Faut-il parler le spinozien pour comprendre l'Ethique ?

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
aldo
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Re: Faut-il parler le spinozien pour comprendre l'Ethique ?

Messagepar aldo » 09 janv. 2016, 16:21

Vanleers a écrit :Poursuivons la lecture de l’article de Laurent Bove signalé dans le premier post de ce fil. A la fin du premier chapitre, il écrivait :

« Cette liberté que Spinoza conquiert vis à vis du langage, et qui est la liberté même de la pensée par rapport à l’ordre des signes dans lequel elle s’exprime et se communique, se comprend selon trois axes qui sont :
— sa conception épistémologique de la définition
— sa théorie ontologique de l’idée adéquate que cette conception suppose
— une sémiologie indépendante de la question de la vérité, conséquence des deux premiers points. »

Nous avons déjà examiné le premier axe, passons au second.

Il est clair que, selon Spinoza, ce que rappelle L. Bove, l’idée adéquate d’une chose qui se forme dans un esprit n’est pas une représentation de la chose mais la chose elle-même considérée sous l’angle de l’attribut Pensée.
Soulignons que ni un esprit, ni une idée, ni tout ce qui relève de l’attribut Pensée ne sont localisés. Seuls les corps, c’est-à-dire ce qui relève de l’attribut Etendue, sont localisés. Si un corps, à tel moment, est bien ici et non là-bas, par contre l’esprit, qui est l’idée de ce corps, n’est jamais nulle part. Quand on dit que l’esprit « a » l’idée adéquate d’une chose, c’est-à-dire que la chose elle-même est « dans » l’esprit, cela ne veut pas dire qu’elle y est comme la pomme est dans le panier.
Allons plus loin.
Lorsque Spinoza a une idée adéquate et la note sur un papier pour, progressivement, rédiger l’Ethique, il faut dire que c’est Dieu qui a cette idée, ce que souligne également L. Bove. C’est ce que démontre le corollaire d’E II 11 :

« De là suit que l’Esprit humain est une partie de l’intellect infini de Dieu ; et partant, quand nous disons que l’Esprit humain perçoit telle ou telle chose, nous ne disons rien d’autre sinon que Dieu, non en tant qu’il est infini mais en tant qu’il s’explique par la nature de l’Esprit humain, autrement dit en tant qu’il constitue l’essence de l’Esprit humain, a telle ou telle idée ; et quand nous disons que Dieu a telle ou telle idée non seulement en tant qu’il constitue la nature de l’Esprit humain, mais en tant qu’il a en même temps que l’Esprit humain également l’idée d’une autre chose, alors nous disons que l’Esprit humain perçoit une chose en partie, autrement dit de manière inadéquate. » (traduction Pautrat)

Si l’on admet que ce que dit l’Ethique relève de la connaissance du deuxième genre, alors toutes les idées que développe Spinoza sont adéquates. Ceci signifie que c’est Dieu qui a écrit l’Ethique, non pas Dieu en tant qu’il est infini mais Dieu en tant (Deus quatenus) qu’il s’explique par l’esprit de Spinoza.
Je pense que certains vont tomber de leur chaise. C’est ce que pensait déjà Spinoza qui écrivait dans le scolie qui suit le corollaire :

« A partir d’ici je ne doute pas que les lecteurs seront dans l’embarras et que bien des choses leur viendront à l’esprit qui les arrêteront, et c’est pourquoi je leur demande d’avancer avec moi à pas lents, et de ne pas porter de jugement avant d’avoir tout lu. »

Les premiers lecteurs furent horrifiés par le Dieu de Spinoza. S’ils l’avaient mieux compris, ils l’auraient été davantage comme peuvent l’être nos contemporains quand on leur dit que Spinoza est un prête-nom et que l’Ethique a été écrite par un certain Deus quatenus que personne n’a jamais vu.
Ajoutons, pour consoler les esprits chagrins, que l’Ethique est une doctrine du salut et que c’est Dieu lui-même qui vient nous sauver.
Alléluia

C'est reparti : "lorsque Spinoza a une idée adéquate, c'est Dieu qui à cette idée."

Donc si c'est une explication, elle ne sort jamais du texte lui-même : seul le texte explique le texte. En clair, il est question de cohérence du texte et de cela seul... comme dans l'ensemble de ce qui vous fait parler de "vérité" !

Spinoza est certes cohérent (enfin mon objet n'est pas de dire le contraire), mais en expliquant comme le fait le Larousse en ligne "Dieu" par le "sacré" et le "sacré" par "Dieu", on peut, c'est vrai, faire vaguement mieux comprendre Spinoza, c'est-à-dire son langage, mais c'est tout (et vous répondez ainsi déjà au questionnement de l'intitulé du fil).

Alors on voit bien que vous tentez d'expliquer ensuite le sens de l'idée adéquate, c'est-à-dire (et si je comprends bien et ayez s'il-vous-plaît la bonté de ne pas objecter que sur ce point) que celle-ci ne peut venir que d'une sorte de conscience de l'existence d'une cause ultime. Admettons. Mais vous n'arrivez pas à le faire clairement, c'est-à-dire qu'à chaque fois, vous mélangez donc le langage commun et sa logique et le spinozien et la sienne (qui ne sont certes pas deux logiques différentes). Dit autrement, vous faites la même erreur que le Larousse en ligne.
Là par exemple, vous voilà obligé, pour " faire comprendre" votre explication de l'idée adéquate, de faire intervenir ex nihilo une notion qu'il vous faudrait expliquer, à savoir d'admettre que "ce que dit l'Ethique relève du deuxième genre de connaissance""
Mais qui comprend ça si justement il ne comprend pas déjà le spinozien ?

Je soutiens donc que vous parlez français quand ça vous chante et spinozien quand ça vois sied... et que donc s'il est quelque part affaire de logique avec Spinoza, vous-même ne vous conformez à aucune sorte de cohérence de la façon dont vous vous y prenez, et que par conséquent, il vous faut sérieusement réfléchir à votre méthode avant que de poursuivre dans cette voie en inondant le forum de vos fils.

Au passage, je répète donc que vous cherchez à faire comprendre le langage de Spinoza... qui certes permet de comprendre l'Ethique. Bref la question du fil est réglée et non en suspens : oui, selon vous, il faut parler spinozien pour comprendre l'Ethique. La réponse était donc déjà faite au moment où la question fut posée.

Donc et bref, si l'on ne discute pas de la vraie question posée, à savoir si une philosophie peut être exprimée en langage commun, ce sera ma dernière participation à ce fil.

Amen

PS : en tombant d'une chaise, on tombe de mois haut qu'en tombant d'un piédestal, où là on tombe de toute la hauteur d'un homme (pardon, camarade 8-) )

NB : dans un souci de clarté, je me permets de reposer ici une question déjà posée : êtes-vous croyant, Vanleers ?

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Re: Faut-il parler le spinozien pour comprendre l'Ethique ?

Messagepar NaOh » 09 janv. 2016, 16:32

En gros : la vérité est une qu'elle se forme dans l'entendement infini ou dans l'esprit de Spinoza, c'est la même chose: à savoir il y a une pensée vraie. Il faut savoir évidemment que l'esprit humain n'est qu'une modification d'une substance pensante qui précisément pense la totalité de la Nature.

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Re: Faut-il parler le spinozien pour comprendre l'Ethique ?

Messagepar aldo » 09 janv. 2016, 16:35

Ouais ouais.
Croyez bien que je ne parle pas pour vous ou quiconque ici, mais désolé de faire valoir que c'est à partir de ce genre de théorie que tous les fascismes sont nés !

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Re: Faut-il parler le spinozien pour comprendre l'Ethique ?

Messagepar NaOh » 09 janv. 2016, 16:42

Vous voulez dire que la géométrie est....fasciste ?

Moi il me semble au contraire que les fascismes sont historiquement nés d'une promotion de l'irrationalisme et du culte de la force. Il est vrai que de nos jours la Raison est mal vue, on ne sait pas trop bien pourquoi. Je pense que si le monde était justement un peu plus raisonnable qu'il n'a coutume de l'être et bien le fascisme aurait plus de difficulté à s'implanter dans les esprits et à prospérer.

Quoiqu'il en soit Spinoza appartient à la tradition philosophique des Rationalistes pour lesquels la vérité est une valeur.

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Re: Faut-il parler le spinozien pour comprendre l'Ethique ?

Messagepar aldo » 09 janv. 2016, 16:52

Je parle du fascisme de la pensée, qui fait dire à certains qu'ils détiennent la vérité...
Ceux-là même qui en font taire d'autre.

(et je vous laisse méditer à cela)

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Re: Faut-il parler le spinozien pour comprendre l'Ethique ?

Messagepar Vanleers » 09 janv. 2016, 17:19

Avant de poursuivre, je donne à nouveau un extrait d’un ouvrage de Sylvain Zac que j’ai cité en :

viewtopic.php?f=14&t=1539

S. Zac écrit :

« Juif excommunié de la communauté juive, homme malade et pauvre, resté étranger parmi les chrétiens, persécuté par toutes les églises, Spinoza connaît l’inquiétude, qui, chez beaucoup, est ferment de vie religieuse. Mais, philosophe convaincu que la vérité régente toutes les valeurs, il refuse de s’accrocher à n’importe quel credo. Le vrai salut est solidaire de la connaissance vraie.
D’où ce problème : étant donné ce qui est le vrai monde et la vraie place de l’homme dans ce monde, y a-t-il une voie, si ardue qu’elle soit, pour accéder au vrai salut ?
Si les physiciens se bornent à décrire les lois nécessaires qui gouvernent les choses, le philosophe, soucieux de son salut par la connaissance vraie, doit aller plus loin et se demander quelle est la structure de l’Etre compatible avec la nouvelle physique.
Inutile de procéder à une déduction globale des choses, étant donné le but poursuivi. Comment d’ailleurs le philosophe pourrait-il effectuer ce que le physicien ne saurait faire. Spinoza reconnaît les limites de la connaissance humaine, mais pour savoir quels sont les moyens les plus sûrs que nous pouvons employer en vue de la conservation de notre propre être, est-il nécessaire de tout connaître ? Il suffit de décrire la nature de notre propre essence dans ses relations avec les autres essences, d’une part, et avec l’essence de l’Etre, d’autre part. » (p. 261)

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Re: Faut-il parler le spinozien pour comprendre l'Ethique ?

Messagepar NaOh » 09 janv. 2016, 19:24

aldo a écrit :Je parle du fascisme de la pensée


Moi je vous parlais du vrai fascisme, Mussolini, Hitler...pas d'un "fascisme de la pensée". Qu'est ce que c'est que ça d'ailleurs?

L'argumentation rationnelle est contraignante , mais c'est une contrainte partagée par les parties en présence et acceptée en tant que règle du jeu... Alors si toute contrainte est nécessairement "fascisante", les règles du jeu d'échec sont également "fascistes". Elles s'imposent en effet catégoriquement aux joueurs d'échecs.

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Re: Faut-il parler le spinozien pour comprendre l'Ethique ?

Messagepar aldo » 09 janv. 2016, 21:21

NaOh a écrit :
aldo a écrit :Je parle du fascisme de la pensée


Moi je vous parlais du vrai fascisme, Mussolini, Hitler...pas d'un "fascisme de la pensée". Qu'est ce que c'est que ça d'ailleurs?

L'argumentation rationnelle est contraignante , mais c'est une contrainte partagée par les parties en présence et acceptée en tant que règle du jeu... Alors si toute contrainte est nécessairement "fascisante", les règles du jeu d'échec sont également "fascistes". Elles s'imposent en effet catégoriquement aux joueurs d'échecs.

Désolé mais vous confondez encore beaucoup de choses, Naoh.

Qu'est-ce que le fascisme de la pensée ? Je viens de vous le dire : faire taire l'autre... et ça commence souvent déjà par refuser de prendre ce qu'il dit en considération, sous prétexte qu'on est persuadé de détenir "la vérité" (... et tous ces rapports de pouvoir qui semblent tant exciter les gens et qu'ils nous imposent à longueur de vie, le plus souvent pas même conscients de ce qu'ils font).
Désolé encore de me répéter : la vie (ou la philosophie, qui sait) vous apprendra ça... ou pas (moi j'ai passé l'âge).

La suite de ma réponse découle de ce que je viens de dire.
Vous parlez de règles d'un jeu où il serait question "d'argumentation rationnelle", alors que c'est bien Vanleers qui ne les suit pas puisqu'il ne répond pas à ce que je dis... et ce que je dis de façon parfaitement logique (j'ose à peine employer "mathématique" histoire de faire un bon mot en référence à d'autres echanges : je me retiens) :D !

Qu'y puis-je ? Rien.
Mais s'entendre dire que c'est moi-même qui n'argumenterait pas, ca peut faire rire ou hausser les épaules : nul doute que les gens qui lisent ce fil ne sont pas tous incapables de comprendre la simple logique que j'y ai déployé, et doivent attendre (dans un suspens insoutenable) comment l'ami Vanleers va se tirer de ce mauvais pas...

Est-il croyant ? Détient-il la vérité ?
Vous le saurez la semaine prochaine :enfin:


Moi je m'en vais de ce fil. J'ai dit ce que j'avais à dire.
(et si vous ne comprenez pas, tant pis... maintenant, si vous tenez encore à répondre, je peux continuer à vous expliquer les choses : j'ai plus de patience qu'Hokousai avec vous, j'ignore pourquoi !)

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Re: Faut-il parler le spinozien pour comprendre l'Ethique ?

Messagepar Vanleers » 09 janv. 2016, 21:49

A toutes fins utiles

« […] l’intention de l’ouvrage [l’Ethique] n’est pas en effet de susciter le commentaire, si savant, si brillant soit-il ; Spinoza, pas plus qu’Epicure, Epictète ou Lucrèce ou Sénèque, n’a écrit pour donner un jour prétexte à interrogations écrites ou à exhibitions doctorales, ni pour laisser une doctrine portant son nom. Son seul souci fut d’entraîner un lecteur sur la voie qu’il avait lui-même suivie, la seule qui lui parût certaine, la voie purement démonstrative de la raison, et de le conduire « comme par la main », à être enfin un homme heureux. Qui ne le souhaite ? L’Ethique entend donc nous démontrer (cette main est de fer) en quoi consiste la vie bonne, et, nous le démontrant, nous le faisant comprendre, nous y faire accéder (cette main est aussi généreuse). Mais dire que Spinoza voulait ainsi former, par la vertu de la seule lecture, non pas des « spinozistes » patentés, mais des gens heureux, des hommes et des femmes libres, c’est dire que doit être d’abord prise absolument au sérieux, non pas l’envahissante littérature secondaire, mais la chose même telle qu’elle se donne à lire : le traité de mathématique nommé Ethique démontrée selon l’ordre géométrique, d’un certain Spinoza, afin de voir si oui ou non, ce livre est vrai, si sa teneur en vérité, d’abord problématique, se confirme à la lecture, et si, chemin faisant, cette lecture, de fait, change le lecteur en homme, sinon heureux, tout du moins plus heureux. Lire l’Ethique comme un livre de mathématique contenant des vérités démontrées, que donc le lecteur sera contraint d’admette, plutôt que comme un livre de philosophie simplement déguisé en livre de mathématique, c’est donc aussi le prendre au sérieux comme éthique, et permettre à cette prodigieuse machine-à-bonheur de se mettre en route, et peut-être (il faut voir) de marcher. Et paradoxalement, il faut provisoirement croire à la scientificité de l’Ethique si l’on veut lui donner la chance d’accomplir, en chacun de nous, son destin. »
Bernard Pautrat – Avertissement de l’édition bilingue de l’Ethique (Seuil Essais 2010)

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Re: Faut-il parler le spinozien pour comprendre l'Ethique ?

Messagepar aldo » 10 janv. 2016, 11:13

Je vous cède donc la place, Vanleers...


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