Depuis que j'ai découvert l'opuscule de Philippe Borrell sur Spinoza, disponible à la page des téléchargements, je ne cesse de trouver de nouveaux trésors de synthèse qui me font voir la doctrine de Spinoza sous un angle nouveau. J'éprouve aussi une grande admiration pour l'éloquence de cet homme (à seulement 21 ans).
J'aimerais discuter avec vous le passage sur les passions dans le chapitre I, partie 4b (p. 14). L'auteur y soutient que les passions sont de pures coïncidences :
Philippe Borrell a écrit :Ma santé, bonne ou mauvaise, engendre mes passions. Jusqu’à présent il ne paraît pas que cela puisse être. Cela ne serait jamais si je tenais ma santé pour ce qu’elle est : pour un état de mon corps. Mais en même temps que j’éprouve telle sensation organique, je vois telle personne, je me livre à telle occupation. Ce sont là de pures coïncidences. Malgré tout, je veux raisonner sur ces faits où il n’y a nulle raison, et je dis que cette occupation, que cette personne sont cause de ma joie ou de ma tristesse : je dis alors que je les aime ou que je les hais.
[…]
Il arrive souvent que je ne sens pas l’état de mon corps ; mais il peut être secrètement malade ou fonctionner parfaitement sans que j’y prenne garde. Il suffit alors de la moindre impression pour qu’à son occasion je devienne conscient de l’état de mon corps. L’association des images est sans limite : tout est associé avec tout. Je crois que l’image est cause de ma santé : par exemple, j’imagine que Pierre est cause de ma joie ; je dis que j’aime Pierre. Que je sois moins bien portant et une autre association me représente Jacques voulant nuire à Pierre : je dis que je hais Jacques.
Mon amour, ma haine, seraient imputables à la pression atmosphérique ? Voilà qui serait merveilleux. Mais comment se fait-il que je m'attriste lorsque je repense à une offense qui m'a été faite ? Est-ce là une pure coïncidence ? Elle est pourtant systématique.
Ou alors, serait-ce la tristesse, provoquée par on ne sait quelle défaillance interne, qui me mènerait à penser à l'offense ? Par quelle mécanisme ?
Enfin, lorsque je me fais insulter par Jacques, c'est bien Jacques en tant que mode de l'Étendue, qui est la cause prochaine de ma tristesse. Ou bien là encore, serait-ce purement fortuit ?
Merci d'avance de vos éclairements.