Déterminisme

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Papinousk
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Déterminisme

Messagepar Papinousk » 16 janv. 2013, 22:23

Bonjour à tous,

Je suis tout nouveau sur ce site, j'ai découvert Spinoza il y a très peu de temps et son déterminisme me séduit assez cependant l'amateur que je suis possède encore des zones d'ombres que vous allez certainement pouvoir éclaircir je l’espère.

Spinoza dit que le libre arbitre est une illusion et que l'homme est déterminé à faire un choix plutôt qu'un autre car il est influencé par des causes qui lui sont extérieures et inconnues, et par conséquent que la liberté qu'il croit détenir n'est pas réelle.
L'homme ne peut être libre que si il admet cette détermination, et plus il aura de connaissances sur ces causes, plus il utilisera ce déterministe pour ressentir de la joie.

Ma question est toute simple et elle a déjà du être posée, est ce que le fait même d'admettre la détermination n'est pas lui aussi déterminé ?

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Messagepar hokousai » 16 janv. 2013, 23:10

Ma question est toute simple et elle a déjà du être posée, est ce que le fait même d'admettre la détermination n'est pas lui aussi déterminé ?

En bonne logique oui, mais le fait de ne pas l 'admettre l 'est aussi.

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Messagepar cess » 17 janv. 2013, 00:05

Déterminés à accepter cette détermination?
Seul l'égo va trancher sur cette question...et il est à la portée de tous de le maitriser en s'ouvrant à la vie , aux lois de la Nature avec Raison....
Et pour le coup , on devient vraiment libre et actif si ce travail débouche!!

Bien à vous

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Messagepar Papinousk » 17 janv. 2013, 09:56

hokousai a écrit :En bonne logique oui, mais le fait de ne pas l 'admettre l 'est aussi.


Tout à fait, je fais peut être une erreur mais cela ne voudrait il pas dire que cette liberté n'est pas accessible à tous ?

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Messagepar gnayoke » 31 janv. 2013, 11:24

La liberté dont on parle ici , s'acquiert en se libérant dans la mesure du possible des angoisses de la Vie.

Un certain état d'esprit y est nécessaire, serein, posé, qui pousse à s'ouvrir à soi et aux autres, qui cherche à comprendre les choses dans leur ensemble.

Une observation attentive de la Nature permet de le faire, une rencontre ou tout autre expériences peuvent nous y conduire.

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Messagepar Explorer » 13 mars 2013, 11:54

Concernant la liberté, il me paraît plus qu'indispensable de définir ce dont on parle pour éviter au maximum le risque d'équivocité et donc de confusion. Ce petit extrait tiré de "Spinoza, la matrice" (JP Collegia, l'Harmattan 2012) peut, je crois, aider en ce sens.
Pour Spinoza, seule est libre une cause qui existe par la seule nécessité de sa nature et est déterminée par soi seule à agir. Dans le système spinoziste, Dieu seul est libre en tant qu’il est cause de toutes choses au même sens que cause de soi (incréé). Dieu seul est libre parce que tout découle nécessairement de sa propre essence. Au nom de l’univocité spinoziste, si l’homme est libre, ce ne peut être que dans le même sens que celui où l’on dit que Dieu est libre (car autrement il y aurait deux sens de liberté, et pour Spinoza, c’est impossible). Dire que l’homme est libre revient donc à dire qu’il ne l’est que lorsqu’il accède à son essence, à la connaissance de son essence singulière, c’est-à-dire à la connaissance simultanée de son essence singulière et des autres essences singulières et donc à la connaissance de l’essence de Dieu, ce qui n'est pas donné à tout le monde, loin s'en faut.
Libre, on ne l’est évidemment pas tant que nous échappe le jeu des causes et des effets qui commandent aux rencontres de corps dans l’attribut étendue et aux rencontres d’idées dans l’attribut pensée. La liberté, on l’a vu, ce sera d’abord de s’extraire du jeu de la confusion des signes. Mais pour y parvenir, il faudra en passer par le langage de l’équivocité. Nous sommes de toute façon déterminés à tous en passer par là. Si certains se perdent dans le monde des signes équivoques pour ensuite ne presque jamais en sortir, c’est que la somme des mauvaises rencontres, associées aux illusions dont la conscience est le siège (illusion psychologique de liberté et illusion théologique de finalité), les enferment dans une geôle dont il est particulièrement difficile de sortir sans aucune aide.
Autre point important : la volonté
Jamais, dans l’Éthique, la liberté ne sera assujettie à la volonté. Toute volonté, quel que soit le niveau où elle s’exprime, est toujours déterminée par une cause, jamais cause d’elle-même. La seule modalité qui pourrait être dite cause de tout ce qui existe, c’est celle de la nécessité. La nécessité, c’est l’essence de la Nature.
Pourtant, même si avec Spinoza rien n’est jamais gagné d’avance, rien n’est jamais perdu non plus puisque tout est une question de devenir. Car dans son système, il a disposé des atouts, dont le mode infini de l’entendement infini qui par le processus vertueux du conatus de la raison va nous amener à former des notions communes, nos premières idées adéquates, dans l’attribut pensée. Dont également les loi modales de l’étendue et du mouvement et du repos par lesquelles il se trouvera toujours, pour chaque corps, d’autres corps dont les rapports conviennent et peuvent se composer avec lui, toutes choses qui constituent les racines physiques des notions communes et sans lesquelles on ne serait être en mesure de les former dans l’attribut pensée.
Autrement dit, chacun se trouvera toujours poussé à entrer dans le cercle vertueux dont je parlais plus haut et donc à terme à devenir libre. Ce qui peut nous en empêcher ce sont les mauvais choix, les mauvaises portes, les impasses (Spinoza parle de modalité de vie, de mode de vie en quelque sorte, distinguant celui de l'esclave de celui de l'homme fort) car ce qui est déterminé in fine c'est précisemment d'avoir à faire des choix, avec des risques d'impasses importants, et bien entendu toujours présent, le bon choix, celui que fera l'homme fort, celui de la composition de rapport, celui qui mène à la formation de notion commune et peut-être un jour à la formation d'idée d'essence.
En conclusion, un mode existant (un homme par exemple) peut parvenir à sortir de la confusion et à former des idées adéquates, que celles-ci soient des notions communes qui expriment sa convenance interne avec d’autres modes existants, ou que ce soit l’idée de sa propre essence qui convient nécessairement avec l’essence de Dieu et celles de toutes les autres essences. De ces idées adéquates découlent nécessairement des affects ou sentiments actifs dont la cause n’est plus extérieure à soi mais trouve son origine en soi. Le conatus n’est alors plus déterminé que par des idées adéquates, l’homme se trouve en possession de sa puissance d’agir, et alors seulement, il est libre.

Désolé si j'ai été long.
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Messagepar hokousai » 13 mars 2013, 13:14

cher JP Collegia,
Je n'ai pas de critique majeure à formuler sur votre texte.
Mais juste sur un point

Jamais dans l’Éthique, la liberté ne sera assujettie à la volonté.

Je n'en suis pas du tout certain.

La volonté c est l' effort (conatus) quand on le rapporte à l'esprit . (prop 9/3). Après tout tous les traducteurs traduisent conatus par effort .Tous doivent estimer que le mot effort en français n 'est pas ambigu.

Tout ce que nous nous efforçons par raison n 'est ( certes) que comprendre. Mais il y a effort c'est à dire volonté . Sous la conduite de la raison "nous aspirons, nous recherchons". Il y a effort ( ie volonté ).

Que la volonté et l'intellect ce soit la même chose, certes, mais ce ne doit pas être compris pour absorber la première dans l'autre au prix d' un intellectualisme radical. Ainsi l'identité peut être reflexive, penser c'est un effort et éprouver un effort c' est penser.

Eprouver un effort c' est penser!
Volonté et désir sont effort . Le désir est l' appétit avec la conscience de l'appétit .
Et l'on peut inférer que la volonté est l'appétit rapporté à l'esprit avec la conscience de lui même.(pro 9/3) même si Spinoza ne le dit pas expressément ainsi.
Ainsi( théoriquement) ce n'est pas parce que nous jugeons les idées adéquates bonnes que nous y aspirons mais c'est parce que nous nous y efforçons, nous les voulons ou y aspirons ou les désirons que nous les jugeons bonnes.

Il se trouve en fait ( de mon point de vue) que la volonté ( l'effort ) est premier en droit (s 'il faut accorder une priorité dans cette identité de la volonté et de l'intellect ).
Sans effort , sans volonté, sans activité il n'y a pas d intellect qui puisse prendre conscience de lui même. Sans l'effort il n' y a pas conscience de l'effort.
chez Spinoza le conatus est premier. Dans la nature il est premier. Il est premier pour chaque chose ( même non susceptible de conscience )
Il y a donc bien une sorte d' assujettissement (universel !) à l 'effort.
..........................
Et je dirais, pour en revenir aux essences ( thème qui vous est cher ) que c' est le conatus qui explique l' essence et non l' inverse. Sans cet effort pour persévérer dans son être, il y aurait dissolution absolue de toutes choses singulières et pas d' essences envisageables.

amicalement
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Messagepar Explorer » 13 mars 2013, 17:19

Bonsoir Kohusai. Content de discuter à nouveau avec vous.
Voici comment je vois les choses.
Dans notre univers confus des signes équivoques, Spinoza met à ma disposition d’une part cette espèce spéciale de signes que sont les affects, et d’autre part ce qui va me permettre de les utiliser, à savoir le premier effort de la raison. Mais attention, le premier effort de la raison, ou conatus de la raison, est effort de volonté dans le sens où ma volonté est l’expression de ma puissance, ce qui revient à dire que cet effort de volonté me dépasse, n’est pas mien. L’effort de volonté que j’exprime pour comprendre les causes du monde qui m’entoure, c’est en réalité le conatus de la raison qui en est la source, une source qui brumise ses effets sur tous les modes pensants dans l’attribut pensée. Gardons toujours à l’esprit que le conatus de la raison, c’est pour Spinoza une partie de la puissance de la Nature, une partie de sa puissance qui s’exprime dans l’attribut pensée, lequel est évidemment en parfaite adéquation avec tout cela puisque inondé par la loi modale de l’entendement infini. Essayez de saisir les imbrications : mon effort de volonté pour comprendre est une partie de la puissance du conatus de la raison, qui est une partie de la puissance de la loi modale de l’entendement infini, qui est une partie de la puissance de l’attribut pensée, qui est une partie de la puissance de la Nature toute entière (la substance). Et tout cela n’existe pas séparé. Spinoza ne sépare que pour expliquer. Tout cela s’exprime dans toute chose, et cela a un écho tout particulier quand il s’agit d’une chose pensante. Ce qu’il faut retenir, c’est que pour Spinoza, comprendre, c’est considérer toute chose comme l’expression de ce tout cela. Partant de là, vous comprenez que mon effort de comprendre est avant tout celui de la Nature tout entière. Par conséquent, pour Spinoza, mon effort pour comprendre, l’effort pour m’en sortir, c’est l’effort de la Nature, à travers moi, pour s’en sortir.
D'accord donc pour volonté = effort
Amicalement.
JP Collegia

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Messagepar hokousai » 14 mars 2013, 00:07

Il me semble que Spinoza avait compris que la raison était le meilleur moyen de persévérer dans son être. Ce qui pour le lion n'est pas le meilleur moyen semble bien l'être pour l 'homme (c'est ce qu'en pensait Spinoza ).
Je sais que Spinoza cherchait les moyens de parvenir à la béatitude. Je ne sais pas si Spinoza cherchait encore à accroitre sa puissance d'agir quand il les avait trouvé.

amicalement
hokousai

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Messagepar Explorer » 14 mars 2013, 11:11

Le lion n'est pas concerné par le conatus de la raison dès lors qu'il ne pense pas. C'est en effet ce que croit Spinoza, mais pour ma part je reste vigilant quant à savoir s'il n'y a pas quelque forme de pensée dans le monde végétal, animal, voire minéral.
Amicalement
JP Collegia


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