Libre arbitre

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Lemarinel
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Messagepar Lemarinel » 07 mars 2012, 12:13

à Henrique,

Hume a effectivement remis en cause comme vous dites le concept de causalité, mais il n'a jamais conçu "un effet sans cause" comme vous dites encore, ce qui reviendrait à confondre imagination et entendement (mais Hume n'est pas si bête, il est même génial, tout autant que Spinoza d'ailleurs).
Si Hume n'a pas conçu un effet sans cause ni une cause sans effet, c'est tout simplement que ce qui l'intéresse c'est le rapport de la cause à l'effet, ou plus exactement le rapport entre ce que nous croyons être cause et ce que nous croyons être son effet. Et en s'interrogeant sur ce rapport, Hume remarque en empiriste que ce rapport dérivant de l'expérience est en fait un rapport de conjonction produit par l'habitude et qui ne peut qu'être élevé que par la force du préjugé au satut d'idée de connexion nécessaire.
La réponse de Spinoza aurait été autre, car celui-ci en rationaliste qui se respecte a pour ainsi dire une confiance innée en son entendement et dans les rapports que celui-ci émet, y compris en la causalité (dans les limites de l'adéquation, bien entendu). Sur ce sujet d'ailleurs, il y a une difficulté dans la notion de causa sui, car comment concevoir une chose (en l'occurence une Substance) qui soit à la fois cause et effet ? Dieu est cause, soit, mais comment concevoir qu'il soit aussi son effet sans passer par l'intermédiaire d'une autre série de cause et d'effet ?

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Messagepar Lemarinel » 07 mars 2012, 12:24

à Henrique,

Je précise ici pourquoi je pose le problème de la causa sui : ce n'est pas pour faire pédant, mais parce que ce concept me semble relié au concept de liberté. Si les hommes ne sont pas libres au sens du libre-arbitre, et si Spinoza les nomme causes nécessaires, c'est parce qu'ils ne sont pas des causes de soi : ce qu'ils croient être un acte de vouloir libre n'est jamais que l'effet déterminé d'une autre cause que soi. C'est d'ailleurs pourquoi Dieu seul est libre (au sens d'une causalité libre) pour Spinoza : c'est que Lui seul est causa sui.
Dans une optique néospinoziste, la seule façon de montrer que contrairement à ce qu'a dit le maitre le libre-arbitre n'est pas une illusion, c'est de montrer que les hommes peuvent être conçus comme des causes de soi; mais ce serait tellement dénaturer le message spinoziste que je crois qu'on n'aurait plus grand-chose de spinoziste... mais peu importe Spinoza, c'est le problème du libre-arbitre qui nous intéresse ici.

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Messagepar gnayoke » 07 mars 2012, 15:23

Je crois que la négation du libre arbitre est quelque chose de tout naturel.
Tout élément de la nature est soumis aux lois de la nature. Donc pour un élément de cette nature, point de libre arbitre.

Cette idée pourtant très simple, ne bute pas à être comprise, mais bute à être acceptée, à être intégrée, même pour certains qui se disent spinozistes.

Certains défenseurs du libre arbitre invoqueront l'aspect non entièrement déterministe de certains phénomènes physiques (Principe d'incertitude d’Heisenberg) ou l'aspect incohérent de certains systèmes logiques
(Théorème d'incomplétude de Gödel) :
A ceux ci je réponds qu'un système est incohérent ou incomplet lorsque les principes ou axiomes sur lesquels il se base ne sont eux mêmes pas complet.
Ils diront je n'ai pas de preuve de ce que j'avance.
Je dirai qu'il existe des expériences simples qui traduisent ce fait.
Une réalité observée sous des points de vue différents peut paraître incohérente, le point de vue qui intègre les deux autres est le plus complet. L'histoire du cylindre vu comme un rectangle ou comme un cercle est un exemple.

Il ne faut pas également oublier que l'humain comme les autres systèmes vivants découvre à peine la Nature, sa compréhension de la Nature peut paraître balbutiante, hésitante.

D'autres défenseurs du libre arbitre pourront évoquer une particularité de l' humain, de sa pensée de son intelligence, et se feront ainsi avocat de ceux qui pensent que l'homme détient un quelque chose en plus qui le rend un peu plus qu'un simple élément de la Nature. A ceux là, je répondrai que les lois de la nature s'applique à tous, ce qui s'applique à l'un s'applique à l'autre.
L'être vivant doté du plus long cou (la girafe), n'est pas plus particulier que celui qui possède le système oculaire le plus performant, ou celui qui a l'intelligence (système de traitement d'information logique) la plus complexe.

A chaque être sa spécificité.

Je terminerai en affirmant:
"Tous les problèmes spécifiques à l'humain sont liés de manière directe ou indirecte en la croyance en sa "particularité", en la croyance au fait qu'il possède quelque chose de meilleur ou de supérieur".
Cette vision des choses l'oppose systématiquement à ce qui n'est pas lui.

Je vous propose de faire cet exercice. Prenez un fait considéré comme un problème humain. Analysez le en essayant d'être objectif. Et vérifiez l’hypothèse. Cela est naturellement vrai pour tout ce qui concerne les guerres.

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Messagepar hokousai » 07 mars 2012, 21:48

En effet l'homme détient un quelque chose en plus qui le rend un peu plus qu'un simple élément de la Nature; il est le seul à poser ce genre de problème.

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Messagepar gnayoke » 08 mars 2012, 11:15

C'est typiquement un point de vue humain. Que sais tu des autres espèces, n'interrogent-elles pas le monde à leur façon?

Nous ne sommes pas la seule espèce capable de comprendre ou d'essayer de comprendre la Nature. Comprendre la Nature c'est interagir avec elle.

Jusqu'à preuve du contraire, tous les éléments de la Nature interagissent avec cette même Nature. Mais chacun avec ses moyens.

Et de manière simple, tout système vivant évolue vers un meilleure adaptation à son milieu. Cette adaptation passe par une meilleur saisie d'information, donc par les sens. L'intelligence humaine peut être vue comme un sens dont une des fonction est de "saisir" la Nature.
De la même façon que le système oculaire saisit la lumière et traite cette information et le reste du corps réagit en fonction. C'est donc une façon de "comprendre" la Nature, dans son sens le plus simple, "prendre avec soi".

Je comprends que certains puissent se trouver exceptionnels, c'est certainement parce que notre éducation ne nous poussent pas à suffisamment observer la Nature.

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Messagepar hokousai » 08 mars 2012, 11:29

à gnayoke

<b>C'est typiquement un point de vue humain.</b>
C'est ce que je suggérais.

L'intelligence humaine peut être vue comme un sens dont une des fonction est de "saisir" la Nature.
De la même façon que le système oculaire saisit la lumière et traite cette information et le reste du corps réagit en fonction. C'est donc une façon de "comprendre" la Nature, dans son sens le plus simple, "prendre avec soi".

Je disais la même chose à Bardamu il y a peu.

Maintenant sur l'objectivité des lois sur la mathématique objective du réel je ne suis guère en accord avec vous .. mais bref ce n'est pas le sujet

jl hks

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Messagepar gnayoke » 08 mars 2012, 11:39

Maintenant sur l'objectivité des lois sur la mathématique objective du réel je ne suis guère en accord avec vous


Je ne comprends pas cette phrase

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Messagepar hokousai » 08 mars 2012, 13:08

à gnayoke

vous écriviez

"Dans la nature on retrouve des structures <b>qui sont les mêmes que les structures algébriques!</b> Jetez un oeil au lien entre théorie des groupes et cristallographie, à titre d'exemple. Les mathématiques questionne la nature d'une manière inattendue."
( mais ce n'est pas le sujet de ce fil )

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Messagepar philodingue » 08 mars 2012, 18:03

Je viens de survoler rapidement l"ensemble des contributions qui me semblent converger sur l'idée que le libre arbitre entendu , tout naturellement comme indétermination absolue du choix pour un homme quant la conduite de son existence factuelle est parfaitement impossible .

Avant toute chose il faudrait s'entendre sur l'essence du libre arbitre , car l'idée que la liberté de l'homme puisse s'évaluer dans une alternative réelle et concréte ,ainsi en caricaturant , dans la liberté de choix entre dessert et fomage est parfaitement superficielle .Or c'est bien à cette caricature limite qu'il est possible de réduire toutes les alternatives qu'offrent la vie concrète des individus qu'elle qu'en puissent être les conséquences dramatiques . Si j'offre ma vie pour sauver mon prochain
c'est un choix auquel mon éducation , ma morale , ou l'orgueil et l'honneur me contraindrait de même que mon goût pour le fromage me conduit à le choisir contre le dessert .Aucune différence de nature dans ces deux exercices d'une liberté appliquée.


Je pense que le problème du libre arbitre est mal posé y compris chez plus grands Spinoza ou Thomas .L'idée de choix , conduit immanquablement à la détermination et à la contrainte .
Spinoza essaie de passer par dessus le désespoir que cette conclusion entraîne dans une construction qui rappelle les positions du stoïcisme ancien .

Mais tout ceci est inutile il y a bien une LIBERTE DE L'HOMME un LIBRE ARBITRE il suffit pour cela d'acquérir une conception adéquate de ce dont il est question derrière ces idées qui persistent malgré toutes les theories déterministes et qui peuvent être abordées sous l'angle proprement existentiel de l'individu .

Etre libre c'est POUVOIR ETRE SOI MEME
Etre libre c'est aussi OSER ETRE SOI MEME

Posé ainsi la question du libre arbitre prend une toute autre tournure , ce n'est plus l'alternative concrète qui importe, mais le vécu de l'individu face aux contraintes de sa situation . C'est la vision de Paul dans ses epîtres et c'est pourquoi l'esclave peut y être plus libre que le maître

Bien sûr d'immenses questions s'ensuivent , quant à l'essence de ce pouvoir être soi-même .sa nature et son contour

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Messagepar gnayoke » 09 mars 2012, 10:58

Je pense qu'il ne faut pas confondre "liberté de l'homme" (au sens spinozien du terme) et libre arbitre. Le premier décrit un état d'esprit particulier, le second décrit l'impression qu'on a d'être l'unique cause de nos actes. Et il me semble que vous faites l'amalgame.

La question du libre arbitre est naturellement liée à celle du déterminisme.

Je suis cependant d'accord avec votre interprétation de la liberté spinozienne. être soi même. On a le sentiment d'être soi même lorsqu'on se sent dans un certain état d'équilibre. Cet équilibre résulte de la nature de notre interaction avec la nature, avec ce qui nous entoure, avec nous-même.

Un exemple concret:Lors d'un échange avec une connaissance, je me sens plus moi même quand je "comprends" cette personne. De manière générale, les situations d'énervement, de colère et autres viennent du fait de notre "incompréhension" de la situation. Si on fait l'effort de "comprendre" le problème, on se sent tout de suite "mieux", plus équilibré, plus en phase avec soi, plus soi-même. c'est donc un état d'ésprit qui vient de notre rapport à la Nature.
Pour être dans cet état il faut nécessairement comprendre la Nature


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