Libre arbitre

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Lemarinel
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Messagepar Lemarinel » 09 mars 2012, 20:55

Liberté et libre-arbitre sont en effet distincts chez Spinoza. Car la critique du libre-arbitre va de pair avec l'affirmation de la liberté humaine et débouche sur elle ou la présuppose. Le libre-arbitre est une illusion, un préjugé pour Spinoza qui reconnait par ailleurs qu'un état de bien-être est possible chez l'homme libre qui accepte la nécessité.

Ce point mérite d'être noté : le sentiment de liberté ne nait pas du libre-arbitre (lequel est une illusion), mais au contraire de la conscience de son inexistance (de l'acceptation du déterminisme humain, lequel fait partie du déterminisme universel). La liberté spinozienne est nécessité, ou plus justement acceptation, conscience, reconnaissance de la nécessité.

L'exemple que donne Spinoza concernant la crainte de la mort est éclairant à ce sujet. Dans une proposition du livre V de l'Ethique, je crois, Spinoza affirme que "l'homme libre ne craint pas la mort et que (libéré de cette crainte) il ne pense pas à la mort, mais à la vie" (je cite de mémoire, avec quelque licence).

Etre libre, de ce point de vue, ce n'est pas s'affranchir de sa condition mortelle; c'est au contraire l'accepter pleinement comme étant inéluctable et nécessaire. Pour Spinoza d'ailleurs, point de liberté, seulement des libérations. Pour lui, l'homme ne nait pas libre, il le devient (au mieux).

C'est un paradoxe que la conscience de la nécessité débouche sur la sérénité, mais j'ai pu vérifier sur moi-même que cela était vrai, que chaque jour où je voyais les choses en face j'étais serein, et qu'inversement chaque fois que je niais la nécessité je me tourmentais inutilement.

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Messagepar philodingue » 09 mars 2012, 23:00

" La liberté spinozienne est nécessité, ou plus justement acceptation, conscience, reconnaissance de la nécessité"

On se console comme on peut . Spinoza navigue dans le marigot des idées toute faites . L'idée qu'il se fait de la liberté et du libre arbitre ,serait-ce pour mieux les réfuter est celle du commun . Comme le déterminisme est partout, la liberté est évidemment nulle part et vide de tout sens , sauf qu'à aucun moment il n'acquiert une idée de la liberté ou du libre arbitre conforme à leur essence profonde .

Le libre arbitre serait illusoire et le sentiment de liberté l'assentiment à la necessité universelle ,attitude qui selon le bon docteur Spinoza nous conduirait à la félicité .
Nous ne sommes pas loin de l'esprit sectaire et de la berceuse métaphysique .

''est un paradoxe que la conscience de la nécessité débouche sur la sérénité, mais j'ai pu vérifier sur moi-même que cela était vrai, que chaque jour où je voyais les choses en face j'étais serein, et qu'inversement chaque fois que je niais la nécessité je me tourmentais inutilement"

Tout ce discours ne manifeste qu'une réalité, celle d'une fuite éperdue devant la réalité humaine et l'angoisse devant le mystère de notre être .
Penser ou ne pas penser à la mort est un faux problème , nous sommes parce que nous sommes mortels . Nous tenons notre ipséité de la possibilité de notre mort et non d'une matière d'une forme ou d'une pensée divine .

C'est dans le pouvoir mourir en propre et la conscience de l'esseulement implacable qui en résulte que réside l'assise de notre liberté inaliénable , qu'aucun détermisme ne pourra jamais entamer .

L'erreur de Spinoza est une erreur ontologique grave quant à l'essence de l'homme et à sa conception de l'existence .

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Messagepar hokousai » 09 mars 2012, 23:06

<b>Question peut-être simple, mais primordiale Croyez- vous au libre arbitre?</b>
La question est très difficile .

Spinoza dit "les cause qui le dispose à appéter il les ignore "
puis
"qu'en tout, les hommes agissent à cause d'une fin; à savoir à cause de l'utile, dont il ont appétit ."(appendice partie 1)
.....................................
L'ignorance dans la seconde affirmation porte sur le postérieur.
( sur l avenir ).
Or il y a une dissymétrie des causes.
Car l' homme ne peut être déterminé par des causes à venir et pourtant il décide à cause d'une fin.
La finalité comme cause n'est évidemment que mentale, c'est une prospective ; et cet état mental est une cause actuelle (et non à venir ).

Mais qu'est ce qui va m'être le plus utile dans des états futurs de la nature dont je ne sais pas clairement ce qu'ils seront ?
En d'autres termes comment puis- je décider en l'absence de causes nécéssaires et l'avenir prospecté n'est pas nécéssaire.

En présence de l'incertitude ( devant l' avenir ) et donc en l'absence de causes nécessaires mentales *, il est tout naturel que l' homme se sentent investi d' un pouvoir de décision <b>sans causes.</b>

Je crois effectivement que les causes antérieures ne suffisent pas à entrainer une quelconque décision nécéssaire quand il y a présence du contingent dans l'alternative.

Je ne sais pas où est le pouvoir de décision , mais il y a une faille dans le déterminisme.
......................................
* Quand les causes mentales sur les fins de l' action sont nécéssaires l' homme ne se pense pas dans le libre arbitre.

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Messagepar Lemarinel » 10 mars 2012, 06:53

à Hokusai,

Je ne suis pas non plus totalement convaincu par la thèse du déterminisme universel. Mais votre raisonnement, quoique intéressant ne tient pas, ou plutôt tiendrait si la 2ème partie était vraie.

Spinoza, nous dites-vous, dit qu' "en tout, les hommes agissent à cause d'une fin; à savoir à cause de l'utile, dont il ont appétit ."(appendice partie 1). Cela est exact, mais vous ajoutez que "l'ignorance dans la seconde affirmation porte sur l'avenir" qui, étant hypothétique et contingent, ne saurait déterminer actuellement nécessairement.

Les hommes, pour Spinoza, agissent bien à cause de l'utile dont ils ont appétit, mais cet appétit est actuel et présent. La fin n'est pas contingente et hypothétique, elle ne concerne pas le futur mais le présent, et c'est à ce titre qu'elle peut déterminer l'action au présent.

L'appétit spinoziste est actuel, non virtuel; et il est tout autant physique que psychologique en vertu de la thèse du parallélisme. Prenez l'exemple d'un homme qui, étant affamé, et voulant persévérer dans son être, se prépare à quelque vol à l'étalage d'un marché ! Allez dire à cet homme que sa visée concernant l'avenir et étant mentale, elle ne saurait le déterminer à agir dans le sens du vol !

Je partage la 1ère partie, rigoureusement spinoziste, de votre raisonnement (les hommes agissent en fonction de l'utile envisagé comme fin), mais je ne partage pas la 2ème partie (car la fin étant actuelle, et mentale autant que physiologique ou somatique, elle peut jouer le rôle de cause déterminante qu'en attend Spinoza).

Il faut donc trouver un autre raisonnement pour remettre en cause la thèse de la nécessité universelle. Ce ne sera pas facile. Personnellement, je me pencherai davantage sur l'identité entendement = volonté. Mais je ne m'y engagerai pas, car je suis plus sceptique que vous, et je partage le scepticisme kantien (Kant ne se reconnait certes pas sceptique, mais me semble se rapprocher de la position sceptique dans ses conclusions sur la métaphysique) selon lequel on ne peut pas plus démontrer ou réfuter l'existence du libre arbitre que celles de Dieu ou de l'âme.

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Messagepar gnayoke » 10 mars 2012, 15:18

A Philodingue,

D'abord merci pour votre contribution, vous faites partie de ceux qui, dès le départ, affirme de manière franche et sincère leur position, et de ceux qui semblent penser par eux mêmes.

On se console comme on peut . Spinoza navigue dans le marigot des idées toute faites . L'idée qu'il se fait de la liberté et du libre arbitre ,serait-ce pour mieux les réfuter est celle du commun


Je crains que pour comprendre profondément la philosophie de Spinoza, des débats philosophiques sur le sujet soient moins efficaces qu'une expérience vivante basée sur une attentive observation de la Nature. Pour évoquer mon cas, je n'ais pas eu besoin de Spinoza pour développer une philosophie de la Vie qui'il défend également. Je l'ai eu par l'experience

Comme le déterminisme est partout, la liberté est évidemment nulle part et vide de tout sens , sauf qu'à aucun moment il n'acquiert une idée de la liberté ou du libre arbitre conforme à leur essence profonde .


L'idée de la liberté spinozienne est clairement définie, et celle de libre arbitre également. Au regard de vos quelques interventions je n'ai pas vu une définition de ce que vous appelez essence profonde de la liberté et du libre arbitre. Je vous demanderai donc de la présenter dans un langage claire et sans ambiguïtés.

Le libre arbitre serait illusoire et le sentiment de liberté l'assentiment à la necessité universelle ,attitude qui selon le bon docteur Spinoza nous conduirait à la félicité .
Nous ne sommes pas loin de l'esprit sectaire et de la berceuse métaphysique .


Pour ceux qui en font l’expérience c'est évident. La philosophie de Spinoza en trois mots; Comprendre la Nature. Quand on comprend une situation problématique, on est plus à même de prendre des décisions pour résoudre de manière efficace ce problème. Quand on comprend un peu mieux la Nature, on est moins emprunt à la violence, à l'énervement, à l'incompréhension. Tous les problèmes viennent de l'incompréhension d'une situation. On est donc plus en phase avec la Nature, plus équilibré.

Tout ce discours ne manifeste qu'une réalité, celle d'une fuite éperdue devant la réalité humaine et l'angoisse devant le mystère de notre être .

Bien au contraire, c'est plutôt vers une maîtrise des choses à laquelle tend ceux qui partagent cette philosophie. Comprendre les causes, tue tout mystère.

Nous tenons notre ipséité de la possibilité de notre mort et non d'une matière d'une forme ou d'une pensée divine .

C'est dans le pouvoir mourir en propre et la conscience de l'esseulement implacable qui en résulte que réside l'assise de notre liberté inaliénable , qu'aucun détermisme ne pourra jamais entamer


C'est , je crois une réaction normale quand notre champ de conscience se limite à nous même. La philosophie dont il est question sur ce forum, tend à élargir le champ de conscience, qui ne se limite plus à l'homme mais à la Nature.
L'homme tout seul ne suffit pas, à être l'unique cause de ses faits. La Nature l'est.
Tous les éléments de la Nature sont en interaction. L'homme est un élément de la Nature, il interagi avec elle.Tous ses faits et gestes sont le résultats de ces interactions.

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Messagepar hokousai » 10 mars 2012, 15:35

à Lemarinel

Je veux bien continuer puisque pour le coup je suis entré dans le débat sur le libre arbitre.
On élimine tous les cas de volitions ou n'entre pas un choix ( dit libre arbitral )

Allez dire à cet homme que sa visée concernant l'avenir et étant mentale, elle ne saurait le déterminer à agir dans le sens du vol !


Si c'est un vol il y a risque de se faire prendre . Le voleur est dans l'incertitude . Le choix proposé ne se rapporte que secondairement à la faim.
La situation de choix est une situation très particulière .
Les causes antérieures ou actuelles ne suffisent pas à obliger de décider.
( sinon il n y aurait aucun problème de choix )
Le voleur va choisir de voler ou pas selon une cause mentale non nécéssaire. Le choix<b> ne s'impose pas</b> avec nécessité. Quand je dois décider ( et que je me sens libre ) c'est que tout est<b> devant moi </b>et rien derrière.

Le voleur est bien sur en situation et causé par la nature toute entière donc par ses appétits mais aussi par la température ambiante et que sais- je d'une infinité de causes antérieures ou/et actuelles si vous voulez . Mais PAS futures ( dans le déterminisme il n'y a pas de causalité par les causes futures ).
Paradoxalement c'est l'absence de causes futures qui conditionne la situation d' incertitude du choix.
..........................

Spinoza dit qu'une des idées (une alternative du choix ) est plus puissante et qu'elle motive l'option de voler par exemple.
Son raisonnement est simple, puisqu'une idée l'emporte c'est qu'elle était la plus forte .
Et pourtant du point de vue de la nécessité les idées ( se faire prendre ou pas ) sont égales puisque je ne sais pas l' avenir, ces idées sont contingentes .
Le voleur ne voit pas de cause plus nécéssaire qu'une autre, il fait un saut dans le vide. Il saute le pas.

Toutes les cause antérieures ne suffisent pas et les causes postérieures ne sont pas nécessaires .
C'est pourquoi le sujet est seul,<b> sans causes qui le déterminent nécessairement.</b>
..............................

Est- ce que métaphysiquement le sujet est libre? Je dirais plutôt que la nature est libre.
<b>Je remets en question le déterminisme</b> en tant que pensée de la coercition des causes sur les effets .
La proposition qui me semble la plus absurde ( bien que très utile ) est celle ci :<b>les mêmes causes entrainent ( ou obligent, ou produisent) les même effets .</b>
De mon point de vue jamais une cause n'est identiques à une autre ni donc un effet. Aucun état du monde n'est identique à un autre et oblige à un état du monde déterminé.
Selon les critères canoniques je suis irrationaliste.

Cela dit je n'introduis pas de rupture substantielle entre un sujet qui décide et le reste de la nature . Il y a coproduction conditionnée ...mais pas du même , ni par le même.

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Messagepar philodingue » 10 mars 2012, 22:47

gnayoke a écrit :A ,gnayoke

"Je crains que pour comprendre profondément la philosophie de Spinoza, des débats philosophiques sur le sujet soient moins efficaces qu'une expérience vivante basée sur une attentive observation de la Nature. Pour évoquer mon cas, je n'ais pas eu besoin de Spinoza pour développer une philosophie de la Vie qui'il défend également. Je l'ai eu par l'experience"


Moi, je crains que la dite Nature dont j'ignore au fond du fond les contours ne nous renseigne pas beaucoup sur notre propre genre d'être et que tout 'au contraire cette belle inconnue ne contribue à nous masquer notre absolue hétérogénétité . Je ne vois pas ce que peut représenter une expérience vivante de la nature sinon que de nous confirmer dés l'abord ce que nous savons déjà mieux qu'elle et de toujours , à savoir la fragilité de notre vie , le temps qui passe et notre destin de mortel . D'elle ( de la nature) nous n"apprenons rien qui importe vraiment, tout au contraire c'est parce que nous faisons en propre et en solitaire l'expérience de notre facticité , de notre temporalité, de notre pouvoir mourir et de notre perte ordinaire et quotidienne dans l'affairement des choses dans et pour le monde que nous ressentons l"angoisse d'un possible être-libre perdu .
Cen'est pas le determinisme metaphysique qui entame en quelque manière notre libreté mais notre dérive dans les préoccupations mondaines


L'idée de la liberté spinozienne est clairement définie, et celle de libre arbitre également. Au regard de vos quelques interventions je n'ai pas vu une définition de ce que vous appelez essence profonde de la liberté et du libre arbitre. Je vous demanderai donc de la présenter dans un langage claire et sans ambiguïtés.


C'est justement parce que l'idée spinozienne de liberté est clairement définie qu"elle relève d'une entourloupe métaphysique proprement consternante , puique toutes les analyses convergent à en exclure les conditions sous lesquelles je la conçois ,dans un premier temps je la nie pour la célébrer dans un second temps changeant de nature et de contenu ,dans le contraire absolu de l'unverselle contrainte .

Il n'y a pas de chemin vers l'idée de liberté sans retour à l'essence de l'homme comme être jeté ouvrant et ouvert au monde , comme être convoqué par sa conscience morale à son être le plus propre .son soi absolu et irrelatif que son pouvoir mourir lui rend possible

C'est autour des deux thèses que j'ai déjà avance que peut s'organiser l'approfondissement de l'idée de liberté

Pouvoir être Soi-Même
Oser être Soi Même

La liberté comme pouvoir être ABSOLU et IRRELATIF appartient à l'essence de l'homme , elle n'est pas un attribut ni une qualité ni un pouvoir de la volonté qui aurait à choisir dans un deuxième temps telle ou telle alternative . Rien ne peut entamer cette liberté ontologique originaire fondement de l'être del'homme même pas l'esclavage ou la passion car l'homme reste toujours en capacité de se retrouver lui_même, de faire un pas de côté, d'en prendre comme on dit et d'en laisser et dans son intimité de ne plus s'en laisser compter .

Tout le reste de votre intervention tend à présenter Spinoza comme un maître de sagesse , mais ceci n"est plus de la philosophie mais un simple catalogue de recettes .



C'est , je crois une réaction normale quand notre champ de conscience se limite à nous même. La philosophie dont il est question sur ce forum, tend à élargir le champ de conscience, qui ne se limite plus à l'homme mais à la Nature.
L'homme tout seul ne suffit pas, à être l'unique cause de ses faits. La Nature l'est.
Tous les éléments de la Nature sont en interaction. L'homme est un élément de la Nature, il interagi avec elle.Tous ses faits et gestes sont le résultats de ces interactions.


La Nature est ontologiquement un mot creux tout aussi ncreux que la Vie dont se gargarient toutes les philosophies de la vie .
Avant la conscience il y a L'EXISTENCE , l'homme dans son mode d'être et dans son entente de l'être . Le monde et la nature du paysan n'est pas le monde et la nature de l'artisan , n'est pas le monde et la nature du physicien .Le monde de l'amoureux n'est pas le monde du desespéré etc

Le monde de la physique et du métaphysicien n'a aucune priorité d'être

Elargir sa conscience aux dimensions de la nature n'a strictement qu'une signication sinon de s'ennivrer d'une irréalité vaporeuse pour fuir devant l'angoisse de notre propre être jeté et esseulé qui chuchote à notre oreille .

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Messagepar Henrique » 11 mars 2012, 00:08

Philodingue, vous nous expliquez avec une morgue consternée à quel point Spinoza s'est fourvoyé en niant le libre arbitre. Mais je ne vois guère dans ce que vous défendez ce que l'on appelle communément le libre arbitre, à savoir l'indétermination du vouloir.

Si j'ai bien compris, votre définition du libre arbitre consiste à "pouvoir être soi-même" et face aux distractions mondaines à "oser être soi-même". Mais où est donc ici l'indétermination du vouloir ? Si le libre arbitre existait, cela signifierait d'abord qu'il n'y a pas de vous-même, que votre volonté le crée ex-nihilo et qu'elle peut choisir de s'y conformer ou pas à tout moment. Est-ce que le "soi-même" dont vous parlez ne serait pas alors la volonté même ? Mais alors il y aurait une détermination, un soi qui ne peut pas se nier et qui partant serait déterminé à persévérer dans son être, qu'il le veuille ou non, ce qui est contre l'hypothèse. Il faut donc pour que le libre arbitre existe que la volonté même n'existe pas, quoiqu'on mette derrière ce terme, car alors il y aurait une détermination.

Mais quel est donc ce soi que vous pouvez être ? S'il s'agit de ce que la nature a fait de vous en tant que corps et esprit, puisque je ne crois pas que vous prétendiez vous être produit vous même, il n'y a bien sûr aucune contradiction avec Spinoza, chez qui le pouvoir d'être soi-même s'appelle tout simplement l'effort de persévérer dans son être. Le mot "effort" peut ici tromper celui qui n'a qu'une connaissance sommaire de Spinoza : il ne s'agit pas d'un acte de volonté qui s'opposerait à la nature comme à sa propre nature affective et sensible, mais tout simplement de l'exercice d'une force, celle d'affirmer ce que la vie a fait de nous. Quant à oser être soi-même, contre ses propres peurs et contre l'imitation affective des passions d'autrui, ce n'est rien d'autre non plus que ce que Spinoza appelle animositas à la fin de la partie III de l’Éthique. Mais pas l'ombre d'une indétermination du vouloir ici, bien au contraire : pour pouvoir avoir le courage d'être soi-même, il ne faut pas être, comme c'est si facile, dans l'ignorance de soi, et cette connaissance de soi, par laquelle j'affirme contre ce qui me nie ce que je suis, est une détermination.

Aussi, après quelques grandes formules du style "liberté ontologique originaire fondement de l'être de l'homme", vous citez des choses plus concrètes comme "faire un pas de côté", "en prendre et en laisser" ou "ne pas s'en laisser compter" (sic). Mais tout cela peut parfaitement s'inscrire dans le cadre d'une nécessité universelle. Examinons seulement des situations encore un peu plus concrètes : tout votre entourage vous dit par exemple qu'il faut voter tel candidat dès le premier tour d'une élection, mais comme vous êtes un peu instruit, vous vous dites que les arguments du vote utile ou de la menace anti-sociale sonnent faux, vous vous demandez en quoi un vote peut être utile si cela ne sert pas à valoriser ce que vous pensez politiquement et qui ne s'accorde pas avec le discours et surtout les actes dudit candidat : vous faites un pas de côté, mais tout cela a été parfaitement déterminé.

C'est exactement comme si pour éviter les broussailles dans un territoire vague, vous vous étiez donné pour règle de marcher sur une voie ferrée, afin d'atteindre plus facilement votre but. Car, sachant que le terrain broussailleux est peu praticable, qu'il ne vous permettrait d'avancer que très lentement et avec le risque de vous perdre et que d'autre part, la voie ferrée est beaucoup plus confortable, dégagée et apportant la garantie d'arriver quelque part ; je vous le demande, qui, dans une situation périlleuse comme le froid, serait assez bête pour se dire "pour oser être moi-même, je vais décider d'aller quand même dans la forêt de broussailles" ? Mais arrive un train alors que vous êtes sur la voie ferrée : par la même nécessité naturelle qui vous a fait aller sur le chemin de fer, vous êtes conduit à faire un pas de côté pour éviter le train, sachant que vous n'êtes ni sourd, ni aveugle, ni saoul, ni débile mental (ce qui seraient encore d'autres déterminations qui, là, pourraient vous conduire à rester sur la voie ferrée).

Et on pourra facilement trouver le même genre de nécessité, plus ou moins bien comprise (mais cela aussi est déterminé) dans toutes les situations concrètes que vous voudrez pour les autres "preuves" du libre arbitre que vous proposez. Pour maintenir le libre arbitre, au sens commun du terme, vous serez conduit à vous retrancher dans des considérations abstraites de métaphysique ou de physique des particules subatomiques qui n'auront pas grand chose à voir avec ce qu'on peut appeler de façon significative "être soi-même".

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Messagepar bardamu » 11 mars 2012, 01:01

philodingue a écrit :Elargir sa conscience aux dimensions de la nature n'a strictement qu'une signication sinon de s'ennivrer d'une irréalité vaporeuse pour fuir devant l'angoisse de notre propre être jeté et esseulé qui chuchote à notre oreille .

"Je veux avoir autour de moi des lutins, car je suis courageux. Le courage qui chasse les fantômes se crée ses propres lutins, - le courage veut rire.
Je ne sens plus comme vous. Cette nuée que je vois au-dessous de moi, cette noirceur et cette lourdeur dont je ris, - c'est votre nuée d'orage.
Vous regardez en haut quand vous aspirez à l'élévation. Et moi je regarde en bas parce que je suis élevé.
Qui de vous peut en même temps rire et être élevé ?
Celui qui gravit les plus hautes montagnes se rit de toutes les tragédies, factices ou réelles.
Insoucieux, moqueur, violent, - tels nous veut la sagesse : elle est femme et ne peut aimer qu'un guerrier.
"
Ainsi riait Zarathoustra

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Messagepar hokousai » 11 mars 2012, 01:07

à philod.

cher ami
Si vous n'aviez pa cet EGO métaphysiquement surdimensionné vous auriez le sens de la nature.
Je ne vous soupçonne aucunement de narcissisme et de tout ce qui tourne autour des autoévaluations laudatives de l' ego, mais il faut quand même reconnaitre que tout chez vous part de l' ego, tourne autour et y revient.
Voila ce qui se passe quand on se regarde regarder plutôt que de regarder le monde tout simplement. Prendre conscience qu' il y a un "être là" c'est se regarder regarder.

C'est au fondement de la philosophie de Heidegger qu'il y a un doute sur sa véracité.
Heidegger exhibe une situation particulière qui est celle du "devoir être" . Ce n'est pas le cas général de l'existence humaine ( ne parlons même pas de l'existence des plantes ou des animaux ).
Qu' Heidegger soit obsédé par sa mort, certes, il ne lui vient pas à l'idée qu'avec lui la nature entière tombe dans le néant.
Le pensez vous?

Car ce qui de la plus haute certitude c'est que quel que soit le choix, quel que soit la méconnaissance de l'avenir, nous avons un avenir.

Le<b> libre arbitre</b> est toujours opposé à un déterminisme de la cause efficiente.
Si vous ne vous penchez pas, par dédain, sur la pensée des causes et de la causalité vous ne pouvez vous confronter au problème.
De mon point de vue s'il n'y a pas de libre arbitre ce n'est pas que l' homme ne soit pas libre, c est qu'il n'y a pas de cause efficiente du tout.
évidemment comme c'est un peu oriental comme philosophie! ça désoriente

Vous produisez un concept de liberté absolue qui est non signifiante dans le débat .

bien à vous
jlhks


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