Spinoza et l'écologie profonde

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Spinoza et l'écologie profonde

Messagepar QueSaitOn » 30 janv. 2013, 20:04

Bonjour,
Que pensez vous de l'influence expercé par Spinoza sur les théories de l'écologie profonde ?

Le philosophe norvégien - récemment décédé - Arne Naess, père de cette "écosophie" se réclame explicitement de Spinoza et Gandhi.

Il semble en effet que Spinoza soit opposé aux éthiques "anthropocentriques", de part son panthéisme. Et finalement son approche de l'humain en tant que "mode" parmi d'autres. C'est donc tout naturellement qu'il a ecercé une lnfluence sur ces courants de pensée.

Est ce réducteur de la pensée de Spinoza ?

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Messagepar Explorer » 01 avr. 2013, 17:22

Bonjour.
A votre question, la réponse est non, il n'y a rien de réductionniste à voir dans la pensée de Spinoza les fondements mêmes de l'écologie, mais dès lors, il faut aussi y voir (dans le pensée de Spinoza) les fondements de bien d'autres disciplines. Prenez l'ethnologie, c'est un superbe exemple de science intégrative (approche globale qui utilise de nombreuses autres approches plus pointues).
Je parle à présent, pour ce qui suit, des sciences humaines et de la vie au sens large. Toute approche scientifique qui cherche à unifier plusieurs autres courants scientifiques pour étudier un objet plus globalement peut se réclamer du spinozisme (du moins dans son principe). En effet, le principe qui veut qu'un objet d'étude soit considéré comme un et indivisible est à rapprocher du principe spinoziste d'une substance unique et indivisible. Par corolaire : n'étudier qu'un aspect de l'objet étudié, c'est se tromper à coup sûr. Nul n'ignore à quel point la multiplication des angles d'études à donné naissance à une multitude de disciplines scientifiques, toutes aussi spécialisées les unes que les autres, tellement spécialisées même, que nous en sommes au point de dire que chacune de ces disciplines connaît presque absolument tout, sur presque absolument rien...
Heureusement, quelques disciplines ont échappé au carnage, l'ethnologie entre autres.
Pour autant, les sciences n'ont jamais été autant spinoziste qu'aujourd'hui. Il faut y voir une évolution des mentalités. C'est que, si la modernité tue à petit feu le transcendant depuis plus d'un siècle, ses excès, sans cesse plus visibles, donne de plus en plus de crédit à ce que seule l'immanence est en mesure de résoudre.

Dans mon ouvrage, que vous avez peut-être déjà lu (Spinoza, la matrice, L'harmattan, nov.2012, col. Ouverture philosophique), je consacre un chapitre aux questions ouvertes à Spinoza, dans lequel je tente de décripter l'héritage scientifique du Maître.

JP Collegia

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Messagepar QueSaitOn » 04 avr. 2013, 14:08

Merci de votre réponse, je vais commencer prochainement la lecture attentive de votre livre ;-)

Concernant l'écologie profonde, un livre de ce philosophe traduit en français, va précisément sortir en mai ("Spinoza, Gandhi et l'écologie")

Il me faudrait le lire pour en savoir davantage sur cette question des rapports entre Spinoza et l'écologie profonde.

Je mets tout de même, par pure intuition, un petit bémol: l'écologie profonde (radicale) est un courant qui s'est développé dans les pays nordiques et aux Etas Unis, qui de fait tend à ne pas accorder davantage d'importance aux humains qu'aux autres êtres.

C'est peut être spinoziste par certains côtés, puisque dans le spinozisme il y a une certaine forme d'égalité des puissances d'exister en acte des choses et êtres.

Néanmoins, je soupçonne que l'Ethique - étant un texte à vocation humaniste - pourrait s'éloigner de cette approche radicale de l'écologie. A suivre ..

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Messagepar Explorer » 04 avr. 2013, 17:09

Bonjour.
D'accord avec vous, et effectivement, l'écologie radicale ne prend pas assez en compte le fait que l'homme, qu'elle le veuille ou non (la deep ecology), est la structure biologique dominante dans l'ecosystème planétaire. Il ne s'agit pas de dire que l'homme est un mode comme les autres, comme l'affirme la deep ecology, car ce n'est pas une idée adéquate, la nécessité en ayant fait l'espèce dominante; il s'agit donc de dire que cette espèce dominante doit comprendre que sa domination ne doit pas la conduire à sa propre destruction, ce qui est tout différent. Ainsi, le deep ecology serait dans l'erreur si son projet était de rabaisser l'homme pour le placer à égalité avec les autres modes, ce que Spinoza n'aurait pas laisser dire, puisque.....l'Ethique : l'homme est le seul mode capable de vivre sa vie selon une éthique.
Par ailleurs, placer les modes à égalité de droit, ce que me semble soutenir l'écologie profonde est une absurdité, qu'encore une fois Spinoza n'aurait pas laissé passer. En effet, les modes sont certes interdépendants, et tous sont une partie de la puissance totale, de Dieu, de la Nature (et en tant que puissance, tous les modes peuvent être dit aussi parfaits les uns que les autres, aussi parfaits qu'ils peuvent l'être à chaque instant, puisqu'une puissance est toujours en acte), mais pour autant, les modes diffèrent quant à la qualité de leurs modes d'existence (y compris aussi entre les modes hommes).
La question est donc de savoir en quoi un mode homme diffère d'un mode pierre, en quoi un homme diffère d'une pierre, et c'est d'ailleurs la même question qui prévaut pour ce qui est de savoir en quoi un mode homme diffère d'un autre mode homme, une fois dit que tous les modes sont aussi parfaits qu'ils peuvent l'être du point de vue de leurs puissances en acte. Spinoza est clair à ce sujet, l'homme n'existe pas seulement que dans l'étendue, il existe aussi dans l'attribut de la pensée, ce qui n'est pas le cas de la pierre, et c'est aussi ce qui va distinguer deux modes hommes, en tant que, selon le mode de vie suivi (celui de l'homme fort, ou celui de l'esclave) l'un et l'autre des modes ne formera pas forcément, ou si peu, d'idées du deuxième genre, sans parler du troisième genre...

Bien à vous

JP Collegia


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