Déterminisme

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 30 mars 2013, 23:23

à vanleers

Je reprends cette question
« Après tout, est- ce que l'explication d'un affect ressemble à cet affect ? »
c'est cette formulation de Spinoza " l' esprit tombe dans quelque chose qui ne ressemble pas" qui m' a incité à poser la question.

Apres tout, l'esprit occupé par la passion amoureuse tombe subitement dans la compréhension.
Or il me semble que l' ideé de l'amour et l'explication de ce que c'est que l'amour ça ne se ressemble pas .

Si je respire l'odeur d'une rose et puis subitement passe à l'explication de l'odorat ou bien subitement me mets à chanter 'la vie en rose", les trois états de l'esprit ne se ressemblent pas.

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Messagepar Explorer » 01 avr. 2013, 10:06

A Hokousai
Vous dites :
"Il me semble que je parlais d'affects en tant qu'affections du corps qui augmentent ou diminuent ou aident notre puissance d'agir et ce sont ces changements qui expliquent les affects de joie et de tristesse."
D'accord, la confusion venait que vous utilisiez le même terme (affect) pour les deux (affectio et affectus).
Quant à l'habitude de comprendre, d'accord, elle n'est pas automatique, il faut en effet que ce que j'appelais" une espèce spéciale de signes", à savoir les affects (affectus) soit interprétés comme un guidage pour aller vers ce qui est bon pour moi et fuir ce qui est mauvais. Donc non seulement il faut comprendre à quoi peuvent bien me servir les affects, mais aussi que "comprendre" tout court est bon pour moi. Et c'est en effet, avec l'habitude que cela vient, si tant est qu'on n'en soit pas empêchés (tout un passage de mon livre traite de ce qui pourrait nous en empêcher, autrement dit des indurations de puissance ou résistances)

Vanleers écrit :

Dans la démonstration d’E V 3, Spinoza écrit :
« Si donc, de cet affect, nous formons une idée claire et distincte, il n’y aura, de cette idée à l’affect lui-même en tant qu’il se rapporte seulement à l’Esprit, rien qu’une distinction de raison […] ; et par suite l’affect cessera d’être une passion »

Quand tout se passe bien, oui.

Bon lundi.
JP Collegia

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Messagepar Vanleers » 01 avr. 2013, 10:43

A Hokousai

Vous revenez à la question :
« Après tout, est- ce que l'explication d'un affect ressemble à cet affect ? »

Dans la démonstration d’E V 3, Spinoza commence par rappeler qu’un affect est une idée et, plus précisément, qu’une passion est une idée confuse (en vertu d’E III déf. 3)
Il rappelle ensuite qu’entre une idée et l’idée de cette idée, il n’y a qu’une distinction de raison (en se référant à E II 21 et sc.)
Comme il n’y a qu’une distinction de raison entre une idée confuse et l’idée claire et distincte de cette idée confuse, Spinoza en déduit, en vertu d’E III 3, que si nous formons une idée claire et distincte d’une passion, celle-ci cesse d’être une passion.

Cela est clair mais lisons le corollaire :
« Un affect est donc d’autant plus en notre pouvoir, et l’Esprit en pâtit d’autant moins, qu’il est plus connu de nous ».

Avant de lire le corollaire, on pouvait comprendre qu’une idée confuse était remplacée en totalité par une idée claire et distincte.
Or, ici, Spinoza indique que ce n’est pas nécessairement le cas et que nous pouvons avoir des idées claires et distinctes de « parties » de l’idée confuse qu’est l’affect.
Il faut donc dire qu’un affect est une idée qui peut être complexe et composée de plusieurs idées.
Rappelons que l’esprit est l’idée d’un corps et qu’il est clair que ce ne peut être qu’une idée complexe composée de multiples d’idées.
Un affect étant l’idée d’une affection du corps, cette idée sera elle-même complexe et composée de plusieurs idées

Revenons maintenant à votre question, avec le raisonnement suivant :

1) Un affect qui est une passion est une idée confuse composée de plusieurs idées
2) Expliquer un affect consiste à en former des idées claires et distinctes
3) Chacune de ces idées claires et distinctes est elle-même un affect
4) Donc expliquer un affect qui est une passion, c’est remplacer cet affect par un autre affect. Cet affect sera peu différent du premier si l’explication est très partielle mais, à la limite, la passion sera remplacée en totalité par une action si l’explication est complète.

Bien à vous

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Messagepar Vanleers » 01 avr. 2013, 15:53

A Hokousai

Je reviens à l’un de vos précédents messages. Vous écrivez :

« Après tout, est- ce que l'explication d'un affect ressemble à cet affect ? N est- ce pas plutôt l'habitude de les associer qui nous les fait se ressembler ?
Vous passez de la tristesse à la compréhension. La compréhension ce n'est pas une passion me semble-t-il. Cette compréhension ne ressemble pas à la tristesse.
Vous passez par habitude (de spinoziste) de l'affect à sa compréhension.
Vous passez par habitude de la passion à l'action.

Ainsi La vertu tient beaucoup de la mémoire. »

Un spinoziste passe-t-il, par habitude de spinoziste, de l’affect à sa compréhension ?
Je dirai (et je suis d’accord avec Explorer) : oui, dans le meilleur des cas.
Mais le corollaire d’E V 3, que j’ai essayé d’analyser dans le précédent message, montre qu’il faudra sans doute se contenter, le plus souvent, d’une compréhension partielle de l’affect.
C’est pour cela que j’ai écrit à Explorer que je pensais que la « progression vers le salut » dépendait plutôt de la conscience « de soi, de Dieu et des choses » (E V 42 sc.) que de la compréhension de nos affects, toujours limitée.

J’aime cette histoire de Dédale qui, enfermé dans le Labyrinthe par le roi Minos, s’en échappa par la voie inattendue des airs, grâce aux ailes qu’il s’était fabriquées pour lui et son fils Icare (en regrettant que ce dernier n’ait pas suivi les conseils de son père qui, prudemment, se contenta de raser les flots).

Plutôt que d’essayer de démêler l’écheveau labyrinthique de nos passions, c’est-à-dire de les comprendre, utiliser la voie de Dédale : la simple conscience ontologique qui, à la limite, ne s’appuie que sur la seule proposition E I 15 ou, mieux encore, sur E V 36.

La vertu, pour reprendre la fin de votre citation, consisterait alors à garder la mémoire de cette connaissance ontologique.

Bien à vous

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Messagepar hokousai » 02 avr. 2013, 14:19

à Explorer

Explorer a écrit :]Toute affection implique un affect, conscient ou pas, c’est à dire une augmentation ou une diminution de puissance, une augmentation ou une diminution de ce que l’on peut, en acte et en pensée.


Dans le le postulat 1 partie 3
Il semble bien que Spinoza envisage des affections qui ne rendent la puissance d' agir ni plus petite ni plus grande.
A quoi pense- t -il qui ne rend la puissance d'agir ni plus petite ni plus grande ?

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Messagepar Explorer » 03 avr. 2013, 11:50

Bonjoiur Hokusai.
Il me semble qu'il pense aux modifications internes du corps qui ne modifient rien aux rapports et au rapport d'ensemble du corps. Une tumeur maligne peut modifier ces rapports et dans ce cas diminuer ma puissance d'agir, pas une tumeur bénine.
JP collegia

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Messagepar hokousai » 03 avr. 2013, 13:54

à Explorer

oui peut être!
J 'avoue que cette restriction m' interroge. Je vois mal Spinoza penser que le travai interne du corps fut- il normal et non malin, ni n'augmente ne diminue la puissance d'agir. Hormis les fonctions habituelles donc monotones ( les battements du coeur par exemple ).

Je le vois plutôt penser à des perceptions du monde assez neutres . Le monde habituel en quelque sorte, si habituel qu'il ne perturbe rien du fonctionnement habituel.

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Messagepar Explorer » 03 avr. 2013, 16:39

Je vois à quoi vous pensez. Des affections permanentes de l'environnement qui ne sont plus prise en compte par l'attention consciente. Quoique, je suis de votre avis quant à l'idée que toute affection, dans mon esprit également, est liée à un affect correspondant à une augmentation ou une diminution, même infinitésimale, de puissance.
J'aurais même tendance à penser que ces affections permanentes de l'environnement ont un coût élevé en réalité en terme de puissance, à savoir ce que l'esprit indure de puissance pour se maintenir, même non consciemment, dans la réalité perceptive de monsieur tout le monde. Si tant est qu'il y en ait d'autres (de réalités perceptives en puissance); je pense ici à la métaphore du poste radio : je capte une station de radio, c'est ma réalité 1, les autres station émettent, je les reçois, mais je ne les capte pas, car je ne suis pas syntonisé sur elles. Si je tourne le bouton, je change la synto, et je capte une autre radio : réalité 2, etc.
Bien à vous
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Messagepar hokousai » 03 avr. 2013, 23:36

Il se peut que l'effort pour se conserver soit considéré par Spinoza comme toujours égal.


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