des modes devient ineffable et inconnaissable, pour reprendre votre expression, puisque nous comprenons E V 22, 23, 29, … etc.

2) Notez que, dans ces propositions et leurs démonstrations, Spinoza n’utilise jamais le mot « immutabilité ».
Nous comprenons le sens de cette notion d’immutabilité lorsque nous considérons les choses sous l’aspect de la durée mais je ne vois pas ce qui nous permettrait de l’appliquer aux choses considérées sous l’aspect de l’éternité, compte tenu de l’explication qui accompagne la définition de l’éternité « qui ne peut s’expliquer par la durée ou le temps, quand même on concevrait la durée sans commencement ni fin ».

3) Enfin, le sceptique (je pense au Sceptique grec et, plus précisément, au Pyrrhonien) ne rejette pas le principe du tiers exclus puisqu’il se déclare incapable de se prononcer sur la vérité d’aucune des quatre propositions du tétralemme.

Bien à vous

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Re: La place de la conscience dans l'Ethique

Messagepar Vanleers » 26 janv. 2015, 15:49

A NaOh

Je vous envoie deux extraits du livre de Chantal Jaquet (Les expressions de la puissance d’agir chez Spinoza – Publications de la Sorbonne 2005) qui ont un rapport avec notre récente discussion.

Bien à vous

« L’éternité est donc conçue indépendamment de l’immutabilité. En effet, elle n’est pas une conséquence de la permanence de l’existence, mais de sa nécessité. Ce changement de perspective a des retombées capitales, car si l’éternité ne résulte pas de l’immutabilité mais de la nécessité de l’existence, rien ne l’interdit plus de l’appliquer aux modes impliquant un changement, dès lors qu’ils suivent nécessairement de l’attribut qu’ils modifient. En dissociant l’éternité de l’immutabilité, Spinoza permet son extension à tous les modes et en particulier aux modes infinis immédiats, comme le mouvement et le repos, et aux modes infinis médiats. […] dans l’Ethique la dichotomie qui réservait l’éternité à la substance et la durée aux modes est brisée ; les deux concepts ne se définissent plus en fonction de la nature substantielle ou modale. L’éternité n’est plus rapportée explicitement à la substance. La durée entendue comme continuité indéfinie d’existence n’est pas présentée comme la caractéristique déterminante des modes et n’est même pas rattachée à eux par définition. Du même coup, les données traditionnelles des relations entre les deux concepts se trouvent bouleversées, car elles n’épousent plus les contours des distinctions ontologiques. Si le même être peut conjuguer existence temporelle et éternelle, la détermination des rapports entre durée et éternité ne peut plus se borner à l’examen des liens entre une substance et ses modes, mais implique l’articulation de ces deux manières d’être au sein d’un même individu. » (pp. 155-156)

« Propre à l’être dont l’essence enveloppe l’existence, [l’éternité] appartient également aux modes dont l’essence n’enveloppe pourtant pas l’existence. Ceux-ci peuvent en effet être conçus sub specie aeternitatis, c’est-à-dire d’une manière telle que par l’essence de Dieu, ils enveloppent l’existence, ainsi que le montre la proposition E V 30. En ce sens, la philosophie spinoziste est moins une pensée du salut dans et par le temps, qu’une pensée du salut « en l’éternité », selon la formule de Mallarmé. » (p. 161)

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Re: La place de la conscience dans l'Ethique

Messagepar NaOh » 11 mars 2015, 13:28

A Vanleers,

Je reviens vers vous, et dans l’espoir de ranimer un peu ce forum qui compte de moins en moins de contributeurs à part vous

Premier point :

Sub specie aeternis . Soit « p » = « les choses changent » et « –p »= « les choses ne changent pas »
Ou bien vous affirmer que « p v –p » est vraie et alors soit les choses changent soient les choses ne changent pas, un troisième terme étant exclu. Ou bien vous niez « p v-p », c'est-à-dire affirmez qu’elle est fausse donc rejetez l’alternative, (« ni les choses changent ni elles ne changent pas) mais cela revient à dire que vous niez le principe du tertium non datur. Je ne comprends pas comment raisonner autrement.

En ce qui concerne « l’immutabilité » j’avais en tête le passage suivant du Court Traité

Au contraire, quand elle (l’âme) s'unit à un objet immuable (c'est-à-dire Dieu), elle continuera elle-même d'une manière immuable. En effet, comment pourrait-elle être détruite ? ce n'est pas par elle-même ; puisque ne se devant pas l'existence à elle-même, elle ne peut non plus se changer et se détruire elle-même. La cause de l'existence d'une chose peut seule, lorsqu'elle change ou périt elle-même, être la cause de la non-existence de cette chose. »

Mais il est intéressant de comparer ce passage à ce qui est dit en Ethique V principalement dans les propositions 22 et 23 ainsi qu’au scolie de la proposition 22 auxquels vous vous référez :
Le Court Traité- du moins dans ce passage- ne me paraît pas faire les distinctions qu’observe l’Ethique entre a) durée et éternité, b) essence et existence et enfin c) entre immortalité et éternité de l’âme.

Par contre l’extrait de Chantal Jacquet me semble tout simplement oublieux du Corollaire 2 de la proposition 20 du De Deo qui explique:

« Secondement, que l'immutabilité appartient à Dieu, autrement dit à tous les attributs de Dieu. Car s'ils changeaient sous le rapport de l'existence, ils devraient aussi (par laproposition précédente) changer sous le rapport de l'essence, ou ce qui revient évidemment au même et ne peut se soutenir, de vrais ils deviendraient faux. »

Admettons que la thèse de C. Jacquet soit plus fine que ce que j’en dis c'est-à-dire qu’elle ne nie pas que l’immutabilité soit une propriété divine mais qu’elle soit fondatrice de son éternité. Soit. Cela est peut être intéressant. Mais vous ne pouvez pas utiliser ce passage contre mon idée que sub specie aeternis les choses ne changent pas.

Je me permets de me faire un peu justice car le procédé frisait la déloyauté après quoi je tacherai de revenir au sujet.

Bien à vous.

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Re: La place de la conscience dans l'Ethique

Messagepar Vanleers » 11 mars 2015, 15:05

A NaOh

1) Le problème, c’est que je ne vois pas ce que signifie « Les choses ne changent pas (ou changent) » dans l’éternité.
Par exemple, dire qu’une chose ne change pas, c’est dire qu’elle est la même en A et en B. Mais quel sens cela a-t-il si A et B ne sont pas des moments : le moment t1 et le moment t2, t1 et t2 étant des temps ? A mon point de vue, il faut faire appel au temps pour parler de l’immuabilité dans l’éternité alors que celle-ci est définie par Spinoza sans référence à la durée.
En conséquence, je ne comprends pas E I 20 cor. 2 que vous citez.

2) A propos du tiers exclu et bien que cela ne concerne pas notre discussion, rappelons la question célèbre de Bertrand Russell : « Que dire de la thèse : « Le roi de France est chauve. » ? »

On trouve sur Wikipédia le développement suivant :

« Puisque la France, à l'époque où Russell écrit cette phrase, n'a pas de roi, le problème qui se pose est de savoir si un tel énoncé est vrai, faux ou dénué de sens. L'énoncé ne peut être vrai, puisqu'il n’y a pas de roi. Mais s'il est faux, cela suppose que sa négation soit vraie, c’est-à-dire que la thèse « Le roi de France a des cheveux » est vraie.
Russell analyse ainsi l'énoncé :
- La clause ontologique : il existe un x qui est roi de France ;
- La clause d’unicité : il n'y a qu'un seul x qui soit tel ;
- L’assertion : et x est chauve
Cette analyse étant faite, il est facile de voir que la conjonction de ces atomes est fausse, puisque le premier terme est faux. Le principe du tiers exclu est ainsi sauvé, puisqu'il n'est pas question de dire que l'actuel roi de France n'est ni chauve ni non-chauve, mais que l'actuel roi de France n'existe pas. »

Bien à vous

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Re: La place de la conscience dans l'Ethique

Messagepar Shub-Niggurath » 11 mars 2015, 22:31

Vanleers a écrit :A mon point de vue, il faut faire appel au temps pour parler de l’immuabilité dans l’éternité alors que celle-ci est définie par Spinoza sans référence à la durée.


Je crois qu'il s'agit là d'une erreur d'interprétation de l'éternité chez Spinoza. En effet il écrit (traduction de Robert Misrahi) :

" Par éternité j'entend l'existence même [...]. Une telle existence est en effet conçue comme une vérité éternelle [...] et c'est pourquoi elle ne saurait être expliquée par la durée ou le temps, même si l'on conçoit une durée sans commencement ni fin"

Ethique 1 définition 8 et son explication.

Pautrat traduit cette dernière phrase ainsi : "quand même on concevrait la durée sans commencement ni fin", et la phrase latine originale est :

"tametsi duratio principio, et fine carere concipiatur".

(sous-entendu : comme si on pouvait concevoir une durée sans commencement ni fin, possibilité qui serait niée par Spinoza.)

Cette traduction par Pautrat me paraît introduire un contre-sens, corrigé par Misrahi : on conçoit en effet une durée sans commencement ni fin, mais cette durée "éternelle" n'explique pas l'éternité, c'est au contraire l'éternité qui explique la possibilité de concevoir une durée sans commencement ni fin. Les termes "éternité" et "sans commencement ni fin" devenant synonymes.

L'éternité implique la durée (et sa mesure humaine qui est le temps), car c'est dans la durée que s'exprime l'éternité. Dieu, en tant qu'il est infini, est éternel, mais cela n'empêche nullement tout ce qu'il est (la totalité des modes dans l'infinité des attributs) de changer et, ces modes, conformément à leurs termes mêmes, sont modifiés par les autres modes et modifient les autres modes. Donc éternité et changement, ou modification (terme que je préfère grandement à celui d'évolution, utilisé par les scientifiques en relation avec l'idée de "progrès", notamment en biologie, et qui suppose un perfectionnement, nulle part prouvé dans aucun domaine) ne sont absolument pas incompatibles, bien au contraire.

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Re: La place de la conscience dans l'Ethique

Messagepar Vanleers » 12 mars 2015, 15:22

A Shub-Niggurath

1) Je ne vois pas sur quoi vous vous fondez pour dire que l’éternité implique la durée.
L’éternité est définie en E I déf. 8 et la durée en E II déf. 5
La première définition ne renvoie pas à la seconde et réciproquement.

2) La question qui nous occupe est celle de l’immuabilité des modes considérés sub specie aeternitatis.
La notion d’immuabilité apparaît quatre fois dans l’Ethique.
a) en E I 20 cor. 2
« Dieu, autrement dit tous les attributs de Dieu sont immuables ».

b) E I 21 dém.
« Et comme on suppose que la pensée est un attribut de Dieu, elle doit nécessairement exister et être immuable (par la Prop. 11 et le Coroll. 2 Prop. 20) »

c) E II 10 sc.
« Cette Proposition est en outre évidente à partir des autres propriétés de la substance, à savoir, qu’elle est de par sa nature infinie, immuable, indivisible, etc., comme chacun peut aisément voir. »

d) E V 20 sc.
« Ensuite, elle [la connaissance claire et distincte] engendre l’Amour envers une chose immuable et éternelle (voir la Prop. 15 de cette partie) »

En conclusion, dans l’Ethique, l’immuabilité est toujours attribuée à Dieu et jamais à des modes.

3) NaOh a rappelé comment Spinoza démontre l’immuabilité des attributs de Dieu :
« Car s’ils changeaient sous le rapport de l’existence, ils devraient également (par la Prop. précéd.) changer sous le rapport de l’essence, c’est-à-dire (comme il va de soi) de vrais devenir faux, ce qui est absurde. »

Dire qu’un attribut de Dieu est immuable signifie qu’il ne change pas sous le rapport de l’existence.
Comme l’existence de Dieu et son essence sont une seule et même chose (E I 20), cela veut dire qu’un attribut de Dieu ne change pas sous le rapport de l’essence. Le contraire serait évidemment absurde comme le dit Spinoza.
Je ne vois pas comment cette démonstration pourrait également s’appliquer à un mode, même considéré sub specie aeternitatis.

Bien à vous


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